CJCE, n° T-5/92, Arrêt du Tribunal, Santo Tallarico contre Parlement européen, 21 avril 1993

  • Obligation d' assistance incombant à l' administration·
  • Statut des fonctionnaires et régime des autres agents·
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  • Obligations de l'administration·
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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 21 avr. 1993, Tallarico / Parlement, T-5/92
Numéro(s) : T-5/92
Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 21 avril 1993. # Santo Tallarico contre Parlement européen. # Fonctionnaires - Devoir d'assistance - Article 24 du statut - Actes de malveillance. # Affaire T-5/92.
Date de dépôt : 29 janvier 1992
Précédents jurisprudentiels : Cour du 14 juin 1979, Mme V./Commission, 18/78
Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80
Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-0000
Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T-23/91, Rec. p. II-2377
Solution : Recours de fonctionnaires : rejet pour irrecevabilité, Recours de fonctionnaires : rejet sur le fond, Recours en responsabilité : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61992TJ0005
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1993:37
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Texte intégral

Avis juridique important

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61992A0005

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 21 avril 1993. – Santo Tallarico contre Parlement européen. – Fonctionnaires – Devoir d’assistance – Article 24 du statut – Actes de malveillance. – Affaire T-5/92.


Recueil de jurisprudence 1993 page II-00477


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1. Fonctionnaires – Obligation d’ assistance incombant à l’ administration – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 24)

2. Fonctionnaires – Décision faisant grief – Obligation de motivation – Objet

(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2)

Sommaire


1. Bien que l’ article 24 du statut ait essentiellement pour objet de protéger les fonctionnaires communautaires contre des attaques émanant de tiers, l’ obligation d’ assistance prévue par cette disposition existe également dans le cas où l’ auteur des faits qu’ elle envisage est lui-même fonctionnaire des Communautés.

Il appartient à l’ administration, en présence d’ un incident incompatible avec l’ ordre et la sérénité du service, d’ intervenir avec toute l’ énergie nécessaire et de répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’ espèce en vue d’ établir les faits et, partant, de pouvoir tirer, en toute connaissance de cause, les conséquences appropriées.

2. L’ obligation de motiver une décision faisant grief a pour but de permettre au juge communautaire d’ exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l’ intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’ un vice permettant d’ en contester la légalité.

Parties


Dans l’ affaire T-5/92,

Santo Tallarico, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Mamer (Luxembourg), représenté par Me Alain Lorang, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en son étude, 51, rue Albert 1er,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. Jorge Campinos, juriconsulte, et Manfred Peter, chef de division, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’ annulation de la décision du Parlement européen du 28 octobre 1991 refusant d’ accorder au requérant l’ assistance prévue à l’ article 24 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. J. Biancarelli, président, B. Vesterdorf et R. García-Valdecasas, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 décembre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


Les faits à l’ origine du recours

1 Le requérant, M. Santo Tallarico, est fonctionnaire de catégorie C du Parlement européen (ci-après « Parlement »). Recruté le 1er décembre 1983 sur la base des conditions spéciales pour les handicapés, il a été titularisé en qualité de fonctionnaire avec effet au 2 février 1986.

2 Il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l’ objet, depuis plusieurs années, d’ actes de malveillance qui se sont manifestés, entre autres, par les faits suivants qui se sont produits dans son bureau, dans le bâtiment du Parlement, à Luxembourg: un tiroir forcé en avril 1986; la destruction d’ une prise électrique en avril 1986; des appels téléphoniques anonymes et insultes durant l’ année 1986; le vol de deux photographies personnelles avec leurs cadres le 13 juillet 1987; le vol d’ une tapisserie le 17 juillet 1987; l’ endommagement de trois tableaux les 20 et 21 juillet 1987; la disparition de sa chaise orthopédique le 5 août 1987; l’ endommagement et le blocage de la serrure de la porte de son bureau les 21 décembre 1988 et 13 janvier 1989; des dégradations sur la porte de son bureau le 5 janvier 1990; la disparition d’ une machine à écrire dans son bureau le 5 novembre 1990.

3 En outre, le requérant a fait état d’ autres actes de malveillance commis à son égard, à l’ extérieur de son bureau: la « manipulation » des amplificateurs dont il s’ occupe dans les bâtiments du Parlement à Strasbourg, les 11 et 12 juin 1991; l’ endommagement de la carrosserie de son véhicule dans le parc de stationnement du Parlement, à Luxembourg, les 27 mai et 31 octobre 1991.

4 A la suite de la commission de chacun de ces actes de malveillance, le service de sécurité du Parlement a procédé à une enquête, ainsi qu’ il ressort notamment de la note adressée le 19 août 1987 par M. X, fonctionnaire à la direction des infrastructures et du service intérieur, au directeur du service de sécurité, de la note adressée le 26 mai 1988 par le directeur du service de sécurité au secrétaire général, de la note adressée par le directeur du service de sécurité au requérant le 24 janvier 1989, de la note adressée par le directeur du service de sécurité au secrétaire général le 7 février 1989, de la note adressée le 4 octobre 1989 par le directeur général de l’ administration au responsable du service de sécurité et, enfin, de la note du 5 février 1991 adressée par le directeur du service de sécurité au jurisconsulte du Parlement. Aucune de ces enquêtes n’ a permis d’ identifier les coupables et, selon cette dernière note, « toutes ces enquêtes ont abouti à la conclusion qu’ il y a une mauvaise entente entre M. Tallarico et ses collègues et qu’ on ne peut pas conclure à des actes criminels caractérisés ». Les conclusions de cette note sont confirmées par une note du service juridique du 29 avril 1991 au secrétaire général du Parlement, faisant état des avis des personnes consultées, à savoir le directeur du service de sécurité, le directeur général de l’ administration, le médecin-conseil de l’ institution et le jurisconsulte du Parlement.

5 En outre, pour mettre fin aux faits susmentionnés, le Parlement a décidé d’ adopter diverses mesures, lors d’ une réunion qui a eu lieu le 30 juin 1988 et à laquelle ont participé le directeur du service de sécurité, un membre du service juridique, un membre du comité du personnel et le requérant. Il a été convenu que M. Tallarico pourrait immédiatement s’ adresser, pour toute difficulté qu’ il rencontrerait éventuellement, au chef du service de sécurité, afin qu’ un examen approfondi puisse être effectué et que soient poursuivis les auteurs d’ actes malveillants.

6 A la suite d’ une nouvelle réunion, qui s’ est tenue le 13 juillet 1988 entre le directeur du service intérieur et le requérant, accompagné d’ un membre du comité du personnel, le Parlement a adopté les mesures suivantes: attribution d’ un bureau personnel au requérant, mise à disposition d’ une clé lui permettant de fermer ce bureau, filtrage des appels téléphoniques intérieurs et extérieurs destinés au requérant, puis attribution d’ un numéro de téléphone secret ne figurant pas dans le répertoire téléphonique du Parlement.

7 Le 14 septembre 1988, à la demande du directeur général du personnel, du budget et des finances, le requérant s’ est soumis à un examen du médecin-conseil. A l’ issue de cet examen, M. Tallarico s’ est déclaré très satisfait de sa situation et a fait savoir qu’ il n’ était pas intéressé par une mutation.

8 Dans le cadre de nouvelles mesures adoptées par le Parlement pour mettre fin aux incidents, le directeur du service de sécurité a fait savoir au secrétaire général du Parlement, par note du 7 février 1989, qu’ il avait, en premier lieu, sensibilisé le personnel du service de surveillance, en second lieu, ordonné de mettre en place un « service d’ observation et de surveillance », au moyen de rondes fréquentes à proximité du bureau du requérant, et, enfin, spécialement averti l’ inspecteur principal de la sécurité dans le bâtiment. Une note interne au service de sécurité, en date du 27 septembre 1989, a rappelé ces mêmes mesures.

9 A la fin de l’ année 1990, il a été procédé à un réexamen de la situation de M. Tallarico, auquel ont participé ses supérieurs hiérarchiques, le service de sécurité, le service juridique et le médecin-conseil. Cet examen a conduit à constater l’ existence de différents incidents ne pouvant être qualifiés de graves ou de criminels, et dont les auteurs n’ ont pu être identifiés. Il a également été établi que, malgré les mesures prises en faveur du requérant, les problèmes n’ avaient pas été réglés; de même, ont été relevées l’ extrême sensibilité du requérant, ses mauvaises relations avec ses collègues et ses réactions parfois disproportionnées par rapport aux faits qui se produisaient. A la suite de cet examen, de nouvelles mesures ont été prises:

— à la suggestion du médecin-conseil, il a été proposé au requérant de se faire traiter par un spécialiste pour l’ aider à surmonter ses problèmes, ce qui a été refusé par le requérant;

— il lui a été offert la possibilité de s’ adresser à l’ assistante sociale et à un membre du cabinet du secrétaire général qui serait disposé à le recevoir pour discuter avec lui de ses éventuels desiderata.

10 Par lettre du 12 novembre 1990, adressée à la direction générale du greffe (service de sécurité) du Parlement, M. Tallarico a introduit une demande, tendant à la mise en oeuvre de l’ article 24 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après « statut »), sollicitant la protection de l’ institution sur la base du devoir d’ assistance de cette dernière. Par lettre du 27 février 1991, adressée au directeur général du personnel, du budget et des finances, le requérant a demandé, en outre, conformément à l’ article 25 du statut, l’ ouverture d’ une enquête sur les actes de malveillance, précités, antérieurs à cette date. Le Parlement a interprété cette lettre comme une nouvelle demande d’ assistance présentée par le requérant, complémentaire à la demande, précitée, en date du 12 novembre 1990.

11 Par lettre du 10 mai 1991, le secrétaire général du Parlement a répondu comme suit à la demande d’ assistance du requérant:

« Suite à votre demande, j’ ai demandé aux services compétents de procéder une fois de plus à la vérification de tous les faits dont vous faites état dans votre demande, ainsi que de prendre toutes les mesures possibles aptes à prévenir ce type d’ incidents. Or, le résultat de cette enquête est que l’ on ne peut pas conclure à l’ existence dans le service d’ une attitude de menace ou d’ agression à votre égard ou concernant vos biens, ni, d’ autre part, il n’ y a d’ autres mesures préventives à prendre en plus de celles dont vous bénéficiez déjà depuis septembre 1988.

Je suis sincèrement navré de vous savoir dans un état d’ esprit difficile et de méfiance, mais, croyez-moi, personne dans votre environnement de travail n’ est animé par des sentiments négatifs envers vous. Ayez confiance en vos collègues, car je suis convaincu qu’ eux en ont et en auront pour vous.

Aussi, si je suis sensible à votre demande, c’ est cependant avec le même esprit et la même franchise que je crois utile de vous rappeler que les bonnes relations entre collègues se réalisent uniquement sur une base mutuelle. Or, même si vous avez fait l’ objet de quelques méchancetés, il ne faut pas pour autant se plier à ces gestes mesquins en se proclamant victime, mais il faut savoir réagir positivement en resserrant les contacts avec les collègues, plutôt qu’ en s’ isolant davantage.

Je veux donc faire appel à votre courage et à votre ouverture d’ esprit, les choses ayant encore, à l’ heure actuelle, une proportion limitée. Dans cette perspective d’ entraide, vous pouvez toujours vous adresser – si besoin en était – à notre assistante sociale. De mon côté, je vous informe que M. X, de mon cabinet, est aussi disposé à vous recevoir pour discuter avec vous de vos éventuels desiderata.

Je m’ attends donc de votre part à une réaction vaillante et virile, car vous en êtes capable. J’ ai, d’ autre part, rencontré auprès de tous les collègues de votre service la volonté d’ instaurer un climat de confiance et de coopération comme cela s’ impose dans toute communauté de travail."

12 Par lettre du 5 juillet 1991, le requérant a présenté une réclamation, au sens de l’ article 90, paragraphe 2, du statut, en faisant notamment valoir que les faits dont il a été victime ont tous été consignés par le service de sécurité et qu’ il ne peut pas accepter les conclusions du secrétaire général, selon lesquelles sa plainte serait sans fondement. Il constate qu’ aucune enquête n’ a été ouverte pour découvrir les auteurs d’ actes malveillants répétés à son égard et que son attitude de coopération vis-à-vis de l’ institution est démontrée par la circonstance qu’ il a signalé au service de sécurité chacun des actes de malveillance dont il a été victime. Il considère que la conclusion du secrétaire général marque une volonté délibérée de ne pas rechercher les coupables.

13 Par note du 28 octobre 1991, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation du requérant en confirmant le contenu de sa lettre du 10 mai 1991, précitée, auquel il se réfère expressément.

Procédure et conclusions des parties

14 C’ est dans ces conditions que, par requête déposée le 29 janvier 1992 au greffe du Tribunal, le requérant a introduit le présent recours.

15 Le requérant conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

— déclarer le recours recevable et fondé;

— constater la violation par le Parlement des obligations prévues à l’ article 24 du statut;

— ordonner au Parlement de lui accorder son assistance « suite aux actes de menaces et d’ attentats dont sa personne et ses biens sont l’ objet »;

— condamner le Parlement à lui payer la somme d’ un écu, à titre d’ indemnisation de son préjudice moral;

— condamner le Parlement à tous les frais et dépens de l’ instance.

16 Le Parlement conclut à ce qu’ il plaise au Tribunal:

— déclarer le recours irrecevable, sinon mal fondé;

— statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables.

17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’ instruction préalables. Néanmoins, il a été décidé de demander au Parlement de produire l’ ensemble des documents relatifs à l’ enquête visée dans la réponse du secrétaire général du 10 mai 1991 à la demande d’ assistance du requérant, ainsi que, le cas échéant, les pièces relatives à toute autre enquête qui aurait pu être diligentée antérieurement sur la situation de M. Tallarico. En réponse à cette demande, le Parlement a produit, le 23 novembre 1992, un certain nombre de documents.

18 Le 3 décembre 1992, le requérant a présenté ses observations sur les documents produits par le Parlement.

19 Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’ audience du 11 décembre 1992.

20 A l’ issue de l’ audience, le président de la troisième chambre a suspendu la procédure orale, afin de permettre aux parties de tenter de procéder à un règlement amiable du litige.

21 Par lettre du 12 février 1993, le Parlement a informé le Tribunal que les tentatives aux fins de parvenir à un règlement amiable du litige n’ avaient pas abouti, en raison du désaccord du requérant et du fait que ce dernier avait introduit, dans le cadre du compromis recherché, de nouvelles demandes tendant à obtenir une compensation financière, ainsi qu’ une promotion dans la catégorie B.

22 Par lettre du 15 février 1993, complétée par une nouvelle lettre du 25 février 1993, le requérant a informé le Tribunal que le règlement amiable du litige n’ avait pas été possible, non pas en raison de considérations financières, mais parce que les parties ne s’ étaient pas accordées sur la rédaction d’ une formule de compromis. En même temps, il a confirmé avoir présenté, le 7 janvier 1993, auprès du Parlement, une demande d’ indemnités, qui, bien qu’ insérée dans le cadre d’ un arrangement global, dépassait le cadre du litige porté devant le Tribunal.

23 Dans ces conditions, la procédure orale a été clôturée le 17 février 1993.

Sur les conclusions tendant à l’ annulation de la décision du 28 octobre 1991 refusant d’ accorder au requérant l’ assistance prévue à l’ article 24 du statut

24 A l’ appui de ces conclusions, le requérant fait valoir deux moyens: le premier, tiré d’ un défaut de motivation des décisions des 10 mai et 28 octobre 1991 du secrétaire général; le second, tiré de la violation de l’ article 24 du statut. Ces deux moyens étant étroitement liés, le Tribunal estime qu’ il convient de les examiner ensemble.

Arguments des parties

25 Le requérant fait valoir que le Parlement, dans sa décision du 28 octobre 1991 de rejet de sa réclamation, se fonde exclusivement sur le contenu de la communication du 10 mai 1991, en réponse à sa demande du 12 novembre 1990. Or, ladite communication, selon laquelle on ne peut conclure à l’ existence, dans le service, d’ une attitude de menace ou d’ agression à l’ égard du requérant, ne fournirait aucune explication sur la raison pour laquelle des actes de malveillance dûment constatés par des agents habilités à le faire seraient, en réalité, inexistants. Le requérant ajoute que la réponse donnée par le Parlement ne lui permet pas d’ apporter une preuve contraire et de faire valoir ses moyens de défense.

26 Le requérant fait également observer que les actes de malveillance dont il a été la victime ont été établis et constatés avec précision par le service de sécurité du Parlement. De ce fait, le secrétaire général du Parlement aurait commis une erreur manifeste d’ appréciation en estimant que la réclamation dont il était saisi était sans fondement. Dès lors que les services compétents avaient constaté la réalité des faits incriminés, lesquels entraient dans le champ d’ application de l’ article 24 du statut, il aurait appartenu au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa protection. Le requérant considère que le Parlement n’ a formulé aucune proposition concrète pour apporter une solution efficace au problème et que son secrétaire général s’ est contenté de contester, de façon générale, les atteintes qu’ il a subies. Il estime, par conséquent, que le Parlement n’ a pas respecté le devoir d’ assistance prévu à l’ article 24 du statut.

27 Enfin, le requérant soutient que, si les solutions apportées par le Parlement ont été insuffisantes pour que sa situation s’ améliore, cette circonstance ne lui est pas imputable. Il estime qu’ il appartient à l’ institution de formuler de nouvelles propositions pour faire face à la situation et non pas de demander à la victime de se résigner.

28 Le Parlement fait observer que le recours ne peut être considéré comme fondé que si l’ institution a manqué à son devoir de sollicitude à l’ égard du requérant. Or, le Parlement fait valoir qu’ à maintes reprises des tentatives ont été faites par l’ institution en vue d’ aider M. Tallarico. Il cite, dans ce contexte, l’ ensemble des mesures qu’ il a adoptées et qui ont été énumérées ci-dessus (voir points 4 à 9). Il relève aussi le fait que chaque acte de malveillance signalé par le requérant a été immédiatement examiné par le service de sécurité et qu’ à plusieurs reprises les supérieurs hiérarchiques du requérant, ainsi que les responsables de l’ administration et le médecin-conseil, l’ ont reçu pour entendre ses plaintes et examiner sa situation. De ce fait, le Parlement estime qu’ il a pleinement fait face à son devoir de sollicitude et qu’ il a même dépassé ce qu’ un fonctionnaire, même en situation difficile, est en droit d’ attendre de sa part. Selon lui, l’ article 24 du statut prévoit une protection du fonctionnaire fondée sur le principe du devoir de sollicitude, c’ est-à-dire que l’ autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après « AIPN ») doit traiter tous les fonctionnaires en tant que « bonus pater familias ». Il est d’ avis qu’ il a largement respecté cette obligation.

Appréciation du Tribunal

29 Aux termes de l’ article 24, premier alinéa, du statut, « les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est ou dont les membres de sa famille sont l’ objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions ».

30 Le Tribunal rappelle qu’ il est de jurisprudence constante que, bien que l’ article 24, notamment son premier alinéa, précité, soit conçu avant tout en vue de protéger les fonctionnaires des Communautés européennes contre des attaques émanant de tiers, l’ obligation d’ assistance prévue par cet article existe également dans le cas où l’ auteur des faits envisagés par cette disposition est un autre fonctionnaire des Communautés (voir arrêts de la Cour du 14 juin 1979, Mme V./Commission, 18/78, Rec. p. 2093, point 15, et du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, Rec. p. 3187, point 23).

31 Il résulte également de cette jurisprudence que l’ institution, en présence d’ un incident incompatible avec l’ ordre et la sérénité du service, doit intervenir avec toute l’ énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’ espèce, en vue d’ établir les faits et, partant, de pouvoir tirer, en toute connaissance de cause, les conséquences appropriées.

32 Il y a donc lieu d’ examiner si, dans la présente affaire, comme le soutient le requérant, le Parlement n’ a pas pris les mesures appropriées aux circonstances de l’ espèce et si, par conséquent, le Parlement a méconnu le devoir d’ assistance prévu à l’ article 24 du statut.

33 Le Tribunal constate qu’ il résulte des pièces versées au dossier que, confronté aux actes de malveillance dont le requérant a été l’ objet, le Parlement a pris une série de mesures tendant à identifier les auteurs de ces actes, à prévenir leur renouvellement et à rassurer le requérant, à savoir:

— l’ établissement d’ un procès-verbal par les services de sécurité et l’ ouverture d’ une enquête, après chaque acte de malveillance signalé par le requérant;

— le redoublement de vigilance à l’ étage où se trouve le bureau du requérant, par la multiplication des rondes de surveillance et par la sensibilisation du personnel du service de surveillance au cas particulier du requérant;

— les nombreuses réunions, susvisées, tenues entre l’ intéressé et les responsables des services administratifs et de sécurité de l’ institution, aux fins de procéder à des enquêtes et d’ identifier les coupables;

— la possibilité pour le requérant de s’ adresser en permanence au directeur du service de sécurité, à un membre du cabinet du secrétaire général du Parlement, ainsi qu’ aux services sociaux de l’ institution;

— l’ attribution d’ un bureau individuel pouvant être fermé à clé par l’ intéressé;

— le filtrage des appels téléphoniques par le standard, puis, compte tenu de l’ inefficacité de cette mesure, l’ attribution d’ un numéro de téléphone secret;

— l’ offre d’ une éventuelle mutation.

34 Dans ces conditions, et compte tenu de la nature et de la portée des actes de malveillance, le Tribunal estime que l’ ensemble des mesures prises par le Parlement, telles que rappelées ci-dessus, doivent être considérées comme proportionnées et appropriées aux circonstances de l’ espèce. En effet, ces mesures visaient, autant que possible, à identifier les auteurs des actes de malveillance, à prévenir leur répétition et à réconforter le requérant. C’ est précisément cette approche qui caractérise les lettres des 10 mai et 28 octobre 1991 du secrétaire général. Il s’ ensuit que le Parlement n’ a pas méconnu le devoir d’ assistance qui lui incombe au titre de l’ article 24 du statut.

35 En ce qui concerne la motivation de la décision du 28 octobre 1991, il convient de relever que cette décision est expressément motivée par référence à la réponse, adressée le 10 mai 1991, par le secrétaire général, à la demande du requérant. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, l’ obligation de motiver une décision faisant grief a pour but de permettre au juge communautaire d’ exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l’ intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’ un vice permettant d’ en contester la légalité (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861; arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T-23/91, Rec. p. II-2377).

36 En l’ espèce, il suffit de constater que la décision attaquée, contrairement aux affirmations du requérant, même si elle conclut, d’ une manière générale, à l’ inexistence « dans le service d’ une attitude de menace ou d’ oppression », ne nie pas la réalité des actes de malveillance allégués par celui-ci, tente de réconforter le requérant et confirme que toutes les mesures appropriées ont déjà été prises, aux fins d’ éviter la répétition de tels actes. Par ailleurs, d’ une part, le requérant a pu contester en toute connaissance de cause la légalité de la décision attaquée, en faisant valoir à son encontre l’ ensemble de ses moyens et arguments; d’ autre part, le juge communautaire a été à même d’ exercer pleinement son contrôle de légalité. Par conséquent, il y a lieu de conclure que la décision du 10 mai 1991 et, partant, la décision du 28 octobre 1991 ne sont pas entachées du défaut de motivation allégué par le requérant.

Sur les conclusions tendant à la condamnation du Parlement à payer au requérant la somme d’ un écu, à titre d’ indemnisation de son préjudice moral

37 Il suffit, pour le Tribunal, de constater que, comme il a été dit ci-dessus, les décisions des 10 mai et 28 octobre 1991, précitées, ne sont entachées d’ aucune illégalité constitutive d’ une faute de service du Parlement, de nature à justifier sa condamnation à indemniser le préjudice moral allégué par le requérant. Le requérant ayant fondé ses conclusions aux fins d’ indemnité sur la seule illégalité desdites décisions, lesdites conclusions doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne au Parlement d’ accorder son assistance au requérant

38 Selon une jurisprudence constante, il n’ appartient au Tribunal, dans le cadre du contrôle de légalité, ni d’ adresser des injonctions aux autorités communautaires ni de substituer sa décision à celle de ces autorités (voir, en dernier lieu, l’ arrêt du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-0000). Dès lors, et en tout état de cause, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

39 Il résulte de l’ ensemble de ce qui précède qu’ il y a lieu de rejeter l’ ensemble du recours, sans qu’ il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

40 Aux termes de l’ article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’ article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

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CJCE, n° T-5/92, Arrêt du Tribunal, Santo Tallarico contre Parlement européen, 21 avril 1993