CJCE, n° T-35/89, Ordonnance du Tribunal, Inigo Ascasibar Zubizarreta et autres contre Alessandro Albani et autres et Commission des Communautés européennes, 26 mars 1992

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 26 mars 1992, Ascasibar Zubizarreta, T-35/89
Numéro(s) : T-35/89
Ordonnance du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 26 mars 1992. # Inigo Ascasibar Zubizarreta et autres contre Alessandro Albani et autres et Commission des Communautés européennes. # Tierce opposition - Irrecevabilité - Qualité du tiers. # Affaire T-35/89 TO I.
Date de dépôt : 3 octobre 1990
Précédents jurisprudentiels : Cour du 10 décembre 1969, Wounerth/Commission, 12/69, Rec. p. 577, 584
Tribunal du 12 juillet 1990, Albani e.a./Commission ( T-35/89, Rec. p. II-395
Tribunal ( troisième chambre ) du 12 juillet 1990, Albani e.a./Commission ( T-35/89, Rec. p. II-395
Solution : Recours de fonctionnaires, Tierce opposition : rejet pour irrecevabilité
Identifiant CELEX : 61989TO0035
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1992:47
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Texte intégral

Avis juridique important

|

61989B0035

Ordonnance du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 26 mars 1992. – Inigo Ascasibar Zubizarreta et autres contre Alessandro Albani et autres et Commission des Communautés européennes. – Tierce opposition – Irrecevabilité – Qualité du tiers. – Affaire T-35/89 TO I.


Recueil de jurisprudence 1992 page II-01599


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

Procédure – Tierce opposition – Conditions de recevabilité – Qualité de tiers – Non-participation pour des raisons valables du tiers opposant au litige principal – Publication de l’ objet et des conclusions des recours au Journal officiel – Effets

(Statut de la Cour de justice, art. 39; règlement de procédure de la Cour, art. 16, § 6, et 97, § 1; règlement de procédure du Tribunal, art. 24, § 6, et 123, § 1)

Sommaire


Il découle de l’ article 39 du statut de la Cour de justice des Communautés européennes, des articles 16, paragraphe 6, et 97, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, et des articles 24, paragraphe 6, et 123, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal que le législateur communautaire a conçu la tierce opposition comme une voie de recours extraordinaire, ouverte aux personnes intéressées qui, pour des raisons valables, n’ ont pu intervenir au litige principal. Le caractère extraordinaire de la tierce opposition se justifie par la considération que, dans l’ intérêt d’ une bonne administration de la justice et de la sécurité des relations juridiques, il est nécessaire d’ éviter, dans la mesure du possible, que les personnes ayant intérêt à la solution d’ un litige pendant devant la Cour ou le Tribunal fassent valoir cet intérêt après que la juridiction communautaire ait rendu son arrêt et ainsi tranché la question litigieuse.

Dès lors, toute personne intéressée qui était en mesure de participer au litige principal et qui a négligé d’ intervenir ne saurait se prévaloir du droit de former tierce opposition. Étant donné que la publication au Journal officiel de l’ objet et des conclusions du recours a pour but de mettre les tiers en mesure de connaître l’ existence des litiges portés devant les juridictions communautaires, c’ est par rapport à cette publication que le tiers doit apprécier s’ il a ou non intérêt à intervenir au litige principal.

S’ il ressort clairement de ladite publication que l’ objet et les conclusions du recours principal faisaient apparaître l’ intérêt du tiers à intervenir, celui-ci doit démontrer qu’ il a été empêché, pour des raisons valables, de former une demande en intervention. A cet égard, il y a lieu de préciser qu’ une appréciation subjective du tiers intéressé quant à l’ issue du litige ne constitue pas une raison valable, justifiant sa non-participation au litige principal. Ainsi, le tiers ne peut valablement soutenir que, au regard des éléments de droit et de fait connus au moment de l’ introduction de la requête, un justiciable diligent aurait été en droit de penser que l’ arrêt mettant fin à l’ instance ne porterait pas atteinte à ses droits.

Parties


Dans l’ affaire T-35/89 TO1,

Inigo Ascasibar Zubizarreta e.a., représentés par Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l’ étude de Me Ernest Arendt, 4, avenue Marie-Thérèse,

tiers opposants,

contre

Alessandro Albani e.a., demeurant tous à Bruxelles, représentés par Me Gérard Collin, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

parties requérantes au litige principal,

et

Union Syndicale, représentée par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie intervenante au litige principal,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg

partie défenderesse au litige principal,

ayant pour objet une tierce opposition mettant en cause l’ arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 12 juillet 1990, Albani e.a./Commission (T-35/89, Rec. p. II-395),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, A. Saggio et C. Yeraris, juges,

greffier: M. H. Jung

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l’arrêt


Les faits et la procédure de tierce opposition

1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 octobre 1990, M. Inigo Ascasibar Zubizarreta et quinze autres personnes, tous lauréats du concours général COM/A/482, dont l’ avis avait été publié le 12 février 1987 (Journal officiel des Communautés européennes – ci-après « JO » – C 34, p. 15), ont formé, en vertu de l’ article 39 du protocole sur le statut CEE de la Cour de justice et de l’ article 97, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicables mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal, tierce opposition contre l’ arrêt du Tribunal du 12 juillet 1990, Albani e.a./Commission (T-35/89, Rec. p. II-395).

2 L’ arrêt attaqué a annulé la décision du jury dudit concours concernant la correction de la seconde épreuve écrite ainsi que les actes de la procédure ultérieure du concours, au motif que le jury avait méconnu la limite de 800 mots imposée aux candidats parvenus à cette épreuve, violant ainsi le principe de l’ égalité de traitement entre eux.

3 Contre cet arrêt du Tribunal, la Commission a formé, le 7 août 1990, un pourvoi devant la Cour, en concluant à l’ annulation partielle de l’ arrêt attaqué. Plus spécifiquement, la Commission, tout en acceptant que l’ annulation de la décision concernant la correction de la seconde épreuve écrite acquière force de chose jugée, a soumis à la censure de la Cour l’ arrêt du Tribunal en ce qu’ il annule tous les actes ultérieurs de la procédure du concours et qu’ il ne limite pas les effets de cette annulation au seul rétablissement des droits des quatre requérants au principal.

4 Par acte séparé, la Commission a également introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l’ exécution de l’ arrêt attaqué, en ce qu’ il l’ obligeait, selon elle, à retirer les nominations de 38 fonctionnaires, intervenues à l’ issue du concours COM/A/482, comme suite à l’ annulation de la seconde épreuve écrite dudit concours.

5 Par ordonnance du 15 novembre 1990, la Cour a admis la demande des tiers opposants à intervenir dans la procédure sur pourvoi à l’ appui des conclusions de la Commission.

6 Par ordonnance du 27 novembre 1990, le président de la Cour a rejeté la demande en référé introduite dans le cadre de la procédure sur pourvoi, au motif que ni la procédure devant le Tribunal ni le dispositif de l’ arrêt du Tribunal ne visaient les nominations déjà intervenues suite au concours litigieux et que, en conséquence, la Commission n’ était pas obligée, en attendant la décision de la Cour sur le pourvoi, de retirer les nominations intervenues avant la date de l’ arrêt du Tribunal.

7 Par lettre du 3 décembre 1990, la Commission a demandé à la Cour, en application de l’ article 47, troisième alinéa, du protocole sur le statut CEE de la Cour de justice, de suspendre la procédure sur pourvoi jusqu’ au prononcé de l’ arrêt du Tribunal sur les tierces oppositions.

8 Par ordonnance du 6 février 1991, la Cour a fait droit à la demande de suspension de la procédure sur pourvoi, dans l’ intérêt d’ une bonne administration de la justice, jusqu’ au prononcé de l’ arrêt du Tribunal.

9 La procédure écrite a suivi un cours régulier. Le Tribunal estime que, en vertu des articles 111 et 113 de son règlement de procédure, il y a lieu de se prononcer sur la recevabilité de la présente tierce opposition sans ouvrir la procédure orale.

Les conclusions des parties

10 Les tiers opposants concluent à ce qu’ il plaise au Tribunal:

— modifier l’ arrêt attaqué en ce sens que celui-ci n’ annule plus l’ ensemble de la procédure de correction de la seconde épreuve écrite du concours ainsi que les actes ultérieurs de la procédure, mais bien la seule décision du jury de ne pas admettre les quatre requérants au litige principal aux épreuves orales du concours;

— condamner la partie adverse aux dépens.

11 La Commission conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

— recevoir la tierce opposition et, en conséquence,

— modifier l’ arrêt attaqué en ce sens que celui-ci n’ annule plus l’ ensemble de la procédure de correction de la seconde épreuve écrite du concours ainsi que les actes ultérieurs de la procédure, mais bien la seule décision du jury de ne pas admettre les quatre requérants au litige principal aux épreuves orales du concours;

— statuer sur les dépens comme de droit.

12 Les parties requérantes au principal et l’ Union Syndicale-Bruxelles, partie intervenante au soutien de leurs conclusions dans le litige au principal, concluent à ce qu’ il plaise au Tribunal:

— rejeter la demande en tierce opposition comme irrecevable, subsidiairement, comme non fondée;

— condamner les tiers opposants aux dépens.

Sur la recevabilité

13 Les tiers opposants, appuyés par la Commission, partie défenderesse au litige principal, soutiennent que leur demande en tierce opposition est recevable parce que les conditions prévues à l’ article 97, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour sont réunies.

14 Par contre, les parties requérantes au litige principal et l’ Union Syndicale-Bruxelles, partie intervenante au soutien de leurs conclusions dans le litige au principal, font valoir que la requête n’ est pas recevable, au motif que les tiers opposants ne remplissent ni la condition relative au préjudice porté par l’ arrêt attaqué à leurs droits ni la condition relative aux raisons valables qui les auraient empêchés d’ intervenir au litige principal.

Sur l’ absence de participation au litige principal (qualité du tiers)

Arguments des parties

15 Les tiers opposants soutiennent qu’ ils n’ ont pu intervenir au litige principal, au motif qu’ aucun élément contenu dans l’ avis publié au JO concernant le dépôt de la requête ni apparu dans le déroulement de la procédure écrite, telle qu’ elle pouvait leur être connue, ne justifiait raisonnablement leur intervention.

16 En premier lieu, il résulterait de la lecture de l’ avis publié au JO que les requérants demandaient à la Cour d’ « annuler l’ ensemble de la procédure de correction des épreuves écrites du concours ou, à tout le moins, d’ annuler la décision du jury de ne pas admettre les requérants aux épreuves orales du concours ». D’ après cet avis, les « moyens et principaux arguments » des requérants concernaient la violation des critères imposés aux candidats par le jury (limite de 800 mots). Ainsi, pouvait-on y lire: « En effet, après avoir décidé d’ allouer aux candidats un temps limité, leur avoir imposé un nombre de mots maximum et les avoir obligés à les compter eux-mêmes, le jury a donné aux correcteurs des instructions différentes ». Cela étant, les tiers opposants, qui affirment avoir strictement respecté la limite maximale de mots prévue dans le concours, estiment qu’ ils pouvaient légitimement s’ attendre à ce que tout arrêt faisant droit aux conclusions des requérants n’ ait de conséquences négatives que pour ceux des lauréats du concours qui n’ avaient pas respecté les critères fixés.

17 En second lieu, l’ intérêt des tiers opposants à intervenir dans le litige n’ aurait pu apparaître qu’ au moment où, lors de la procédure devant le Tribunal, ils ont appris que les services de la Commission avaient entre-temps détruit les épreuves écrites, de sorte qu’ il ne pouvait plus être démontré quels étaient les candidats qui avaient dépassé la limite de mots prévue. Ce serait précisément la perte par la Commission des épreuves qui aurait eu une importance décisive pour la décision du Tribunal et qui aurait amené celui-ci à donner à son arrêt une portée plus large que ne l’ exigeaient les conclusions des requérants à l’ origine, telles qu’ elles avaient été publiées au JO.

18 Deux éléments auraient, en outre, renforcé la conviction des tiers opposants sur l’ absence d’ intérêt, pour eux, à intervenir. Il s’ agirait, premièrement, de la jurisprudence constante tant de la Cour que du Tribunal selon laquelle, dans les affaires concernant les concours généraux, l’ annulation devrait se limiter à ce qui est réellement indispensable, c’ est-à-dire à annuler la décision du jury uniquement en ce qui concerne les requérants; deuxièmement, du fait que le président de la deuxième chambre de la Cour avait, par ordonnance du 21 juin 1988, rejeté la demande des quatre requérants au litige principal tendant à ce que soit ordonné le sursis à la poursuite des opérations du concours COM/A/482, et notamment à l’ établissement ou à la publication de la liste d’ aptitude résultant de ce concours.

19 Dans leur mémoire en réponse aux observations de la Commission, les tiers opposants présentent leur argumentation d’ une manière différente. Ainsi, ils font valoir que les conditions de recevabilité de la tierce opposition ne sont pas encore définitivement établies dans l’ état actuel de la jurisprudence. Les seuls précédents existants seraient deux arrêts de la Cour datant du 12 juillet 1962, Breedband/Société les Aciéries du Temple, Haute Autorité de la CECA e.a. (42/59 TO et 49/59 TO, Rec. p. 275); et Gouvernement du Royaume de Belgique/Société commerciale Vloeberghs et Haute Autorité de la CECA (9/60 TO et 12/60 TO, Rec. p. 331). Dans l’ affaire Breedband, la tierce opposition aurait été déclarée irrecevable pour de nombreux motifs cumulatifs. Il ne résulterait nullement de cet arrêt que la publication au JO serait, à elle seule, décisive pour établir si une tierce opposition est recevable. Dans l’ affaire Vloeberghs, la Cour aurait, en revanche, admis que la condition selon laquelle le tiers opposant « n’ avait pas pu participer au litige » était remplie dès lors que la publication au JO ne laissait pas apparaître son intérêt à intervenir. Toutefois, selon les tiers opposants, on ne saurait déduire a contrario de cet arrêt que seule la publication au JO permettrait de déterminer si le tiers opposant « aurait pu participer au litige ».

20 Par ailleurs, il serait irréaliste de s’ attendre à ce que toute personne susceptible d’ être affectée par un recours lise quotidiennement la série C du JO pour prendre connaissance de l’ introduction d’ un tel recours. En revanche, on pourrait admettre qu’ une partie aurait pu intervenir au sens du règlement de procédure si l’ introduction du recours lui avait été « officiellement notifiée » ou « signifiée », ce qui n’ a pas été le cas en l’ occurrence. L’ article 39 du protocole sur le statut CEE de la Cour de justice des Communautés européennes serait d’ ailleurs moins strict que son règlement de procédure, dans la mesure où il prévoit que la tierce opposition est ouverte à toute personne « contre les arrêts rendus sans qu’ ils aient été appelés ». Il n’ y serait donc pas question de démontrer que le tiers opposant « n’ a pas pu intervenir au litige au principal ».

21 Les tiers opposants en concluent qu’ on ne saurait se baser sur la seule publication, dans la série C du JO, de l’ avis concernant le dépôt de la requête pour apprécier la possibilité théorique d’ un tiers à intervenir au litige au principal. Quoiqu’ il en soit, ils pensent avoir suffisamment démontré qu’ en tout état de cause la publication n’ indiquait pas, en l’ espèce, en quoi ils auraient eu intérêt à intervenir. Enfin, ils précisent que cette affirmation ne signifie pas qu’ ils reconnaissent avoir eu connaissance de la publication au JO, mais tout simplement qu’ une éventuelle connaissance n’ aurait fait apparaître aucun motif pour intervenir.

22 La Commission s’ associe à la thèse et aux arguments développés par les tiers opposants à cet égard. Elle tient surtout à souligner que l’ arrêt du Tribunal du 12 juillet 1990 a constitué une innovation, en s’ écartant d’ une jurisprudence traditionnelle et bien établie sur les effets attachés à l’ annulation d’ une opération de concours, sans que cette solution n’ ait jamais été débattue devant le Tribunal ni au cours de la procédure écrite ni au cours de la procédure orale. Elle se demande donc si l’ impossibilité pour la défenderesse au principal de s’ exprimer sur ce revirement de jurisprudence de même que l’ absence de toute vérification individuelle auprès des personnes figurant sur la liste d’ aptitude du point de savoir si elles avaient respecté la limite de 800 mots ne constituent pas une violation du principe du contradictoire. S’ agissant de la charge de preuve concernant ce dernier point, la Commission répond aux requérants au principal qu’ ils n’ ont jamais fourni la preuve qu’ un seul des lauréats se soit écarté de la limite des 800 mots.

23 Les parties requérantes au litige principal et l’ Union Syndicale-Bruxelles, partie intervenante au soutien de leurs conclusions dans le litige au principal, soulignent, en premier lieu, le caractère exceptionnel de la procédure en tierce opposition. Selon elles, contrairement à ce que soutiennent les tiers opposants, la jurisprudence est clairement établie quant aux conditions de recevabilité d’ une action en tierce opposition. La Cour les aurait notamment rappelées dans l’ ordonnance sur tierce opposition du 22 septembre 1987, Bolognese/Scharf et Commission (292/84 TO, Rec. p. 3563). Elles ajoutent que, en méconnaissance du libellé de l’ article 97 du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis en l’ espèce, toute l’ argumentation développée par les tiers opposants tendrait à justifier les raisons pour lesquelles ils ont estimé qu’ ils n’ avaient pas intérêt à intervenir au litige principal. Par contre, ils n’ auraient avancé aucune raison qui justifierait qu’ ils n’ ont pas pu participer à ce litige.

24 En second lieu, les parties requérantes et intervenante au principal font valoir qu’ il appartient aux tiers opposants de rapporter la preuve de l’ impossibilité dans laquelle ils se trouvaient de participer au litige principal. Or, les tiers opposants reconnaîtraient qu’ ils n’ ignoraient pas que la requête au principal tendait à entendre prononcer l’ annulation de l’ « ensemble de la procédure de correction des épreuves écrites ou, subsidiairement, de la décision du jury de ne pas les admettre à l’ épreuve orale » (demande en TO, point 8, p. 6). Il apparaîtrait dès lors que, en prenant connaissance des conclusions du recours en annulation introduit par les requérants au principal, ils avaient été parfaitement informés des conséquences qui en résulteraient si le Tribunal y faisait droit et qu’ ils ont renoncé à intervenir au litige principal en toute connaissance de cause.

25 En troisième lieu, elles invoquent le fait que les tiers opposants avouent avoir suivi le déroulement de la procédure en référé introduite par les requérants au principal. Ils auraient pu constater que la Commission avait refusé de produire volontairement les copies de la seconde épreuve écrite ainsi que de permettre aux conseils des parties intervenantes de contrôler l’ exactitude de son affirmation suivant laquelle seuls cinq candidats avaient dépassé les limites imposées lors de cette épreuve. D’ ailleurs, cette affirmation, qui n’ aurait été développée que lors de la procédure orale de référé, aurait engendré la critique adressée par le président de la Cour à la Commission dans l’ ordonnance de référé. Les tiers opposants ne pourraient donc soutenir que la nécessité pour la Commission de rapporter la preuve de ses affirmations ne serait apparue que lors de la procédure orale sur le fond.

26 En dernier lieu, les parties requérantes au principal soulignent que les tiers opposants n’ ont entrepris aucune démarche auprès de la Commission pour s’ assurer que les copies de la seconde épreuve écrite du concours seraient bien conservées et que la Commission – et par là même eux-mêmes – pourrait ainsi démontrer le bien-fondé du principal moyen en défense. A l’ appui de leur raisonnement, elles invoquent un principe supérieur de droit suivant lequel la charge de la preuve d’ une affirmation incombe à celui qui s’ en prévaut. Or, les tiers opposants se limiteraient à affirmer qu’ ils ont respecté les limites imposées lors de la seconde épreuve écrite, sans rapporter la preuve de leur affirmation.

Appréciation en droit

27 Il convient de rappeler que l’ article 39 du protocole sur le statut CEE de la Cour de justice, applicable en vertu de l’ article 46 du même statut à la procédure devant le Tribunal, dispose que « les États membres, les institutions de la Communauté et toutes autres personnes physiques ou morales peuvent, dans les cas et dans les conditions qui seront déterminés par le règlement de procédure, former tierce opposition contre les arrêts rendus sans qu’ ils aient été appelés, si ces arrêts préjudicient à leurs droits ». Une disposition analogue figure dans les statuts CECA (article 36) et CEEA (article 40).

28 En déterminant les cas et les conditions de la tierce opposition, le règlement de procédure de la Cour, dans son article 97, paragraphe 1, du sixième chapitre, sous le titre « Des voies de recours extraordinaires », précise, comme conditions de recevabilité, que la demande en tierce opposition doit: "… b) indiquer en quoi l’ arrêt attaqué préjudicie aux droits du tiers opposant; c) indiquer les raisons pour lesquelles le tiers opposant n’ a pu participer au litige principal …".

29 En outre, le même règlement prévoit dans son article 16, paragraphe 6, que « un avis est publié au Journal officiel des Communautés européennes indiquant la date de l’ inscription de la requête introductive d’ instance, les nom et domicile des parties, l’ objet du litige et les conclusions de la requête ainsi que l’ indication des moyens et des principaux arguments invoqués ».

30 Des dispositions identiques sont prévues par les articles 123, paragraphe 1, et 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal qui est entré en vigueur le 1er juillet 1991.

31 Il découle des dispositions susmentionnées que le législateur communautaire a conçu la tierce opposition comme une voie de recours extraordinaire, ouverte aux personnes intéressées qui, pour des raisons valables, n’ ont pu intervenir au litige principal. Le caractère extraordinaire, voire exceptionnel, de la tierce opposition se justifie par la considération que, dans l’ intérêt d’ une bonne administration de la justice et de la sécurité des relations juridiques, il est nécessaire d’ éviter, dans la mesure du possible, que les personnes ayant intérêt à la solution d’ un litige pendant devant la Cour ou le Tribunal fassent valoir cet intérêt après que la juridiction communautaire ait rendu son arrêt et ainsi tranché la question litigieuse (arrêts de la Cour du 12 juillet 1962, Breedband, précité, Rec. p. 303, et Gouvernement du Royaume de Belgique, précité, Rec. p. 353; ordonnances de la Cour du 6 décembre 1989 dans trois affaires similaires, dites « Frontistiria », 147/86 TO, 1-2-3, Rec. p. 4103, 4108).

32 Dès lors, toute personne intéressée qui était en mesure de participer au litige principal et qui a négligé d’ intervenir ne saurait se prévaloir du droit de former tierce opposition. Étant donné que la publication au JO de l’ objet et des conclusions du recours a pour but de mettre les tiers en mesure de connaître l’ existence des litiges portés devant les juridictions communautaires, c’ est par rapport à cette publication que le tiers doit apprécier s’ il a ou non intérêt à intervenir au litige principal (voir arrêt du 12 juillet 1962, Breedband, précité).

33 S’ il ressort clairement de ladite publication que l’ objet et les conclusions du recours principal faisaient apparaître l’ intérêt du tiers à intervenir, celui-ci doit démontrer qu’ il a été empêché, pour des raisons valables, de former une demande en intervention. A cet égard, il y a lieu de préciser qu’ une appréciation subjective du tiers intéressé quant à l’ issue du litige ne constitue pas une raison valable, justifiant sa non-participation au litige principal. Ainsi, le tiers ne peut valablement soutenir que, au regard des éléments de droit et de fait connus au moment de l’ introduction de la requête, un justiciable diligent aurait été en droit de penser que l’ arrêt mettant fin à l’ instance ne porterait pas atteinte à ses droits.

34 Le Tribunal constate que, en l’ espèce, les tiers opposants ne nient pas que l’ avis publié le 18 juin 1988 au JO (C 159, p. 5), relatif au recours introduit le 25 mai 1988 par Alessandro Albani e.a. contre la Commission, faisait clairement apparaître que ledit recours mettait en cause l’ ensemble de la procédure de correction des épreuves écrites du concours litigieux. En effet, cet avis reproduit les conclusions intégrales des requérants et le résumé des moyens qui y figure fait état de ce que le jury, après avoir imposé aux candidats un nombre de mots maximal, a donné aux correcteurs des instructions différentes et, ainsi, a méconnu les principes d’ égalité de traitement et de confiance légitime. Néanmoins, les tiers opposants considèrent que le fait qu’ ils n’ ont pas introduit de demande en intervention était justifié par deux raisons. Premièrement, ils pensaient qu’ ayant respecté la limite imposée quant au nombre de mots ils étaient assurés d’ être à l’ abri d’ une annulation de leur inscription sur la liste d’ aptitude: leur intérêt à intervenir n’ aurait pu apparaître que lorsque la Commission a déclaré, au cours de la procédure orale, que les copies des épreuves écrites avaient entre-temps été détruites. Deuxièmement, les tiers opposants s’ estimaient renforcés dans leur conviction qu’ ils n’ avaient aucun intérêt à intervenir par la jurisprudence constante de la Cour, limitant aux seules parties requérantes les effets de l’ annulation d’ un concours général.

35 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’ intérêt des tiers opposants, lauréats du concours litigieux, à la solution du litige principal ressortait clairement des termes de l’ avis publié au JO. Leurs allégations ne sont pas de nature à mettre en doute l’ existence de cet intérêt et ne constituent pas des raisons valables justifiant leur impossibilité d’ intervenir au litige principal. En effet, leur argumentation est basée sur une estimation personnelle, de leur part, quant à l’ issue du litige, plus précisément quant à l’ éventualité d’ une annulation par le juge communautaire de leur inscription sur la liste d’ aptitude. Le fait que la Commission n’ a pu apporter, au cours de la procédure principale, la preuve de son argument selon lequel l’ irrégularité intervenue à une étape intermédiaire du concours n’ en avait pas faussé le résultat final est un élément susceptible de se présenter au cours de tout litige. Il en est de même pour l’ affirmation des tiers opposants selon laquelle l’ arrêt du Tribunal s’ écarte d’ une jurisprudence antérieure constante de la Cour. En outre, il y a lieu de remarquer que l’ étendue des effets de l’ annulation d’ un concours général est appréciée, dans chaque cas particulier, par le juge communautaire en fonction de la nature de l’ irrégularité constatée.

36 Par ailleurs, il est à relever que les tiers opposants, dans leur mémoire en réponse aux observations de la Commission, soutiennent que la publication de l’ avis sur le recours au JO ne peut pas, à elle seule, déterminer la recevabilité de la tierce opposition et que le recours aurait dû leur être signifié conformément à l’ article 39 du protocole sur le statut CEE de la Cour de justice, qui prévoit que la tierce opposition est ouverte à toutes personnes « contre les arrêts rendus sans qu’ ils aient été appelés ».

37 Il convient de rappeler que la Cour s’ est déjà prononcée sur ce point dans le cadre de l’ application du traité CECA – et cette appréciation garde toute sa valeur dans celui de l’ application du traité CEE – en ce sens que les termes du paragraphe 1, sous c), de l’ article 97 du règlement de procédure de la Cour sont compatibles avec la disposition de principe relative à la tierce opposition figurant dans le protocole sur le statut de la Cour, dont ledit article 97 constitue la mise en oeuvre (arrêt du 12 juillet 1962, Breedband, précité). Or, le règlement de procédure, qui ne connaît que l’ intervention volontaire et pas l’ intervention forcée (arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Wounerth/Commission, 12/69, Rec. p. 577, 584), ne prévoit pas la signification du recours à tout tiers susceptible d’ être intéressé, mais seulement la publication d’ un avis au JO pour permettre aux tiers d’ être informés des litiges portés devant les juridictions communautaires. A cet égard, il y a lieu de tenir compte de la spécificité de l’ ordre juridique communautaire, dont les règles s’ adressent aux autorités nationales, à des personnes physiques ressortissantes des États membres et à des personnes morales ayant leur siège statutaire à l’ intérieur de la Communauté, et même à des opérateurs économiques originaires d’ un pays tiers exerçant leur activité dans l’ espace communautaire.

38 Il résulte de l’ ensemble des considérations qui précèdent, et sans qu’ il soit besoin d’ examiner si l’ arrêt attaqué préjudicie aux droits des tiers opposants, que la demande en tierce opposition doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

39 Selon les dispositions du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, dans le contentieux de la fonction publique, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne:

1) La demande en tierce opposition est rejetée comme irrecevable.

2) Les tiers opposants supporteront leurs propres dépens ainsi que les dépens des requérants au litige principal et de l’ Union Syndicale-Bruxelles, partie intervenante au litige principal. La Commission supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 26 mars 1992.

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CJCE, n° T-35/89, Ordonnance du Tribunal, Inigo Ascasibar Zubizarreta et autres contre Alessandro Albani et autres et Commission des Communautés européennes, 26 mars 1992