CJCE, n° T-21/93, Ordonnance du Tribunal, Carlos Afonso Camarinha Lobão Peixoto contre Commission des Communautés européennes, 5 avril 1993

  • Statut des fonctionnaires et régime des autres agents·
  • Mise en balance de l' ensemble des intérêts en cause·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Procédures et recours accessoires·
  • Préjudice grave et irréparable·
  • Préjudice non patrimonial·
  • Communauté européenne·
  • Conditions d' octroi·
  • Préjudice pécuniaire·
  • "fumus boni juris"

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 5 avr. 1993, Peixoto / Commission, T-21/93
Numéro(s) : T-21/93
Ordonnance du Président du Tribunal de première instance du 5 avril 1993. # Carlos Afonso Camarinha Lobão Peixoto contre Commission des Communautés européennes. # Procédure de référé - Sursis à exécution - Conditions d'octroi. # Affaire T-21/93 R.
Date de dépôt : 1 mars 1993
Précédents jurisprudentiels : Tribunal du 23 mars 1993, Hogan/Parlement, T-115/92
Solution : Recours de fonctionnaires, Demande de sursis à l'exécution ou demande de mesures provisoires : obtention
Identifiant CELEX : 61993TO0021
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1993:36
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Texte intégral

Avis juridique important

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61993B0021

Ordonnance du Président du Tribunal de première instance du 5 avril 1993. – Carlos Afonso Camarinha Lobão Peixoto contre Commission des Communautés européennes. – Procédure de référé – Sursis à exécution – Conditions d’octroi. – Affaire T-21/93 R.


Recueil de jurisprudence 1993 page II-00463


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Dispositif

Mots clés


++++

1. Référé – Sursis à exécution – Conditions d’ octroi – « Fumus boni juris » – Sanction disciplinaire infligée par l’ autorité investie du pouvoir de nomination plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline quoique basée sur la même appréciation des faits

(Traité CEE, art. 185; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

2. Référé – Sursis à exécution – Conditions d’ octroi – Préjudice grave et irréparable – Préjudice pécuniaire – Préjudice non patrimonial – Mise en balance de l’ ensemble des intérêts en cause – Sanction disciplinaire largement postérieure aux faits reprochés

(Traité CEE, art. 185; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

Sommaire


1. S’ agissant du sursis à l’ exécution d’ une décision infligeant une sanction disciplinaire à un fonctionnaire, il est satisfait à la condition tenant à l’ existence d’ un « fumus boni juris » dans un cas où l’ autorité investie du pouvoir de nomination, sans contredire l’ appréciation des faits figurant dans l’ avis motivé du conseil de discipline, a infligé une sanction plus sévère que celle proposée par celui-ci, et où la qualification des faits effectuée par l’ autorité investie du pouvoir de nomination dans la décision attaquée soulève à première vue, et sans que cela ne préjuge en rien de sa légalité ou de son illégalité, des doutes sérieux pour le juge des référés.

2. Au regard de la condition d’ octroi du sursis à l’ exécution tenant au risque pour celui qui le sollicite de subir un dommage grave et irréparable, un préjudice purement pécuniaire ne saurait, en principe, être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu’ il peut faire l’ objet d’ une compensation financière ultérieure. Il appartient toutefois au juge des référés d’ examiner, compte tenu de l’ intérêt que l’ exécution de l’ acte attaqué présente pour l’ institution, les circonstances propres à chaque espèce et d’ apprécier, en fonction de celles-ci, si le requérant subit un préjudice qui ne pourrait être réparé même si l’ acte devait être annulé dans le cadre de la procédure au principal.

A cet égard, on ne saurait considérer qu’ une diminution de son revenu mensuel d’ environ 12 %, que subit un fonctionnaire du fait de sa rétrogradation, constitue un préjudice grave et irréparable, puisque, si le recours au principal devait être jugé fondé, le requérant recouvrerait la différence de rémunération découlant de sa rétrogradation.

En revanche, en ce qui concerne tant le préjudice résultant de l’ atteinte à la dignité et au sérieux professionnels du fonctionnaire, que celui résultant de l’ aggravation de son état psychologique, il y a lieu d’ admettre que, dès lors que c’ est plus de cinq ans après une faute qu’ elle qualifie d’ extrêmement grave, et dont elle avait eu connaissance plus de quatre ans avant l’ ouverture de la procédure disciplinaire, que l’ autorité investie du pouvoir de nomination, qui n’ est certes tenue par aucun délai de prescription fixé en la matière, a infligé une sanction, les intérêts du fonctionnaire apparaissent prépondérants si on les met en balance avec ceux de l’ institution qui l’ a sanctionné.

Parties


Dans l’ affaire T-21/93 R,

Carlos Afonso Camarinha Lobão Peixoto, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me Américo Thomati, avocat au barreau de Lisbonne, Rua do Alecrim, 46 S/L,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d’ agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’ exécution de la décision du 27 novembre 1992, par laquelle la Commission a infligé à la partie requérante la sanction disciplinaire de la rétrogradation prévue à l’ article 86, paragraphe 2, sous e), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l’arrêt


Faits et procédure

1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 1993, le requérant a introduit, en application de l’ article 91, paragraphe 4, du statut, un recours visant à l’ annulation de la décision de la Commission du 27 novembre 1992, qui lui a infligé la sanction disciplinaire de la rétrogradation prévue à l’ article 86, paragraphe 2, sous e), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après « statut »).

2 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a également introduit, en application de l’ article 91, paragraphe 4, du statut, une demande de mesures provisoires visant à obtenir le sursis à l’ exécution de la décision attaquée.

3 La Commission a présenté ses observations écrites le 12 mars 1993. Les parties ont été entendues en leurs explications orales le 18 mars 1993.

4 Par ordonnance du 19 mars 1993, le président du Tribunal a ordonné à la Commission de transmettre au Tribunal une copie du dossier relatif à la procédure disciplinaire dont le requérant a fait l’ objet.

5 Avant d’ examiner le bien-fondé de la présente demande de mesures provisoires, il convient de rappeler brièvement les antécédents du litige, tels qu’ ils résultent des mémoires déposés par les parties et des explications orales qu’ elles ont fournies, ainsi que du dossier relatif à la procédure disciplinaire.

6 A la fin d’ octobre 1987, le requérant, alors fonctionnaire stagiaire de la Commission, a demandé et obtenu quelques jours de congé afin de se rendre au Portugal pour y régler un problème personnel urgent. Ce problème était lié à la prétendue participation du requérant à un délit de trafic de stupéfiants.

7 Dès son arrivée à Lisbonne, le 2 novembre 1987, le requérant a consulté un médecin. Celui-ci lui a délivré un certificat attestant qu’ il était dans l’ incapacité de travailler pour une durée indéterminée. Le certificat en cause a été envoyé à la Commission par l’ épouse du requérant et est parvenu aux services de l’ institution le 12 novembre 1987.

8 Dans l’ après-midi de ce même 2 novembre, le requérant s’ est présenté dans les locaux de la police judiciaire et a été placé en détention, en vertu d’ un mandat d’ arrêt délivré le même jour par le juge du Tribunal de Instrução Criminal de Lisboa. Le lendemain matin, le requérant a été présenté au juge de ce tribunal, qui a ordonné sa mise en détention préventive au secret, considérant qu’ il disposait d’ indices suffisants permettant de l’ inculper de participation à un délit pénal de trafic de stupéfiants. Il a été maintenu au secret pendant environ trois semaines. Le dossier a été remis à la police judiciaire avec la mention suivante: « … que la section d’ investigation procède à une enquête urgente afin d’ établir si l’ inculpé est impliqué dans les faits en cause ou dans d’ autres faits qui ont conduit à ceux-ci, une information devant être transmise dans le délai susmentionné (huit jours) sur la situation de détention au secret de l’ inculpé, étant donné que celui-ci est au service d’ une institution de la CEE et que la prorogation de la situation actuelle sans nécessité absolue (peut) causer un préjudice irréparable ».

9 L’ absence du requérant se prolongeant, la Commission a envoyé à sa résidence de Sacavém, le 18 décembre 1987, un télégramme le priant de se présenter à une visite médicale de contrôle à Lisbonne. Le requérant, qui se trouvait encore en détention préventive, ne s’ est pas présenté à cette visite.

10 Le 12 janvier 1988, l’ avocat du requérant a demandé au Tribunal de Instrução Criminal d’ informer la Commission que son mandant se trouvait en détention préventive, information qui a été communiquée au bureau de presse et d’ information de la Commission à Lisbonne le 22 janvier 1988.

11 Par décision du 24 février 1988 de l’ autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après « AIPN »), le requérant a été suspendu de ses fonctions en application de l’ article 88 du statut. Le 26 mars 1988, le juge du Tribunal de Instrução Criminal, estimant que la mesure de détention préventive n’ était pas justifiée, a ordonné que le requérant soit immédiatement remis en liberté, avec obligation de se présenter, le premier jour ouvrable du mois, durant six mois, à l’ ambassade ou à la représentation diplomatique du Portugal établie dans la localité de son lieu de travail. Par décision du 8 avril 1988, l’ AIPN a mis fin à la suspension du requérant avec effet à compter du 5 avril de la même année.

12 Par arrêt de la quatrième chambre du Tribunal Criminal de Lisboa du 14 mai 1990, le requérant a été condamné à une peine de quatre mois de détention et à une amende de 100 000 ESC pour avoir participé, avec une « négligence inconsciente », à un délit de trafic de stupéfiants. Le requérant ayant déjà accompli la peine de détention qui lui a été infligée, il a été remis en liberté.

13 Le 30 mars 1992, l’ AIPN a décidé d’ engager une procédure disciplinaire contre le requérant, l’ accusant d’ avoir effectué de fausses déclarations en justifiant son absence du service par des raisons de santé, au moyen d’ un certificat médical, alors qu’ il se trouvait en réalité en détention sur ordre du juge du Tribunal de Instrução Criminal.

14 Le conseil de discipline a rendu, le 2 octobre 1992, un avis motivé proposant que soit infligée au requérant la sanction disciplinaire du blâme prévue à l’ article 86, paragraphe 2, sous b), du statut. Le conseil de discipline a estimé qu’ il n’ était pas établi que le certificat médical ait été envoyé à la Commission après la mise en détention du requérant et qu’ il n’ était donc pas possible de lui imputer de fausses déclarations. Cependant, en ne se conformant pas, entre le 18 décembre 1987 et le 22 janvier 1988, à l’ obligation d’ informer l’ institution des motifs de son absence du service, le requérant aurait enfreint ses obligations statutaires, en particulier celles que lui imposait l’ article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut.

15 Par décision du 27 novembre 1992, l’ AIPN a estimé que le requérant avait commis une faute disciplinaire consistant en de fausses déclarations et lui a infligé la sanction disciplinaire de la rétrogradation du grade B 3, échelon 5, au grade B 4, échelon 5, avec effet à compter du 1er décembre 1992. Dans sa décision, l’ AIPN a estimé que, au moment de la préparation de l’ envoi du certificat médical à la Commission, le requérant devait être conscient de ce que son absence éventuelle du service au-delà du congé qui lui avait été accordé ne serait pas due à des raisons de santé et qu’ il s’ est abstenu délibérément de communiquer à l’ institution les raisons véritables de son absence du service. L’ AIPN a également estimé que, à la fin de la période de mise au secret à laquelle il a été astreint, le requérant aurait dû informer la Commission que le certificat médical ne correspondait pas à la vérité ou, à tout le moins, s’ assurer que la police avait effectivement informé la Commission de sa détention. Or, bien que le requérant ait appris, le 18 décembre 1987, que la Commission n’ avait pas été informée de sa détention par les autorités portugaises, il n’ a réagi que le 12 janvier suivant et a ainsi sciemment laissé croire à la Commission que son absence était due à des raisons de santé. L’ AIPN ajoute également que le requérant a signé et n’ a jamais contesté la décision de suspension du 24 février 1988, qui l’ accusait déjà d’ avoir voulu dissimuler que son absence n’ était pas due à des raisons de santé. Ce fait – qui n’ avait pas été pris en considération par le conseil de discipline dans son avis motivé – implique que la violation de l’ obligation d’ aviser l’ institution ne peut pas être limitée à la période du 12 décembre 1987 au 12 janvier 1988.

En droit

16 En application des dispositions combinées des articles 185 et 186 du traité CEE, les recours formés devant le Tribunal n’ ont pas d’ effet suspensif. Toutefois, le Tribunal peut, s’ il estime que les circonstances l’ exigent, ordonner le sursis à l’ exécution de l’ acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

17 En application de l’ article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, il incombe à la partie requérante de spécifier les circonstances établissant l’ urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’ octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut.

Arguments des parties

18 Le requérant fait valoir que, au delà du préjudice financier et des perspectives concernant sa carrière professionnelle, la sanction disciplinaire de la rétrogradation qui lui a été infligée le place dans une situation de profonde humiliation vis-à-vis de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques, ce qui a provoqué chez lui des difficultés d’ ordre matériel, mais aussi d’ ordre psychologique. Selon le requérant, le préjudice financier qu’ il subit est dû, non seulement à la perte de rémunération découlant directement de la sanction disciplinaire de la rétrogradation, mais aussi au fait qu’ il n’ a pas été proposé, contrairement à tous ses collègues, pour une promotion au grade supérieur.

19 Le requérant estime de plus que, alors que rien n’ a été prouvé quant aux fausses déclarations dont il a été accusé au cours de la procédure disciplinaire, le laps de temps qui s’ écoulera jusqu’ à ce que le Tribunal se prononce sur le recours en annulation introduit dans l’ affaire au principal viendra aggraver encore son état psychologique, déjà très affecté, puisque ce sont non seulement sa vie familiale et sa situation financière qui sont mises en cause, mais aussi sa dignité et son sérieux professionnels.

20 Le requérant estime que la décision attaquée, en ce qu’ elle s’ écarte de documents de preuve pertinents et se fonde sur des considérations qui contredisent la preuve établie dans le cadre de la procédure disciplinaire, est entachée d’ un défaut de motivation, qui s’ ajoute à une violation de la loi.

21 La Commission, pour sa part, invoquant une jurisprudence constante du Tribunal, conteste que le préjudice pécuniaire allégué par le requérant constitue un préjudice grave ou irréparable de nature à justifier les mesures provisoires sollicitées, puisque, si le recours au principal devait être jugé fondé, le requérant serait remboursé de la différence de rémunération découlant de sa rétrogradation. La défenderesse estime également que le préjudice allégué par le requérant du fait de sa non-promotion ne découle en aucune façon de la décision attaquée, et elle souligne à ce propos que le requérant n’ ayant jamais contesté cette absence de promotion, ni par une réclamation ni par la voie contentieuse, il ne lui est pas loisible aujourd’ hui de se prévaloir du préjudice pécuniaire éventuel qui en résulterait.

22 La Commission fait d’ autre part valoir qu’ aucun des moyens invoqués par le requérant dans son recours au principal n’ est fondé. La Commission estime que la décision indique de façon exhaustive les moyens de fait et de droit qui ont conduit l’ AIPN à infliger la sanction disciplinaire de la rétrogradation, ainsi que les motifs qui l’ ont conduite à ne pas suivre l’ avis du conseil de discipline et à infliger, compte tenu de l’ extrême gravité des faits imputés au requérant, une sanction plus lourde que celle qui avait été proposée par le conseil de discipline.

Sur l’ existence d’ un « fumus boni juris »

23 Il ressort du dossier que le conseil de discipline s’ est prononcé pour une sanction plus modérée que celle qui a été ensuite infligée par l’ AIPN, puisqu’ il a estimé qu’ il n’ était pas établi que le certificat médical ait été envoyé à la Commission après la mise en détention du requérant le 2 novembre 1987, et que le grief de fausses déclarations ne pouvait donc lui être imputé. Dans sa décision, l’ AIPN, sans contredire l’ appréciation des faits figurant dans l’ avis motivé du conseil de discipline, s’ est écartée de l’ interprétation de celui-ci, invoquant essentiellement à cet égard, d’ une part, le fait que, au moment de la préparation de l’ envoi du certificat médical à la Commission, le requérant devait être conscient de ce que son absence éventuelle du service au delà du congé qui lui avait été accordé ne serait pas due à des raisons de santé et, d’ autre part, que le requérant a signé et n’ a jamais contesté la décision de suspension du 24 février 1988 qui l’ accusait déjà d’ avoir voulu dissimuler que son absence n’ était pas due à des raisons de santé.

24 La qualification des faits effectuée par l’ AIPN dans la décision attaquée soulève à première vue – sans que cela ne préjuge en rien, à ce stade, de sa légalité ou de son illégalité – des doutes sérieux.

25 En effet, au vu des éléments dont dispose le juge des référés, rien dans le dossier ne permet d’ inférer que le requérant savait ou devait savoir qu’ il serait immédiatement arrêté après s’ être présenté volontairement, le 2 novembre 1987, dans les locaux de la police judiciaire, d’ autant plus que l’ inculpation et le mandat d’ arrêt ne datent que de ce même 2 novembre. Par ailleurs, il ne semble pas que l’ on puisse tirer de conclusion du seul fait que le requérant n’ a pas contesté la décision de suspension, alors que la suspension a été levée avant l’ expiration du délai pour la contester.

26 Il ressort, en outre, de l’ ordonnance du juge d’ instruction mentionnée sous le point 8 que celui-ci a ordonné à la police judiciaire de fournir des informations sur le fait que le requérant se trouvait en situation de détention au secret. Il apparaît donc plausible que le requérant ait pu être convaincu que cette information avait été fournie à la Commission et que ce ne soit que le 18 décembre 1987, date du télégramme le convoquant à une visite médicale de contrôle, qu’ il ait pris conscience que la réalité était autre. Par ailleurs, compte tenu du fait que le requérant se trouvait en détention préventive et de la survenance des vacances judiciaires de fin d’ année, il ne semble pas que l’ on puisse inférer du délai de trois semaines environ qui s’ est écoulé jusqu’ à ce que son avocat eut demandé au tribunal de notifier à la Commission que le requérant se trouvait en détention, que celui-ci a voulu délibérément dissimuler à la Commission les motifs véritables de son absence du service.

27 Il ressort de ce qui précède que les éléments soumis au juge des référés, dans la phase actuelle de la procédure, sont de nature à fournir une base sérieuse aux arguments présentés par le requérant à l’ appui de son recours en annulation de la décision attaquée.

Sur le risque de préjudice grave et irréparable

28 Selon une jurisprudence constante (voir en dernier lieu l’ ordonnance du président du Tribunal du 23 mars 1993, Hogan/Parlement, T-115/92 R, Rec. p. II-0000), un préjudice d’ ordre purement pécuniaire ne peut, en principe, être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu’ il peut faire l’ objet d’ une compensation financière ultérieure. Il appartient toutefois au juge des référés d’ examiner, compte tenu de l’ intérêt que l’ exécution de la décision attaquée présente pour l’ institution, les circonstances propres à chaque espèce, et d’ apprécier, en fonction de celles-ci, si la décision cause au requérant un préjudice qui ne pourrait être réparé même si la décision devait être annulée dans le cadre de la procédure au principal.

29 A cet égard, il convient de souligner, en premier lieu, que le requérant allègue un préjudice pécuniaire résultant de sa rétrogradation, qui représente environ 12 % de son revenu mensuel. Un préjudice pécuniaire de cet ordre, en dépit des difficultés qu’ il peut éventuellement entraîner, ne constitue pas un préjudice grave ou irréparable puisque, si le recours principal devait être jugé fondé, le requérant recouvrerait la différence de rémunération découlant de sa rétrogradation.

30 Il convient de retenir, en second lieu, que le requérant allègue un préjudice pécuniaire résultant de sa non-promotion en 1992. Il y a lieu de rappeler à cet égard que, selon les allégations du requérant lui-même, sa promotion, comme celle de tous ses collègues, aurait dû intervenir en 1991, avec effet à compter de janvier 1992. Il ressort du dossier que la non-promotion du requérant est, en tout état de cause, antérieure, non seulement à la sanction disciplinaire qui lui a été infligée, mais même à l’ ouverture de la procédure disciplinaire, et que, par conséquent, le préjudice allégué ne se rapporte en aucune façon à la décision attaquée.

31 Le requérant invoque enfin un préjudice résultant de l’ atteinte à sa dignité et à son sérieux professionnels, ainsi qu’ un préjudice résultant de l’ aggravation de son état psychologique, en raison de la profonde humiliation ressentie vis-à-vis de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques.

32 Il convient de souligner, à cet égard, que la faute disciplinaire consistant en de fausses déclarations, qui est à l’ origine de la procédure disciplinaire engagée contre le requérant le 30 mars 1992, puis de la sanction de rétrogradation qui lui a été infligée, remonte à novembre 1987 et était connue de l’ AIPN depuis le 22 janvier 1988 au moins. Il s’ est ainsi écoulé plus de quatre années et deux mois entre la révélation de la faute et l’ ouverture de la procédure disciplinaire.

33 Au cours de cette période, le requérant a été détenu préventivement pendant environ cinq mois, de novembre 1987 à mars 1988, puis a été condamné, comme il a été mentionné ci-dessus, pour avoir participé, avec une « négligence inconsciente », à un délit de trafic de stupéfiants, et a été remis en liberté parce qu’ il avait déjà accompli sous forme de détention préventive la peine qui lui a été infligée.

34 Toujours au cours de cette période, le requérant a été nommé fonctionnaire titulaire de la Commission, avec classement au grade B 3, à compter du 1er novembre 1988, sur la base d’ un rapport de stage – lequel avait été prolongé pour tenir compte de la durée de l’ absence due à sa détention – qui contenait des appréciations élogieuses de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Depuis lors, le requérant a continué à exercer ses fonctions au sein de la direction générale Union douanière et fiscalité indirecte (DG XXI) de la Commission.

35 Certes, le statut ne prévoit, dans les dispositions relatives au régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires communautaires, figurant aux articles 86 et 89 et à l’ annexe IX du statut, aucun délai de prescription pour l’ ouverture de procédures disciplinaires contre les fonctionnaires accusés de ne pas s’ être conformés à leurs obligations statutaires. Cela ne signifie cependant pas que le juge des référés ne doive pas prendre en considération le laps de temps écoulé entre la révélation de la faute et l’ ouverture de la procédure disciplinaire correspondante, surtout dans le cadre d’ une procédure visant à obtenir le sursis à l’ exécution de l’ acte attaqué.

36 Il résulte de ce qui précède qu’ il y a lieu de procéder à une pondération soigneuse des intérêts des parties.

37 Il est constant que la décision attaquée sanctionne le requérant pour une faute disciplinaire, qualifiée d’ extrêmement grave, commise il y a plus de cinq ans et connue de l’ AIPN depuis plus de quatre ans à la date de l’ ouverture de la procédure disciplinaire. Considérant en outre que, en vertu de l’ article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure au principal est suspendue jusqu’ à ce qu’ intervienne une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation, le maintien des effets de l’ acte attaqué pourra se prolonger longtemps encore jusqu’ à la décision finale du Tribunal. Ce fait est susceptible d’ affecter le requérant de façon sensible, en remettant en cause sa dignité et son sérieux professionnels et en contribuant éventuellement à l’ aggravation de son état psychologique.

38 Il est certain que, s’ agissant d’ un préjudice d’ ordre non patrimonial, il est difficile au juge des référés d’ apprécier, dans le cadre d’ une demande de mesures provisoires, le caractère irréparable ou difficilement réparable de ce préjudice. Mais il convient également de souligner à cet égard que, compte tenu du long délai déjà écoulé depuis la faute disciplinaire imputée au requérant, l’ éventualité d’ un sursis à l’ exécution de la sanction disciplinaire, jusqu’ à ce que le Tribunal statue sur le recours au principal, ne porte nullement préjudice à l’ organisation des services de l’ institution défenderesse. Par ailleurs, cette suspension ne comporte pas non plus de risque de préjudice pour la Commission, étant donné le caractère peu élevé du montant en cause et le fait que celui-ci pourra facilement être récupéré au cas où le Tribunal devrait rejeter le recours au principal (voir l’ ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 3 juillet 1984, De Compte/Parlement, 141/84 R, Rec. p. 2575).

39 Il résulte de ce qui précède, compte tenu, en particulier, des moyens de fait et de droit invoqués par le requérant pour établir le bien-fondé de son recours au principal, qu’ il y a lieu d’ ordonner le sursis à l’ exécution de la décision attaquée jusqu’ au prononcé de l’ arrêt du Tribunal mettant fin à l’ instance.

Dispositif


Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1) Il est sursis à l’ exécution de la décision du 27 novembre 1992 infligeant au requérant la sanction disciplinaire de la rétrogradation au grade B 4, échelon 5, jusqu’ au prononcé de l’ arrêt du Tribunal mettant fin à l’ instance.

2) Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 5 avril 1993.

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CJCE, n° T-21/93, Ordonnance du Tribunal, Carlos Afonso Camarinha Lobão Peixoto contre Commission des Communautés européennes, 5 avril 1993