CEDH, Note d’information sur l'affaire 65542/12, 11 juin 2013, 65542/12

  • Immunités·
  • Nations unies·
  • Pays-bas·
  • Cour suprême·
  • Droit international·
  • Renvoi préjudiciel·
  • Fondation·
  • Bosnie-herzégovine·
  • Droit d'accès·
  • Génocide

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, 11 juin 2013, n° 65542/12
Numéro(s) : 65542/12
Type de document : Note d'information
Organisations mentionnées :
  • Cour de justice de l'Union européenne
  • Cour internationale de Justice
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Inadmissible
Identifiant HUDOC : 002-7605
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour No 164

Juin 2013

Stichting Mothers of Srebrenica et autres c. Pays-Bas (déc.) - 65542/12

Décision 11.6.2013 [Section III]

Article 6

Procédure civile

Article 6-1

Accès à un tribunal

Refus des juridictions néerlandaises d’examiner un recours contre les Nations unies concernant le massacre de Srebrenica : irrecevable

En fait – Les requérants sont une fondation de droit néerlandais créée pour introduire une procédure au nom de proches de victimes du massacre de Srebrenica perpétré en 1995, et dix ressortissants de la Bosnie-Herzégovine, qui sont des parents survivants de victimes de ce massacre. Celui-ci eut lieu pendant la guerre de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine, l’armée de la Republika Srpska (VRS) ayant attaqué la ville de Srebrenica (Bosnie orientale) et ses environs qui étaient alors « zone de sécurité » déclarée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Plus de 7 000 musulmans bosniens périrent au cours de l’opération qu’un bataillon, en sous-effectif et sous-équipé, de la force de protection de l’ONU (FORPRONU), constitué de soldats néerlandais peu armés, ne réussit pas à stopper. En outre, malgré une demande d’aide aérienne du commandant de la force, l’ONU n’eut pas recours de façon décisive aux forces aériennes.

Les requérants engagèrent une action civile contre l’Etat néerlandais et l’ONU devant un tribunal régional aux Pays-Bas, mais en juillet 2008 le tribunal déclara que l’Etat néerlandais n’avait aucune obligation au regard du droit international de faire respecter l’interdiction du génocide dans sa législation civile et se déclara en outre incompétent en ce qui concerne l’ONU. Le 13 avril 2012, la Cour suprême néerlandaise confirma que les dispositions applicables, en particulier la Charte des Nations unies et la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies, conféraient une importante immunité à l’ONU, laquelle ne pouvait être citée devant les juridictions nationales des Etats parties à cette convention. La juridiction suprême déclara en particulier que l’immunité de l’ONU était absolue et avait pour but d’assurer le fonctionnement de l’organisation en toute indépendance. La procédure principale dirigée contre l’Etat néerlandais fut ensuite reprise. Elle était toujours pendante à la date à laquelle la Cour a rendu sa décision.

Dans leur requête à la Cour, les requérants alléguaient notamment que l’octroi de l’immunité à l’ONU avait emporté violation de leur droit d’accès à un tribunal, au mépris de l’article 6 de la Convention. Ils se plaignaient en outre du rejet, par la Cour suprême néerlandaise, à l’issue d’un raisonnement sommaire, de leur demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne.

En droit – Article 6 § 1

a)  Qualité pour agir de la fondation requérante – Tout en ayant pour but la défense des intérêts de parents survivants de victimes du massacre de Srebrenica, la fondation requérante n’a pas été directement touchée par les faits dont elle se plaint sur le terrain des articles 6 et 13 et ne peut donc pas se prétendre « victime » d’une violation de ces dispositions aux fins de l’article 34 de la Convention.

Conclusion : requête irrecevable pour autant qu’elle concerne la fondation requérante (incompatibilité ratione personae).

b)  Immunité de l’ONU – La Cour observe que l’affaire dont elle se trouve saisie se limite à la question de savoir s’il y a eu violation dans le chef des autres requérants du droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 du fait des décisions des tribunaux néerlandais. Ni l’attribution des responsabilités pour le massacre de Srebrenica ni ses conséquences ne relèvent de l’objet de la requête.

Quant à la nature de l’immunité dont jouit l’ONU, la Cour note qu’il ne lui appartient pas d’interpréter, par voie d’autorité, le sens des dispositions de la Charte de l’ONU et d’autres instruments internationaux. Elle doit néanmoins examiner si ces textes fournissent une base plausible pour les questions soulevées devant elle. De l’avis de la Cour, les opérations menées sous mandat d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies étant fondamentales pour la mission de maintien de la paix et de la sécurité internationales dont est investie l’Organisation, la Convention ne peut être interprétée de telle sorte qu’elle soumettrait les actions et omissions du Conseil de sécurité à une juridiction nationale en l’absence d’une décision de l’ONU en ce sens. Faire relever ces opérations de la compétence des juridictions nationales reviendrait en effet à permettre à n’importe quel Etat d’intervenir, par l’intermédiaire de ses tribunaux, dans l’accomplissement d’une mission essentielle de l’ONU dans ce domaine, et notamment d’entraver la conduite efficace de ses opérations.

En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel l’immunité protégeant l’ONU doit être levée, étant donné que leur action avait pour origine un acte de génocide pour lequel ils tiennent l’ONU (et les Pays-Bas) pour responsable, la Cour estime que le droit international ne permet pas de dire qu’une action civile devrait l’emporter sur l’immunité de juridiction pour la seule raison que l’action repose sur une allégation faisant état d’une violation particulièrement grave d’une norme de droit international. La Cour internationale de justice (CIJ) l’a clairement dit en ce qui concerne l’immunité souveraine des Etats étrangers dans son arrêt récent Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant) du 3 février 2012. De l’avis de la Cour, cela vaut également en ce qui concerne l’immunité de l’ONU.

Quant à l’argument relatif à l’absence d’autres juridictions compétentes pour connaître de l’action des requérants contre l’ONU, la Cour admet qu’aucun autre recours n’existe en droit national néerlandais ou dans le cadre du droit des Nations unies. Toutefois, il ne s’ensuit pas qu’en l’absence d’autre recours la reconnaissance de l’immunité soit ipso facto constitutive d’une violation du droit d’accès à un tribunal. Le fait que l’ONU n’ait jusqu’à présent prévu aucun autre mode de règlement concernant des allégations relatives aux actions et omissions de la FORPRONU n’est pas imputable aux Pays-Bas et, dans les circonstances de l’espèce, l’article 6 de la Convention ne leur impose pas d’intervenir.

Enfin, la Cour estime qu’il convient d’examiner sous l’angle de l’article 6 plutôt que sur le terrain de l’article 13 le grief des requérants selon lequel l’Etat néerlandais cherche à imputer à l’ONU l’entière responsabilité pour n’avoir pas empêché le massacre de Srebrenica, tentant ainsi de s’exonérer de sa responsabilité. La Cour ne peut tenir pour établi que l’action dirigée par les requérants contre l’Etat néerlandais – procédure toujours pendante – échouera forcément.

En conclusion, la Cour estime que l’octroi de l’immunité à l’ONU poursuit un but légitime et n’est pas disproportionné.

Conclusion : irrecevable (défaut manifeste de fondement).

La Cour écarte également pour défaut manifeste de fondement le grief des requérants concernant le rejet, par la Cour suprême des Pays-Bas, à l’issue d’un raisonnement sommaire, de leur demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne. Elle estime en particulier que, ayant conclu que l’ONU jouissait de l’immunité devant les tribunaux nationaux en vertu du droit international, la Cour suprême était en droit de juger, sans approfondir la question, qu’un renvoi préjudiciel était inutile.

Conclusion : irrecevable (défaut manifeste de fondement).

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

Cliquez ici pour accéder aux Notes d'information sur la jurisprudence

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Note d’information sur l'affaire 65542/12, 11 juin 2013, 65542/12