CJCE, n° T-8/90, Arrêt du Tribunal, Michel Colmant contre Commission des Communautés européennes, 28 février 1992

  • Revalorisation tenant compte de la dépréciation monétaire·
  • Statut des fonctionnaires et régime des autres agents·
  • Assurance accidents et maladies professionnelles·
  • Indemnité versée en cas d' invalidité·
  • Aggravation ultérieure des lésions·
  • Inadmissibilité et c ) ))·
  • Caractère forfaitaire·
  • 1 . fonctionnaires·
  • Fonction publique·
  • Sécurité sociale

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 28 févr. 1992, Colmant / Commission, T-8/90
Numéro(s) : T-8/90
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 28 février 1992. # Michel Colmant contre Commission des Communautés européennes. # Fonctionnaires - Invalidité permanente partielle - Aggravation des lesions - Modalités de calcul de l'indemnité en cas d'aggravation des lesions. # Affaire T-8/90.
Date de dépôt : 14 février 1990
Précédents jurisprudentiels : Cour du 21 mai 1981, Morbelli/Commission, point 34, 156/80
Solution : Recours de fonctionnaires : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61990TJ0008
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1992:29
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61990A0008

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 28 février 1992. – Michel Colmant contre Commission des Communautés européennes. – Fonctionnaires – Invalidité permanente partielle – Aggravation des lesions – Modalités de calcul de l’indemnité en cas d’aggravation des lesions. – Affaire T-8/90.


Recueil de jurisprudence 1992 page II-00469


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1 . Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance accidents et maladies professionnelles – Invalidité – Modalités de calcul de l’ indemnité en cas d’ aggravation ultérieure des lésions

(( Statut des fonctionnaires, art . 73, § 2, sous c ); réglementation relative à la couverture des risques d’ accident et de maladie professionnelle, art . 2 ))

2 . Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance accidents et maladies professionnelles – Prestations – Caractère forfaitaire – Indemnité versée en cas d’ invalidité – Aggravation ultérieure des lésions – Revalorisation tenant compte de la dépréciation monétaire – Inadmissibilité

(( Statut des fonctionnaires, art . 73, § 2, sous b ) et c ) ))

Sommaire


1 . L’ indemnité prévue à l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut doit être calculée, en cas d’ aggravation des lésions à une date ultérieure à l’ accident, sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant cet accident et non sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant la date de consolidation de l’ aggravation des lésions .

En effet, l’ aggravation des lésions ne saurait être assimilée à un nouvel accident au sens de l’ article 2 de la réglementation relative à la couverture des risques d’ accident ou de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés ni, par conséquent, constituer un fait nouveau générateur d’ indemnisation . Une autre interprétation conduirait à instaurer un régime d’ indemnisation différent selon que les lésions causées par l’ accident se manifestent immédiatement après celui-ci ou seulement à une date ultérieure, au risque d’ entraîner une inégalité de traitement entre les fonctionnaires ayant été victimes d’ un accident au sens de ladite réglementation .

2 . Les prestations visées à l’ article 73 du statut ont le caractère de prestations de sécurité sociale et non de prestations destinées à réparer un dommage dans le cadre d’ une action en responsabilité civile . Par conséquent, l’ indemnité prévue à l’ article 73, paragraphe 2, sous b ) et c ), du statut n’ est pas une dette destinée à réparer un préjudice, mais une dette de somme d’ argent, à caractère forfaitaire, estimée d’ après les conséquences durables de l’ accident .

En cas d’ aggravation des lésions à une date ultérieure à l’ accident, cette indemnité, en raison tant de son caractère forfaitaire que de l’ absence de dispositions du statut ou de la réglementation de couverture autorisant une telle revalorisation, ne saurait être revalorisée au moment de la consolidation des lésions afin de tenir compte de la dépréciation monétaire intervenue entre-temps .

Parties


Dans l’ affaire T-8/90,

Michel Colmant, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Edmond Lebrun, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l’ étude de Me L . Schiltz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d’ agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Société anonyme Royale Belge, ayant son siège social à Bruxelles, représentée par Me François van der Mensbrugghe, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l’ étude de Me Albert Wildgen, 6, rue Zithe,

partie intervenante,

ayant pour objet l’ annulation de la décision de la Commission du 26 janvier 1989 arrêtant le montant des indemnités supplémentaires versées au requérant au titre de l’ article 73, paragraphe 2, du statut, compte tenu de l’ aggravation de ses lésions, et de la décision de la Commission, du 15 novembre 1989, rejetant la réclamation du requérant,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

composé de MM . R . Schintgen, président, D . A . O . Edward et R . García-Valdecasas, juges,

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 juillet 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


Les faits à l’ origine du recours

1 Le requérant, M . Colmant, fonctionnaire de grade A 4 à la Commission des Communautés européennes, a été victime d’ un accident de la circulation, le 29 mars 1975 .

2 Par note du 22 février 1979, le directeur général du personnel et de l’ administration a informé le requérant que la commission médicale qui avait été chargée d’ établir un rapport sur les séquelles de son accident avait retenu un taux d’ invalidité permanente partielle ( ci-après « IPP ») de 5 %, dont 4 % pour séquelles objectives et 1 % pour préjudice aux relations sociales . Par note du 23 mars 1979, le même directeur général a informé le requérant qu’ en application de l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après « statut ») et des articles 12 et 14 de la réglementation relative à la couverture des risques d’ accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après « réglementation »), un capital de 446 182 BFR lui était alloué .

3 Le 18 décembre 1985, le requérant a introduit une demande de révision des indemnités accordées à la suite dudit accident, en raison de l’ aggravation des séquelles cliniques laissées par celui-ci, et a demandé une réévaluation du taux d’ IPP qui lui avait été reconnu, conformément à l’ article 12 de la réglementation, et de l’ indemnité qui lui avait été accordée au titre du préjudice aux relations sociales, en application de l’ article 14 .

4 Dans un projet de décision du 14 juillet 1987, qui lui a été notifié conformément à l’ article 21 de la réglementation, la Commission a informé le requérant qu’ elle donnait une suite favorable à sa demande de réouverture du dossier et que, au vu des conclusions du médecin qu’ elle avait désigné, elle estimait que l’ aggravation des séquelles pouvait être indemnisée sur la base d’ un taux d’ IPP de 4 %, venant s’ ajouter au taux de 5 % fixé auparavant . Il lui a donc été versé un capital supplémentaire de 372 946 BFR, calculé sur la base des traitements mensuels qui lui avaient été alloués pour les douze mois précédant l’ accident de 1975 .

5 Par note du 11 septembre 1987, le requérant a marqué son accord sur le versement d’ un capital supplémentaire sur la base d’ un taux d’ IPP de 4 %, fixé en application de l’ article 12 de la réglementation, mais, conformément à l’ article 21, a demandé la consultation de la commission médicale prévue à l’ article 23, afin qu’ elle donne son avis sur la question de l’ aggravation du préjudice aux relations sociales visé à l’ article 14 .

6 Par note du 11 décembre 1987, la Commission a informé le requérant que le taux d’ IPP de 4 % qui lui avait été reconnu le 14 juillet 1987 se décomposait en 2 %, imputables à l’ article 12, et en 2 %, imputables à l’ article 14 .

7 Par note du 15 avril 1988, le requérant a fait savoir à la Commission qu’ il avait subi une aggravation supplémentaire des séquelles physiques consécutives à son accident, consistant dans une hydarthrose du genou droit, constatée pour la première fois le 4 janvier 1988 et qui n’ avait donc pas été prise en compte lors de l’ examen effectué par le médecin de l’ institution; il exprimait son désaccord sur la répartition du taux de 4 % contenue dans la note du 11 décembre 1987 et demandait que la commission médicale donne son avis aussi bien sur la question de l’ aggravation des séquelles physiques au titre de l’ article 12 que sur celle de l’ aggravation du préjudice aux relations sociales visé à l’ article 14 .

8 Par note du 26 janvier 1989, M . Reynier, chef de division, a informé le requérant que la commission médicale avait déposé ses conclusions, prises à la majorité, le 8 décembre 1988 et que, sur la base de celles-ci, il prenait la décision de fixer à 10 % le taux d’ IPP, soit 6 % au titre de l’ article 12 et 4 % au titre de l’ article 14 de la réglementation . La date de consolidation de l’ aggravation des lésions était fixée au 23 novembre 1988 . Il lui a été versé un capital supplémentaire de 93 236 BFR .

9 Le 26 avril 1989, le requérant a introduit, contre la décision du 26 janvier 1989, une réclamation au sens de l’ article 90, paragraphe 2, du statut, dans laquelle il contestait :

— la composition de la commission médicale, non conforme à l’ article 23 de la réglementation, et ses méthodes de travail;

— les conclusions de la commission médicale et les taux d’ IPP fixés par elle et, à sa suite, par la décision attaquée du 26 janvier 1989;

— le montant du capital qui lui était offert, en raison de la base de calcul qui avait été retenue .

Il demandait que le capital fût calculé sur les traitements qui lui avaient été alloués pour les douze mois précédant la date retenue pour la consolidation des lésions et séquelles nouvelles, et non sur la base des traitements alloués pour les douze mois ayant précédé l’ accident de 1975 .

10 Par note du 15 novembre 1989, la Commission a accueilli partiellement cette réclamation en ce qu’ elle a constaté « la non-conformité de la commission médicale avec l’ article 23 de la réglementation », a décidé de « recourir à l’ avis d’ une nouvelle commission médicale appelée à se prononcer sur le cas de M . Colmant » et a considéré, compte tenu de cette constatation, qu’ il n’ y avait pas lieu de « se prononcer sur les autres moyens avancés dans la réclamation au sujet du travail et des conclusions de la commission médicale ». La réclamation a été partiellement rejetée en ce que la Commission a maintenu que, en cas d’ aggravation de l’ invalidité, le capital prévu à l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut doit nécessairement être calculé en fonction des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’ accident et non pour les douze mois précédant la date retenue pour la consolidation de l’ aggravation des lésions .

La procédure

11 C’ est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal, le 14 février 1990, M . Colmant a introduit le présent recours .

12 Par ordonnance du 13 juin 1990, le Tribunal a admis la SA Royale Belge, en sa qualité d’ apériteur lié par une convention d’ assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles conclue avec les Communautés européennes, à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse . La partie intervenante a déposé ses observations écrites au greffe du Tribunal le 30 juillet 1990 .

13 Le Tribunal a décidé de prendre des mesures d’ organisation de la procédure, consistant à poser à la Commission des questions concernant les systèmes en vigueur pour les personnes soumises à la sécurité sociale et au régime des fonctionnaires de l’ administration publique dans le droit des États membres et de certaines organisations internationales, tels que l’ Organisation mondiale de la santé et le Bureau international du travail, en ce qui concerne les prestations en cas d’ accident provoquant une invalidité permanente partielle et, plus particulièrement, les prestations en cas d’ aggravation ultérieure d’ une telle invalidité permanente partielle, au regard, par exemple, de l’ adaptation de la valeur des prestations au coût de la vie, à la progression des rémunérations ou à la productivité du travail . La Commission a répondu à cette demande par lettre du 13 juin 1991, déposée le 20 juin 1991 .

14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( quatrième chambre ) a décidé d’ ouvrir la procédure orale . Celle-ci s’ est déroulée le 11 juillet 1991 . Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal .

15 Le requérant a conclu à ce qu’ il plaise au Tribunal :

— déclarer le recours recevable et fondé;

— en conséquence :

— annuler la décision de la défenderesse du 26 janvier 1989, en ce qu’ elle fixe à 372 946 BFR et à 93 236 BFR les capitaux supplémentaires dus au requérant pour l’ octroi, respectivement, de 4 et de 1 % supplémentaires d’ invalidité permanente partielle;

— annuler la décision de la défenderesse du 15 novembre 1989, en ce qu’ elle rejette la réclamation du requérant relative à la base de calcul de l’ indemnisation due en cas d’ aggravation;

— dire pour droit qu’ en cas d’ aggravation la base de calcul de la prestation prévue par l’ article 73 du statut doit être constituée par les traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant la date retenue pour la consolidation des lésions aggravées ou, subsidiairement, dire pour droit que la prestation octroyée en cas d’ aggravation doit avoir égard à la dépréciation subie par la monnaie de paiement entre la date de l’ accident et celle de la consolidation des lésions aggravées;

— condamner la défenderesse à payer au requérant, à titre de complément provisionnel des indemnités complémentaires qui lui ont été allouées pour aggravation des lésions consécutives à l’ accident du 29 mars 1975, la somme de 1 000 000 BFR, augmentée d’ intérêts moratoires au taux annuel de 8 %, à partir de la date à fixer par le Tribunal jusqu’ au jour du paiement effectif;

— condamner la défenderesse aux dépens .

16 La Commission a conclu à ce qu’ il plaise au Tribunal :

— déclarer le recours non fondé;

— statuer sur les dépens comme de droit .

17 La partie intervenante a conclu au soutien des conclusions de la Commission .

Sur le fond

Sur la demande du requérant tendant à ce que l’ indemnité qui lui est due au titre de l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut soit calculée sur la base des traitements mensuels qui lui ont été alloués pour les douze mois précédant la date retenue pour la consolidation de l’ aggravation de ses lésions

Sur le moyen unique tiré de la violation des articles 5 et 73 du statut et de la méconnaissance des principes généraux de droit, tels que ceux d’ égalité, de justice distributive et d’ équité

18 Le requérant estime que le capital qui doit être versé, en cas d’ IPP, à l’ intéressé doit être calculé, en cas d’ aggravation, non sur la base des traitements mensuels qui lui ont été alloués pendant les douze mois précédant l’ accident, mais sur la base des traitements mensuels qui lui ont été alloués pendant les douze mois précédant la date retenue pour la consolidation de l’ aggravation des lésions . Il admet que, si l’ on appliquait « stricto sensu » l’ article 73, paragraphe 2, sous b ) et c ), la base de calcul du capital serait celle proposée par la Commission . Or, cette solution serait manifestement contraire au principe d’ égalité, injuste et inéquitable . Le requérant fait observer que l’ article 73 du statut n’ envisage pas l’ hypothèse de l’ aggravation des lésions, cette « lacune » étant couverte par l’ article 22 de la réglementation . Dans un tel cas, ajoute-t-il, un texte réglementaire doit être interprété dans un sens compatible avec les règles supérieures de droit et doit même tout simplement être écarté s’ il n’ est pas compatible avec ces règles . C’ est pour cette raison – selon lui – qu’ il convient d’ assimiler, par voie d’ analogie, l’ aggravation des lésions à un nouvel accident, cette aggravation constituant un fait nouveau générateur d’ indemnisation comme l’ était l’ accident . Il estime aussi que la solution découlant de l’ interprétation donnée par la défenderesse à l’ article 73 du statut est discriminatoire et inéquitable, parce qu’ en affirmant que le capital en cas d’ invalidité doit être calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’ accident, la défenderesse ne tient pas compte du fait que le traitement de base du requérant a augmenté depuis la date de l’ accident, tout comme les cotisations « accident » obligatoires . Le requérant considère qu’ il y a eu, en l’ espèce, violation de l’ article 5 du statut, en tant que celui-ci consacre le principe d’ égalité .

19 La Commission estime qu’ il ne saurait être question d’ une violation de l’ article 5 du statut, dans la mesure où cette disposition ne se rapporte qu’ au classement des emplois en catégories et en grades et au principe de la correspondance entre grade et emploi .

20 Elle soutient que l’ interprétation de l’ article 73 du statut proposée par le requérant est une interprétation ultra legem . De l’ avis de la Commission, les termes de l’ article 73 sont suffisamment clairs et il n’ est pas justifié que cet article puisse faire l’ objet d’ une interprétation extensive . Elle estime qu’ il n’ y a eu qu’ un seul fait générateur d’ indemnité, à savoir l’ accident de mars 1975, et que l’ aggravation des séquelles ne se conçoit qu’ en relation avec les conséquences de l’ accident .

21 Elle procède ensuite à un examen dudit article 73 au regard des principes visés par le requérant dans son moyen, à savoir notamment les principes d’ égalité et de justice distributive . Quant au principe d’ égalité, la Commission fait observer que l’ article 73 s’ applique de manière identique à tous les fonctionnaires ayant été victimes d’ un accident au sens de la réglementation . Quant au principe de justice distributive ou d’ équité, elle rappelle que le droit communautaire ne connaît pas de principe général de droit selon lequel une norme en vigueur ne peut être appliquée lorsque cette norme entraîne, pour l’ intéressé, une rigueur que le législateur communautaire aurait manifestement cherché à éviter s’ il l’ avait envisagée au moment d’ édicter la norme . Elle précise que, selon la jurisprudence de la Cour, il n’ existe pas en droit communautaire un principe général d’ « inéquité objective ».

22 La partie intervenante estime que l’ article 5 concerne uniquement le classement des emplois relevant du statut et affirme qu’ elle ne peut voir comment cet article pourrait justifier la thèse du requérant .

23 Quant à la violation de l’ article 73 du statut, la partie intervenante soutient que l’ article 73 ne présente pas de lacune, car il énonce, de manière générale, des règles fondamentales du régime de sécurité sociale des fonctionnaires des Communautés, à savoir la définition des risques couverts et celle des prestations garanties, lesquelles sont calculées, en cas d’ IPP, sur la base des traitements mensuels alloués à l’ intéressé durant les douze mois précédant l’ accident . Pour elle, cet article vise toutes les prestations garanties possibles et ne laisse à la réglementation que le soin de fixer les conditions dans lesquelles ces prestations garanties seront accordées . L’ article 22 de la réglementation ne modifierait donc en rien l’ article 73 du statut en ce qui concerne les bases de calcul de celles-ci .

24 Quant à l’ « assimilation » entre l’ accident et la consolidation de l’ aggravation des lésions à laquelle procède le requérant, la partie intervenante adopte la même position que la défenderesse, à savoir que l’ accident constitue le fait qui ouvre le droit aux prestations garanties et que la consolidation n’ a pour effet que de déterminer le montant des prestations, en arrêtant le quantum de l’ invalidité permanente . Il n’ y aurait donc pas lieu de raisonner par analogie .

25 Quant à la méconnaissance des principes généraux de droit tels que ceux d’ égalité et de justice distributive ainsi que d’ équité, la partie intervenante estime que c’ est l’ interprétation du requérant qui les méconnaît, puisqu’ elle aboutirait à établir un régime de prestations de sécurité sociale différent selon que les lésions dont le fonctionnaire est atteint entraîneraient ou non une aggravation ultérieure de son invalidité alors que, cependant, ces prestations trouvent toujours leur cause dans le même accident . Aussi n’ appartiendrait-il ni à la Commission ni au Tribunal de substituer au régime de l’ article 73 un autre régime qu’ ils jugeraient meilleur, cette tâche ne revenant qu’ au législateur communautaire .

26 Le Tribunal constate, d’ une part, qu’ en l’ espèce la référence à l’ article 5 du statut n’ est pas pertinente du fait que l’ objet de cette disposition ne présente aucun lien avec celui du présent recours .

27 Le Tribunal estime, d’ autre part, que dans la mesure où l’ article 73 du statut établit, de façon générale, des règles fondamentales régissant la couverture sociale dont bénéficient les fonctionnaires des Communautés en définissant les risques couverts ainsi que les prestations garanties, l’ on ne saurait qualifier cette disposition comme étant lacunaire du simple fait qu’ elle ne prévoit pas, en cas d’ accident ayant entraîné une IPP, le cas de l’ aggravation des lésions . En abandonnant à une réglementation établie d’ un commun accord des institutions la compétence pour fixer les conditions d’ application des normes qu’ il établit, l’ article 73 autorise les institutions à envisager légitimement le cas de l’ aggravation des lésions dans le cadre de cette réglementation .

28 En outre, le Tribunal relève qu’ en aucun cas l’ aggravation des lésions consécutives à un accident ne saurait être assimilée à un nouvel accident ni, par conséquent, constituer un fait nouveau générateur d’ indemnisation, l’ accident constituant toujours le fait générateur d’ indemnisation . Une autre interprétation conduirait à instaurer un régime d’ indemnisation différent, selon que les lésions causées par l’ accident se manifestent immédiatement après celui-ci ou seulement à une date ultérieure . Enfin, le Tribunal souligne que l’ article 2 de la réglementation considère comme accident « tout événement ou facteur extérieur et soudain ou violent ou anormal ayant porté atteinte à l’ intégrité physique ou psychique du fonctionnaire » et qu’ une aggravation des lésions ne répond pas à ces conditions . Il s’ ensuit que le système de calcul de prestations établi par l’ article 73 sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’ accident doit également trouver application en cas d’ aggravation des lésions à une date ultérieure à l’ accident .

29 Quant à la prétendue méconnaissance des principes d’ égalité, de justice distributive et d’ équité, le Tribunal relève que l’ article 73 s’ applique, d’ une manière identique, à tous les fonctionnaires ayant été victimes d’ un accident au sens de la réglementation et que, de ce fait, aucune discrimination ne peut découler d’ une telle application; en revanche, une discrimination pourrait apparaître si l’ on appliquait des bases de calculs différentes en fonction de la date de consolidation de l’ aggravation des lésions . Ces mêmes raisons conduisent à écarter, dans le cas d’ espèce, une violation des principes de justice distributive et d’ équité .

30 Il s’ ensuit qu’ il convient d’ écarter ce moyen .

Sur la demande subsidiaire du requérant, tendant à ce que les indemnités qui lui sont dues au titre de l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut prennent en compte la dépréciation monétaire intervenue entre la date de l’ accident et celle de la consolidation de l’ aggravation de ses lésions

Sur le moyen unique tiré de la violation de l’ article 5 du statut et de la méconnaissance des principes généraux de droit, tels que ceux d’ égalité, de justice distributive et d’ équité

31 Le requérant estime que, si sa demande principale n’ est pas accueillie, il serait juste et équitable que les indemnités lui revenant en raison de l’ aggravation des lésions résultant de son accident soient calculées en tenant compte de la dépréciation qu’ a connue la monnaie de paiement, le franc belge, entre la date de l’ accident – 29 mars 1975 – et celle retenue pour la consolidation de l’ aggravation des lésions – 23 novembre 1988 – période pendant laquelle le franc belge serait passé d’ un indice 100 en 1975 à un indice 198,9 en 1988 .

32 La Commission estime, pour sa part, que ni le statut ni la réglementation ne prévoient, dans leur version actuelle, de méthode permettant de revaloriser les traitements alloués pour les douze mois précédant l’ accident afin de tenir compte de la dépréciation monétaire et qu’ une décision en ce sens n’ appartient qu’ au législateur communautaire . En outre, les principes généraux invoqués par le requérant ne seraient pas de nature à servir de base légale valable à une décision par laquelle l’ administration, lors de l’ application de l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut, adapterait le niveau des rémunérations allouées, en cas de variation sensible du coût de la vie ou de dépréciation monétaire entre la date de la survenance de l’ accident et celle de la consolidation de l’ aggravation des lésions subies . Elle ajoute qu’ une revendication semblable à celle du requérant repose sur une confusion entre la réparation du dommage dans le cadre d’ une action en responsabilité civile et les principes applicables dans le cadre de l’ assurance des risques d’ accident . En outre, elle relève que le requérant ne cherche pas à démontrer que la défenderesse aurait commis une faute consistant à retarder indûment la procédure d’ examen de la demande au titre de l’ article 73 .

33 En réplique, le requérant estime que la solution donnée par les textes, dans leur état actuel, est injuste et inéquitable mais que les principes généraux de droit visés doivent primer sur les textes de droit positif . Par ailleurs, il soutient qu’ il ne commet pas de confusion entre la réparation du dommage dans le cadre d’ une action en responsabilité civile et les principes applicables dans le cadre de l’ assurance des risques d’ accident, car il ne demande la prise en compte de la dépréciation monétaire nullement sur la base des règles et principes relatifs à la réparation du dommage dans le cadre d’ une action en responsabilité civile, mais sur la base des principes supérieurs de droit, tels que ceux d’ égalité, de justice distributive et d’ équité .

34 La partie intervenante fait valoir que le capital auquel peut prétendre un fonctionnaire sur la base de l’ article 73 n’ a pas pour objet d’ assurer la pleine réparation du préjudice subi . Cet article se bornerait à mettre en place un régime de sécurité sociale qui garantirait au fonctionnaire accidenté une prestation en capital à caractère forfaitaire . On ne se trouverait donc pas en présence d’ une « dette d’ indemnité », destinée à réparer un préjudice à la date du paiement, mais d’ une « dette de somme d’ argent », dont le montant forfaitaire serait fixé par les paramètres inscrits à l’ article 73 . Elle fait également remarquer que le texte légal est clair et qu’ aucune disposition du droit positif communautaire ne prévoit que ladite somme d’ argent doive être actualisée compte tenu de la dépréciation monétaire, qu’ un « principe général de droit » en ce sens n’ existe, à son avis, ni dans le droit communautaire ni dans celui des États membres .

35 Le Tribunal estime, tout d’ abord, opportun de rappeler que les prestations visées à l’ article 73 ont le caractère de prestations de sécurité sociale et non de prestations destinées à réparer un dommage dans le cadre d’ une action en responsabilité civile; par conséquent, le capital prévu à l’ article 73, paragraphe 2, sous b ) et c ), n’ est pas une dette d’ indemnité destinée à réparer un préjudice, mais une dette de somme d’ argent, à caractère forfaitaire, mesurée d’ après les conséquences durables de l’ accident ( arrêt de la Cour du 21 mai 1981, Morbelli/Commission, point 34, 156/80, Rec . p . 1357 ).

36 Le Tribunal considère que ni l’ article 73, paragraphe 2, du statut ni l’ article 22 de la réglementation n’ ouvrent la possibilité de revaloriser, en cas d’ aggravation ultérieure des lésions, le montant du capital versé afin de tenir compte de la dépréciation monétaire .

37 Le Tribunal relève, en outre, que selon l’ article 20, premier alinéa, de la réglementation en cause, « la décision portant fixation du degré d’ invalidité intervient après la consolidation des lésions du fonctionnaire » et que, selon le deuxième alinéa du même article, « lorsque, après cessation du traitement médical, le degré d’ invalidité ne peut pas encore être fixé définitivement, l’ avis du ou des médecins visés à l’ article 19 ou, le cas échéant, le rapport de la commission médicale prévue à l’ article 23, doit préciser la date à laquelle le dossier du fonctionnaire doit être réexaminé au plus tard ». Il ressort de cette disposition que le droit au versement de l’ indemnité pour invalidité permanente ne naît pas au fur et à mesure de la consolidation de chacune des lésions, mais seulement lors de la consolidation de l’ ensemble des lésions et qu’ il est prévu qu’ un intervalle de temps d’ une durée indéterminée puisse s’ écouler entre la date de l’ accident et la date de la consolidation des lésions .

38 Néanmoins, la réglementation ne prévoit le versement d’ une indemnité provisionnelle que dans le cas où le degré d’ invalidité est réputé s’ élever au moins à 20 %. Dans ce cas, le troisième alinéa de l’ article 20 de la réglementation prévoit que l’ autorité investie du pouvoir de nomination alloue une indemnité provisionnelle correspondant à la fraction non litigieuse du taux d’ invalidité permanente, cette indemnité étant imputée sur les prestations définitives .

39 Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’ il n’ existe aucune base juridique permettant de soutenir que le capital versé à titre d’ indemnité pour invalidité permanente doit, le cas échéant, être revalorisé au moment de la consolidation des lésions afin de prendre en compte la dépréciation monétaire éventuellement intervenue entre-temps .

40 Par ailleurs, le Tribunal estime que cette solution, dans la mesure où elle s’ applique à tous les fonctionnaires, ne saurait être contraire aux principes généraux de droit visés dans le moyen .

41 Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen .

42 Il s’ ensuit qu’ il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation du requérant .

Sur la demande du requérant tendant à ce que la Commission soit condamnée à lui verser un « complément provisionnel »

43 Le requérant demande que la défenderesse soit condamnée à lui verser, à titre de complément provisionnel des indemnités complémentaires allouées pour l’ aggravation des lésions consécutives à l’ accident du 29 mars 1975, la somme de 1 000 000 BFR, augmentée d’ intérêts moratoires au taux annuel de 8 % à partir de la date à fixer par le Tribunal jusqu’ au jour du paiement effectif .

44 La Commission fait observer que ni le statut ni la réglementation ne prévoient la faculté pour l’ intéressé de demander à l’ administration un versement d’ indemnités à titre provisionnel . Elle rappelle, en outre, que les obligations qui s’ imposent à l’ administration ne peuvent découler que de l’ annulation de l’ un de ses actes, conformément à l’ article 176 du traité CEE, et que le Tribunal n’ a pas compétence pour adresser à l’ administration des injonctions dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’ article 91 du statut . Il en découle, selon elle, que ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables ou, à tout le moins, comme non fondées .

45 En réplique, le requérant répond qu’ il ne demande pas l’ allocation d’ indemnités complémentaires en l’ absence de conclusions du médecin-conseil ou de la commission médicale, mais le versement d’ une indemnité complémentaire à celles déjà allouées et dues, s’ il est fait droit à ses autres conclusions, soit parce que les indemnités complémentaires allouées ont été calculées sur la base des traitements mensuels des douze mois précédant l’ accident ( 29 mars 1975 ) au lieu de l’ avoir été sur la base des traitements mensuels des douze mois précédant la date de la consolidation de l’ aggravation des lésions ( 23 novembre 1988 ), soit, subsidiairement, parce que les indemnités complémentaires allouées n’ ont pas pris en compte la dépréciation monétaire . Quant à la compétence du Tribunal pour connaître de cette demande, il rappelle que, dans le contentieux de la fonction publique, le Tribunal a une compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire et que ce qu’ il demande n’ est qu’ une condamnation au paiement du « trop peu perçu ».

46 Le Tribunal ayant rejeté les demandes du requérant relatives aux modalités de calcul du capital prévu à l’ article 73, paragraphe 2, sous c ), du statut, il y a lieu de rejeter la présente demande, dont le sort est lié à celui des conclusions précédentes .

47 Il s’ ensuit que le recours doit être rejeté .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

48 Aux termes de l’ article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens . Toutefois, selon l’ article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .

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CJCE, n° T-8/90, Arrêt du Tribunal, Michel Colmant contre Commission des Communautés européennes, 28 février 1992