CJCE, n° C-20/59, Arrêt de la Cour, République italienne contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 15 juillet 1960

  • Pouvoir normatif explicite de la haute autorité·
  • Pouvoir normatif implicite de la haute autorité·
  • Communauté européenne du charbon et de l'acier·
  • Constatation 4 . obligations des états membres·
  • Absence 3 . obligations des états membres·
  • Ceca - contentieux * contentieux·
  • Compétence de la haute autorité·
  • Ceca - transports * transports·
  • Manquement a une obligation·
  • Absence 2 . transports

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 juill. 1960, Italie / Haute Autorité, C-20/59
Numéro(s) : C-20/59
Arrêt de la Cour du 15 juillet 1960. # République italienne contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. # Affaire 20-59.
Date de dépôt : 4 avril 1959
Solution : Recours en annulation : obtention
Identifiant CELEX : 61959CJ0020
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1960:33
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Sur les parties

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Avis juridique important

|

61959j0020

Arrêt de la cour du 15 juillet 1960. – république italienne contre haute autorité de la communauté européenne du charbon et de l’acier. – affaire 20-59.


Recueil de jurisprudence
Édition française page 00663
Édition néerlandaise page 00683
Édition allemande page 00683
Édition italienne page 00641
Édition spéciale anglaise page 00325
Édition spéciale danoise page 00189
Édition spéciale grecque page 00497
Édition spéciale portugaise page 00491
Édition spéciale espagnole page 00353


Sommaire

Parties

Objet du litige

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 . transports – tarifs – publicite – pouvoir normatif explicite de la haute autorite – absence

( traite c.E.c.A . , art . 70 )

2 . transports – tarifs – publicite – pouvoir normatif implicite de la haute autorite – absence

( traite c.E.c.A . , art . 70 , art . 60 )

3 . obligations des etats membres – manquement a une obligation – competence de la haute autorite – constatation

( traite c.E.c.A . , art . 88 )

4 . obligations des etats membres – manquement a une obligation – interpretation stricte de l ' article 88

5 . obligations des etats membres – manquement a une obligation – notion

( traite c.E.c.A . , art . 88 )

Sommaire


1 . si , pour la publication des baremes des prix et conditions de vente appliques sur le marche commun , le traite a expressement investi la haute autorite d ' un pouvoir normatif , prevoyant meme le controle du comite consultatif , l ' absence dans l ' article 70 de toute prevision ad hoc demontre que , dans le domaine des transports , le traite refuse a la haute autorite tout pouvoir explicite de decision d ' execution .

2 . ni les textes ni l ' economie generale du traite ne conferent a la haute autorite un pouvoir normatif implicite en matiere de publicite des tarifs de transport .

La publicite obligatoire des prix n ' a pas pour corollaire la publicite des tarifs de transport . les termes « prix et conditions de vente » de l ' article 60 se referent seulement aux prix et conditions de vente de la marchandise et non pas a ceux du transport , les frais de transport ne constituant pour le vendeur qu ' un element de son prix de revient , qu ' il n ' est pas oblige de rendre public .

Il n ' est pas possible non plus de conclure des competences generales de la haute autorite en matiere de controle des discriminations a une correlation organique et fonctionnelle entre l ' obligation de publier les prix des produits et celle de publier les couts des transports . la haute autorite n ' est pas habilitee , en vertu de ces competences , a exercer un pouvoir de decision consacrant un controle anticipatif par la prescription de la publicite des baremes ou des prix , son pouvoir normatif en la matiere etant exceptionnel et subordonne a une renonciation des etats membres que le traite ne consacre ni expressement ni implicitement dans le domaine de la publicite des tarifs de transport .

3 . l ' article 88 ne confere pas a la haute autorite une competence reglementaire parallele a la competence de droit commun du traite . la haute autorite ne peut donc se baser sur cette disposition pour prendre a l ' egard des etats membres des decisions creant des obligations . la decision motivee visee par l ' article 88 n ' a pour objet que la constatation de manquements a des obligations decoulant soit d ' une disposition imperative du traite , soit d ' une decision ou d ' une recommandation anterieures a l ' application de cet article .

4 . l ' article 88 ouvre des voies d ' execution et constitue l ' ultima ratio permettant de faire prevaloir les interets communautaires consacres par le traite contre l ' inertie et contre la resistance des etats membres . l ' article 88 est partant de stricte interpretation .

5 . la constatation du manquement d ' un etat membre a une obligation imposee par le traite ne peut , dans une matiere comme la publicite des transports , ou la haute autorite ne possede pas de pouvoir normatif , porter sur les moyens indiques par la haute autorite pour atteindre le but propose , mais seulement sur le manquement dans l ' atteinte de ce but .

Parties


Dans l ' affaire

Gouvernement de la republique italienne ,

Represente par m . le professeur riccardo monaco , chef du contentieux diplomatique du ministere des affaires etrangeres , en qualite d ' agent ,

Assiste par me pietro peronaci , substitut-avocat general de l ' etat ,

Avec domicile elu a l ' ambassade d ' italie a luxembourg , partie requerante ,

Contre

Haute autorite de la communaute europeenne du charbon et de l ' acier ,

Representee par son conseiller juridique , le docteur mario berri , en qualite d ' agent ,

Assiste par m . le professeur arturo carlo jemolo , avocat a la cour de cassation italienne ,

Avec domicile elu a son siege , 2 , place de metz a luxembourg , partie defenderesse ,

Objet du litige


Ayant pour objet l ' annulation de la decision no 18-59 du 18 fevrier 1959 , publiee au journal officiel des communautes europeennes du 7 mars 1959 ( p . 287 et s . ) , relative a la publication ou a la communication a la haute autorite des baremes , prix et dispositions tarifaires de toute nature , appliques aux transports routiers de charbon et d ' acier effectues a l ' interieur de la communaute pour compte d ' autrui ,

Motifs de l’arrêt


P . 686

I . – attendu qu ' il convient avant tout progres en cause d ' examiner la base legale de la decision entreprise ( 1 ) et la procedure qui a mene a sa promulgation ( 2 ) ;

1 ) que la base legale de la decision apparait a la lumiere de son intitule qui porte qu ' elle est « relative a la publication ou a la communication a la haute autorite des baremes , prix et dispositions tarifaires de toute nature , appliques aux transports routiers de charbon et d ' acier effectues a l ' interieur de la communaute pour compte d ' autrui » , reproduisant ainsi les termes de l ' alinea 3 de l ' article 70 du traite instituant la communaute europeenne du charbon et de l ' acier dont elle entend reglementer l ' execution ;

Que ses motifs indiquent egalement que c ' est l ' execution de cet article qui constitue l ' objet de la decision ;

2 ) qu ' en la forme , la decision se presente comme une application de l ' article 88 , alinea 1 , et s ' identifie a la decision motivee par laquelle la haute autorite , conformement a cette disposition , est habilitee a constater dans le chef d ' un etat membre un manquement a une des obligations qui lui incombent en vertu du traite ;

Ii . – attendu que , partant , depouille des moyens accessoires invoques de part et d ' autre par les parties litigantes , le probleme central souleve par le recours en annulation de la decision no 18-59 est de savoir , ( a ) quant au fond , quels sont les pouvoirs de reglementation auxquels la haute autorite peut pretendre en matiere de transport sur la base de l ' article 70 , alinea 3 , ( b ) quant a la forme , de savoir si l ' article 88 , choisi par la haute autorite pour faire valoir de tels pouvoirs , peut etre legalement utilise a ces fins et , ( c ) le cas echeant , si cet article a ete applique selon les regles prescrites ;

A – attendu que si le traite instituant la communaute europeenne du charbon et de l ' acier contient des normes susceptibles – comme les regles posees par le legislateur national – d ' etre executees immediatement dans les etats membres , cette execution s ' imposant de plein droit comme suite a leur reception dans le droit des pays membres par la ratification du traite , d ' autres dispositions du traite , par contre , exigent des mesures d ' execution prealables a leur application ;

P . 687

Que tel est le cas pour l ' alinea 3 de l ' article 70 du traite qui , s ' il etablit en matiere de transport une regle concrete valable aussi bien pour les etats membres que pour la haute autorite , necessite pour son application aux justiciables de la communaute europeenne du charbon et de l ' acier des mesures d ' execution prealables ;

Qu ' a l ' egard de ces dernieres il convient de rechercher si le traite attribue une competence reglementaire a la haute autorite soit expressis verbis ( 1 ) , soit tacitement ( 2 ) ;

1 . attendu que du texte de l ' article 70 , alinea 3 , il ressort que « les baremes , prix et dispositions tarifaires de toute nature appliques aux transports de charbon et d ' acier a l ' interieur de chaque etat membre et entre les etats membres sont publies ou portes a la connaissance de la haute autorite » ;

Qu ' il faut donc constater que ces prescriptions sont muettes tant en ce qui concerne les modalites de leur application que les mesures d ' execution qu ' elles supposent et que tres certainement elles n ' attribuent a la haute autorite aucun pouvoir de prendre des decisions a cet effet ;

Que d ' ailleurs une comparaison entre l ' article 70 , alinea 3 , et les dispositions de l ' article 60 , paragraphe 2 , a , revele que , dans une matiere parallele , le traite a assorti l ' obligation de publication prevue a l ' article 60 du pouvoir accorde a la haute autorite de pourvoir a son application en prescrivant que cette publication doit se faire « dans la mesure et dans les formes prescrites par la haute autorite , et apres consultation du comite consultatif » ;

Qu ' on doit voir dans le fait que pour la publication des baremes des prix et conditions de vente appliques sur le marche commun le traite a expressement investi la haute autorite d ' un pouvoir normatif , prevoyant meme le controle du comite consultatif , la preuve de l ' importance qu ' il attribue a la matiere et a sa reglementation par la haute autorite ;

P . 688

Que l ' absence de toute prevision ad hoc a l ' article 70 demontre au contraire que , dans le domaine des transports , le texte du traite refuse a la haute autorite tout pouvoir de decision d ' execution ;

2 . attendu qu ' en presence de l ' attitude divergente adoptee par le traite au regard de deux situations pourtant paralleles il convient encore de rechercher si une competence normative de la haute autorite ne derive pas implicitement d ' autres textes du traite ( a ) ou de son economie en general ( b ) ;

Qu ' en effet la doctrine et la jurisprudence sont d ' accord pour admettre que les regles etablies par un traite impliquent les normes sans lesquelles ces regles ne peuvent etre appliquees utilement ou raisonnablement ;

A ) attendu qu ' en l ' espece la haute autorite soutient en premier lieu que les dispositions de l ' article 60 , paragraphe 2 , a , ordonnant la publicite des baremes des prix et conditions de vente des produits relevant de la communaute europeenne du charbon et de l ' acier postuleraient implicitement la publication des baremes , prix et dispositions tarifaires appliques aux transports de ces memes produits ;

Que , d ' apres la haute autorite , sans cette derniere publication , la publicite des prix s ' avererait inoperante et sans utilite pour les interesses ;

Que ceux-ci , pour etre en mesure d ' aligner leurs prix et de soutenir une saine concurrence , ne pourraient rester dans l ' ignorance du facteur important que constituent les prix des transports dans l ' etablissement de leurs offres sur le marche commun ;

Que , selon cette these , l ' obligation de publier les prix a pour corollaire la publicite des tarifs de transport et que cette obligation decoule implicitement des notions de « prix » et de « conditions de vente » visees a l ' article 60 ;

P . 689

Attendu qu ' en droit et en fait il est inexact qu ' a l ' article 60 les termes « prix » et « conditions de vente » englobent ceux de la marchandise et ceux du transport ;

Qu ' en effet le vendeur ne peut etre tenu que de publier ses propres prix et non pas les prix appliques par une entreprise de transport ;

Que , dans la mesure ou il incomberait au vendeur de payer le fret au transporteur , il s ' agirait d ' un element du prix de revient du vendeur ;

Que le vendeur n ' est pas tenu de rendre publics les elements de son prix de revient ;

Attendu que l ' argumentation de la haute autorite , tiree de l ' indispensable prealable que constituerait la publication des tarifs de transport en raison de la necessite de connaitre les prix , est au demeurant contredite par sa propre attitude a l ' egard de l ' article 60 , paragraphe 2 , a ;

Qu ' en effet , en procedant a la reglementation de l ' etendue et des formes prescrites pour la publication des baremes des prix et conditions de vente , si le point de vue qu ' elle defend actuellement etait exact , c ' est-a-dire si le prix de vente englobait celui du transport , elle aurait pu prevoir dans les decisions afferentes ( nos 3-53 , 30-53 , 31-53 , 1 – 3-54 ) le cout des transports comme element du prix ;

Qu ' elle ne l ' a pourtant pas fait ;

Que , s ' il est vrai que dans les « communications » dont elle a fait suivre certaines des decisions prementionnees portant sur la publicite des prix la haute autorite se refere aux couts de transport , elle le fait cependant seulement pour l ' alignement des prix de l ' acier sur le prix rendu par une autre entreprise et que , meme dans cette hypothese , elle fait intervenir le prix reellement debourse qui ne necessite pas une publication anticipee , mais comporte un controle a posteriori ;

P . 690

B ) attendu que , d ' un autre point de vue , il n ' est pas non plus possible de conclure du principe de base du traite qui , s ' il garantit la liberte economique dans le domaine de la concurrence , n ' en tend pas moins a en restreindre les abus par la defense de toute discrimination – defense dont le controorrelation organique et fonctionnelle entre l ' obligation de publier les prix des produits et celle de publier les couts des transports ;

Qu ' en effet , s ' il est exact qu ' en vertu d ' un principe general , consacre d ' ailleurs quant aux transports par l ' article 70 , le controle des discriminations et une action repressive a leur egard incombent a la haute autorite , on ne peut cependant deduire de ce principe une habilitation de celle-ci a exercer un pouvoir de decision consacrant un controle prealable par la prescription de la publicite des baremes ou des prix , une telle competence etant exceptionnelle et subordonnee a une renonciation des etats membres qu ' en l ' espece le traite ne consacre ni expressement ni implicitement ;

Qu ' il faut donc denier a la haute autorite un pouvoir d ' execution des prescriptions de l ' article 70 , alinea 3 , par voie de decision ;

B – attendu que si l ' article 70 , alinea 3 , n ' accorde a la haute autorite pour l ' execution de ses previsions ni expressement ni implicitement un pouvoir de decision il convient encore d ' examiner si l ' article 88 du traite , auquel elle a eu recours , pouvait legalement etre applique a ces fins ;

Attendu qu ' aux termes de l ' article 14 du traite la haute autorite « pour l ' execution des missions qui lui sont confiees . . . prend des decisions ( et ) formule des recommandations . . . » ;

Que les formes d ' exercice de son pouvoir executif se trouvent donc definies et circonscrites par cette disposition , en ce sens que l ' exercice du pouvoir reglementaire , au cas ou il compete a la haute autorite , s ' opere par le moyen de decisions qui sont « obligatoires en tous leurs elements » , tandis que dans le cas ou ce pouvoir reglementaire lui est refuse et demeure reserve aux etats , la haute autorite , si elle desire rappeler aux etats leurs obligations , peut uniquement recourir a une recommandation , sans pouvoir leur imposer d ' emblee son propre choix quant aux moyens ;

P . 691

Que ni le texte , ni l ' economie de l ' article 88 ne permettent a la haute autorite de s ' emparer de ses previsions pour exercer une competence reglementaire parallele a la competence de droit commun du traite , qui doit etre exercee dans les formes mises a sa disposition par l ' article 14 ;

A ) attendu , en effet , que les termes de l ' article 88 n ' attribuent a la haute autorite que le pouvoir de constater le manquement d ' un etat a une obligation que lui impose le traite ;

Que cette obligation doit decouler , soit d ' une disposition imperative , soit d ' une decision ou d ' une recommandation anterieures a l ' application de cet article ;

Que la « decision motivee » que vise l ' article 88 , alinea 1 , ne peut avoir pour objet que la seule constatation du manquement , excluant toute portee reglementaire propre ;

Que soutenir le contraire equivaudrait a reconnaitre a la haute autorite un pouvoir reglementaire exorbitant du droit commun vis -a-vis des seuls etats membres ;

Attendu que la motivation prescrite par l ' alinea 1 de l ' article 88 doit justifier la constatation du manquement et que le delai qui y est prevu fixe la limite de temps dans laquelle doit etre assuree l ' execution non pas d ' une obligation creee par la decision prise sur la base de cet article , mais d ' une obligation preexistante a la decision ;

Que s ' il etait permis d ' assimiler la « decision » visee a l ' article 88 a une decision au sens de l ' article 14 , par laquelle la haute autorite execute les missions a elle confiees , on s ' expliquerait mal pourquoi une regle prescrite en vertu de l ' article 88 serait susceptible d ' un recours de pleine juridiction , permettant d ' invoquer l ' invocation de tous moyens tires non seulement de la legalite , mais encore de toutes causes justificatives du defaut d ' execution , alors que les decisions edictees dans la forme prevue par l ' article 14 seraient soumises aux regles et assorties des delais de recours limites de l ' article 33 ;

P . 692

B ) attendu que l ' article 88 ouvre des voies d ' execution et constitue l ' ultima ratio permettant de faire prevaloir les interets communautaires consacres par le traite contre l ' inertie et contre la resistance des etats membres ;

Qu ' il s ' agit la d ' une procedure depassant de loin les regles jusqu ' a present admises en droit international classique pour assurer l ' execution des obligations des etats ;

Que , partant , l ' article 88 est de stricte interpretation ;

Attendu que si les gouvernements doivent suivre a l ' egard des decisions et des recommandations de la haute autorite les voies de recours prevues par le traite dans les formes et delais prescrits et ne peuvent plus arguer a posteriori d ' irregulieres ou de nulles ces mesures au moment ou la haute autorite s ' empare de la voie d ' execution de l ' article 88 , la haute autorite , de son cote , doit suivre , dans l ' exercice de sa competence « legiferante » , les formes mises a sa disposition par l ' article 14 du traite ;

Qu ' elle n ' a jamais le choix entre cette competence « legiferante » et la procedure de constatation et de declaration d ' un manquement , pour laquelle a ete institue l ' article 88 ;

Qu ' en aucune facon elle ne peut utiliser cet article a des fins dont le traite lui refuse la realisation directe par voie de decision ;

C ) attendu qu ' en fait la haute autorite ne peut d ' ailleurs pretendre que la decision attaquee ne fait que constater un manquement de l ' etat italien selon l ' article 88 , les obligations dont la decision attaquee soutient qu ' elles n ' ont pas ete remplies se trouvant deja specifiees dans la lettre du 12 aout 1958 adressee a cet etat ;

P . 693

Qu ' en effet l ' intitule de la decision attaquee contredit cette assertion et etablit clairement qu ' elle poursuit un but reglementaire que l ' alinea 3 de l ' article 70 ne comporte pas ;

Qu ' un rapprochement entre l ' article 1er et les articles suivants de la decision attaquee montre egalement qu ' il ne pouvait s ' agir en l ' espece de la seule constatation d ' un manquement ;

Qu ' en effet la decision attaquee ne pouvait considerer comme meconnues les obligations formulees dans la lettre du 12 aout 1958 , car celles-ci ne sont , en fait , pas identiques a celles indiquees dans la decision elle-meme ;

Que c ' est donc a tort et en violation de l ' article 88 que la haute autorite a porte des prescriptions reglementaires pour l ' execution de l ' alinea 3 de l ' article 70 par le truchement de l ' article 88 , meconnaissant ainsi non seulement ce dernier article du traite , mais encore detournant la procedure qui y est prevue a titre de voie d ' execution , pour remplir une mission reglementaire qui ne lui competait pas ;

C – attendu que si un pouvoir reglementaire direct , permettant d ' appliquer les dispositions de l ' alinea 3 de l ' article 70 , est refuse a la haute autorite tant par la teneur et la portee de cet article meme que par le texte et l ' economie de l ' article 88 , il echet encore d ' examiner si la decision attaquee peut etre , comme le soutient la haute autorite , consideree non pas comme une reglementation autonome , mais comme la « decision motivee » constatant un manquement ;

Que , dans cette hypothese , c ' est la lettre du 12 aout 1958 qui aurait mis les etats membres en general et le requerant en particulier en mesure de presenter leurs observations a l ' egard de l ' obligation dont la decision attaquee constate l ' inexecution ;

Qu ' a cet egard un examen de la lettre adressee le 12 aout 1958 par la haute autorite au gouvernement italien revele que la haute autorite y exprime des exigences en vue de mesures reglementaires a prendre par les gouvernements en matiere de transport routier , exigences comportant obligation dans le but qu ' elles assignent , qui etait de satisfaire a l ' obligation de publicite des baremes , prix et dispositions tarifaires de toute nature appliques aux transports routiers , telle que , selon la haute autorite , elle ressortirait de l ' article 70 , alinea 3 , du traite ;

P . 694

Attendu que , dans une lettre du 8 janvier 1959 , le gouvernement italien se declara dispose a aller au-devant de toute initiative de la haute autorite en chargeant les chambres de commerce italiennes de relever les mercuriales des prix des principaux transports routiers et de communiquer ces mercuriales chaque mois a la haute autorite ;

Que cependant la haute autorite , comme sa lettre du 12 aout 1958 etait assortie d ' une reference comminatoire a l ' article 88 , alinea 1 , du traite et que la lettre du 8 janvier 1959 ne lui paraissait pas satisfaire aux exigences de l ' article 70 , alinea 3 , du traite , reagit aux observations formulees par le gouvernement italien a l ' egard de sa recommandation en prenant la decision no 18-59 du 18 fevrier 1959 « relative a la publication ou a la communication a la haute autorite des baremes , prix et dispositions tarifaires de toute nature appliques aux transports routiers de charbon et d ' acier effectues pour compte d ' autrui a l ' interieur de la communaute » , basee sur l ' article 88 , alinea 1 ;

Qu ' elle y constate que tous les etats membres manquent a leurs obligations envers la communaute en n ' acceptant pas inconditionnellement une des trois « possibilites » qu ' elle avait preconisees ;

A ) attendu que la haute autorite , pour que cette constatation ait ete legale en la forme , aurait du au prealable mettre l ' etat italien en mesure de presenter ses « observations » selon le prescrit de l ' article 88 , alinea 1 ;

Qu ' elle croit avoir satisfait a cette condition en assimilant a ces « observations » la lettre du gouvernement italien en date du 8 janvier 1959 , motif pris du fait que la recommandation du 12 aout 1958 portait in fine une reference a l ' article 88 , alinea 1 , 2e phrase , du traite ;

P . 695

Que la cour ne peut considerer cependant cet echange de lettres comme constituant les observations definitives prealables a la grave mesure de constatation d ' un manquement aux obligations conventionnelles d ' un etat , et cela d ' autant moins que la position adoptee par le gouvernement italien ne constituait pas d ' emblee un refus peremptoire d ' atteindre le but fixe a l ' article 70 et rappele par la haute autorite ;

Qu ' en effet il ne suffit pas qu ' une adjonction a une suggestion imperative se refere au 1er alinea de l ' article 88 pour qu ' il puisse etre admis que tout point de vue contraire , exprime par un gouvernement dont l ' opinion diverge de celle de la haute autorite quant aux moyens propres a atteindre les buts que celle-ci poursuit , doive etre considere d ' emblee comme constituant les observations visees par l ' article 88 , alinea 1 , et comme epuisant ses arguments quant a la determination des obligations qui reellement ou pretendument decouleraient pour lui du traite ;

Que cela est vrai surtout en l ' espece , ou essentiellement la haute autorite ne pouvait viser que le but assigne a la diligence de l ' etat et devait laisser le choix des moyens a la discretion du gouvernement italien ;

Qu ' il serait en effet inconcevable que l ' attitude divergente du gouvernement italien , qui opposait aux « possibilites » presentees par la haute autorite une solution concrete ne constituant pas , quant au but vise par l ' article 70 , alinea 3 , une fin de non-recevoir , puisse avoir eu la portee d ' observations au regard d ' un manquement precis ou au moins precise a suffisance de droit ;

Que la haute autorite n ' ayant pas mis le gouvernement italien en mesure de presenter ses observations telles que les envisage l ' article 88 , c ' est a bon droit que le requerant argue de nulle pour violation d ' une forme substantielle la decision en tant qu ' elle constate un manquement de l ' etat italien a une obligation qui lui incomberait en vertu du traite instituant la communaute europeenne du charbon et de l ' acier ;

P . 696

B ) attendu qu ' une violation du traite par la decision attaquee resulte encore de son application erronee en droit de l ' article 88 ;

Qu ' en effet la constatation du manquement de l ' etat requerant ne pouvait porter que sur la seule obligation qui lui incombait , c ' est-a-dire de la recherche du but vise par l ' alinea 3 de l ' article 70 ;

Que la decision entreprise deduit pourtant le pretendu manquement de la constatation que les mesures prises par le gouvernement italien n ' etaient pas de nature a atteindre le but de l ' article 70 , alinea 3 , pour la seule raison qu ' elles n ' adoptaient pas inconditionnellement l ' une des trois « possibilites » considerees comme seules idoines par la haute autorite ;

Que , ce faisant , la haute autorite n ' a fait que constater un manquement dans les moyens indiques , alors qu ' en l ' espece , juridiquement , elle aurait du constater dans quelle mesure il existait un manquement dans la recherche du but propose ;

Qu ' elle a ainsi viole a la fois l ' article 88 et l ' article 70 du traite ;

Iii . – attendu que dans ces circonstances , et sans qu ' il soit besoin d ' examiner les autres arguments presentes par le requerant , il y a lieu d ' annuler la decision no 18-59 de la haute autorite ;

Décisions sur les dépenses


Iv . – attendu qu ' en application de l ' article 69 , paragraphe 2 , du reglement de procedure , les depens doivent incomber a la haute autorite ;

Dispositif


La cour

Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires , declare et arrete :

La decision de la haute autorite no 18-59 du 18 fevrier 1959 , publiee au « journal officiel des communautes europeennes » du 7 mars 1959 , relative a la publication ou a la communication a la haute autorite des baremes , prix et dispositions tarifaires de toute nature , appliques aux transports routiers de charbon et d ' acier effectues a l ' interieur de la communaute pour compte d ' autrui , est annulee .

La haute autorite de la communaute europeenne du charbon et de l ' acier est condamnee aux depens .

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