CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 28216/09, 12 octobre 2011

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 12 oct. 2011
Type de document : Communiqués de presse
Organisation mentionnée :
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-3706690-4228192
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Sur les parties

Texte intégral

L'indemnité d'expropriation versée aux propriétaires de la grotte chauvet compatible avec la Convention

Dans sa décision en l’affaire Helly et autres c. France (requête no 28216/09) la Cour européenne des droits de l’homme déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable. Cette décision est définitive.

Principaux faits

Les 14 requérants sont des ressortissants français, propriétaires, usufruitiers ou héritiers de parcelles de terrains en Ardèche, situés sur le territoire de Vallon Pont d'Arc, dans le périmètre du site classé des abords du Pont d'Arc (France).

Le 18 décembre 1994, trois spéléologues découvrirent, sous ces terrains, une grotte ornée de dessins, peintures et gravures remontant à 30 000 ans environ, dans un état de remarquable conservation. Découverte archéologique de tout premier ordre, cette grotte, désormais connue sous le nom de « grotte Chauvet », est unique et d'une importance mondiale. C'est l'un des plus grands chefs d'oeuvre de l'art préhistorique.

Des mesures de protection furent aussitôt prises pour protéger rigoureusement le site. En janvier 1995, des arrêtés préfectoraux interdirent l'accès de la grotte et autorisèrent l'Etat à occuper les terrains pendant 5 ans.

L'Etat proposa d'abord aux propriétaires d'acquérir les terrains à l'amiable. En l'absence d'accord, il engagea une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Afin de déterminer l'indemnisation, l'Etat saisit le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Privas.

Dans son jugement du 4 février 1997, le juge de Privas rappela que les biens devaient être estimés selon leur usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique. Il en déduisit que l'indemnité devait être limitée au prix du terrain, c'est-à-dire aux montants proposés par l'Etat, à savoir un montant global de 31 730 francs (4837,28 euros).

La cour d'appel de Nîmes confirma le jugement. Sur pourvoi des propriétaires, la Cour de cassation cassa et annula cet arrêt, jugeant que les « indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ».

La cour d'appel de Toulouse condamna l'Etat à payer une indemnité totale de 87 500 000 francs (11 339 289,20 euros). Dans son arrêt, elle retint que le site était qualifié de « chapelle Sixtine » ou de « cathédrale » de la préhistoire. Pour évaluer le préjudice, elle avança qu'il fallait chercher quelle aurait été la situation des propriétaires s'ils n'avaient pas été expropriés.

Saisie par l'Etat, la Cour de cassation cassa et annula l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, et renvoya cause et parties devant la Cour d'appel de Lyon. Le 10 mai 2007, cette dernière confirma que la présence de la grotte Chauvet devait bien être prise en considération dans la détermination du montant de l'indemnité. Elle retint comme base de calcul la grotte de Lascaux qui avait été évaluée à 1 100 000 de francs lors de sa cession en 1972 à l'Etat. Elle fixa l'indemnité principale à 613 652,50 euros, complétée d'une indemnité de réemploi de 153 413,13 euros, soit une indemnité fixée au total à 767 065,63 euros.

Griefs, procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 15 mai 2009.

Invoquant l’article 1 du Protocole 1 (protection de la propriété), les requérants se plaignaient du montant de l'indemnisation versée en compensation de l'expropriation de leurs biens, jugée sans rapport avec la valeur de ceux-ci.

La décision a été rendue par une chambre de sept juges composée de :

Dean Spielmann (Luxembourg), président,

Elisabet Fura (Suède),

Jean-Paul Costa (France),

Boštjan M. Zupančič (Slovénie),

Isabelle Berro-Lefèvre (Monaco),

Ann Power-Forde (Irlande),

Angelika Nußberger (Allemagne), juges,

ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section.

Décision de la Cour

Article 1 du Protocole 1

Les requérants jugent que l'indemnisation qui leur a été versée en compensation de l' expropriation est inadéquate si l'on considère la valeur exceptionnelle du bien en question.

La Cour a déjà eu l'occasion de souligner que la préservation du patrimoine historique et culturel constitue un but légitime propre à justifier une expropriation. Elle rappelle ensuite qu'une mesure portant atteinte au droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre l'intérêt général de la communauté et l'impératif de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive si elle ne s'accompagne pas du versement d'une somme en rapport avec la valeur des biens expropriés. Un défaut total d'indemnisation ne saurait se justifier que dans des circonstances exceptionnelles, cependant, des objectifs légitimes « d'utilité publique » - dont la protection du patrimoine historique et culturel - peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur desdits biens.

La Cour constate que le juge de l'expropriation n'a pas fixé l'indemnité sur la base de la seule valeur vénale des terrains, mais qu'il a pris en compte la plus value générée par la présence de la grotte, prenant à cet effet pour référence la valeur (actualisée) de la grotte de Lascaux cédée à l'Etat en 1972. Elle souligne que, s'il est vrai que la valeur marchande des biens doit en principe servir de base à la détermination de l'indemnisation, il faut prendre en compte le fait qu’eu égard à l’impératif de sa protection, inhérente à ses caractéristiques exceptionnelles, ainsi qu’aux contraintes légales dans lesquelles elle se trouve de ce fait insérée, la grotte Chauvet ne se prête pas à une évaluation marchande stricto sensu. Elle constate de plus que les indemnités ont été fixées à l’issue d’une procédure assurant une appréciation globale des conséquences de l’expropriation  dans le cadre de laquelle les intéressés ont dûment été en mesure de défendre leurs droits et que le juge de l’expropriation a à cette fin mis en œuvre des critères qui n’apparaissent pas arbitraires.

La Cour en déduit que l'Etat n'a pas outrepassé sa marge d'appréciation et que les expropriés ont obtenu une somme raisonnablement en rapport avec la valeur des biens dont ils ont été dépossédés.

La décision n’existe qu’en français.

Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci, peuvent être obtenus sur son www.echr.coe.int. Pour s’abonner aux communiqués de presse de la Cour, merci de s’inscrire aux fils RSS de la Cour.

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Kristina Pencheva-Malinowski (tel: + 33 3 88 41 35 70)

Nina Salomon (tel: + 33 3 90 21 49 79)

La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.

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