CJCE, n° T-43/90, Arrêt du Tribunal, José Miguel Díaz García contre Parlement européen, 18 décembre 1992

  • Obligation alimentaire légale pesant sur le fonctionnaire·
  • Statut des fonctionnaires et régime des autres agents·
  • Moyen tiré de la violation des formes substantielles·
  • Assimilation d' une personne à un enfant à charge·
  • Interprétation du droit communautaire·
  • Compétence liée de l' administration·
  • Allocation pour enfant à charge·
  • Ordre juridique communautaire·
  • Conditions de recevabilité·
  • Interprétation autonome

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 18 déc. 1992, Díaz García / Parlement, T-43/90
Numéro(s) : T-43/90
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 18 décembre 1992. # José Miguel Díaz García contre Parlement européen. # Fonctionnaires - Allocation pour enfant à charge - Personne assimilée à un enfant à charge - Obligation alimentaire légale. # Affaire T-43/90.
Date de dépôt : 8 octobre 1990
Précédents jurisprudentiels : Cour du 19 janvier 1984, Erdini/Conseil ( 65/83, Rec. p. 211
Cour du 21 novembre 1974, Moulijn/Commission, 6/74, Rec. p. 1287
Tribunal du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, point 29 ( T-75/89, Rec. p. II-899
Solution : Recours de fonctionnaires : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61990TJ0043
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1992:120
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Texte intégral

Avis juridique important

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61990A0043

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 18 décembre 1992. – José Miguel Díaz García contre Parlement européen. – Fonctionnaires – Allocation pour enfant à charge – Personne assimilée à un enfant à charge – Obligation alimentaire légale. – Affaire T-43/90.


Recueil de jurisprudence 1992 page II-02619


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1. Fonctionnaires – Rémunération – Allocations familiales – Allocation pour enfant à charge – Assimilation d’ une personne à un enfant à charge – Condition – Obligation alimentaire légale pesant sur le fonctionnaire – Notion – Appréciation au regard du droit national applicable au fonctionnaire

(Statut des fonctionnaires, art. 67; annexe VII, art. 2, § 4)

2. Droit communautaire – Interprétation – Principes – Interprétation autonome – Limites – Renvoi, dans certains cas, au droit des États membres

3. Fonctionnaires – Recours – Intérêt à agir – Moyen tiré de la violation des formes substantielles – Compétence liée de l’ administration – Irrecevabilité du moyen

(Statut des fonctionnaires, art. 91)

Sommaire


1. Selon l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, l’ assimilation à un enfant à charge d’ une personne à l’ égard de laquelle le fonctionnaire a des obligations alimentaires légales et dont l’ entretien lui impose de lourdes charges revêt un caractère exceptionnel. Par conséquent, il y a lieu d’ interpréter strictement la condition de l’ existence, dans le chef du fonctionnaire, d’ une obligation alimentaire légale à l’ égard d’ une personne autre qu’ un enfant à charge.

La notion d’ obligation alimentaire légale visée par le statut puise son inspiration dans les ordres juridiques des États membres qui, en vertu de la loi, font peser sur les parents et/ou les alliés à un degré plus ou moins éloigné une obligation mutuelle de secours alimentaire. Dès lors, cette notion doit être interprétée en ce sens qu’ elle ne vise que l’ obligation alimentaire imposée au fonctionnaire par l’ effet d’ une source de droit indépendante de la volonté des parties et exclut la prise en considération d’ obligations alimentaires à caractère conventionnel, naturel ou indemnitaire.

Ni le droit communautaire ni le statut ne fournissant au juge communautaire des indications lui permettant de préciser, par une interprétation autonome, le contenu et la portée de l’ obligation alimentaire légale permettant d’ attribuer à un fonctionnaire le bénéfice de l’ allocation pour enfant à charge, conformément à l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, il y a lieu de rechercher si l’ ordre juridique national auquel est soumis le fonctionnaire en cause lui impose une telle obligation.

2. Les termes d’ une disposition de droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver une interprétation autonome, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’ objectif poursuivi par la réglementation en cause. Cependant, en l’ absence d’ un renvoi exprès au droit des États membres, l’ application du droit communautaire peut impliquer, le cas échéant, une référence au droit des États membres lorsque le juge communautaire ne peut déceler dans le droit communautaire ou dans ses principes généraux les éléments lui permettant de préciser le contenu et la portée d’ une disposition communautaire par une interprétation autonome.

3. Un fonctionnaire n’ a aucun intérêt légitime à l’ annulation pour vice de forme d’ une décision dans le cas où l’ administration ne dispose d’ aucune marge d’ appréciation et est tenue d’ agir comme elle l’ a fait. En pareille hypothèse, l’ annulation de la décision attaquée ne pourrait, en effet, que donner lieu à l’ intervention d’ une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée.

Parties


Dans l’ affaire T-43/90,

José Miguel Díaz García, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, assisté de MM. Manfred Peter et Christian Pennera, membres du service juridique, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet la constatation de l’ illégalité de la décision du Parlement européen du 29 mars 1977, portant adoption des dispositions générales d’ exécution de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut des fonctionnaires; l’ annulation de la décision du Parlement du 8 mars 1990, rejetant la demande d’ assimilation à des enfants à charge, au titre de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, des enfants de la concubine du requérant, et, pour autant que de besoin, l’ annulation de la décision du 3 juillet 1990 rejetant la réclamation du requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre)

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, R. Schintgen et C. W. Bellamy, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 7 juillet 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


Les faits à l’ origine du recours

1 Le requérant, M. José Miguel Díaz García, de nationalité espagnole, est fonctionnaire du Parlement européen (ci-après « Parlement »), affecté à Bruxelles. Avant son entrée au service du Parlement, il résidait en Espagne. Marié et père d’ un enfant mineur, il vivait séparé de son épouse et de l’ enfant issu de ce mariage. Une décision de séparation judiciaire, étape préalable à l’ engagement d’ une procédure de divorce, avait été prononcée au mois de juillet 1983. Depuis le mois de juillet 1987, il vivait en communauté domestique avec Mme Visitación González Reillo et les deux enfants mineurs de celle-ci. Mme González Reillo était également séparée de son époux, et la garde de ses enfants lui avait été confiée par une décision de séparation judiciaire.

2 Le 12 décembre 1988, le requérant s’ est vu proposer, à la suite de sa participation à un concours général, un poste de commis adjoint au Parlement. Le 18 décembre 1988, il a adressé au Parlement deux certificats de résidence et de cohabitation maritale avec Mme González Reillo, délivrés les 27 janvier et 16 décembre 1988 par la commune d’ Alicante (Espagne).

3 A compter de son entrée au service du Parlement, le 15 février 1989, l’ allocation de foyer et l’ allocation pour enfant à charge du chef de l’ enfant issu de son mariage ont été versées à son épouse.

4 Au mois de mars 1989, Mme González Reillo a introduit une action en divorce devant le tribunal d’ Alicante. Le requérant avait déjà introduit en janvier 1989 une demande analogue devant le même tribunal.

5 Le 4 avril 1989, le requérant a écrit au Parlement, sollicitant le bénéfice, en application des articles 1er, paragraphe 2, sous c), et 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après « statut »), des allocations familiales visées par ces dispositions. Le 6 juin 1989, le Parlement a informé le requérant qu’ il ne pouvait pas faire droit à sa demande.

6 A la fin de l’ année scolaire espagnole, en juin 1989, Mme González Reillo et ses enfants se sont installés auprès du requérant à Schaerbeek, Bruxelles. Leur séjour n’ a été autorisé par les autorités belges que jusqu’ au 18 décembre 1989.

7 Le 7 novembre 1989, le requérant a introduit auprès du Parlement une demande au titre de l’ article 90, paragraphe 1, du statut afin que soit prise une décision reconnaissant qu’ il assumait des charges de famille au sens des articles 1er, paragraphe 2, sous c), et 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut.

8 Afin de permettre à sa famille de fait d’ obtenir l’ autorisation de résider avec lui en Belgique, le requérant a signé le 20 décembre 1989 un document intitulé « Engagement de prise en charge », par lequel il s’ est engagé:

« à l’ égard de l’ État belge et de (sa) concubine nommée González Reillo, Visitación (omissis) à prendre en charge les soins de santé, les frais de séjour et de rapatriement de la prénommée.

(Omissis)

La présente prise en charge s’ étend au conjoint de l’ étranger et à leurs enfants mineurs à charge (omissis)".

9 Le requérant et Mme González Reillo ont eu un enfant commun le 29 janvier 1990.

10 Par jugements rendus, respectivement, les 20 décembre 1989 et 1er mars 1990, le tribunal d’ Alicante a prononcé le divorce de Mme González Reillo et celui du requérant. Le jugement prononçant le divorce de Mme González Reillo condamne l’ ex-époux de celle-ci à lui verser mensuellement un montant de 20 000 PTA, indexé sur l’ évolution du coût de la vie, pour l’ entretien des enfants issus de son mariage.

11 Par décision du 8 mars 1990, le secrétaire général du Parlement a rejeté la demande du requérant du 7 novembre 1989, en affirmant, notamment, que:

« … dans l’ état actuel de votre situation personnelle, c’ est à juste titre que l’ allocation de foyer et l’ allocation pour enfant à charge sont versées à votre épouse, non divorcée, qui a la garde de votre enfant légitime.

(Omissis)

S’ agissant des enfants de votre concubine, une allocation pour enfants à charge ne peut pas non plus vous être attribuée dans la mesure où les conditions d’ application de l’ article 2, paragraphe 4, de ladite annexe ne sont pas remplies (Omissis)".

12 Le 3 avril 1990, le requérant a répondu au Parlement par une lettre dans laquelle il invitait le Parlement à rectifier sa décision ou à réfuter l’ argumentation qu’ il exposait à l’ appui de ses prétentions.

13 Le requérant et Mme González Reillo ont contracté mariage en avril 1990.

14 Le 3 juillet 1990, le secrétaire général du Parlement a répondu à la lettre du requérant du 3 avril 1990, expliquant qu’ aucun élément ne lui permettait de revenir juridiquement sur la solution motivée donnée dans sa lettre du 8 mars 1990, telle qu’ applicable au contexte de l’ époque.

La procédure

15 C’ est dans ces conditions que, par requête déposée le 5 octobre 1990 au greffe du Tribunal de première instance, le requérant a introduit le présent recours visant à la constatation de l’ illégalité de la décision du Parlement du 29 mars 1977, portant adoption des dispositions générales d’ exécution de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, l’ annulation de la décision du 8 mars 1990 et, pour autant que de besoin, l’ annulation de la décision du 3 juillet 1990, rejetant sa réclamation.

16 Par mémoire déposé le 10 décembre 1990, la partie défenderesse a soulevé une exception d’ irrecevabilité. Par mémoire déposé le 15 janvier 1991, la partie requérante a demandé au Tribunal de rejeter cette exception. Par ordonnance du Tribunal du 22 janvier 1991, l’ exception d’ irrecevabilité a été jointe au fond.

17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’ instruction. A la demande du Tribunal, les parties ont déposé la lettre du requérant au Parlement du 4 avril 1989 et la réponse de celui-ci du 6 juin 1989.

18 La procédure orale s’ est déroulée le 7 juillet 1992. Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

19 A l’ audience, la partie défenderesse a déclaré renoncer à son exception d’ irrecevabilité, en expliquant qu’ elle ne souhaitait pas retirer au Tribunal la possibilité de statuer au fond. La partie requérante a déposé la copie d’ un jugement rendu par le juge de paix du deuxième canton de Schaerbeek le 1er avril 1992 (voir ci-après, point 26).

Conclusions des parties

20 La partie requérante conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

1) déclarer le recours recevable et fondé;

2) en conséquence, constater l’ illégalité de la décision du Parlement portant adoption des dispositions générales d’ exécution de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut; annuler la décision du 8 mars 1990, refusant au requérant le bénéfice de l’ allocation pour enfant à charge au titre de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, et, pour autant que de besoin, annuler la décision du 3 juillet 1990, opposée à sa réclamation;

3) condamner le défendeur aux dépens.

21 S’ étant désistée à l’ audience de ses conclusions relatives à la recevabilité du recours, la partie défenderesse conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

— déclarer le recours non fondé;

— statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables.

Sur le fond

22 Le requérant soulève trois moyens tirés, le premier de la violation de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, le deuxième de l’ illégalité de la décision du Parlement du 29 mars 1977, portant adoption des dispositions générales d’ exécution de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, et le troisième de la violation de l’ article 25 du statut.

Sur le moyen tiré de la violation de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut

23 L’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut dispose que « peut être exceptionnellement assimilée à l’ enfant à charge par décision spéciale et motivée de l’ autorité investie du pouvoir de nomination, prise sur la base de documents probants, toute personne à l’ égard de laquelle le fonctionnaire a des obligations alimentaires légales et dont l’ entretien lui impose de lourdes charges ».

Arguments des parties

24 Le requérant souligne que l’ autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après « AIPN ») est tenue d’ accorder l’ allocation pour enfants à charge dès lors qu’ elle a constaté que les enfants dont il s’ agit sont des enfants à charge au sens de l’ article 2, paragraphe 2, de l’ annexe VII du statut et remplissent les conditions d’ âge au sens du paragraphe 3 du même article. Il se prévaut à cet égard de l’ arrêt de la Cour du 19 janvier 1984, Erdini/Conseil (65/83, Rec. p. 211).

25 Quant aux « obligations alimentaires légales » mentionnées au paragraphe 4 dudit article, le requérant fait valoir que, selon le droit belge, les enfants de sa concubine sont créanciers, vis-à-vis de lui, d’ une obligation alimentaire naturelle qui se serait novée en obligation civile. Une dette alimentaire pourrait résulter d’ une obligation naturelle fondée sur les liens d’ affection existant entre des concubins, d’ une part, et entre un concubin et les enfants de son partenaire, d’ autre part. Cette obligation alimentaire naturelle serait susceptible d’ être transformée en obligation civile par sa reconnaissance par le débiteur et/ou par son exécution volontaire.

26 A l’ appui de cette analyse, le requérant s’ est référé, dans ses mémoires écrits, à un certain nombre d’ arguments tirés de la jurisprudence belge. A l’ audience, il a invoqué également le jugement, précité, rendu par le juge de paix du deuxième canton de Schaerbeek le 1er avril 1992 dans une action intentée le 21 février 1992 par Mme González Reillo, au nom de ses enfants, et dirigée contre lui. Dans ce jugement, le juge fixe à 20 000 BFR par mois et par enfant le montant de la contribution aux frais d’ entretien et d’ éducation des enfants de Mme González Reillo à la charge de M. Díaz García et condamne, dès à présent, celui-ci au paiement de ces contributions en cas d’ interruption des prestations spontanées. Dans les attendus du jugement, le juge constate que « l’ obligation alimentaire naturelle dont Monsieur Díaz García se reconnaît redevable envers les enfants de la requérante a été, en raison de son exécution spontanée pendant plus de quatre ans, novée en obligation civile susceptible de recevoir une exécution ordonnée par le juge en cas d’ interruption des prestations spontanées ».

27 Afin de déterminer la loi applicable, le juge de paix de Schaerbeek s’ est basé sur l’ article 1er de la convention de la Haye du 24 octobre 1956, sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants, à laquelle ont adhéré tant la Belgique que l’ Espagne, qui prévoit que « la loi de la résidence habituelle de l’ enfant détermine si, dans quelle mesure et à qui l’ enfant peut réclamer des aliments ». Constatant que les enfants en question résidaient habituellement en Belgique depuis le mois de décembre 1989, le juge a donc appliqué le droit belge.

28 Le requérant rappelle, en outre, qu’ il a signé un engagement de prise en charge, le 20 décembre 1989, envers l’ État belge. Dès lors, il ne serait pas contestable que, de son libre engagement, sont nées des obligations alimentaires légales envers les enfants de Mme González Reillo.

29 La partie défenderesse fait valoir que, selon l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, l’ attribution d’ une allocation pour une personne assimilée à un enfant à charge est soumise à la condition préalable que le fonctionnaire ait, à l’ égard de la personne en question, des « obligations alimentaires légales ». La charge de la preuve incomberait au fonctionnaire, qui devrait fournir les « documents probants ».

30 La défenderesse considère que le requérant n’ a pas apporté la preuve qu’ il est tenu, vis-à-vis des enfants de sa concubine, à une obligation alimentaire légale. En effet, pendant la période pour laquelle le requérant a sollicité l’ allocation en cause, il aurait été lui-même marié avec la mère de son enfant légitime, tandis que sa concubine aurait été mariée, pour sa part, avec le père de ses deux enfants. Or, il n’ existerait, tant en droit espagnol que dans le droit commun aux ordres juridiques des États membres, aucune obligation alimentaire légale dans le chef d’ un concubin à l’ égard des enfants de sa concubine.

31 Quant à l’ engagement de prise en charge souscrit par le requérant le 20 décembre 1989, il s’ agirait d’ une décision librement consentie par l’ intéressé. La partie défenderesse refuse d’ y voir la source d’ une obligation alimentaire légale, c’ est-à-dire résultant de l’ ordre juridique en vigueur et non pas d’ un acte de volonté personnel.

32 La partie défenderesse a fait valoir à l’ audience que le jugement du juge de paix de Schaerbeek a été rendu à une date à laquelle le requérant et Mme González Reillo étaient déjà mariés, soit à une date postérieure de presque deux ans à la période en cause dans la présente affaire. Le litige n’ aurait donc pas concerné des concubins, mais des époux. Par ailleurs, s’ agissant d’ une action ad futurum intentée par Mme González Reillo contre M. Díaz García pour obtenir l’ exécution d’ une obligation qu’ il respectait déjà, le jugement aurait été rendu sur la base de faits hypothétiques et en l’ absence d’ une véritable contradiction. Il n’ y aurait eu ni intérêt né ni intérêt actuel dans le chef de la demanderesse. Ce serait le prétendu débiteur qui, en quelque sorte, aurait tenté de faire reconnaître qu’ il a une obligation alimentaire légale, alors que nul ne lui contesterait le droit, s’ il le juge bon, de satisfaire spontanément à une obligation qu’ à titre personnel il estime naturelle.

Appréciation du Tribunal

33 Il convient de rappeler que, selon l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut, toute personne à l’ égard de laquelle le fonctionnaire a des obligations alimentaires légales et dont l’ entretien lui impose de lourdes charges peut être assimilée exceptionnellement, par décision spéciale, à un enfant à charge aux fins de bénéficier de l’ allocation pour enfant à charge.

34 L’ assimilation d’ une autre personne à un enfant à charge revêtant un caractère exceptionnel souligné par le texte même du statut, il y a lieu par conséquent d’ interpréter strictement la condition de l’ existence, dans le chef du fonctionnaire, d’ une obligation alimentaire légale à l’ égard d’ une autre personne (voir l’ arrêt de la Cour du 21 novembre 1974, Moulijn/Commission, 6/74, Rec. p. 1287).

35 Le Tribunal constate que la notion d’ « obligation alimentaire légale », utilisée par le statut, puise son inspiration dans les ordres juridiques des États membres qui, en vertu de la loi, font peser sur les parents et/ou alliés d’ un degré plus ou moins éloigné une obligation mutuelle de secours alimentaire. Il estime que, en utilisant à l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut la notion d’ obligation alimentaire légale, le statut vise exclusivement l’ obligation alimentaire imposée au fonctionnaire par l’ effet d’ une source de droit indépendante de la volonté des parties et qu’ il exclut par conséquent la prise en considération d’ obligations alimentaires à caractère conventionnel, naturel ou indemnitaire.

36 Selon une jurisprudence constante de la Cour (voir, entre autres, l’ arrêt du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107), les termes d’ une disposition de droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver une interprétation autonome, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’ objectif poursuivi par la réglementation en cause. Le Tribunal considère cependant que, en l’ absence d’ un renvoi exprès, l’ application du droit communautaire peut impliquer, le cas échéant, une référence au droit des États membres lorsque le juge communautaire ne peut déceler dans le droit communautaire ou dans les principes généraux du droit communautaire les éléments lui permettant d’ en préciser le contenu et la portée par une interprétation autonome.

37 Or, ni le droit communautaire ni le statut ne fournissent au juge communautaire des indications lui permettant de préciser, par une interprétation autonome, le contenu et la portée de l’ obligation alimentaire légale permettant d’ attribuer à un fonctionnaire le bénéfice de l’ allocation pour enfant à charge conformément à l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut. Il y a lieu, par conséquent, d’ identifier l’ ordre juridique national auquel est soumis le requérant et de rechercher si ce dernier lui impose, à l’ égard des enfants de sa concubine, une obligation alimentaire légale au sens du statut.

38 Afin de procéder à cet examen, le Tribunal estime nécessaire d’ identifier le tribunal qui pourrait être compétent ainsi que la loi que celui-ci appliquerait en vertu de ses propres règles de conflit de lois.

39 En l’ espèce, la nationalité commune des intéressés est la nationalité espagnole. Pendant la période en cause, qui s’ est étendue de l’ entrée en fonction du requérant auprès du Parlement (février 1989) à son mariage avec Mme González Reillo (avril 1990), les enfants ont d’ abord vécu, du mois de février 1989 jusqu’ à la fin de l’ année scolaire 1988/1989, avec leur mère en Espagne. Ensuite, ils ont vécu, avec le requérant et leur mère, en Belgique. Dans un premier temps, ils ont séjourné en Belgique sous le couvert d’ un permis de séjour temporaire. A compter du 20 décembre 1989, ils ont été autorisés à continuer de séjourner en Belgique au vu de l’ engagement de prise en charge souscrit par le requérant.

40 En présence de telles circonstances de fait, il apparaît que, selon le moment auquel une action aurait été intentée, les tribunaux espagnols ou belges auraient pu être compétents, et la loi applicable aurait pu être la loi espagnole ou la loi belge.

41 Cependant, il est constant en l’ espèce qu’ il n’ existe, tant en droit belge qu’ en droit espagnol, aucune obligation alimentaire légale au sens défini ci-avant, découlant d’ une source de droit indépendante de la volonté du débiteur, dans le chef d’ une personne envers les enfants propres de son concubin. Par conséquent, le Tribunal considère que, sans qu’ il soit nécessaire de déterminer si la convention de la Haye, précitée, était applicable au rapport en cause ou si ce rapport était régi par la loi belge ou la loi espagnole, le requérant n’ avait, pendant la période litigieuse, aucune obligation alimentaire légale au sens du statut envers les enfants de Mme González Reillo.

42 En particulier, le Tribunal estime que l’ argument du requérant, basé sur l’ idée qu’ une obligation civile créée par novation d’ une obligation naturelle constitue une obligation alimentaire légale au sens du statut, ne saurait être accueilli. Même si elle est susceptible de recevoir une exécution ordonnée par le juge, une telle obligation civile, du fait qu’ elle trouve son origine dans un comportement volontaire, ne constitue pas une obligation imposée par l’ effet d’ une source de droit indépendante de la volonté des parties et ne saurait donc être qualifiée d’ obligation alimentaire légale au sens du statut.

43 Nonobstant les changements de moeurs qui ont pu intervenir depuis la rédaction du statut en 1962, le Tribunal n’ est, en tout état de cause, pas compétent pour élargir l’ interprétation juridique de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut afin d’ y inclure des obligations du type de celle invoquée par le requérant.

44 En ce qui concerne le jugement du juge de paix de Schaerbeek du 1er avril 1992, il suffit de constater qu’ il se rapporte à une période postérieure au mariage du requérant avec Mme González Reillo. Ce jugement n’ est donc pas pertinent en ce qui concerne la période en cause en l’ espèce.

45 S’ agissant de l’ engagement de prise en charge souscrit par le requérant en faveur des enfants de sa concubine, le Tribunal considère qu’ un tel engagement, à supposer qu’ il puisse être créateur d’ une obligation alimentaire, ne saurait non plus être qualifié d’ obligation alimentaire légale au sens du statut, alors qu’ il procède de la volonté du fonctionnaire.

46 Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de l’ illégalité de la décision du Parlement du 29 mars 1977, portant adoption des dispositions générales d’ exécution de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut

47 L’ article 3 des dispositions générales d’ exécution relatives à l’ assimilation d’ une personne à un enfant à charge, arrêtées par le Parlement le 29 mars 1977, prévoit que:

« La personne dont l’ assimilation est demandée doit être:

— âgée de plus de 60 ans, s’ il s’ agit d’ un homme et de plus de 55 ans, s’ il s’ agit d’ une femme, ou

— âgée de moins de 18 ans, cette limite d’ âge étant reportée à 26 ans si la personne reçoit une formation scolaire ou professionnelle, ou

— atteinte d’ une maladie ou d’ une infirmité l’ empêchant de subvenir à ses besoins."

Arguments des parties

48 Le requérant fait valoir que, en rajoutant à l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII des conditions non prévues par le législateur communautaire, le Parlement a manifestement commis un détournement de procédure et un abus de pouvoir. Le requérant souligne que l’ article 3 de la décision entraîne automatiquement l’ exclusion d’ un nombre considérable de personnes (et, entre autres, des enfants du concubin d’ un fonctionnaire qui assume effectivement des charges de famille à leur égard), sauf si elles sont atteintes d’ une maladie grave ou d’ une infirmité.

49 La partie défenderesse reconnaît, en réponse aux arguments tirés par le requérant de l’ article 3 des dispositions générales d’ exécution, qu’ une version identique de cet article a été déclarée illégale par l’ arrêt du Tribunal du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, point 29 (T-75/89, Rec. p. II-899). Elle fait valoir, cependant, que l’ article 3 ne saurait avoir été à la base de la décision individuelle contestée par le requérant puisque les enfants de sa concubine, âgés de moins de 18 ans, entrent pleinement dans le champ d’ application dudit article 3. Ce ne serait donc pas en vertu de cette disposition que la demande du requérant a été rejetée.

Appréciation du Tribunal

50 Il suffit de constater que l’ article 3 des dispositions générales d’ exécution en cause ne contient aucune disposition susceptible d’ exclure du bénéfice de l’ article 2, paragraphe 4, de l’ annexe VII du statut les enfants de Mme González Reillo, puisque ceux-ci étaient âgés, pendant la période litigieuse, de moins de 18 ans.

51 Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’ article 25 du statut

Arguments des parties

52 Le requérant fait valoir que la motivation des réponses explicites de rejet opposées à sa demande et à sa réclamation ne lui a pas permis pas de contrôler la légalité de ces décisions. Si le Parlement a adopté des dispositions générales d’ exécution, ce serait parce qu’ il a estimé soit que ledit paragraphe 4 manquait de clarté, soit qu’ il convenait de préciser les critères aptes à guider l’ administration dans l’ exercice de son pouvoir discrétionnaire. Dans ces conditions, le Parlement ne pourrait pas affirmer, pour les besoins de la présente espèce, que ce texte est assez clair pour se suffire à lui-même.

53 La partie défenderesse estime que la référence faite aux conditions d’ application de l’ article 2, paragraphe 4, précité, dans la décision du 8 mars 1990 constituait une motivation suffisante. Par ailleurs, elle relève que le requérant n’ avait pas développé dans sa réclamation de grief à cet égard et que, partant, elle n’ était pas tenue, dans sa réponse, de revenir sur cette question.

Appréciation du Tribunal

54 Au vu de l’ appréciation portée par le Tribunal sur le premier moyen soulevé par le requérant, il apparaît clairement que celui-ci ne pouvait prétendre à l’ assimilation des enfants de sa concubine à des enfants à charge, puisqu’ il n’ était redevable d’ aucune obligation alimentaire légale à leur égard. Dès lors, même si la décision attaquée était annulée pour insuffisance de motivation, elle ne pourrait être remplacée que par une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée. Eu égard à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle un requérant n’ a aucun intérêt légitime à l’ annulation pour vice de forme d’ une décision dans le cas où l’ administration ne dispose d’ aucune marge d’ appréciation et est tenue d’ agir comme elle l’ a fait (arrêt du 6 juillet 1983, Geist/Commission, point 7, 117/81, Rec. p. 2191; voir, également, l’ arrêt du 29 septembre 1976, Morello/Commission, point 11, 9/76, Rec. p. 1415), il n’ est donc pas nécessaire pour le Tribunal d’ examiner ce moyen plus en détail.

55 Au vu de tout ce qui précède, il convient de constater que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

56 Aux termes de l’ article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’ article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

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CJCE, n° T-43/90, Arrêt du Tribunal, José Miguel Díaz García contre Parlement européen, 18 décembre 1992