CJCE, n° T-98/96, Arrêt du Tribunal, Mario Costacurta contre Commission des Communautés européennes, 22 janvier 1998

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 22 janv. 1998, Costacurta / Commission, T-98/96
Numéro(s) : T-98/96
Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 22 janvier 1998. # Mario Costacurta contre Commission des Communautés européennes. # Fonctionnaires - Décision de réaffectation - Article 7 du statut - Annexe X du statut. # Affaire T-98/96.
Date de dépôt : 24 juin 1996
Solution : Recours de fonctionnaires : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61996TJ0098
Identifiant européen : ECLI:EU:T:1998:6
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Texte intégral

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 janvier 1998 ( *1 )

«Fonctionnaires — Décision de réaffectation — Article 7 du statut — Annexe X du statut»

Dans l’affaire T-98/96,

Mario Costacurta, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kinshasa, représenté par Me Nicolas Decker, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l’étude de ce dernier, 16, avenue Marie-Thérèse,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement pativi. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, puis par M. Valsesia et Mme Florence Duvieusart-Clotuche, membre du service juridique, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, l’annulation de la «décision» du comité de direction du service extérieur contenue dans une note du 30 avril 1996, et, en second lieu, l’annulation de la décision de la Commission du 31 mai 1996, portant réaffectation du requérant à l’Office des publications officielles des Communautés européennes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M(tm) V. Tiili, président, MM. C. P. Briët et A. Potocki, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 16 décembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du recours et déroulement de la procédure

1

A l’époque des faits, le requérant était fonctionnaire de la Commission, affecté depuis le 16 février 1993 à la direction générale Développement (DG VIII), plus précisément à la délégation de la Commission à Kinshasa.

2

Le 4 juillet 1995, sur la base d’une note de la Commission du 20 juin 1995 relative à la rotation, pour l’année 1996, des fonctionnaires affectés auprès des délégations dans les pays tiers, il a introduit une demande de rotation anticipée.

3

Le 12 janvier 1996, il a reçu notification d’une note du 14 décembre 1995 du chef de l’unité 2 «personnel» de la direction E «gestion du service extérieur» de la direction générale Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur (DG IA) (ci-après «chef de l’unité IA.E.2»).

4

Cette note l’informait que le comité de direction du service extérieur (ci-après «Comité») de la DG IA, avait «fixé [sa] future affectation, dans l’intérêt du service», à l’Office des publications officielles des Communautés européennes (ci-après «Office des publications»), auquel il avait appartenu jusqu’à son affectation à Kinshasa. Cette note l’informait par ailleurs de la possibilité de faire appel dans les deux semaines et indiquait que «cette affectation [lui serait] confirmée par la transmission de la décision de 1'[autorité investie du pouvoir de nomination] qui n’interviendrafit] qu’après le délai d’appel».

5

Le requérant a interjeté appel le 19 janvier 1996.

6

Le 8 mars 1996, il a également saisi le comité central du personnel d’une demande de motivation.

7

Le 20 mai 1996, il a été informé, par une note du chef de l’unité IA.E.2 du 30 avril 1996, que le Comité avait «pris la décision de [le] réintégrer dans les services centraux (OPOCE)».

8

Le 30 mai 1996, le requérant a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).

9

Le 10 juin 1996, il a reçu la décision du 31 mai 1996 de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), le réaffectant avec son emploi auprès de l’Office des publications à partir du 1er juillet 1996 (ci-après «Décision»).

10

Le 14 juin 1996, le requérant a introduit une réclamation contre la Décision, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, afin de compléter la réclamation précédente du 30 mai 1996.

11

C’est dans ces conditions que, par acte enregistré au greffe du Tribunal le 24 juin 1996, le requérant a déposé le présent recours, conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut.

12

Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande de sursis à l’exécution de la Décision.

13

Par ordonnance du 27 juin 1996 (non publiée au Recueil), le président du Tribunal, en application de l’article 105, paragraphe 2, second alinéa, du règlement de procédure, a sursis à l’exécution de la Décision jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

14

Par ordonnance du 25 juillet 1996, Costacurta/Commission (T-98/96 R, RecFP p. II-1111), le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à exécution et ainsi mis fin à la procédure de référé.

15

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale, sans procéder à des mesures d’instruction préalables.

16

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16 décembre 1997. A cette occasion, le requérant a indiqué, d’une part, que ses chefs de demandes devaient être compris comme se limitant à ceux exposés dans le dispositif de sa requête, d’autre part, qu’il renonçait au moyen tiré de la violation de l’article 9 du statut.

Conclusions des parties

17

Le requérant conclut, dans le dispositif de sa requête, à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler la «décision» du Comité contenue dans la note du 30 avril 1996;

annuler la Décision du 31 mai 1996;

condamner la partie défenderesse aux dépens.

18

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

19

Selon la Commission, la prétendue «décision» du Comité contenue dans la note du 30 avril 1996 ne constitue, quelle qu’en soit la formulation, qu’un acte préparatoire de la décision finale. La demande en annulation de cette lettre serait donc irrecevable.

20

Le requérant n’a pas présenté d’observations sur ce point.

Appréciation du Tribunal

21

Aux termes de la jurisprudence, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et ne peuvent donc être attaqués que de façon incidente, lors d’un recours contre les actes annulables (notamment arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 23, et arrêt du Tribunal du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice, T-32/89 et T-39/89, Rec. p. II-281, point 21).

22

En l’espèce, il ressort des dispositions des orientations de la Commission du 26 juillet 1988 sur le nouveau système de rotation du personnel hors Communauté (ci-après «orientations du 26 juillet 1988»), qui ont explicité la procédure de rotation, que le Comité n’émet que des propositions; la décision finale ne relève que de l’AIPN. Le préambule de la Décision de l’AIPN indique d’ailleurs que cette décision a été prise «après avis du Comité». Le Tribunal relève, à titre surabondant, que la note du 30 avril 1996 contenait la réponse à la procédure d’appel formée par le requérant contre la note du 14 décembre 1995. Or, celle-ci se référait bien à une décision de l’AIPN qui serait ultérieurement adoptée.

23

En conséquence, il y a lieu de conclure que la note du 30 avril 1996, en dépit des termes utilisés, ne constituait qu’un acte préparatoire et non un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

24

La demande en annulation de la «décision» contenue dans cette note est en conséquence irrecevable.

Sur le fond

25

A l’appui de sa demande en annulation de la Décision, le requérant soulève, en substance, six moyens.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7 du statut

Arguments des parties

26

Dans la première branche de ce moyen, la seule développée au stade de la requête, le requérant soutient que, en fondant sa Décision sur les articles 2 et 3 de l’annexe X du statut, l’AIPN a méconnu l’article 7 du statut, qui constitue l’unique base juridique sur laquelle la Décision pouvait valablement être fondée.

27

Dans la deuxième branche, le requérant fait valoir que la référence à l’article 7 du statut opérée par la Commission est tardive.

28

Dans la troisième branche du moyen, le requérant estime que l’article 7 du statut a, en toute hypothèse, été méconnu, pour les raisons suivantes:

si, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du statut, l’AIPN pouvait affecter le requérant dans l’intérêt du service extérieur de la DG IA, il lui était interdit d’affecter le requérant à l’Office des publications, qui ne fait pas partie de ce service;

la pratique de la Commission, tendant à réaffecter, en principe, un fonctionnaire à sa direction d’origine serait discriminatoire. En effet, ou bien le fonctionnaire appartenait avant son affectation en dehors de l’Union à une des directions générales de tutelle du service extérieur (DG VIII ou DG IA), et son retour au siège ne l’exclura pas du service extérieur; ou bien le fonctionnaire n’était pas issu de ces directions générales et, dans ce cas, sa réaffectation à son service d’origine l’exclura du service extérieur;

le requérant avait le droit de demander, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, deuxième alinéa, sa mutation à l’intérieur des autres services de l’institution; or, ce droit lui a été refusé de facto;

l’affectation à l’Office des publications ne pouvait intervenir que si un poste était vacant et à la demande du requérant, puisque cet organisme a un organigramme et un financement indépendants de ceux de la Commission;

la Décision de l’AIPN est, en réalité, une sanction déguisée à ľ encontre du requérant, parce qu’il avait dénoncé certaines pratiques de son supérieur hiérarchique à Kinshasa (notamment le refus persistant de communiquer des documents au requérant et l’ouverture d’un compte parallèle), pratiques qu’il considérait injustifiées et reprehensibles. D’ailleurs, depuis qu’il a réintégré l’Office des publications, sa charge de travail serait dérisoire.

29

La Commission fait valoir que le requérant méconnaît le fait que la décision de le réaffecter à l’Office des publications est fondée sur l’article 7 du statut, après que l’intéressé lui-même a demandé une mobilité de son lieu d’affectation. Or, dans le cadre de l’article 7 du statut, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, dont il a été fait une exacte application en l’espèce.

Appréciation du Tribunal

30

Sur les première et deuxième branches du moyen, il suffit de constater que le premier considérant de la Décision indique: «Vu le statut […] et notamment son article 7, paragraphe 1, ainsi que les articles 2 et 3 de l’annexe X dudit statut […]»

31

En conséquence, les deux premières branches du moyen doivent être rejetées.

32

Sur la troisième branche du moyen, il convient de relever que, selon l’article 101 bis du statut, «sans préjudice des autres dispositions du statut, l’annexe X détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers». L’annexe X en question est ainsi intitulée «dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers».

33

II en découle que, en dehors des dispositions du statut auxquelles il est spécifiquement dérogé par l’annexe X, les autres dispositions de celui-ci, et notamment son article 7, paragraphe 1, relatif à l’affectation des fonctionnaires dans l’intérêt du service, demeurent applicables aux agents affectés en dehors de l’Union.

34

Or, en lui-même, l’article 7 du statut, ainsi que le requérant l’a reconnu dans sa requête, n’exclut nullement l’affectation d’un fonctionnaire de la Commission à l’Office des publications. Il en est d’autant plus ainsi que, comme il ressort des articles 5, 6 et 7 de la décision du 16 janvier 1969, portant installation de l’Office des publications, celui-ci est étroitement lié à la Commission, en particulier en ce qui concerne son personnel; ainsi que la Commission l’a souligné, les emplois à l’Office des publications sont, en termes budgétaires, inclus dans les effectifs de la Commission.

35

De surcroît, compte tenu du fait que le requérant a été réaffecté, c’est-à-dire transféré avec son emploi (notamment, arrêt de la Cour du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission, 161/80 et 162/80, Rec. p. 543, point 19), l’argument selon lequel il n’aurait pu être transféré à l’Office des publications que dans le cadre d’un poste vacant est inopérant.

36

Sur l’application de l’article 7 du statut, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois (notamment arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Forçat Icardo/Commission, T-73/96, RecFP p. II-485, point 26).

37

En l’espèce, en premier lieu, puisque le requérant a été transféré avec son emploi, l’équivalence des emplois a, par hypothèse, été respectée.

38

En second lieu, la notion d’intérêt du service ne saurait être réduite, comme le laisse entendre le requérant, à l’intérêt d’un service particulier, à savoir le service extérieur de la DG IA.

39

En l’espèce, le requérant lui-même a sollicité son départ de la délégation de Kinshasa, invoquant en particulier «des rapports pour le moins difficiles avec le chef de la délégation»; or, selon une jurisprudence établie, la réaffectation d’un fonctionnaire pour mettre fin à une situation administrative devenue intenable doit être considérée comme prise dans l’intérêt du service (arrêt de la Cour du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C-l 16/88 et C-149/88, Rec. p. I-599, point 22). Dans ces conditions, la Décision ne saurait être regardée comme une sanction déguisée.

40

En outre, il y a lieu de rappeler que la réaffectation d’un fonctionnaire ne suppose pas le consentement de celui-ci. A défaut, cela limiterait de manière intolérable la liberté de disposition des institutions dans l’organisation de leurs services et dans l’adaptation de cette organisation à l’évolution des besoins (arrêt Carbognani et Coda Zabetta/Commission, précité, point 28); le fait que le requérant n’a pas demandé à être réintégré à l’Office des publications ne peut donc conduire à la conclusion que sa réaffectation à ce service serait une sanction déguisée.

41

En troisième lieu, la pratique de la Commission, consistant, au terme de l’affectation d’un fonctionnaire dans un pays tiers, à le renvoyer dans son service d’origine, ne peut être regardée comme une violation du principe de non-discrimination. En effet, un fonctionnaire réaffecté dans une direction autre que la DG VIII ou la DG IA ne se voit pas privé de la possibilité, au titre de l’article 7 du statut, d’être ultérieurement affecté une nouvelle fois dans une délégation extérieure. Ainsi que la Commission l’a souligné, c’est précisément sur le fondement de cette disposition que le requérant, alors fonctionnaire à l’Office des publications, a pu être affecté à Kinshasa en 1992.

42

De surcroît, la thèse du requérant conduirait à la conclusion que tout fonctionnaire affecté dans une délégation extérieure de la Commission ne pourrait être réaffecté au siège que dans les seules DG VIII et DG IA. Une telle conclusion est incompatible avec la liberté des institutions dans l’organisation de leurs services. Bien au contraire, dès lors que les postes dans les pays tiers sont, en principe, d’une durée limitée, la réaffectation, en règle générale, dans la direction d’origine, apparaît comme une pratique légitime dans la gestion du personnel.

43

En dernier lieu, la circonstance, au demeurant non établie, que, depuis sa réaffectation à l’Office des publications, le requérant aurait peu de travail, ne saurait affecter la légalité de la Décision qui, selon une jurisprudence constante, s’apprécie au moment de l’adoption de celle-ci (notamment, arrêt du Tribunal du 15 janvier 1997, SFEI e.a./Commission, T-77/95, Rec. p. II-l, point 74).

44

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions relatives à la rotation des fonctionnaires affectés en dehors de l’Union

Arguments des parties

45

Le requérant rappelle que les articles 2 et 3 de l’annexe X du statut constituent le fondement juridique de la rotation du personnel affecté hors de l’Union européenne. Les dispositions d’application sont issues des orientations du 26 juillet 1988.

46

Dans la première branche du moyen, le requérant estime que ces dispositions ont été méconnues en l’espèce. Ainsi, en premier lieu, l’Office des publications ne constituerait pas une «direction générale de tutelle», au sens des orientations du 26 juillet 1988, à laquelle un agent peut être affecté dans le cadre de la rotation. En second lieu, son affectation ne pourrait être considérée comme un stage de recyclage périodique des fonctionnaires affectés dans un pays tiers, au sens de l’article 3 de l’annexe X du statut.

47

Dans la deuxième branche de ce moyen, le requérant fait valoir que les explications a posteriori de la Commission pour justifier qu’aucun des postes qu’il avait sollicités dans sa demande de rotation ne pouvait lui être attribué sont infondées.

48

Dans la troisième branche de ce moyen, il rappelle que, selon les orientations du 26 juillet 1988, l’examen de l’appel formé par un fonctionnaire contre la proposition initiale du Comité est enfermé dans des délais stricts. Or, en l’espèce, ces délais, de nature contraignante, n’ont pas été respectés, ce qui a eu pour effet d’empêcher le requérant de postuler à d’autres postes vacants pendant toute la période d’examen de son appel.

49

La Commission estime que l’argumentation du requérant méconnaît le fait que la Décision est fondée sur l’article 7 du statut.

50

Pour autant, l’intervention du Comité serait justifiée, puisque le requérant exerçait à ce moment ses fonctions dans une délégation et que la procédure avait été initiée dans le cadre de la rotation du personnel affecté hors Communauté. Toutefois, en l’espèce, au terme de leur examen, tant le Comité que l’AIPN ont conclu que, dans l’intérêt du service, le requérant devait être réaffecté à l’Office des publications, son service d’origine, selon la pratique normalement suivie pour les retours de délégations.

51

La Commission ajoute, enfin, d’une part, que le délai d’examen d’appel indiqué dans les orientations du 26 juillet 1988 n’est pas peremptoire et contraignant, d’autre part, que le requérant aurait pu, dès qu’il a été informé de l’avis initial du Comité, soit le 19 janvier 1996, postuler à tout emploi vacant qu’il souhaitait.

Appréciation du Tribunal

52

La première branche du moyen est fondée sur le postulat que la Décision est adoptée exclusivement sur le fondement des articles 2 et 3 de l’annexe X du statut et des orientations du 26 juillet 1988. Or, ainsi qu’il a été dit, il résulte explicitement du premier considérant de la Décision que tel n’est pas le cas.

53

La première branche du moyen est, en conséquence, inopérante.

54

Sur la deuxième branche du moyen, il y a lieu de relever qu’un fonctionnaire ne peut prétendre à un quelconque droit à obtenir successivement deux affectations dans une délégation extérieure, ni à bénéficier d’une affectation dans une délégation qu’il a indiquée dans sa demande de rotation. En conséquence, la Commission n’était pas tenue d’épuiser les possibilités de rotation dont pouvait bénéficier le requérant vers d’autres délégations extérieures, avant de décider sa réaffectation au titre de l’article 7 du statut. Dans ces conditions, l’examen du bien-fondé des raisons qui justifiaient que le requérant ne soit pas affecté dans les autres délégations extérieures qu’il avait demandées, ne saurait avoir une influence sur la légalité de la décision adoptée au titre de l’article 7 du statut.

55

La troisième branche du moyen consiste à invoquer la violation des dispositions relatives à la rotation lors de la procédure ayant conduit à la Décision. Il est en effet constant que la demande du requérant a été initiée et instruite sur le fondement de ces dispositions.

56

Selon les orientations du 26 juillet 1988, «le comité de rotation prendra position sur [l’appel] de telle sorte que l’AIPN puisse statuer dans les deux semaines suivant la date de réception de la demande d’appel».

57

En l’espèce, il n’est pas contesté que ces délais n’ont pas été respectés.

58

Toutefois, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur la nature juridique exacte des orientations du 26 juillet 1988, il convient de relever que le délai en question n’est assorti d’aucune sanction et que rien ne permet de considérer que son dépassement entraînerait l’annulation de la décision adoptée au terme de la procédure.

59

En réalité, ainsi qu’il ressort de l’utilisation du verbe «pouvoir», par la fixation de ce délai, les orientations du 26 juillet 1988 énoncent une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, que l’AIPN ne retarde sans justification l’adoption de la décision finale.

60

Dans ces conditions, le délai en cause ne saurait être considéré comme un délai peremptoire, dont la méconnaissance, en elle-même, serait sanctionnée par la nullité des actes pris après son expiration.

61

De surcroît, la méconnaissance, en l’espèce, des délais en cause n’a pas porté préjudice au requérant. Ainsi, contrairement à ce que celui-ci soutient, il n’a pas été empêché de postuler à des postes vacants pendant le temps de l’examen de son appel.

62

Dans ces conditions, le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de l’incompétence de l’AIPN

Arguments des parties

63

Le requérant soutient que, pour la nomination d’un fonctionnaire à l’Office des publications, l’AIPN est le directeur de cet office.

64

En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, le requérant a indiqué qu’il ne contestait pas que, en principe, s’agissant d’une réaffectation avec son emploi, la compétence relevait de l’AIPN de la Commission. Il a toutefois souligné que la question de droit qui se posait était de savoir si un fonctionnaire pouvait être réaffecté d’une institution à une autre sans vacance d’emploi.

65

La partie défenderesse soutient que seule l’AIPN de la Commission était compétente pour déterminer le sort d’un emploi relevant de ses services, en plein accord avec les services de l’Office des publications.

Appréciation du Tribunal

66

La Décision porte les signatures des directeurs de la direction E de la DG IA et de la direction «personnel» de la direction générale Personnel et administration de la Commission.

67

II ressort de la réponse du requérant à l’audience que celui-ci ne remet pas en cause, en réalité, la compétence de principe de l’AIPN signataire de la Décision.

68

Quant à la question de savoir si un fonctionnaire peut être affecté des services de la Commission à ceux de l’Office des publications, sans vacance d’emploi, il y a lieu de rappeler que cette question n’est pas pertinente en l’espèce, dès lors que le requérant, ainsi qu’il a été rappelé, a fait l’objet d’une mesure de réaffectation, c’est-à-dire d’affectation avec son emploi, à l’Office des publications.

69

II s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de la confiance légitime

Arguments des parties

70

Le requérant soutient que, s’il avait été informé du fait que, dans le cadre de la rotation des fonctionnaires affectés hors de l’Union européenne, le principe de l’alternance délégations/siège, dont la périodicité normale était de huit ans, pouvait être modifié, sans préavis et sans consultation, par le Comité, il n’aurait ni demandé son affectation à Kinshasa en 1992, ni renoncé définitivement au transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service des Communautés européennes. La circonstance que le requérant pourra bénéficier d’une pension de retraite maximale n’enlève rien à la violation du principe de confiance légitime.

71

La Commission conclut au rejet de ce moyen, en l’absence d’une violation du principe dont le requérant se prévaut.

Appréciation du Tribunal

72

Selon une jurisprudence constante, la possibilité de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime est ouverte à toute persomie concernée dans le chef de laquelle une institution a, au vu d’assurances précises, fait naître des espérances fondées (arrêt de la Cour du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement, 289/81, Rec. p. 1731, point 21, arrêts du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec. p. II-131, points 25 et 26, et du 23 octobre 1990, Pitrone/Commission, T-46/89, Rec. p. II-577, point 41). Or, en l’espèce, il n’est pas allégué que de telles assurances aient été données.

73

De surcroît, selon une jurisprudence établie, l’affectation d’un fonctionnaire, au titre de l’article 7 du statut, ne constitue pas un événement anormal et imprévisible dans la carrière d’un fonctionnaire (voir arrêts de la Cour du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec. p. 1419, point 34, et du 14 juillet 1988, Aldinger et Virgili/Parlement, 23/87 et 24/87, Rec. p. 4395, point 17). Dès lors, le fait d’avoir été réaffecté à l’Office des publications ne peut constituer une violation du principe de confiance légitime.

74

II s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude

Arguments des parties

75

Le requérant soutient que la Commission a méconnu son devoir de sollicitude.

76

En l’espèce, ni le Comité, ni l’AIPN, n’ont entretenu de contacts avec lui, ni avant, ni après son appel contre la position initiale exprimée par le Comité en janvier 1996 de réaffectation à l’Office des publications, contrairement aux exigences d’une jurisprudence constante (arrêt Hecq/Commission, précité, points 22 et 23; arrêts du Tribunal du 8 juin 1993, Fiorani/Parlement, T-50/92, Rec. p. II-555, point 35, et du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T-36/93, RecFP p. II-497, point 83). Ce faisant, ni les objectifs de transparence poursuivis par les orientations du 26 juillet 1988, ni les notations favorables dont le requérant avait bénéficié pendant ses trente années passées au service de l’Office des publications avant son affectation à Kinshasa, ni le fait que, de mars 1993 à février 1994, le requérant était seul à la délégation à Kinshasa, n’auraient été pris en compte par le Comité et l’AIPN dans leur décision de réaffecter le requérant à l’Office des publications.

77

La Commission nie que le devoir de sollicitude ait été méconnu.

Appréciation du Tribunal

78

Une décision de réaffectation d’un fonctionnaire qui entraîne son déménagement dans un autre lieu d’affectation, contre sa volonté, doit être adoptée avec la diligence nécessaire et un soin particulier notamment en prenant en considération l’intérêt personnel du fonctionnaire concerné (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C-294/95 P, Rec. p. I-5863, point 47; arrêts du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, précité, point 83, et Hecq/Commission, précité, point 23). Toutefois, la prise en considération de l’intérêt personnel du fonctionnaire ne saurait aller jusqu’à interdire à l’AIPN de réaffecter un fonctionnaire contre son gré (arrêt Carbognani et Coda Zabetta/Commission, précité, point 28).

79

En l’espèce, hormis son opposition de principe à un retour à l’Office des publications, le requérant ne s’est prévalu d’aucune circonstance personnelle dont la Commission aurait dû tenir compte.

80

Par ailleurs, la Décision ne met en cause ni les notations que le requérant avait obtenues dans le passé à l’Office des publications, ni la réalité de la situation qu’il a connue à Kinshasa.

81

Enfin, l’argument relatif à l’absence de contacts avec l’AIPN manque en fait. Tout d’abord, il convient de rappeler que le requérant lui-même a demandé à quitter la délégation de Kinshasa. En outre, il a pu, sur le fondement de la procédure ad hoc énoncée dans les orientations du 26 juillet 1988, faire appel de la proposition initiale du Comité, qui l’informait de sa réaffectation à l’Office des publications. Le requérant a effectivement fait appel de cette proposition; c’est sur cette base que le Comité a confirmé sa proposition initiale et que l’AIPN a adopté sa Décision.

82

Dans ces conditions, ce moyen doit être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation des articles 25 et 101 bis du statut

Arguments des parties

83

Le requérant fait valoir que, en violation des articles 25 et 101 bis du statut, la décision de l’AIPN ne comporte pas de motivation, malgré la demande expresse et réitérée du requérant. Cette motivation devrait concerner non les raisons pour lesquelles le requérant a quitté Kinshasa, qui lui sont bien connues, mais celles pour lesquelles il a été affecté à l’Office des publications et exclu du service extérieur.

84

De surcroît, la motivation d’une décision dans son contexte ne pourrait prévaloir que si, en raison d’entretiens préalables avec le fonctionnaire concerné, celui-ci peut être considéré comme ayant une connaissance suffisante du contexte (arrêts Hecq/Commission, précité, point 27, et du 6 juillet 1995. Ojha/Commission, précité, point 87).

85

La Commission fait valoir qu’une décision telle que celle en cause ne doit pas être motivée (arrêt du Tribunal du 6 novembre 1991, Von Bonkewitz-Lindner/Parlement, T-33/90, Rec. p. II1251). A titre subsidiaire, la réponse à la réclamation comporterait une motivation adéquate (arrêt du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II121). Enfin, la Commission rappelle que la Décision est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné (arrêt Hecq/Commission, précité, point 26).

Appréciation du Tribunal

86

elon la jurisprudence, une décision impliquant un déplacement d’un fonctionnaire contre sa volonté est un acte faisant grief au sens de l’article 25 du stamt et doit, dès lors, être motivée (arrêt Hecq/Commission, précité, point 26). Toutefois, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (notamment arrêts de la Cour du 17 décembre 1981, Deraont/Commission, 791/79, Rec. p. 3105, point 12, Hecq/Commission, précité, point 26, et du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, précité, point 35).

87

En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, si le requérant a consacré l’essentiel de sa requête à la thèse selon laquelle la Décision serait fondée uniquement sur les dispositions relatives à la rotation, cela ne permet pas de conclure à une motivation défaillante de la Décision. En effet, cette interprétation faite par le requérant repose sur une lecture partielle de la Décision, qui comporte une référence explicite à l’article 7 du statut et à l’intérêt du service.

88

En deuxième lieu, il convient de rappeler que le requérant a lui-même initié la procédure en sollicitant son départ de Kinshasa notamment «en raison des rapports pour le moins difficiles [qu’il entretenait] avec le chef de la délégation». Dès lors que, dans ce type de situation, une institution est en droit de procéder à la réaffectation d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service, le requérant était en mesure de comprendre la portée de la Décision, compte tenu du rapprochement entre la référence à l’article 7 du statut et le contexte qu’il connaissait.

89

En troisième lieu, puisque l’affectation dans un pays tiers est d’une durée limitée, le requérant était en mesure de comprendre que la réaffectation à l’Office des publications ne constituait pas une sanction déguisée, mais un retour dans son service d’origine après avoir demandé son départ de la délégation de Kinshasa.

90

Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les visas de la Décision, la référence explicite à l’intérêt du service et la connaissance, par le requérant, du contexte dans lequel la Décision est intervenue confèrent une motivation suffisante à la mesure de réaffectation attaquée en l’espèce.

91

Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

92

II s’ensuit que le recours doit, dans son ensemble, être rejeté.

Sur les dépens

93

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)

Le recours est rejeté.

2)

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Tiili

Briët

Potocki

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 1998.

Le greffier

H. Jung

Le président

V. Tiili


( *1 ) Langue de procédure le français.

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CJCE, n° T-98/96, Arrêt du Tribunal, Mario Costacurta contre Commission des Communautés européennes, 22 janvier 1998