CJCE, n° C-209/83, Arrêt de la Cour, Ferriera Valsabbia SpA contre Commission des Communautés européennes, 12 juillet 1984
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CJUE, Cour, 12 juill. 1984, Ferriera Valsabbia / Commission, C-209/83 |
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Numéro(s) : | C-209/83 |
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 12 juillet 1984. # Ferriera Valsabbia SpA contre Commission des Communautés européennes. # CECA - Régime de quotas de production pour l'acier - Force majeure. # Affaire 209/83. | |
Date de dépôt : | 19 septembre 1983 |
Solution : | Recours contre une sanction : rejet pour irrecevabilité |
Identifiant CELEX : | 61983CJ0209 |
Identifiant européen : | ECLI:EU:C:1984:274 |
Sur les parties
- Juge-rapporteur : Bahlmann
- Avocat général : VerLoren van Themaat
Texte intégral
Avis juridique important
|61983j0209
Arrêt de la cour (deuxième chambre) du 12 juillet 1984. – ferriera valsabbia spa contre commission des communautés européennes. – ceca – régime de quotas de production pour l’acier – force majeure. – affaire 209/83.
Recueil de jurisprudence 1984 page 03089
Sommaire
Parties
Objet du litige
Motifs de l’arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1 . procedure – delais de recours – reglementation communautaire – portee
( reglement de procedure , art . 80 , par 1 )
2 . droit communautaire – principes – force majeure – notion
3 . procedure – delais de recours – forclusion – cas de force majeure – notion – limites
( statut de la cour de justice ceca , art . 39 , alineas 1 et 3 )
Sommaire
1 . les delais de recours devant la cour ne relevent que du droit communautaire et , par consequent , ils ne sont pas soumis aux reglementations nationales des etats membres concernant notamment la suspension des delais de recours devant leurs propres tribunaux pendant les vacances judiciaires .
2.La notion de force majeure vise essentiellement , abstraction faite des particularites des domaines specifiques ou elle est utilisee , des circonstances etrangeres rendant impossible la reali sation du fait en cause . meme si elle ne presuppose pas une impossibilite absolue , elle exige toutefois qu ' il s ' agisse de difficultes anormales , independantes de la volonte de la personne et apparaissant inevitables meme si toutes les diligences utiles sont mises en oeuvre .
3.La notion de force majeure ne s ' applique pas a une situation ou une personne diligente et avisee aurait objectivement ete en mesure d ' eviter l ' expiration d ' un delai de recours .
Parties
Dans l ' affaire 209/83 ,
Ferriera valsabbia spa , ayant son siege social a odolo ( brescia ), representee par son administrateur delegue , m . giovabattista brunori , et par m angelo carattoni , avocat , ayant elu domicile a luxembourg , aupres de m ernest arendt , 34b , rue philippe-ii ,
Partie requerante ,
Contre
Commission des communautes europeennes , representee par m . oreste montalto , en qualite d ' agent , ayant elu domicile a luxembourg , chez m . manfred beschel , batiment jean monnet , kirchberg ,
Partie defenderesse ,
Objet du litige
Ayant pour objet l ' annulation de la decision de la commission , datee du 14 juillet 1983 , infligeant une amende a la requerante ,
Motifs de l’arrêt
1 par requete deposee au greffe de la cour le 19 septembre 1983 , la societe ferriere valsabbia spa ( ci-apres la requerante ) etablie a odolo ( brescia , italie ), a introduit , en vertu de l ' article 36 , alinea 2 , du traite ceca , un recours visant a obtenir , a titre principal , l ' annulation de la decision c ( 83 ) 1022/4 de la commission , du 14 juillet 1983 , lui infligeant une amende de 284 240 000 lires , en vertu de l ' article 64 du traite ceca , a titre subsidiaire , une reduction de cette amende , et plus subsidiairement l ' octroi d ' un long report du delai de paiement de l ' amende .
2 la decision litigieuse fait etat de ce que pendant le troisieme trimestre 1981 , la requerante a , a plusieurs reprises , vendu des ronds a beton , des billettes et des fils machine a un prix superieur a celui resultant du bareme de prix publie par elle , conformement a l ' article 60 du traite ceca , et constate , a son article premier , que ces surcotations constituent des infractions a cette derniere disposition .
3 cette decision a ete transmise a la requerante par lettre recommandee du meme jour et a ete recue par celle-ci le 21 juillet 1983 .
Sur la recevabilite
4 contre ce recours , la commission a souleve une exception d ' irrecevabilite en vertu de l ' article 91 , paragraphe 1 , du reglement de procedure en faisant valoir que la requerante n ' aurait pas respecte le delai de recours d ' un mois a compter de la date de notification de la decision litigieuse , prevu par l ' article 39 du statut de la cour ceca et proroge de dix jours dans le cas d ' espece conformement a l ' article 81 du reglement de procedure de la cour et a l ' article premier de son annexe ii . etant donne que la decision litigieuse a ete notifiee a la requerante le 21 juillet 1983 , le delai de recours aurait donc expire le 1 septembre 1983 , alors que le recours ne serait effectivement parvenu a la cour que le 19 septembre 1983 . le non-respect du delai de recours emporterait pour la requerante decheance du droit d ' agir .
5 la requerante soutient au contraire que le recours serait pleinement recevable au regard des delais . en effet , elle fait valoir , en premier lieu , que l ' article 36 du traite ceca ne prevoirait aucun delai fixe de recours , et la reference a l ' article 33 , qui y est faite , ne concernerait que les ' conditions ' prevues au premier alinea de cet article , a savoir les modalites des recours et non pas le delai prescrit au troisieme alinea . dans le cas d ' espece , le delai de recours serait de deux mois , delai fixe dans la decision elle-meme pour le paiement de l ' amende et par ailleurs prevu par le traite cee .
6 subsidiairement , la requerante soutient que meme dans le cas ou elle n ' aurait pas respecte le delai de recours , aucune decheance tiree de l ' expiration des delais ne pourrait lui etre opposee puisque les conditions de la force majeure au sens de l ' article 39 , alinea 3 , du statut de la cour ceca seraient remplies .
7 a cet egard , elle pretend qu ' il lui aurait ete effectivement impossible d ' introduire un recours dans le delai d ' un mois parce que la decision de la commission lui aurait ete notifiee peu avant le debut des vacances d ' ete , durant lesquelles interviendrait en italie une pause complete de l ' activite du barreau ainsi que de celle des entreprises .
8 pour cela , elle se refere a la loi italienne n 742 du 7 octobre 1969 relative a la suspension des delais de procedure pendant la periode des vacances d ' ete ( gu du 6 . 11 . 1969 , n 281 ). cette loi aurait pour consequence que les delais de procedure appliques devant les juridictions ordinaires et administratives seraient suspendus entre le 1 aout et le 15 septembre de chaque annee .
9 bien qu ' il s ' agisse d ' une disposition de droit interne , celle-ci aurait cree une situation de fait contraignante de sorte qu ' elle se serait trouvee , au debut des vacances judiciaires italiennes , dans l ' impossibilite de pouvoir trouver dans sa region un avocat suffisamment qualifie en droit communautaire pour la defendre .
10 la cour rappelle tout d ' abord , en ce qui concerne le delai de recours applicable en l ' espece qu ' il resulte sans equivoque de l ' article 39 , alinea 1 , du statut de la cour de justice ceca qu ' un recours prevu par l ' article 36 du traite ceca doit etre forme dans le delai d ' un mois prevu au dernier alinea de l ' article 33 de ce traite .
11 en consequence , le premier argument de la requerante doit etre rejete .
12 en ce qui concerne le deuxieme argument de la requerante , il y a lieu de souligner que les delais de recours devant la cour ne relevent que du droit communautaire et que , par consequent , ils ne sont pas soumis aux reglementations nationales des etats membres concernant les delais de recours devant leurs propres tribunaux .
13 comme la commission l ' a rappele a juste titre , l ' article 80 , paragraphe 1 , du reglement de procedure dispose expressement que les delais de procedure ne sont pas suspendus pendant les vacances judiciaires .
14 la cour estime que l ' application stricte des reglementations communautaires concernant les delais de procedure repond a l ' exigence de la securite juridique et a la necessite d ' eviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l ' administration de la justice . ce n ' est que lorsque l ' interesse etablit l ' existence d ' un cas fortuit ou de force majeure , conformement a l ' article 39 , alinea 3 , du statut de la cour de justice ceca , qu ' aucune decheance tiree de l ' expiration des delais ne peut etre opposee a celui-ci .
15 toutefois , la requerante fait valoir que les circonstances de la presente affaire repondraient precisement a la notion de force majeure , notion dont l ' interpretation par la cour quant aux questions de procedure , contrairement a celle des questions de fond , devrait s ' inspirer des criteres d ' equite , compte tenu du fait que la rigidite des delais impliquerait l ' impossibilite materielle de se defendre avec pour consequence la violation des droits fondamentaux de l ' individu .
16 en consequence , le critere pour l ' appreciation de la force majeure devrait s ' orienter sur l ' analyse de la prudence normale manifestee par la partie qui a agi , comme la cour l ' aurait constate dans son arret du 20 fevrier 1975 ( reich , 64/74 , recueil p . 261 ), c ' est-a-dire l ' existence ou non de la diligence et de l ' attention requises pour affronter des situations imprevisibles .
17 a cet egard , la requerante se refere egalement au fait qu ' en droit italien , l ' appreciation de la force majeure serait fondee sur le critere de la diligence d ' un bon pere de famille , en reconnaissant au juge le pouvoir d ' evaluer les circonstances indiquees par les parties pour un assouplissement des delais ( articles 650 , 668 et 663 du code de procedure civile et article 183 bis du code de procedure penale ).
18 en ce qui concerne les faits de la cause , la requerante estime qu ' elle n ' aurait pu surmonter cette situation par la diligence normale ou par tout effort raisonnable de sa part . en effet , apres avoir etabli la documentation necessaire a la poursuite de l ' affaire , elle se serait efforcee en vain , au debut d ' aout , de trouver un defenseur suffisamment qualifie dans sa region . l ' avocat qui l ' aurait conseille par le passe dans les affaires ceca aurait ete en vacances pendant toute la periode de suspension des delais judiciaires .
19 en outre , pendant la periode precitee , la bibliotheque juridique de l ' ordre des avocats de brescia aurait ete fermee et la bibliotheque juridique centrale de rome n ' aurait ete ouverte que deux heures par jour , ce qui aurait rendu impossible pour l ' avocat finalement engage de se mettre au courant du droit communautaire .
20 a l ' appui de ses arguments , la requerante a depose des declarations du doyen de l ' ordre des avocats et du president de l ' association professionnelle des avocats de brescia ainsi qu ' une declaration de son avocat habituel dans les affaires ceca .
21 l ' argumentation de la requerante ne peut etre accueillie . il resulte de la jurisprudence constante de la cour que la notion de force majeure vise essentiellement , abstraction faite des particularites des domaines specifiques ou elle est utilisee , des circonstances etrangeres rendant impossible la realisation du fait en cause . meme si elle ne presuppose pas une impossibilite absolue , elle exige toutefois qu ' il s ' agisse de difficultes anormales , independantes de la volonte de la personne et apparaissant inevitables meme si toutes les diligences utiles sont mises en oeuvre ( voir arret du 9 . 2 . 1984 , busseni , 284/82 , recueil 1984 , p . 557 ).
22 en consequence , la notion de force majeure ne s ' applique pas a une situation ou une personne diligente et avisee aurait objectivement ete en mesure d ' eviter l ' expiration d ' un delai de recours .
23 il y a lieu de constater a cet egard que la requerante n ' a pas fait preuve de la diligence necessaire , alors qu ' elle disposait encore de dix jours a compter de la reception de la decision litigieuse avant le debut des vacances d ' ete , pour prendre contact avec son avocat habituel ou pour trouver un avocat suffisamment qualifie pour la defendre .
24 il resulte de ce que la requerante a fait observer elle-meme au cours de l ' audience que l ' entreprise s ' est bornee , pendant la periode comprise entre la reception de la decision litigieuse et le debut des vacances d ' ete a etablir une documentation sans chercher au prealable un avocat pour sa defense . ce n ' est que le 8 aout au plus tot que la requerante s ' est adressee a l ' avocat qui s ' est effectivement charge de l ' affaire .
25 enfin , il convient d ' observer que la requerante aurait pu faire usage de l ' article 38 , paragraphe 7 , du reglement de procedure , qui permet l ' introduction d ' une requete meme non conforme aux conditions de forme a charge de la regulariser dans un delai raisonnable fixe par le greffier .
26 en consequence , il convient de constater qu ' en l ' espece il n ' y avait pas de difficultes anormales et insurmontables pouvant justifier la recherche tardive d ' un avocat en tant que defenseur de la requerante si celle-ci avait fait a temps toutes les diligences utiles .
27 il en resulte que l ' introduction tardive du recours ne resulte pas d ' un cas de force majeure et que le recours est irrecevable .
Décisions sur les dépenses
Sur les depens
28 aux termes de l ' article 69 , paragraphe 2 , du reglement de procedure , toute partie qui succombe est condamnee aux depens . la partie requerante ayant succombe en ses moyens , il y a lieu de la condamner aux depens .
Par ces motifs ,
Dispositif
La cour ( deuxieme chambre )
Declare et arrete :
1 ) le recours est rejete comme irrecevable .
2 ) la partie requerante est condamnee aux depens .
Textes cités dans la décision