CJCE, n° C-37/96, Arrêt de la Cour, Sodiprem SARL e.a. (C-37/96) et Roger Albert SA (C-38/96) contre Direction générale des douanes, 30 avril 1998

  • Limites 2 association des pays et territoires d'outre-mer·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Exonérations de l'octroi de mer·
  • 1 questions préjudicielles·
  • Conditions d'admissibilité·
  • Impositions intérieures·
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  • Compétence de la cour·
  • Renvoi préjudiciel·
  • Fiscalité

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 30 avr. 1998, Sodiprem e.a., C-37/96
Numéro(s) : C-37/96
Arrêt de la Cour du 30 avril 1998. # Sodiprem SARL e.a. (C-37/96) et Roger Albert SA (C-38/96) contre Direction générale des douanes. # Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'instance de Paris - France. # Octroi de mer - Régime fiscal des départements français d'outre-mer - Décision 89/688/CEE - Taxes d'effet équivalent à un droit de douane - Impositions intérieures. # Affaires jointes C-37/96 et C-38/96.
Date de dépôt : 12 février 1996
Précédents jurisprudentiels : 10 Dans l' arrêt du 16 juillet 1992, Legros e.a. ( C-163/90, Rec. p. I-4625
11 Dans l' arrêt du 9 août 1994, Lancry e.a. ( C-363/93 et C-407/93 à C-411/93, Rec. p. I-3957
Cour, dans l' arrêt du 19 février 1998, Chevassus-Marche ( C-212/96
Cour du 30 avril 1998. - Sodiprem SARL e.a. ( C-37/96 ) et Roger Albert SA ( C-38/96
USSL n _ 47 di Biella, C-134/95
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61996CJ0037
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:179
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61996J0037

Arrêt de la Cour du 30 avril 1998. – Sodiprem SARL e.a. (C-37/96) et Roger Albert SA (C-38/96) contre Direction générale des douanes. – Demande de décision préjudicielle: Tribunal d’instance de Paris – France. – Octroi de mer – Régime fiscal des départements français d’outre-mer – Décision 89/688/CEE – Taxes d’effet équivalent à un droit de douane – Impositions intérieures. – Affaires jointes C-37/96 et C-38/96.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-02039


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Limites

(Traité CE, art. 177)

2 Association des pays et territoires d’outre-mer – Décision du Conseil autorisant temporairement et sous contrôle de la Commission des exonérations de l’octroi de mer appliqué dans les départements français d’outre-mer – Exonérations de l’octroi de mer – Conditions d’admissibilité

(Traité CE, art. 226; décision du Conseil 89/688, art. 1er et 2)

Sommaire


1 Dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 177 du traité, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie.

2 La décision 89/688 relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à des exonérations qui sont d’ordre général ou systématiques et qui sont donc susceptibles d’aboutir à la réintroduction d’une taxe d’effet équivalant à un droit de douane. En revanche, la décision 89/688 autorise des exonérations qui sont nécessaires, proportionnelles, précisément déterminées et qui respectent les conditions strictes imposées par l’article 2, paragraphe 3, de ladite décision, interprétées à la lumière des limites prévues à l’article 226 du traité.

Ces conditions impliquent, tout d’abord, que, selon la règle générale formulée aux articles 1er et 2 de la décision, l’octroi de mer s’impose, en principe, indistinctement aux produits introduits et aux produits obtenus dans les départements français d’outre-mer. Ensuite, le système d’exonération constitue une exception à cette règle générale. Il doit perturber le moins possible le fonctionnement du marché commun et ne peut donc altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Le contrôle de ces conditions est confié aux institutions communautaires, notamment à la Commission qui devra analyser la nécessité et la proportionnalité de telles mesures. Enfin, ce système est une mesure de soutien aux productions locales subissant des difficultés liées à leur éloignement et à leur insularité, sa finalité étant de promouvoir le développement économique et social des départements français d’outre-mer en ce sens qu’il doit contribuer à la promotion ou au maintien d’une activité économique et sociale dans ces départements et s’insérer dans une stratégie de développement économique et social.

Parties


Dans les affaires jointes C-37/96 et C-38/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par le tribunal d’instance de Paris et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Sodiprem SARL e.a. (C-37/96),

Roger Albert SA (C-38/96)

et

Direction générale des douanes,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, D. A. O. Edward (rapporteur), J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. G. Tesauro,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Sodiprem SARL e.a. et Roger Albert SA, par Mes Christian Charrière-Bournazel et Jean-Pierre Spitzer, avocats au barreau de Paris,

— pour le gouvernement français, par Mmes Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Anne de Bourgoing, chargé de mission à la même direction, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. Michel Nolin, membre du service juridique, en qualité d’agent,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Sodiprem SARL e.a. et de Roger Albert SA, représentées par Mes Christian Charrière-Bournazel et Jean-Pierre Spitzer, du gouvernement français, représenté par M. Jean-François Dobelle, directeur adjoint à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent, et Mme Anne de Bourgoing, du Conseil de l’Union européenne, représenté par M. Ramon Torrent, directeur au service juridique, en qualité d’agent, et de la Commission, représentée par M. Michel Nolin, à l’audience du 5 novembre 1996,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mars 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par deux jugements du 30 janvier 1996, parvenus à la Cour le 12 février suivant, le tribunal d’instance de Paris a posé, en application de l’article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l’interprétation des articles 9, 12 et 95 du même traité.

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d’actions introduites par Sodiprem SARL e.a. et Roger Albert SA (ci-après «Sodiprem e.a.») à l’encontre de la direction générale des douanes et visant à la restitution de l’octroi de mer versé par elles sur tous les produits importés de la métropole ou d’un État membre de la Communauté européenne après l’entrée en vigueur de la loi n_ 92-676, du 17 juillet 1992, relative à l’octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision 89/688.

3 La décision 89/688/CEE du Conseil, du 22 décembre 1989, relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer (JO L 399, p. 46), a été adoptée sur le fondement des articles 227, paragraphe 2, et 235 du traité CEE, tout comme la décision 89/687/CEE du Conseil, du 22 décembre 1989, instituant un programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité des départements français d’outre-mer (Poséidom) (JO L 399, p. 39), décisions qui ont été adoptées le même jour.

4 Il y a lieu de relever que, en vertu d’une loi de 1946, une taxe dénommée «octroi de mer» (ci-après l'«ancien octroi de mer») a été perçue dans les départements d’outre-mer français (ci-après les «DOM»), frappant la totalité des marchandises de toute origine (y compris celles originaires de France métropolitaine et, en principe, également celles provenant des autres DOM) du fait de leur introduction dans le DOM concerné. En revanche, les produits de ce DOM étaient exonérés de l’ancien octroi de mer ou de toute taxe équivalente interne. La recette provenant de l’ancien octroi de mer servait essentiellement à financer, selon les règles de l’autonomie régionale, le budget des collectivités locales.

5 L’article 1er de la décision 89/688 dispose:

«D’ici au 31 décembre 1992 au plus tard, les autorités françaises prennent les mesures nécessaires pour que le régime de l’octroi de mer actuellement en vigueur dans les départements d’outre-mer soit applicable indistinctement, selon les principes et modalités énoncés aux articles 2 et 3, aux produits introduits et aux produits obtenus dans ces régions.»

6 Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de la décision 89/688, «Les autorités compétentes de chaque département d’outre-mer fixent un taux d’imposition de base. Ce taux peut être modulé selon les catégories de produits. Cette modulation ne doit en aucun cas être de nature à maintenir ou à introduire des discriminations à l’encontre des produits en provenance de la Communauté».

7 Selon l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, première phrase, de la décision 89/688, «Compte tenu des contraintes particulières des départements d’outre-mer et aux fins de la réalisation de l’objectif visé à l’article 227, paragraphe 2, du traité, des exonérations de la taxe, partielles ou totales selon les besoins économiques, peuvent être autorisées en faveur des productions locales pour une période ne dépassant pas dix ans à partir de l’introduction du système de taxe en question…».

8 Selon le deuxième alinéa, ces régimes d’exonération sont notifiés à la Commission qui en informe les États membres et prend position dans un délai de deux mois. Si la Commission ne s’est pas prononcée dans ce délai, le régime est réputé approuvé.

9 L’article 4 de la décision 89/688 autorisait la République française à maintenir jusqu’au 31 décembre 1992 au plus tard, et dans l’attente de la mise en application de la réforme prévue à l’article 1er, le régime de l’ancien octroi de mer alors en vigueur.

10 Dans l’arrêt du 16 juillet 1992, Legros e.a. (C-163/90, Rec. p. I-4625), la Cour a dit pour droit qu’une taxe proportionnelle à la valeur en douane des biens perçue par un État membre sur les marchandises importées d’un autre État membre constitue une taxe d’effet équivalant à un droit de douane à l’importation.

11 Dans l’arrêt du 9 août 1994, Lancry e.a. (C-363/93 et C-407/93 à C-411/93, Rec. p. I-3957), la Cour a déclaré invalide la décision 89/688 en tant qu’elle autorisait la République française à maintenir, jusqu’au 31 décembre 1992, le régime de l’ancien octroi de mer dans les DOM.

12 La République française a adopté, le 17 juillet 1992, la loi n_ 92-676, qui prévoit, en son article 1er:

«Dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, les opérations suivantes sont soumises à une taxe dénommée octroi de mer:

1_ L’introduction de marchandises;

2_ Les livraisons à titre onéreux par des personnes qui y accomplissent des activités de production. Sont considérées comme activités de production les opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation de biens meubles corporels, ainsi que les opérations agricoles et extractives;

3_ Les livraisons à titre onéreux par des personnes qui achètent en vue de l’exportation ou de la revente à d’autres assujettis à l’octroi de mer et qui remplissent les conditions prévues au 2 de l’article 3.»

13 L’article 2, paragraphe 1, de la loi n_ 92-676 prévoit l’exonération de l’octroi de mer pour les exportations hors des régions de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique et pour les exportations hors de la Guyane, à l’exception de celles qui sont expédiées vers la Guadeloupe ou la Martinique, ainsi que pour les introductions dans les régions de la Guadeloupe ou de la Martinique de produits qui ont été frappés de l’octroi de mer en Guyane.

14 L’article 2, paragraphe 2, de la loi n_ 92-676 autorise les conseils régionaux à exonérer l’introduction des marchandises lorsqu’il s’agit de certains produits, matières premières ou biens d’équipement. Cette exonération peut concerner des matériels d’équipement destinés à l’industrie hôtelière et touristique (article 50 undecies de l’annexe IV du code général des impôts), des produits et matériaux de construction, des engrais et des outillages industriels et agricoles (article 50 duodecies de l’annexe IV) ou des matières premières destinées à des activités locales de production, des équipements destinés à l’accomplissement des missions régaliennes de l’État et des équipements sanitaires destinés aux établissements hospitaliers.

15 Cette disposition autorise les conseils régionaux à exonérer, en outre, les livraisons à titre onéreux par des personnes qui accomplissent dans les DOM des activités de production, dans les conditions prévues à l’article 10.

16 Selon l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, de la loi n_ 92-676, les taux de l’octroi de mer sont fixés par délibération du conseil régional. Le troisième alinéa dispose que «Les produits identiques ou similaires appartenant à une même catégorie, soumis à l’octroi de mer en application des 1_ et 2_ de l’article 1er, sont soumis au même taux, quelle que soit leur provenance».

17 Par dérogation à cette disposition, l’article 10, paragraphe 2, de la loi n_ 92-676 autorise les conseils régionaux à exonérer, totalement ou partiellement, selon les besoins économiques, l’ensemble des produits appartenant à une même catégorie de livraisons à titre onéreux par des personnes qui accomplissent dans les DOM des activités de production.

18 En vertu de l’article 3 de la loi n_ 92-676, sont assujetties de plein droit les entreprises dont le chiffre d’affaires relatif à l’activité de production est supérieur à 3,5 millions de FF pour l’année civile précédente (paragraphe 1, premier alinéa). Peuvent être assujetties à l’octroi de mer les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 2 et 3,5 millions de FF (troisième alinéa) et les personnes qui achètent en vue de l’exportation ou de la revente à d’autres assujettis au titre de ces opérations, lorsque ces opérations excèdent 1,5 millions de FF (paragraphe 2).

19 L’article 4 de la loi n_ 92-676 prévoit que la base d’imposition de l’octroi de mer perçu sur l’introduction de marchandises est la valeur en douane au lieu d’introduction. Pour les opérations internes aux DOM, la base d’imposition est le prix hors taxe, diminué de 15 % au titre des frais de commercialisation.

20 En ce qui concerne l’affectation des recettes de l’octroi de mer, l’article 16 de la loi n_ 92-676 prévoit qu’elles sont destinées à soutenir le développement économique des régions d’outre-mer.

21 Il ressort des deux jugements de renvoi que le tribunal d’instance a relevé que la loi n_ 92-676, en exonérant de la taxe certains produits ou certains producteurs en raison du chiffre d’affaires réalisé par leurs entreprises, ou en pratiquant les allégements ou modulations de taux, est susceptible de rompre, de fait, l’égalité de traitement entre les entreprises régionales et étrangères. Cette juridiction se demande donc si l’octroi de mer résultant de cette loi peut être qualifié de taxe intérieure et si, dans ce cas, il a un effet discriminatoire contraire à l’article 95 du traité. Elle a donc sursis à statuer et a posé à la Cour une question préjudicielle dont la portée est, dans les deux affaires, identique et qui est rédigée ainsi:

«Le régime institué par la loi 92-676, du 17 juillet 1992, `relative à l’octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du Conseil des ministres des Communautés européennes 89/688 du 22 décembre 1989', a-t-il eu pour effet de substituer à une taxe d’effet équivalant à un droit de douane, au sens de l’arrêt préjudiciel du 16 juillet 1992 (Legros), une véritable taxe intérieure non discriminatoire, conforme à la lettre et à l’esprit du traité instituant la Communauté économique européenne?»

22 A titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 177 du traité, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 16 janvier 1997, USSL n_ 47 di Biella, C-134/95, Rec. p. I-195, point 17).

23 Les demanderesses au principal prétendent que le système d’imposition et de calcul, l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement du nouveau régime d’octroi de mer et notamment le fait que les exonérations ou dérogations fiscales ne sont accordées qu’aux produits originaires des DOM aboutissent en fait à un résultat fiscal identique à celui d’une taxe d’effet équivalant à un droit de douane, interdite par les articles 9, 12 et suivants du traité.

24 Le gouvernement français et la Commission reconnaissent que le principe de l’assujettissement de toutes les marchandises à l’octroi de mer est assorti, dans la loi n_ 92-676, de trois exceptions, à savoir le non-assujettissement des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 3,5 millions de FF (article 3, paragraphe 1, premier alinéa), l’exonération totale à taux zéro ou partielle à taux réduit de certaines opérations portant sur des catégories de produits locaux, décidée par les conseils régionaux (articles 2, paragraphe 2, et 10, paragraphe 2) et la diminution de la base d’imposition de 15 % pour les produits locaux [article 4, sous b)]. Ils considèrent toutefois que de telles exceptions ne sauraient priver l’octroi de mer, institué par la loi n_ 92-676, de son caractère de taxe intérieure relevant de l’article 95 du traité et que la décision 89/688 autorise la République française à déroger à cette disposition.

25 Afin de fournir à la juridiction de renvoi les éléments pertinents d’interprétation du droit communautaire, il convient donc de préciser les caractéristiques du régime d’exonération autorisé par la décision 89/688, l’analyse de la compatibilité de la loi n_ 92-676 avec le régime envisagé par cette décision relevant de la compétence de la juridiction de renvoi.

26 Il y a lieu, à cet égard, d’indiquer que la Cour, dans l’arrêt du 19 février 1998, Chevassus-Marche (C-212/96, non encore publié au Recueil), a déjà procédé à l’analyse de la décision 89/688 et a dit pour droit que l’examen de ladite décision, en ce qu’elle autorise un système d’exonération de la taxe dénommée «octroi de mer» assorti de conditions strictes qu’elle prévoit, n’a fait apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité. C’est à la lumière des critères dégagés dans l’arrêt précité que la juridiction de renvoi devra procéder à la qualification et à l’interprétation de son droit interne.

27 Concernant la distinction entre les taxes équivalant à un droit de douane, relevant des articles 9 et 12 du traité, et les impositions internes, relevant de l’article 95 du traité, la Cour a rappelé au point 24 de l’arrêt Chevassus-Marche, précité, sa jurisprudence antérieure de laquelle il ressort qu’une taxe de nature à frapper les produits importés ou certaines catégories de ceux-ci, à l’exclusion des produits locaux de même catégorie, serait, en tout état de cause, incompatible avec le traité.

28 La Cour a indiqué, au point 37 de l’arrêt Chevassus-Marche, précité, que le Conseil ne peut pas, en tout état de cause, autoriser un système d’exonération d’ordre général ou systématique susceptible d’aboutir à la réintroduction d’une taxe équivalant à un droit de douane. Un tel système serait contraire aux articles 9, 12 et 13 du traité.

29 La Cour a constaté, au point 46 de ce même arrêt, que le système d’exonération, en tant que mesure de soutien aux productions locales qui subissent des difficultés liées à leur éloignement et à leur insularité, était assorti de conditions strictes.

30 La Cour a souligné, au point 49 de l’arrêt Chevassus-Marche, précité, que la décision 89/688 n’autorise que les exonérations nécessaires, proportionnelles et précisément déterminées.

31 En outre, la Cour a constaté, au point 52 dudit arrêt, que l’imposition des conditions strictes prévues à l’article 2, paragraphe 3, de la décision 89/688, interprétées à la lumière des limites prévues à l’article 226 du traité CE, est apte à assurer la compatibilité du système des exonérations précisément déterminées avec les dispositions du traité.

32 Ces conditions sont précisées aux points 44 à 51 de l’arrêt Chevassus-Marche, précité. Tout d’abord, selon la règle générale formulée aux articles 1er et 2 de la décision 89/688, l’octroi de mer s’impose, en principe, indistinctement aux produits introduits et aux produits obtenus dans les DOM.

33 Ensuite, le système d’exonération constitue une exception à cette règle générale. Il doit perturber le moins possible le fonctionnement du marché commun et ne peut donc altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Le contrôle de ces conditions est confié aux institutions communautaires, notamment à la Commission qui devra analyser la nécessité et la proportionnalité de telles mesures.

34 Enfin, ce système est une mesure de soutien aux productions locales subissant des difficultés liées à leur éloignement et à leur insularité, sa finalité étant de promouvoir le développement économique et social des DOM en ce sens qu’il doit contribuer à la promotion ou au maintien d’une activité économique et sociale dans les DOM et s’insérer dans une stratégie de développement économique et social.

35 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question préjudicielle que la décision 89/688 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à des exonérations qui sont d’ordre général ou systématiques et qui sont donc susceptibles d’aboutir à la réintroduction d’une taxe d’effet équivalant à un droit de douane. En revanche, la décision 89/688 autorise des exonérations qui sont nécessaires, proportionnelles, précisément déterminées et qui respectent les conditions strictes imposées par l’article 2, paragraphe 3, de ladite décision, interprétées à la lumière des limites prévues à l’article 226 du traité.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

36 Les frais exposés par le gouvernement français, ainsi que par le Conseil et la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

statuant sur la question à elle soumise par le tribunal d’instance de Paris, par jugements du 30 janvier 1996, dit pour droit:

La décision 89/688/CEE du Conseil, du 22 décembre 1989, relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à des exonérations qui sont d’ordre général ou systématiques et qui sont donc susceptibles d’aboutir à la réintroduction d’une taxe d’effet équivalant à un droit de douane. En revanche, la décision 89/688 autorise des exonérations qui sont nécessaires, proportionnelles, précisément déterminées et qui respectent les conditions strictes imposées par l’article 2, paragraphe 3, de ladite décision, interprétées à la lumière des limites prévues à l’article 226 du traité CE.

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