CEDH, Note d’information sur l'affaire 54934/00, 29 juin 2006, 54934/00

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CEDH · 9 janvier 2017

Fiche thématique – Surveil ance de masse …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, 29 juin 2006, n° 54934/00
Numéro(s) : 54934/00
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 002-3236
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour No 88

Juillet-Août 2006

Weber et Saravia c. Allemagne (déc.) - 54934/00

Décision 29.6.2006 [Section III]

Article 8

Article 8-1

Respect de la correspondance

Respect de la vie privée

Surveillance à but stratégique de télécommunications, affaire faisant suite à l'affaire Klass c. Allemagne : irrecevable

En 1994, la loi du 13 août 1968 portant restriction du secret de la correspondance, des envois postaux et des télécommunications (Gesetz zur Beschränkung des Brief-, Post- und Fernmeldegeheimnisses) – « la loi G 10 » (voir Klass et autres c. Allemagne, arrêt du 6 septembre 1998, série A no 28) subit des modifications destinées à tenir compte de la surveillance stratégique des télécommunications, laquelle vise à recueillir des informations par l’interception de télécommunications en vue de l’identification et de la prévention de dangers graves pour la République fédérale d’Allemagne, par exemple une attaque armée sur son territoire, des attaques terroristes internationales et certaines autres infractions graves. Ces modifications consistèrent notamment à étendre les pouvoirs du service fédéral des renseignements (Bundesnachrichtendienst) relativement à l’enregistrement des télécommunications au cours d’une surveillance stratégique, à l’utilisation des données à caractère personnel ainsi recueillies et à leur transmission à d’autres autorités. La première requérante, ressortissante allemande, est une journaliste indépendante ; le deuxième requérant, ressortissant uruguayen, prenait les messages téléphoniques de la première requérante et les lui transmettait ensuite. En 1995, les requérants contestèrent les modifications devant la Cour constitutionnelle fédérale. Par un arrêt du 14 juillet 1999, la juridiction constitutionnelle déclara que le deuxième requérant n’avait pas qualité pour agir, mais elle retint en partie le recours de la première requérante. La requête concerne les autres griefs des requérants. Une nouvelle version de la loi G 10 entra en vigueur le 29 juin 2001.

Article 8 – Réitérant sa jurisprudence antérieure, la Cour note que la législation elle-même crée par sa simple existence, pour tous ceux auxquels on pourrait l’appliquer, une menace de surveillance entravant forcément la liberté de communication entre usagers des services des télécommunications et constituant par là en soi une ingérence dans l’exercice par les requérants de leurs droits garantis par l’article 8, quelles que soient les mesures prises dans les faits. La transmission de données à d’autres services, et leur utilisation par ceux-ci, ce qui élargissait le groupe des personnes ayant connaissance des données à caractère personnel interceptées et pouvait aboutir à des investigations sur la personne concernée, a constitué une ingérence séparée supplémentaire dans l’exercice par les requérants de leurs droits protégés par l’article 8. En outre, les dispositions litigieuses ont porté atteinte à ces droits dans la mesure où elles prévoyaient la destruction des données obtenues et le refus d’avertir les personnes concernées des mesures de surveillance prises ; cela permettait en effet aux autorités de cacher qu’elles avaient pris des mesures de surveillance méconnaissant les droits des requérants garantis par l’article 8. Quant à la question de savoir si ces ingérences étaient « prévues par la loi », la Cour rappelle que le terme « loi » au sens de la Convention renvoie au droit national, y compris les dispositions du droit international public applicable dans les Etats respectifs. S’agissant d’allégations selon lesquelles un Etat défendeur a méconnu le droit international en violant la souveraineté territoriale d’un Etat étranger, la Cour exige qu’il soit démontré devant elle, par des indices concordants, que les autorités de l’Etat défendeur ont procédé à l’étranger à des activités contraires à la souveraineté de l’Etat étranger, donc au droit international. Les dispositions litigieuses de la loi G 10 dans sa teneur modifiée autorisaient la surveillance des télécommunications internationales sans fil, c’est-à-dire des télécommunications non opérées par l’intermédiaire de lignes téléphoniques fixes mais, par exemple, par l’intermédiaire de relais satellites ou hertziens, et l’emploi des données ainsi obtenues. Des signaux émis depuis des pays étrangers étaient surveillés par des sites d’interception situés sur le sol allemand et les données recueillies étaient utilisées en Allemagne. Cela étant, la Cour estime que les requérants n’ont pas démontré, par des indices concordants, que les autorités allemandes, en adoptant et en appliquant les mesures de surveillance stratégique, ont procédé à des activités contraires à la souveraineté territoriale d’Etats étrangers, telle qu’elle est protégée par le droit international public. Quant à la base légale de la loi G 10 dans sa teneur modifiée, la Cour souscrit à l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, laquelle a estimé que la loi était conforme à la Loi fondamentale et n’a relevé aucun élément d’arbitraire dans son application. Quant à la qualité de la loi, la Cour estime, d’une part, que l’accessibilité du texte ne pose aucun problème et, d’autre part, que les dispositions litigieuses de la loi G 10, envisagées dans leur contexte législatif, renfermaient les garanties minimales contre une ingérence arbitraire, telle que définie par la jurisprudence de la Cour, et donnaient donc aux citoyens une indication adéquate quant aux circonstances et aux conditions dans lesquelles les autorités publiques étaient autorisées à recourir à des mesures de surveillance, ainsi qu’à l’étendue et aux modalités d’exercice du pouvoir discrétionnaire des autorités. Les « buts légitimes » poursuivis étaient la sécurité nationale et/ou la prévention du crime. Quant à la « nécessité, dans une société démocratique », des ingérences, la Cour reconnaît que les autorités nationales jouissent d’une marge d’appréciation relativement ample pour choisir les moyens de protéger la sécurité nationale. Néanmoins, la Cour doit se convaincre de l’existence de garanties adéquates et suffisantes contre les abus car un système de surveillance secrète destiné à protéger la sécurité nationale crée un risque de saper, voire de détruire, la démocratie au motif de la défendre. Quant à la surveillance stratégique en soi, la loi G 10 dans sa teneur modifiée avait certes élargi l’éventail des sujets de nature à faire l’objet d’une telle surveillance, mais les garanties contre les abus étaient énoncées de manière exhaustive et la Cour constitutionnelle fédérale les a en fait renforcées pour une infraction au moins. La Cour est convaincue qu’il existait une procédure administrative destinée à empêcher que les mesures fussent prises au hasard, irrégulièrement ou sans étude appropriée. Concernant la supervision et le contrôle des mesures de surveillance, le système était essentiellement le même que celui que la Cour avait jugé ne pas emporter violation de la Convention dans l’arrêt Klass et autres ; elle ne voit aucune raison de parvenir à une autre conclusion en l’espèce. Pour ce qui est de la transmission au gouvernement fédéral de données personnelles non anonymes recueillies par le service fédéral des renseignements, la Cour reconnaît que la communication de données personnelles – par opposition à des données anonymes – peut se révéler nécessaire. Les garanties additionnelles introduites par la Cour constitutionnelle fédérale, à savoir que les données personnelles contenues dans le rapport au gouvernement fédéral devaient être signalées et demeurer liées aux buts ayant justifié leur collecte, sont suffisantes pour limiter l’utilisation des informations obtenues à ce qui est nécessaire aux fins de la surveillance stratégique. Quant à la transmission de données personnelles, notamment aux offices de protection de la Constitution, la Cour constate que les infractions pour lesquelles cette communication était autorisée se limitaient à certaines infractions pénales graves expressément définies et que, conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, cette transmission, qui devait être consignée dans un procès-verbal, n’était possible que si des faits précis – par opposition à de simples indices – permettaient de soupçonner qu’une personne avait commis une telle infraction ; les garanties contre les abus, telles qu’elles avaient donc été renforcées par la Cour constitutionnelle fédérale, étaient adéquates. En ce qui concerne la destruction des données personnelles, il existait une procédure acceptable pour vérifier si toutes les conditions étaient réunies ; de plus, la Cour constitutionnelle fédérale a dit que les données qui demeuraient nécessaires aux fins d’une procédure judiciaire ne pouvaient pas être détruites immédiatement et a étendu les pouvoirs de supervision de la Commission G 10 à l’ensemble du processus d’utilisation des données, y compris leur destruction. Enfin, quant à la notification à donner aux personnes dont les communications avaient été surveillées, il fallait y procéder dès que possible sans compromettre le but de la surveillance ; les règles posées dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale empêchaient de se soustraire à l’obligation de notification, sauf dans les cas où les données étaient détruites dans les trois mois sans jamais avoir été utilisées. Manifestement mal fondé.

Article 10 – La première requérante soutient que la loi G 10 dans sa teneur modifiée a porté atteinte au travail des journalistes enquêtant sur des questions visées par les mesures de surveillance. Elle n’avait plus pu garantir que les informations qu’elle recevait dans le cadre de ses activités de journaliste demeuraient confidentielles. De l’avis de la Cour, la menace d’une surveillance a constitué une atteinte au droit de l’intéressée, en sa qualité de journaliste, à la liberté d’expression. Pour les raisons exposées sur le terrain de l’article 8, la Cour estime que cette atteinte était prévue par la loi et poursuivait un but légitime. Quant à la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, la Cour relève que la surveillance stratégique ne visait pas les journalistes ; de manière générale, les autorités ne découvraient que lors de l’examen, le cas échéant, des télécommunications interceptées que les conversations d’un journaliste avaient été surveillées. Plus particulièrement, les mesures de surveillance ne visaient pas à découvrir des sources journalistiques. L’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression qu’a constituée la surveillance stratégique ne saurait dès lors être qualifiée de particulièrement grave. Certes, les dispositions litigieuses de la loi G 10 dans sa teneur modifiée ne renfermaient pas de dispositions spéciales protégeant la liberté de la presse et, notamment, prémunissant les journalistes contre la divulgation de leurs sources dès lors que les autorités découvraient qu’elles avaient intercepté la conversation d’un journaliste. Toutefois, eu égard à ses constats au regard de l’article 8, la Cour observe que les dispositions litigieuses contenaient de nombreuses garanties qui permettaient de limiter les violations du secret des télécommunications – et donc les atteintes à la liberté de la presse – à ce qui était nécessaire pour atteindre les buts légitimes poursuivis. En particulier, les garanties qui permettaient de veiller à ce que les données obtenues ne fussent utilisées que pour prévenir certaines infractions pénales graves doivent également passer pour adéquates et effectives pour maintenir la divulgation des sources journalistiques à un minimum inévitable. Manifestement mal fondé.

Article 13 – Aucun grief défendable sur le terrain des articles 8 et 10 ; l’article 13 n’est donc pas applicable. Manifestement mal fondé.

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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