CJCE, n° C-390/98, Arrêt de la Cour, H.J. Banks & Co. Ltd contre The Coal Authority et Secretary of State for Trade and Industry, 20 septembre 2001

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 3 février 2022

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 20 sept. 2001, Banks, C-390/98
Numéro(s) : C-390/98
Arrêt de la Cour du 20 septembre 2001. # H.J. Banks & Co. Ltd contre The Coal Authority et Secretary of State for Trade and Industry. # Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) - Royaume-Uni. # Traité CECA - Licences d'extraction de charbon brut - Discriminations entre producteurs - Charges spéciales - Aides d'Etat - Article 4, sous b) et c), du traité - Décision nº 3632/93/CECA - Codes des aides à l'industrie houillère - Effet direct - Compétences respectives de la Commission et des juridictions nationales. # Affaire C-390/98.
Date de dépôt : 3 novembre 1998
Précédents jurisprudentiels : 10 juin 1993, Commission/Grèce, C-183/91
21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89
arrêt du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93
Banks, C-128/92
CE, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73
CE ( voir, également, arrêts du 30 janvier 1997, Wiljo, C-178/95
Hopkins e.a., C-18/94
SFEI e.a., C-39/94
TWD Textilwerke Deggendorf ( C-188/92
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61998CJ0390
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2001:456
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61998J0390

Arrêt de la Cour du 20 septembre 2001. – H.J. Banks & Co. Ltd contre The Coal Authority et Secretary of State for Trade and Industry. – Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) – Royaume-Uni. – Traité CECA – Licences d’extraction de charbon brut – Discriminations entre producteurs – Charges spéciales – Aides d’Etat – Article 4, sous b) et c), du traité – Décision nº 3632/93/CECA – Codes des aides à l’industrie houillère – Effet direct – Compétences respectives de la Commission et des juridictions nationales. – Affaire C-390/98.


Recueil de jurisprudence 2001 page I-06117


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. CECA – Aides à l’industrie houillère – Dispositions relatives aux discriminations entre producteurs – Aides et charges spéciales – Distinction

(Traité CECA, art. 4, b) et c); décision générale n° 3632/93)

2. CECA – Aides à l’industrie houillère – Dispositions relatives aux discriminations entre producteurs – Aides et charges spéciales – Situation de l’industrie houillère au Royaume-Uni suite à la restructuration

(Traité CECA, art. 4, b) et c))

3. CECA – Aides à l’industrie houillère – Dispositions relatives aux discriminations entre producteurs – Effet direct de l’article 4, sous b), du traité CECA et de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93 – Absence d’effet direct de l’article 4, sous c), du traité CECA – Compétence du juge national pour tirer les conséquences d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93 – Situation de l’industrie houillère au Royaume-Uni suite à la restructuration – Remboursement de l’aide – Mesure non susceptible de rétablir la situation antérieure

(Traité CECA, art. 4, b) et c); décision générale n° 3632/93, art. 9, § 4)

4. CECA – Aides à l’industrie houillère – Dispositions relatives aux discriminations entre producteurs – Effet direct de l’article 4, sous b), du traité CECA et de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93 – Entreprise ayant dénoncé des violations de ces dispositions dans une plainte à la Commission – Absence de décision de la Commission – Entreprise n’ayant pas introduit de recours en carence – Droit d’invoquer les mêmes violations devant le juge national

(Traité CECA, art. 4, b), 35 et 86, al. 1 et 2; décision générale n° 3632/93, art. 9, § 4)

Sommaire


1. Une aide, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA ainsi que de la décision n° 3632/93, relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l’industrie houillère, consiste en un allégement des charges qui pèsent normalement sur le budget des entreprises compte tenu de la nature ou de l’économie du système de charges en cause, tandis qu’une charge spéciale est, au contraire, une charge supplémentaire par rapport à ces charges normales. Par conséquent, une même mesure ne peut pas constituer à la fois une aide et une charge spéciale, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA.

Une mesure portant sur des charges peut, le cas échéant, constituer une discrimination au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, même si elle ne présente ni les caractères d’une aide ni ceux d’une charge spéciale au sens de l’article 4, sous c), du même traité. Inversement, une aide ne constitue pas nécessairement une mesure discriminatoire et il n’est pas non plus totalement exclu qu’une mesure instaurant une charge spéciale ne soit pas discriminatoire.

( voir points 33-34, 36 )

2. Une situation telle que celle de l’industrie houillère au Royaume-Uni depuis la date de la restructuration jusqu’au transfert aux entreprises privées adjudicataires des parts sociales des sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation en tant qu’exploitant – situation caractérisée par une différence de traitement entre les entreprises charbonnières soumises à redevances en contrepartie du droit d’exploiter des mines de charbon et les entreprises charbonnières qui sont exonérées de ces redevances – implique l’existence d’aides, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA, mais non de charges spéciales au sens de cette disposition. La même situation est susceptible de révéler l’existence d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du même traité. Tel serait le cas si des différences objectives importantes de situations entre, d’une part, British Coal Corporation et les sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation en tant qu’exploitant et, d’autre part, les autres exploitants ne justifiaient pas le traitement différencié appliqué aux deux catégories de producteurs.

Une telle situation, à compter du transfert des parts sociales des sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation en tant qu’exploitant aux entreprises privées adjudicataires, ne révèle l’existence ni d’aides ou de charges spéciales, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA, ni d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du même traité, dès lors que l’accès aux différentes formules d’acquisition des droits liés aux licences et concessions n’a pas été et n’est pas discriminatoire.

( voir points 46, 51, disp. 1 )

3. L’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93, relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l’industrie houillère, engendrent directement des droits dans le chef des particuliers, que les juridictions nationales doivent sauvegarder. En revanche, l’article 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il porte sur la compatibilité des aides avec le marché commun, n’engendre pas lui-même de tels droits. Toutefois, les juridictions nationales sont compétentes pour interpréter la notion d’aide au sens des articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de la décision n° 3632/93, en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de cette décision.

Dans ce contexte, s’agissant d’une situation telle que celle de l’industrie houillère au Royaume-Uni suite à la restructuration de celle-ci et au transfert aux entreprises adjudicataires privées des parts sociales des sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation, en cas de constatation de l’existence d’une aide, il faut considérer que le rétablissement de la situation antérieure ne peut pas être assuré par le remboursement de l’aide. D’une part, il ne saurait être demandé aux adjudicataires de rembourser l’élément d’aide concerné, dès lors qu’ils ont racheté les sociétés en cause dans des conditions de concurrence non discriminatoires et, par définition, au prix du marché, et ne sauraient donc être considérés comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché. D’autre part, le remboursement de l’aide par le vendeur des sociétés qui ont bénéficié de l’aide ne pourrait avoir d’effet puisque, dans la situation en cause, ce dernier se confond, d’un point de vue économique, avec le pourvoyeur de l’aide.

Néanmoins, la constatation de l’existence d’une aide illégale, parce que non autorisée par la Commission lors de son octroi, et, le cas échéant, d’une discrimination entre producteurs au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, sous la forme de l’assujettissement de certains producteurs au paiement de redevances alors que d’autres en sont exonérés, ne peut pas entraîner le non-assujettissement rétroactif auxdites redevances des producteurs qui y ont été assujettis.

( voir points 77-79, 93-94, disp. 2 )

4. La circonstance qu’une entreprise charbonnière et une association dont elle est membre n’ont pas intenté, sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, une action en vue de contraindre la Commission à prendre position sur de prétendues violations – dénoncées dans une plainte qu’elles avaient déposée auprès de la Commission – de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ou de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93, relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l’industrie houillère, ne s’oppose pas à ce que l’entreprise invoque lesdites violations devant les juridictions nationales.

En effet, l’obligation, pour les juridictions nationales, d’appliquer lesdites dispositions ne saurait être limitée au seul motif que la Commission est saisie d’une plainte soulevant des questions analogues sur lesquelles elle n’a pas encore statué, même dans l’hypothèse où le plaignant, partie au litige devant les juridictions nationales, aurait pu intenter une action au titre de l’article 35 du traité CECA. Même si la Commission et les juridictions nationales peuvent être simultanément compétentes pour appliquer certaines dispositions du traité CECA, elles n’ont pas nécessairement les mêmes pouvoirs pour faire droit aux différentes demandes des particuliers fondées sur ces dispositions. Dès lors, il ne saurait être exigé d’un particulier qui a déposé une plainte auprès de la Commission fondée sur ce type de dispositions qu’il poursuive en toutes circonstances son action auprès de la Commission, le cas échéant en entamant une procédure sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, jusqu’à ce que la Commission prenne position sur sa plainte, alors même que celle-ci ne manifesterait pas l’intention de traiter la plainte et que, en fonction de l’évolution des circonstances, le particulier peut avoir intérêt à accorder la priorité à une action devant le juge national, ou y être obligé.

À cet égard, il incombe aux juridictions des États membres, par application du principe de coopération énoncé à l’article 86, premier et deuxième alinéas, du traité CECA, d’assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct du droit communautaire. En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire. Toutefois, ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

Enfin, dans le domaine des aides d’État, dans la mesure où la procédure prévue par le droit national est applicable à la récupération d’une aide illégale, les dispositions pertinentes du droit national doivent être appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible la récupération exigée par le droit communautaire. Les mêmes principes doivent être appliqués lorsque les justiciables demandent légitimement d’autres mesures que la récupération d’une aide d’État après qu’ils ont établi l’existence d’une violation de l’article 4, sous b), du traité CECA, sous la forme éventuelle d’une discrimination entre producteurs, ou d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, de la décision n° 3632/93, sous la forme de l’octroi d’une aide sans approbation de la Commission.

( voir points 117-123 )

Parties


Dans l’affaire C-390/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 41 du traité CECA, par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

H. J. Banks & Co. Ltd

et

The Coal Authority,

Secretary of State for Trade and Industry,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 4, sous b) et c), du traité CECA et de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission, du 28 décembre 1993, relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l’industrie houillère (JO L 329, p. 12),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, A. La Pergola, M. Wathelet et V. Skouris, présidents de chambre, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet (rapporteur), P. Jann, L. Sevón, R. Schintgen et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

— pour H. J. Banks & Co. Ltd, par M. M. Hoskins, barrister, mandaté par Eversheds, solicitors,

— pour la Coal Authority, par MM. D. Vaughan, QC, et D. Lloyd Jones, barrister, mandatés par M. C. Mehta, solicitor,

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Magrill, en qualité d’agent, assistée de MM. R. Plender, QC, et A. Robertson, barrister,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. N. Khan et P. F. Nemitz, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de H. J. Banks & Co. Ltd, représentée par M. M. Hoskins, de la Coal Authority, représentée par MM. D. Vaughan et D. Lloyd Jones, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme R. Magrill, assistée de MM. R. Plender et A. Robertson, et de la Commission, représentée par M. K.-D. Borchardt, en qualité d’agent, assisté de M. N. Khan, barrister, à l’audience du 6 juin 2000,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 31 juillet 1998, parvenue à la Cour le 3 novembre suivant, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a posé, en application de l’article 41 du traité CECA, quatre questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 4, sous b) et c), du traité CECA ainsi que de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission, du 28 décembre 1993, relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l’industrie houillère (JO L 329, p. 12).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d’un litige opposant la société H. J. Banks & Co. Ltd (ci-après «Banks»), établie au Royaume-Uni, à la Coal Authority et au Secretary of State for Trade and Industry (ci-après le «Secretary of State»).

Les dispositions communautaires

3 L’article 4 du traité CECA dispose:

«Sont reconnus incompatibles avec le marché commun du charbon et de l’acier et, en conséquence, sont abolis et interdits dans les conditions prévues au présent traité, à l’intérieur de la Communauté:

[…]

b) les mesures ou pratiques établissant une discrimination entre producteurs, entre acheteurs ou entre utilisateurs, notamment en ce qui concerne les conditions de prix ou de livraison et les tarifs de transports, ainsi que les mesures ou pratiques faisant obstacle au libre choix par l’acheteur de son fournisseur;

c) les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit;

[…]»

4 La décision n° 3632/93, applicable aux périodes en cause au principal et communément qualifiée de «code des aides à l’industrie houillère», autorise toutefois, sous certaines conditions et dans des cas limitativement énumérés, l’octroi de subventions ou d’aides par les États membres à l’industrie houillère qui sont dès lors considérées comme des aides communautaires compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun.

Le contexte juridique national

5 Banks est une entreprise privée qui extrait du charbon à ciel ouvert. Elle est membre de la National Association of Licensed Opencast Operators (association nationale d’exploitants de mines à ciel ouvert sous licence, ci-après la «NALOO»), qui est présidée par M. H. Banks, président de Banks.

6 Jusqu’en 1994, l’industrie houillère au Royaume-Uni était régie par le Coal Industry Nationalisation Act (loi de nationalisation de l’industrie houillère, ci-après le «CINA») de 1946, qui avait transféré au National Coal Board, devenu British Coal Corporation (ci-après «British Coal»), la propriété de la quasi-totalité des réserves charbonnières du Royaume-Uni.

7 En vertu du CINA, British Coal avait, sauf exception, le droit exclusif d’extraction et de traitement du charbon au Royaume-Uni. Toutefois, l’article 36 du CINA habilitait British Coal à accorder à des tiers, moyennant le paiement d’une redevance, des licences en vue de l’extraction de charbon à ciel ouvert (ci-après les «licences de l’article 36»).

8 Adopté en vue de privatiser l’industrie houillère, le Coal Industry Act de 1994 (ci-après le «Coal Industry Act») a créé un nouvel organisme régulateur, la Coal Authority, auquel la propriété de l’ensemble des gisements houillers, exploités et non exploités, de British Coal a été transférée à compter du 31 octobre 1994, qualifié de «date de la restructuration». La Coal Authority ne dispose cependant pas du droit d’exercer elle-même des activités minières et il lui incombe d’accorder des licences autorisant l’exploitation du charbon et définissant les conditions de celle-ci, ainsi que des concessions portant sur les différents droits patrimoniaux nécessaires. La Coal Authority est en droit d’exiger des redevances en contrepartie de ces licences et concessions. Les licences de l’article 36 ont néanmoins été maintenues, les redevances y afférentes étant désormais perçues par la Coal Authority. Les titulaires de licences de l’article 36 se sont toutefois vu reconnaître la faculté de les convertir en licences et concessions au titre du Coal Industry Act. La Coal Authority doit reverser la totalité des sommes perçues au Secretary of State.

9 Le Coal Industry Act a, par ailleurs, habilité le Secretary of State à adopter un plan de restructuration portant sur les propriétés, droits et obligations de British Coal et pouvant notamment prévoir leur cession à des sociétés appelées à succéder à British Coal. Sur la base de cette habilitation, le Secretary of State a adopté, dans un premier temps, un plan de restructuration qui laissait à British Coal les actifs lui permettant de poursuivre son activité d’exploitation existante. Parallèlement, en application de dispositions spécifiques du Coal Industry Act, le Secretary of State a, au nom de la Coal Authority, octroyé à British Coal les licences d’exploitation dont elle avait besoin à compter du 31 octobre 1994 et a demandé à la Coal Authority de lui accorder les concessions correspondantes. Ces licences et concessions ont été accordées gratuitement. Puis, à l’issue d’une courte période, le Secretary of State a adopté, en décembre 1994 et en avril 1995, cinq plans de restructuration aux termes desquels l’activité d’exploitation de British Coal a été répartie entre plusieurs sociétés appartenant à la Couronne (ci-après les «sociétés d’État ayant succédé à British Coal»). La partie anglaise de l’activité de British Coal, y compris les licences et concessions correspondantes, a ainsi été transférée, sans contrepartie, à la société Central and Northern Mining Ltd (ci-après «CNML»).

10 À la suite d’une adjudication publique de privatisation, pour laquelle Banks n’a pas souhaité soumissionner, les parts sociales de CNML ont ensuite été acquises par la société RJB Mining (UK) plc (ci-après «RJB»). Aux termes de l’acte de vente, RJB n’est tenue à aucun versement ultérieur en contrepartie de son droit d’exploiter le charbon en application des licences et concessions précédemment détenues par CNML.

11 Banks est à la fois titulaire de licences de l’article 36 et de licences et concessions au titre du Coal Industry Act. En vertu des licences de l’article 36, elle doit verser une redevance de 2 GBP par tonne de charbon exploité. Suivant les documents publics émanant de la Coal Authority, les licences que celle-ci accorde au titre du Coal Industry Act donnent lieu à la perception, en sus de frais administratifs et d’un droit d’octroi initiaux, d’une redevance annuelle liée au tonnage de charbon produit. Pour les concessions au titre du Coal Industry Act, les titulaires doivent verser, après négociation avec la Coal Authority, soit une somme en capital, soit un loyer périodique forfaitaire, soit un loyer périodique lié au tonnage de charbon extrait, soit un droit résultant de la combinaison de deux ou trois de ces modalités.

Les antécédents du litige au principal

12 Le 19 août 1994, la NALOO a déposé une plainte auprès de la Commission des Communautés européennes (ci-après la «plainte de la NALOO») dans laquelle elle dénonçait le traitement de faveur accordé par les autorités du Royaume-Uni à British Coal au détriment des petits exploitants privés de mines à ciel ouvert. Dans cette plainte, la NALOO mettait en cause, d’une part, les aides d’État dont aurait bénéficié British Coal depuis 1973 et, d’autre part, les conditions et charges spéciales que la législation du Royaume-Uni aurait permis à British Coal d’imposer à ses concurrents. Selon la NALOO, les redevances que les exploitants de mines à ciel ouvert devaient verser à British Coal étaient en effet excessives.

13 Dans sa plainte, la NALOO mettait également en cause les effets négatifs de la privatisation imminente de British Coal. Au point 6.3 de sa plainte, intitulé «Dispositions transitoires [pour la privatisation]», la NALOO indiquait que la suppression finale du paiement de redevances était envisagée, ainsi que la possibilité de convertir les anciennes licences en nouvelles licences ne donnant pas lieu au paiement de redevances. Elle ajoutait, cependant, que le gouvernement avait indiqué que les redevances seraient dues jusqu’à la privatisation et, éventuellement, après l’entrée en activité de la Coal Authority. Selon la NALOO, le maintien provisoire des redevances pouvait entraîner le versement d’un montant de 5 millions de GBP par an par les exploitants de mines à ciel ouvert sous licence au profit de British Coal et des sociétés appelées à lui succéder. La NALOO concluait:

«[British Coal] ou les sociétés qui lui succéderont seront donc exonérées d’un coût substantiel que le reste de leurs concurrents continuera à supporter.»

14 Aux points suivants de sa plainte, la NALOO faisait valoir que les dernières propositions de privatisation perpétueraient et aggraveraient les conséquences de l’aide d’État illicite pendant des années en raison de la vente des actifs de British Coal libres de toutes dettes et obligations. Elle invitait la Commission à «examiner les modalités de privatisation […] afin de les confronter au contexte historique dans lequel [British Coal] a bénéficié d’une aide et à l’aide qui constitue un élément intrinsèque de l’ensemble des mesures de privatisation». La NALOO estimait qu'«aucune aide directe ou indirecte ne peut être intégrée à ces modalités de privatisation d’une manière qui serait discriminatoire pour les entreprises établies».

15 Le 3 novembre 1994, la Commission a adopté la décision 94/995/CECA, statuant sur des mesures financières du Royaume-Uni en faveur de l’industrie houillère au cours des exercices financiers 1994/1995 et 1995/1996 (JO L 379, p. 6). Les mesures nationales examinées par la Commission visaient la prise en charge des dommages à l’environnement résultant de l’extraction de charbon par British Coal, de diverses prestations sociales, des droits à livraison de combustible à titre gratuit aux anciens travailleurs de British Coal et de certains coûts de restructuration de cette dernière. Dans cette décision, la Commission a estimé les aides en cause compatibles avec les objectifs de la décision n° 3632/93, ainsi qu’avec le bon fonctionnement du marché commun.

16 Le 21 décembre 1994, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 66, paragraphe 2, du traité CECA, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, une décision autorisant l’acquisition de CNML par RJB (ci-après la «décision du 21 décembre 1994») [XXIVe rapport de la Commission sur la politique de concurrence (1994), p. 445].

17 Enfin, par lettres des 4 mai et 14 juillet 1995 de sa direction générale «Énergie» (DG XVII), la Commission a répondu à la plainte de la NALOO en ce qui concerne les aspects relatifs aux aides d’État. Dans la première lettre, la Commission a fait référence à des décisions d’autorisation d’aides à l’industrie houillère du Royaume-Uni prises entre 1974 et 1994; elle a évoqué d’une manière générale la différence de situation entre British Coal et le secteur privé; elle a estimé que les conditions de vente, en 1993, de 28 mines appartenant à British Coal n’avaient pas donné lieu à des aides en raison du caractère ouvert et concurrentiel de ces ventes; elle a indiqué que les conditions de vente des sociétés d’État ayant succédé à British Coal, par procédure d’adjudication ouverte et concurrentielle, garantissaient l’absence d’aides dans cette vente; elle a justifié la décision 94/995, évoquée au point 15 du présent arrêt, et a indiqué qu’un certain nombre de sites d’exploitation de British Coal avaient été réservés à la Coal Authority pour octroi de licences. Dans la seconde lettre, envoyée en réponse à une réaction de la NALOO à la première lettre, la Commission a confirmé en substance le contenu de celle-ci. Dans les deux lettres, la Commission a indiqué que les aspects de la plainte de la NALOO liés aux redevances continuaient à faire l’objet d’un examen par la direction générale «Concurrence» dans son propre champ de compétence.

Le litige au principal

18 À compter du 1er octobre 1995, Banks a cessé de verser à la Coal Authority les redevances dues au titre de ses licences de l’article 36. La Coal Authority a alors saisi la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Commercial Court) (Royaume-Uni).

19 Pour sa défense et à l’appui de sa demande reconventionnelle visant à obtenir la condamnation de la Coal Authority et du Secretary of State à lui restituer les redevances versées au titre des licences de l’article 36 et celles versées au titre des licences et concessions du Coal Industry Act, ainsi qu’à payer des dommages-intérêts, Banks a soutenu que les redevances exigées constituaient une discrimination au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA dans la mesure où ses concurrents principaux, comme RJB, n’étaient pas soumis à de tels versements. Subsidiairement, Banks a fait valoir que les redevances en cause tombaient sous le coup de l’article 4, sous c), du traité CECA, qui prohibe notamment les charges spéciales imposées par les États membres sous quelque forme que ce soit.

20 Par jugement en forme simplifiée du 3 mars 1997, la High Court a rejeté la demande reconventionnelle de Banks et l’a condamnée à payer à la Coal Authority les redevances en cause, soit un montant d’environ 1 million de GBP, majoré d’intérêts. Dans son jugement, la High Court ne s’est pas prononcée sur la compatibilité des redevances litigieuses avec les dispositions en question du traité CECA. Elle a, en effet, considéré que Banks n’était plus en droit de contester cette compatibilité devant les juridictions nationales dans la mesure où elle n’avait pas introduit de recours en annulation à l’encontre des lettres des 4 mai et 14 juillet 1995 par lesquelles la Commission avait, selon cette juridiction, rejeté les griefs analogues de la NALOO.

21 Banks a interjeté appel de ce jugement devant la Court of Appeal.

22 Devant cette juridiction, Banks a fait valoir, d’une part, que les lettres des 4 mai et 14 juillet 1995 ne constituaient pas un rejet de la plainte de la NALOO et, d’autre part, que ses griefs actuels ne figuraient pas dans ladite plainte. En effet, selon Banks, la plainte de la NALOO ne mettait en cause la compatibilité des redevances litigieuses avec le traité CECA que pour la période transitoire au cours de laquelle British Coal avait poursuivi son activité d’exploitation sous l’empire du Coal Industry Act. La Coal Authority et le Secretary of State ont soutenu, pour leur part, que la plainte de la NALOO avait été rejetée par la Commission par la décision 94/995 et par celle du 21 décembre 1994. Faute de les avoir attaquées, Banks ne serait plus en droit de contester la validité du système de redevances en cause.

23 Il ressort de l’ordonnance de renvoi que la Court of Appeal est partagée sur la question de savoir si la plainte de la NALOO portait également sur la période postérieure à la reprise des activités d’exploitation de British Coal par les entreprises privées adjudicataires, comme RJB. La Court of Appeal considère cependant que le litige porté devant elle soulève, en tout état de cause, la question de savoir si, nonobstant les diverses décisions relatives aux charbonnages du Royaume-Uni que la Commission a adoptées en 1994 et en 1995 et qui n’ont pas fait l’objet de recours, l’article 4, sous b) et c), du traité CECA revêt un effet direct.

24 Dans ces conditions, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La différence de traitement évoquée dans l’arrêt de la Court of Appeal est-elle susceptible de constituer:

— une discrimination entre producteurs au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA;

— une charge spéciale au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA, et/ou

— une aide au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA ou de l’article 1er de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission (JO 1993, L 329, p. 12)?

2) L’article 4, sous b) ou c), du traité CECA ou l’article 9, paragraphes 1 ou 4, de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission ont-ils des effets directs et font-ils naître dans le chef d’entreprises privées le droit, dont elles peuvent se prévaloir devant les juridictions nationales, de s’opposer à une demande en paiement de redevances minières formée par un organisme public et de réclamer la restitution des redevances versées à ce même organisme, en particulier en l’absence de toute décision de la Commission adoptée en application des articles 67 ou 88 du traité CECA ou de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission ou d’une autre disposition, en ce sens que les éléments allégués constituent une discrimination, une charge spéciale ou une aide?

3) Dans l’affirmative, une juridiction nationale peut-elle constater l’existence d’une discrimination au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA ou d’une charge spéciale au sens de l’article 4, sous c), de ce même traité ou d’une aide au sens de ce même article 4, sous c), ou de l’article 1er de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission en dépit

— de la décision 94/995/CECA de la Commission (JO 1994 L 379, p. 6);

— de la décision de la Commission du 21 décembre 1994 autorisant l’acquisition par RJB Mining plc de Central and Northern Mining Ltd;

— des communications adressées par la direction générale XVII de la Commission à la NALOO les 4 mai et [14] juillet 1995?

4) En vertu du droit communautaire, le fait que Banks ou la NALOO

a) n’ont pas contesté, en application de l’article 33 du traité CECA, la décision 94/995/CECA de la Commission ou la décision de la Commission du 21 décembre 1994 autorisant l’acquisition, par RJB Mining plc, de Central and Northern Mining Ltd, ou encore les lettres adressées par la direction générale XVII de la Commission à la NALOO les 4 mai et 14 juillet 1995, et/ou

b) n’ont pas eu recours à la procédure prévue par l’article 35 du traité CECA pour demander à la Commission de traiter des questions qui sont désormais soulevées dans la présente procédure devant la juridiction nationale

s’oppose-t-il à ce que Banks invoque de prétendues violations de l’article 4, sous b) ou c), du traité CECA ou de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission, dans le cadre d’une procédure menée devant les juridictions nationales?»

Sur la première question

25 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si la différence de traitement entre les entreprises charbonnières soumises à redevances en contrepartie du droit d’exploiter des mines de charbon et les entreprises charbonnières qui ont été ou sont exonérées de ces redevances est susceptible de constituer une discrimination entre producteurs au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, une charge spéciale au sens de l’article 4, sous c), du même traité et/ou une aide au sens de cette dernière disposition et de l’article 1er de la décision n° 3632/93, portant code des aides à l’industrie houillère.

26 Banks fait valoir que la différence de traitement en cause constitue une discrimination entre producteurs et une charge spéciale prohibées par l’article 4, sous b) et c), du traité CECA, à moins que l’État membre concerné ne démontre que cette situation répond à des différences objectives notables entre les deux catégories d’entreprises. En revanche, sauf à confondre les notions autonomes d’aides et de charges spéciales visées à l’article 4, sous c), du traité CECA, la différence de traitement incriminée ne saurait constituer une aide.

27 La Coal Authority et le gouvernement du Royaume-Uni soulignent que les entreprises exonérées de redevances ont racheté, à la suite d’une adjudication publique, les actifs des sociétés d’État ayant succédé à British Coal, lesquels comprenaient le droit d’exploiter le charbon des gisements concédés à ces sociétés. Le gouvernement du Royaume-Uni en déduit que l’exonération de redevances dont ces entreprises bénéficient ne constitue ni une discrimination entre producteurs, ni une charge spéciale, ni une aide. Quant à la Coal Authority, elle estime que l’exonération litigieuse est seulement susceptible de constituer une aide et qu’elle doit donc être examinée au regard des dispositions combinées de l’article 4, sous c), du traité CECA et de la décision n° 3632/93. La Coal Authority ajoute que, en tout état de cause, l’article 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il vise les charges spéciales, est sans pertinence en l’espèce dès lors que Banks ne met pas en cause son obligation d’acquitter des redevances mais l’exonération dont bénéficient certaines entreprises.

28 La Commission, pour sa part, considère que la différence de traitement évoquée par la juridiction de renvoi est susceptible de constituer à la fois une discrimination entre producteurs, une charge spéciale et une aide.

29 Il convient tout d’abord de distinguer la notion d’aide, figurant aux articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de la décision n° 3632/93, de la notion de charge spéciale, figurant également à l’article 4, sous c), du traité CECA, ainsi que de la notion de discrimination entre producteurs, figurant à l’article 4, sous b), du même traité.

30 La notion d’aide est plus générale que celle de subvention parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 39, et du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, point 34).

31 Ainsi, en vertu de l’article 1er de la décision n° 3632/93, qui vise toutes les aides à l’industrie houillère, qu’elles soient spécifiques ou générales, la notion d’aide couvre:

— «toutes mesures ou interventions directes ou indirectes des pouvoirs publics liées à la production, à la commercialisation et au commerce extérieur qui, même si elles ne grèvent pas les budgets publics, confèrent un avantage économique aux entreprises de l’industrie charbonnière en allégeant les charges qu’elles devraient normalement supporter»,

— «l’affectation, au bénéfice direct ou indirect de l’industrie houillère, des prélèvements rendus obligatoires par l’intervention des pouvoirs publics, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’aide est accordée par l’État ou par des organismes publics ou privés qu’il désigne en vue de la gérer», et

— «les éléments d’aide éventuellement contenus dans les mesures de financement prises par les États membres à l’égard des entreprises charbonnières qui ne sont pas considérés comme du capital-risque fourni à une société selon les pratiques normales en économie de marché».

32 En ce qui concerne la notion de charge spéciale, figurant à l’article 4, sous c), du traité CECA, la Cour a jugé que, en première analyse et sans que ce critère puisse être considéré à lui seul comme décisif, une charge peut être présumée spéciale, donc abolie et interdite par le traité CECA, si, affectant inégalement les coûts de production des producteurs se trouvant dans des conditions comparables, elle introduit dans la répartition de la production des distorsions ne résultant pas de variations des rendements (arrêt du 23 avril 1956, Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises/Haute Autorité, 7/54 et 9/54, Rec. p. 53, 93).

33 Il résulte de ce qui précède que, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA ainsi que de la décision n° 3632/93, une aide consiste en un allégement des charges qui pèsent normalement sur le budget des entreprises compte tenu de la nature ou de l’économie du système de charges en cause (voir, en ce sens, concernant la notion d’aide dans le contexte du traité CE, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 33), tandis qu’une charge spéciale est au contraire une charge supplémentaire par rapport à ces charges normales.

34 Par conséquent, une même mesure ne peut pas constituer à la fois une aide et une charge spéciale, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA. En présence d’un traitement différencié des entreprises dans l’application de charges, qui apparaît non justifié par la nature ou par l’économie du système, il convient de déterminer quelle est l’application normale du système de charges, par rapport à la nature ou à l’économie de ce système.

35 En ce qui concerne la notion de discrimination, figurant à l’article 4, sous b), du traité CECA, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, une discrimination consiste notamment dans le traitement différent de situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d’autres, sans que cette différence de traitement soit justifiée par l’existence de différences objectives d’une certaine importance (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1962, Klöckner-Werke et Hoesch/Haute Autorité, 17/61 et 20/61, Rec. p. 615, 652, et du 15 janvier 1985, Finsider/Commission, 250/83, Rec. p. 131, point 8).

36 Une mesure portant sur des charges peut, le cas échéant, constituer une discrimination au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, même si elle ne présente ni les caractères d’une aide ni ceux d’une charge spéciale au sens de l’article 4, sous c), du même traité (voir, en ce sens, par rapport aux charges spéciales, arrêt Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises/Haute Autorité, précité, p. 95). Inversement, une aide ne constitue pas nécessairement une mesure discriminatoire et il n’est pas non plus totalement exclu qu’une mesure instaurant une charge spéciale ne soit pas discriminatoire.

37 C’est à la lumière de ces principes que doit être examinée une situation telle que celle en cause au principal.

38 L’exposé des faits et du litige semble devoir conduire à distinguer deux périodes correspondant à des situations différentes.

39 La première période a commencé le 31 octobre 1994, date de la restructuration, à laquelle la Coal Authority a reçu la propriété de l’ensemble des gisements houillers, exploités et non exploités, auparavant détenus par British Coal. Cette période s’est achevée au moment où les parts sociales des sociétés d’État ayant succédé à British Coal en tant qu’exploitant ont été transmises aux entreprises privées adjudicataires, c’est-à-dire, en ce qui concerne la partie anglaise de l’activité d’exploitation de British Coal, au moment où RJB est entrée en possession des parts sociales de CNML. Pendant cette période, British Coal puis les sociétés d’État ayant succédé à British Coal ont exercé une activité d’exploitation en étant titulaires de licences et concessions octroyées sans contrepartie dans le cadre du Coal Industry Act.

40 La seconde période a commencé lorsque les entreprises privées adjudicataires, comme RJB, ont pris possession des parts sociales des sociétés d’État ayant succédé à British Coal en tant qu’exploitant et se poursuit à ce jour, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance de renvoi. Depuis le début de cette période, RJB jouit des licences et concessions qu’elle a obtenues en acquérant par voie d’adjudication le patrimoine et les droits et obligations liés à l’activité d’exploitation en Angleterre de British Coal et de son successeur CNML.

Concernant la première période

41 Il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que, depuis le 31 octobre 1994, date du transfert de la propriété de l’ensemble des gisements, exploités et non exploités, à la Coal Authority, le régime d’exploitation du charbon en Angleterre et au Pays de Galles repose sur l’octroi de licences et de concessions à l’ensemble des exploitants, y compris British Coal et les entreprises, publiques puis privées, qui lui ont succédé [voir article 11, paragraphe 6, sous a), du Coal Industry Act].

42 Il ressort également des indications de la juridiction de renvoi que, pendant la première période, les licences et concessions ont été accordées à British Coal et aux sociétés d’État ayant succédé à British Coal sans aucune contrepartie, alors que tous les autres exploitants n’ont obtenu des licences et concessions que moyennant le versement de redevances.

43 Or il apparaît, compte tenu du régime instauré par le Coal Industry Act, tel qu’il ressort du dossier, et notamment de l’obligation qui incombe à la Coal Authority, en application de l’article 3, paragraphe 4, de ladite loi, d’accorder les concessions «aux meilleures conditions susceptibles d’être raisonnablement obtenues», ainsi que du caractère temporaire des pouvoirs du Secretary of State pour accorder des concessions et, au nom de la Coal Authority, des licences, les unes et les autres sans contrepartie, à British Coal et aux sociétés d’État ayant succédé à British Coal, que la situation normale découlant de la nature et de l’économie du système correspond au versement par les exploitants d’une contrepartie aux licences et aux concessions qui leur sont accordées.

44 Dans ces conditions, British Coal et les sociétés d’État ayant succédé à British Coal ont bénéficié, pendant la première période, d’une aide, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA. Le montant de cette aide correspond au montant des redevances que la Coal Authority aurait normalement réclamé à British Coal et aux sociétés d’État ayant succédé à British Coal si le Secretary of State n’avait pas exercé ses pouvoirs.

45 S’agissant de l’existence de mesures discriminatoires, au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, pendant la première période, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si des différences objectives importantes de situations entre, d’une part, British Coal et les sociétés d’État ayant succédé à British Coal et, d’autre part, les autres exploitants pouvaient justifier l’existence de cet avantage d’exploitation dans le chef des premières et faire échapper ledit avantage à la qualification de mesure discriminatoire. La seule considération qu’il fallait faciliter le processus de privatisation de British Coal serait insuffisante pour constituer une telle justification, à moins que cette considération ne soit liée à des particularités d’exploitation non déjà prises en compte dans le cadre de mesures compensatoires spécifiques, comme celles autorisées par la Commission dans la décision 94/995.

46 Il convient donc de répondre à la juridiction de renvoi qu’une situation telle que celle en cause au principal depuis la date de la restructuration jusqu’au transfert aux entreprises privées adjudicataires des parts sociales des sociétés d’État ayant succédé à British Coal en tant qu’exploitant implique l’existence d’aides, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA, mais non de charges spéciales au sens de cette disposition. La même situation est susceptible de révéler l’existence d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b). Tel serait le cas si des différences objectives importantes de situations entre, d’une part, British Coal et les sociétés d’État ayant succédé à British Coal en tant qu’exploitant et, d’autre part, les autres exploitants ne justifiaient pas le traitement différencié appliqué aux deux catégories de producteurs.

Concernant la seconde période

47 S’agissant de la seconde période, il convient d’observer que, depuis le transfert aux entreprises privées adjudicataires des parts sociales des sociétés d’État ayant succédé à British Coal, aucun exploitant n’obtient ou n’a obtenu ses licences et concessions sans contrepartie. Plusieurs modes d’acquisition et de rémunération des droits liés aux licences et concessions coexistent.

48 Les entreprises ayant souhaité participer aux procédures d’adjudication des sociétés d’État ayant succédé à British Coal ont eu la possibilité d’acquérir ces droits en tant que composante des droits et obligations des sociétés mises en vente, aux enchères, pour une période illimitée. Le dossier ne fait pas apparaître que ces procédures n’auraient pas été ouvertes, concurrentielles et non discriminatoires. En outre, ainsi qu’il a été souligné au point 11 du présent arrêt, les autres exploitants ont eux-mêmes, selon les éléments du dossier, la possibilité de choisir entre différents moyens d’acquisition des droits en ce qui concerne les concessions, notamment entre le versement d’une somme en capital, le versement d’un loyer forfaitaire ou le versement d’un loyer lié au tonnage de charbon extrait, ou encore la combinaison de deux ou trois de ces modalités.

49 Aucune formule n’apparaît a priori, dans son principe, plus avantageuse qu’une autre. L’éventuel intérêt d’une formule par rapport à une autre résultera d’un certain nombre de paramètres économiques, techniques, commerciaux et financiers qui font largement appel à des prévisions et qu’il appartient aux différents opérateurs d’apprécier aussi justement que possible dans le cadre de la concurrence qu’ils se livrent. Compte tenu des réalités du marché, les choix effectués peuvent se révéler plus ou moins judicieux et avantager ou pénaliser un concurrent par rapport à un autre. Toutefois, un tel avantage ou un tel désavantage résulte alors directement du jeu de la concurrence et de la pertinence des anticipations des différents opérateurs.

50 Dès lors que les différentes formules sont ou ont été accessibles à l’ensemble des opérateurs sans discrimination, aucune distorsion de concurrence ne peut être inférée d’un tel système où coexistent plusieurs modes d’acquisition d’un même type de droit. Au demeurant, l’ordonnance de renvoi ne contient pas d’élément indiquant que l’accès aux différentes formules aurait été ou serait discriminatoire.

51 Il convient donc de répondre à la juridiction de renvoi qu’une situation telle que celle en cause au principal à compter du transfert des parts sociales des sociétés d’État ayant succédé à British Coal en tant qu’exploitant aux entreprises privées adjudicataires ne révèle l’existence ni d’aides ou de charges spéciales, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA, ni d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du même traité, dès lors que l’accès aux différentes formules d’acquisition des droits liés aux licences et concessions n’a pas été et n’est pas discriminatoire.

Sur la deuxième question

52 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, sous b) et c), du traité CECA ou l’article 9, paragraphes 1 et 4, de la décision n° 3632/93 portant code des aides à l’industrie houillère, engendrent directement des droits au profit des particuliers, que les juridictions nationales sont tenues de sauvegarder, et si Banks peut se fonder sur ces dispositions pour revendiquer le non-paiement ou le remboursement de redevances auxquelles elle a été assujettie.

53 Banks et la Commission proposent de répondre par l’affirmative à cette question. Elles relèvent que les dispositions de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’elles visent les discriminations entre producteurs, et celles de l’article 4, sous c), du même traité, en tant qu’elles visent les charges spéciales, sont, en l’absence de règles plus spécifiques dans le traité CECA, d’application autonome et qu’elles sont suffisamment précises et inconditionnelles. Elles ajoutent que l’article 9, paragraphe 4, de la décision n° 3632/93 n’autorise les États membres à mettre à exécution les aides projetées qu’après leur approbation par la Commission et considèrent, par analogie avec la disposition analogue de l’article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE), que cette disposition revêt également un effet direct.

54 La Coal Authority et le gouvernement du Royaume-Uni soutiennent, au contraire, que les dispositions en cause sont dépourvues d’effet direct.

55 Selon la Coal Authority, le rôle prépondérant confié à la Commission par le traité CECA priverait nécessairement d’un tel effet les dispositions de ce dernier. Par ailleurs, les dispositions de l’article 4 du traité CECA ne pourraient être d’application autonome puisqu’elles ne sont applicables que «dans les conditions prévues au présent traité» et qu’elles ne sont, en outre, ni suffisamment précises ni inconditionnelles.

56 La Coal Authority, rejointe par le gouvernement du Royaume-Uni, relève également que, pour l’application de l’article 4, sous c), du traité CECA, la Commission a précisément instauré des règles plus spécifiques en adoptant la décision n° 3632/93 qui confère à cette institution un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la compatibilité des aides avec le marché commun. En outre, l’article 88 du traité CECA obligerait la Commission à adopter des décisions en cas de manquement des États membres, de telle sorte que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 4, sous b) et c), du traité CECA passerait nécessairement par l’adoption de telles décisions.

57 Ainsi que la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, les dispositions de l’article 4 du traité CECA ne sont d’application autonome qu’en l’absence de règles plus spécifiques; lorsqu’elles sont reprises ou réglementées en d’autres dispositions du traité CECA, les textes se rapportant à une même disposition doivent être considérés dans leur ensemble et simultanément appliqués (arrêts Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises/Haute Autorité, précité, p. 91; du 13 avril 1994, Banks, C-128/92, Rec. p. I-1209, point 11, et du 2 mai 1996, Hopkins e.a., C-18/94, Rec. p. I-2281, point 16).

58 Par ailleurs, afin de déterminer si une disposition du traité CECA est d’effet direct et engendre directement des droits dans le chef des particuliers, que les juridictions nationales doivent sauvegarder, il faut s’assurer que cette disposition est claire et inconditionnelle (arrêt Banks, précité, point 15).

59 Le défaut d’application autonome d’une disposition de l’article 4 du traité CECA exclut qu’elle puisse avoir un effet direct (voir arrêts précités Banks, point 16, et Hopkins e.a., point 26).

60 Dès lors, et compte tenu de la réponse apportée à la première question, qui exclut l’existence de charges spéciales dans une situation telle que celle en cause au principal, il y a lieu d’examiner si les dispositions de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’elles visent les discriminations entre producteurs, et celles de l’article 4, sous c), du même traité, en tant qu’elles visent les aides, renvoient à d’autres dispositions plus spécifiques du traité CECA ou d’actes de droit dérivé et, dans la négative, si ces dispositions sont claires et inconditionnelles. Il convient également d’examiner si les dispositions de l’article 9, paragraphes 1 et 4, de la décision n° 3632/93 ont un effet direct.

61 Il convient au préalable de rejeter l’argument de la Coal Authority et du gouvernement du Royaume-Uni selon lequel l’article 88 du traité CECA constituerait une règle spécifique qui s’opposerait à l’application autonome des dispositions en cause de l’article 4.

62 En effet, l’article 88 du traité CECA stipule notamment que, si la Commission estime qu’un État a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CECA, elle constate ledit manquement par une décision motivée, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

63 Or, une telle disposition, qui revêt un caractère général, ne saurait, à l’évidence, constituer une règle plus spécifique au sens de la jurisprudence visée au point 57 du présent arrêt. D’ailleurs, reconnaître cette portée à l’article 88 du traité CECA reviendrait, en contradiction avec cette jurisprudence, à priver d’application autonome l’ensemble des dispositions de l’article 4 du même traité.

Sur les articles 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il vise les aides d’État, et 9, paragraphes 1 et 4, de la décision n° 3632/93

64 S’il pouvait être initialement déduit de l’arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, que l’article 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il vise les aides, était pleinement d’application autonome et d’effet direct, cette interprétation est aujourd’hui caduque.

65 En effet, depuis 1965, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 95, premier alinéa, du traité CECA, des décisions générales successives, connues sous le nom de codes des aides, autorisant, sous certaines conditions et dans des cas limitativement énumérés, l’octroi de subventions ou d’aides par les États membres à l’industrie houillère qui sont dès lors considérées comme des aides communautaires compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun.

66 La décision applicable au litige est la décision n° 3632/93, laquelle expire le 23 juillet 2002. Cette décision définit la notion d’aides à l’industrie houillère (article 1er), fixe les critères d’octroi des aides (articles 2 à 7) et prévoit des règles procédurales détaillées en ce qui concerne la notification des mesures financières que les États membres ont l’intention de prendre en faveur de l’industrie houillère et l’examen et l’autorisation des aides par la Commission (articles 8 et 9).

67 Ainsi, l’article 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il porte sur la compatibilité des subventions ou aides avec le marché commun, est mis en oeuvre par la décision n° 3632/93, de telle sorte que, dans cette mesure, cette disposition est dépourvue d’application autonome et, par voie de conséquence, d’effet direct.

68 Les articles 8 et 9 de la décision n° 3632/93 confèrent à la Commission une compétence exclusive pour apprécier la compatibilité des aides avec les critères établis par cette décision. Il s’ensuit que, en l’absence de décision de la Commission, les particuliers ne sauraient contester la compatibilité d’une aide devant les juridictions nationales (voir, par analogie, s’agissant des articles 65 et 66, paragraphe 7, du traité CECA, arrêt Banks, précité, points 17 et 18, et, s’agissant de l’article 63, paragraphe 1, du traité CECA, arrêt Hopkins e.a., précité, point 27).

69 Toutefois, l’article 9, paragraphe 1, de la décision n° 3632/93 oblige les États membres à notifier à la Commission l’ensemble des mesures financières qu’ils ont l’intention de prendre en faveur de l’industrie houillère tandis que son article 9, paragraphe 4, première phrase, ne les autorise à mettre à exécution les aides projetées qu’après approbation par la Commission.

70 Cette dernière disposition correspond, en substance, à la dernière phrase de l’article 93, paragraphe 3, du traité CE selon laquelle l’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures d’aides projetées avant que la procédure ait abouti à une décision finale de la Commission. Or, cette disposition du traité CE a un effet direct et engendre, en faveur des justiciables, des droits que les juridictions nationales sont tenues de sauvegarder, ainsi que la Cour l’a déjà jugé (voir, notamment, arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 8). Le même effet doit dès lors être reconnu à l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93.

71 Afin d’être à même de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure d’examen préliminaire établie par l’article 9 de la décision n° 3632/93 devait ou non y être soumise, une juridiction nationale peut être amenée à interpréter la notion d’aide, visée aux articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de cette décision.

72 Il résulte de ce qui précède que l’article 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il porte sur la compatibilité avec le marché commun des aides, est dépourvu d’effet direct. En revanche, l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93 est d’effet direct et engendre directement des droits dans le chef des particuliers, que les juridictions nationales doivent sauvegarder. À cet effet, les juridictions nationales peuvent être amenées à interpréter la notion d’aide au sens des articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de la décision n° 3632/93.

73 Ainsi que la Cour l’a jugé dans le contexte du traité CE, la validité des actes comportant mise à exécution de mesures d’aide est affectée par la méconnaissance, de la part des autorités nationales, de l’interdiction de mise en oeuvre des aides sans autorisation de la Commission. Les juridictions nationales doivent garantir aux justiciables qui sont en mesure de se prévaloir d’une telle méconnaissance que toutes les conséquences en seront tirées, conformément à leur droit national, tant en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d’aide, que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d’éventuelles mesures provisoires (arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354/90, Rec. p. I-5505, point 12).

74 Ainsi que la Cour l’a également jugé, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (voir, notamment, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I-959, point 66; Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, précité, point 12; du 10 juin 1993, Commission/Grèce, C-183/91, Rec. p. I-3131, point 16, et du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 68). Toutefois, il convient de préciser quelle peut être la portée de l’effet direct de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93 dans une situation telle que celle en cause au principal.

75 À cet égard, le rétablissement de la situation antérieure au versement d’une aide illégale ou incompatible avec le marché commun constitue une exigence nécessaire à la préservation de l’effet utile des dispositions des traités relatives aux aides d’État et le juge national doit, en tenant compte des circonstances, rechercher s’il est possible de faire droit aux demandes des justiciables permettant de contribuer au rétablissement de ladite situation antérieure (voir, en ce sens, arrêt Tubemeuse, précité, point 66).

76 Dans l’espèce en cause au principal, Banks ne demande pas qu’une aide soit remboursée, mais demande à être exonérée de redevances. Il convient de noter à cet égard qu’un remboursement de l’aide pourrait en tout état de cause s’avérer impossible.

77 En effet, le fait que les sociétés d’État ayant succédé à British Coal ont été acquises ultérieurement dans le cadre d’une procédure d’adjudication ouverte et concurrentielle aux conditions du marché conduit à considérer que l’élément d’aide dont ont bénéficié British Coal et ces sociétés d’État n’existe pas dans le chef des entreprises privées adjudicataires, comme RJB. Dès lors que ces adjudicataires ont racheté les sociétés en cause dans des conditions de concurrence non discriminatoires et, par définition, au prix du marché, c’est-à-dire au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour ces sociétés dans la situation où elles se trouvaient, notamment après avoir bénéficié d’aides d’État, l’élément d’aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat. Dans de telles conditions, les adjudicataires ne sauraient être considérés comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. p. I-1603, point 40). Il ne pouvait donc être demandé aux entreprises privées adjudicataires comme RJB de rembourser l’élément d’aide considéré.

78 Néanmoins, en principe, lorsqu’une société bénéficiaire d’une aide a été vendue au prix du marché, le prix de vente reflète les conséquences de l’aide antérieure et c’est le vendeur de ladite société qui conserve le bénéfice de l’aide. Dans ce cas, le rétablissement de la situation antérieure doit, en premier lieu, être assuré par le remboursement de l’aide par le vendeur.

79 Toutefois, dans une situation comme celle au principal, le remboursement de l’aide par le vendeur des sociétés qui ont bénéficié de l’aide ne pourrait avoir d’effet que si ce dernier ne se confond pas, d’un point de vue économique, avec le pourvoyeur de l’aide, car alors il se rembourserait lui-même. Or, dans l’affaire au principal, l’État apparaît comme le pourvoyeur de l’aide éventuelle, puisque les redevances dont British Coal et les sociétés d’État ayant succédé à British Coal ont été exonérées lui auraient normalement été versées. Si les sommes tirées de la privatisation ont été in fine affectées à l’État, celui-ci cumule la qualité de vendeur et de pourvoyeur de l’aide. Il en est de même si les sommes tirées de la privatisation ont été affectées à British Coal, dont l’existence semble avoir été maintenue pour assurer l’exécution d’un certain nombre d’obligations liées à son activité passée, ou à tout autre entité n’exerçant pas d’activité sur un marché concurrentiel et si elles ont ainsi évité à l’État les dépenses correspondantes. Dans ce cas, le rétablissement de la situation antérieure ne peut pas être assuré par le remboursement de l’aide.

80 Néanmoins, ceci ne saurait conduire au non-assujettissement rétroactif des autres exploitants aux redevances litigieuses. En effet, les redevables d’une contribution obligatoire ne sauraient exciper de ce que l’exonération dont bénéficient d’autres personnes constitue une aide d’État pour se soustraire au paiement de ladite contribution (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co, C-437/97, Rec. p. I-1157, points 51 à 53, et du 13 juillet 2000, Idéal tourisme, C-36/99, Rec. p. I-6049, points 26 à 29). Par conséquent, même dans des circonstances particulières telles que celles évoquées aux points 77 à 79 du présent arrêt, compte tenu de la qualification d’aide de la mesure en cause, des demandes comme celles formulées par Banks dans le litige au principal ne peuvent être accueillies, sans préjudice toutefois d’éventuelles actions que les anciens concurrents de British Coal pourraient engager, si les conditions en étaient réunies, en réparation du dommage que leur aurait fait subir l’avantage concurrentiel dont ont bénéficié British Coal et les sociétés d’État qui lui ont succédé.

Sur l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs

81 Plusieurs dispositions du traité CECA autres que l’article 4, sous b), prohibent spécifiquement certains types de discriminations. Toutefois, aucune de ces dispositions ne concerne les discriminations entre producteurs.

82 Par ailleurs, l’article 65, paragraphe 1, du traité CECA interdit tous accords entre entreprises qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et son article 65, paragraphe 4, donne à la Commission compétence exclusive pour veiller au respect de cette disposition.

83 Dans son arrêt du 20 mars 1957, Geitling/Haute Autorité (2/56, Rec. p. 9, 44), la Cour a toutefois rejeté la thèse selon laquelle les dispositions de l’article 65 excluraient, en tant que lex specialis, les dispositions fondamentales de l’article 4, sous b). La Cour a, en effet, jugé que les articles 4, sous b), et 65 du traité CECA ne s’excluent, pas plus qu’ils ne s’annulent l’un l’autre; qu’ils servent à réaliser les objectifs de la Communauté; qu’à cet égard ils sont complémentaires, et que, dans certains cas, leurs dispositions peuvent couvrir des faits justifiant une application concomitante et concurrente desdits articles.

84 Il en résulte que la circonstance qu’une discrimination relève de l’article 65 du traité CECA n’exclut pas l’application autonome de l’article 4, sous b).

85 Pour sa part, l’article 66, paragraphe 1, du traité CECA soumet à autorisation préalable de la Commission les opérations de concentration entre entreprises. Son paragraphe 2 dispose notamment que, dans son appréciation d’une opération et conformément au principe de non-discrimination énoncé à l’article 4, sous b), la Commission tient compte de l’importance des entreprises de même nature existant dans la Communauté, dans la mesure qu’elle estime justifiée pour éviter ou corriger les désavantages résultant d’une inégalité dans les conditions de concurrence.

86 S’il se réfère à l’article 4, sous b), du traité CECA, l’article 66 du même traité ne saurait cependant être considéré comme mettant en oeuvre cette disposition. En effet, l’article 66 ne précise pas les conditions d’application du principe de non-discrimination énoncé à l’article 4, sous b), mais se borne à prévoir que, lorsqu’elle apprécie la compatibilité d’une opération de concentration avec le traité CECA, la Commission doit tenir compte de ce principe.

87 Enfin, l’article 67 du traité CECA vise différentes atteintes aux conditions de la concurrence susceptibles de résulter de l’action des États membres.

88 Toutefois, les articles 4 et 67 du traité CECA visent deux domaines distincts, le premier abolissant et interdisant certaines interventions des États membres dans le domaine que le traité CECA soumet à la compétence communautaire, le second tendant à parer aux atteintes à la concurrence que l’exercice des pouvoirs retenus par les États membres ne peut manquer d’entraîner (arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, p. 47). L’article 67 du traité CECA couvre ainsi les mesures générales que les États membres peuvent adopter dans le cadre de leur politique économique et sociale et les mesures prises par les États membres applicables à d’autres secteurs que les industries du charbon ou de l’acier mais qui sont susceptibles d’exercer une répercussion sensible sur les conditions de concurrence dans lesdites industries.

89 Il en résulte que l’article 67 du traité CECA n’a pas non plus pour objet de mettre en oeuvre l’article 4, sous b), du même traité.

90 Il ressort de ce qui précède qu’il n’existe pas, dans le traité CECA, de règles plus spécifiques que l’article 4, sous b), en tant que celui-ci vise les discriminations entre producteurs. En conséquence, cette disposition est d’application autonome.

91 En reconnaissant incompatibles avec le marché commun et, en conséquence, abolies et interdites les mesures ou pratiques établissant une discrimination entre producteurs, l’article 4, sous b), du traité CECA énonce une obligation précise et inconditionnelle. La Cour a ainsi relevé que les abolitions et interdictions formulées à l’article 4 du traité CECA le sont avec une exceptionnelle rigueur (arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, p. 41). Il en résulte que l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, engendre directement des droits dans le chef des particuliers, que les juridictions nationales doivent sauvegarder.

92 Toutefois, dans une situation telle que celle au principal où l’éventuelle discrimination consisterait en l’octroi d’une aide illégale sous forme d’exonération de redevances, la constatation d’une telle discrimination ne saurait, compte tenu des considérations exprimées au point 80 du présent arrêt, conduire à faire droit à des demandes de non-assujettissement rétroactif à ces redevances formulées par des concurrents du bénéficiaire de l’aide.

93 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la deuxième question que l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93 engendrent directement des droits dans le chef des particuliers, que les juridictions nationales doivent sauvegarder. En revanche, l’article 4, sous c), du traité CECA, en tant qu’il porte sur la compatibilité des aides avec le marché commun, n’engendre pas lui-même de tels droits. Toutefois, les juridictions nationales sont compétentes pour interpréter la notion d’aide au sens des articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de la décision n° 3632/93, en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de cette décision.

94 Il y a également lieu de répondre à la deuxième question que la constatation, dans une situation telle que celle au principal, de l’existence d’une aide illégale, parce que non autorisée par la Commission lors de son octroi, et, le cas échéant, d’une discrimination entre producteurs au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, sous la forme de l’assujettissement de certains producteurs au paiement de redevances alors que d’autres en sont exonérés, ne peut pas entraîner le non-assujettissement rétroactif auxdites redevances des producteurs qui y ont été assujettis.

Sur la troisième question

95 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en cas de réponse affirmative à la deuxième question, si une juridiction nationale est en droit de constater l’existence d’une discrimination, au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, ou d’une aide, au sens des articles 4, sous c), du même traité et 1er de la décision n° 3632/93, en dépit de:

— l’adoption de la décision 94/995,

— l’adoption de la décision du 21 décembre 1994, et

— l’envoi des lettres des 4 mai et 14 juillet 1995.

96 En dépit de la réponse négative apportée à la seconde partie de la deuxième question de la juridiction de renvoi et compte tenu de l’intérêt que peut avoir le défendeur au principal à faire néanmoins constater l’existence d’une discrimination et d’une aide aux sens précités, la Cour estime qu’il peut être utile de répondre à la troisième question.

97 La Coal Authority et le gouvernement du Royaume-Uni, qui ont proposé de répondre par la négative à la deuxième question, estiment que, en tout état de cause, dans les circonstances de l’affaire au principal, une juridiction nationale n’est pas en droit d’appliquer directement les dispositions de l’article 4, sous b) et c), du traité CECA.

98 Selon eux, la plainte de la NALOO portait notamment sur l’application du système de redevances litigieux postérieurement à la privatisation de British Coal. Or, cette plainte aurait été rejetée par la Commission dans ses décisions contenues dans les lettres des 4 mai et 14 juillet 1995. Dès lors, ces décisions, qui n’ont pas été contestées devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes, lieraient les juridictions nationales. Selon la Coal Authority, la plainte de la NALOO aurait également été rejetée par la Commission dans sa décision du 21 décembre 1994 et, quoique de manière implicite, dans sa décision 94/995.

99 Banks et la Commission soutiennent, en revanche, que les décisions de la Commission évoquées par la juridiction de renvoi n’empêchent pas celle-ci de constater, le cas échéant, l’existence d’une discrimination entre producteurs ou d’une aide au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA et de la décision n° 3632/93. En effet, Banks, qui considère que la plainte de la NALOO ne portait pas sur l’application du système de redevances litigieux postérieurement à la privatisation de British Coal, et la Commission, qui est d’un avis contraire, s’accordent pour considérer que cette institution n’a pas pris position sur cette question dans les décisions en cause.

100 À cet égard, il résulte de la réponse de la Cour à la deuxième question que les juridictions nationales sont compétentes pour constater l’existence d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, et d’une aide, au sens des articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de la décision n° 3632/93.

101 La question de savoir si les décisions de la Commission évoquées par la juridiction de renvoi sont susceptibles d’affecter l’exercice de cette compétence ne se pose que si, dans ces décisions, la Commission s’est effectivement prononcée sur la compatibilité du système de redevances litigieux avec le traité CECA. Il convient dès lors d’examiner, au préalable, le contenu de ces décisions.

102 En premier lieu, par sa décision 94/995, la Commission a autorisé, pour les exercices financiers 1994/1995 et 1995/1996, une série d’aides destinées à la prise en charge des dommages à l’environnement résultant de l’extraction de charbon par British Coal, à la couverture de diverses prestations sociales et au financement des droits à livraison de combustible à titre gratuit aux anciens travailleurs de British Coal, ainsi qu’à la prise en charge de certains coûts de restructuration de cette dernière.

103 Il ne saurait dès lors être soutenu que, par cette décision, qui vise des aides précises envisagées pour deux exercices financiers déterminés, la Commission a statué, d’une manière ou d’une autre, sur le système de redevances litigieux.

104 En deuxième lieu, par sa décision du 21 décembre 1994, adoptée sur le fondement de l’article 66, paragraphe 2, du traité CECA, la Commission a autorisé l’acquisition de CNML par RJB. Or, cette décision d’autorisation de concentration ne traite que de la position de l’entreprise RJB/CNML sur le marché. La Commission ne s’y est donc pas prononcée sur la compatibilité avec le traité CECA du système de redevances litigieux, auquel la notification du projet de concentration ne se référait d’ailleurs pas.

105 En troisième lieu, par ses lettres des 4 mai et 14 juillet 1995, la Commission a répondu à la plainte de la NALOO en ce qui concerne les aspects de cette plainte dénonçant des aides d’État illégales, dont l’examen relevait de la direction générale «Énergie» de la Commission. Toutefois, il résulte de l’examen du dossier que, dans ces lettres, la Commission n’a pas pris position sur le système de redevances litigieux au regard des règles relatives aux aides d’État.

106 Il résulte de ce qui précède que, dans aucune des décisions évoquées par la juridiction de renvoi, la Commission ne s’est prononcée sur la compatibilité du système de redevances litigieux avec le traité CECA.

107 Il y a lieu dès lors de répondre à la troisième question qu’une juridiction nationale est en droit de constater l’existence d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du traité CECA, ou d’une aide, au sens des articles 4, sous c), du traité CECA et 1er de la décision n° 3632/93, du fait du système de redevances litigieux, et ce, en dépit de l’adoption par la Commission

— de la décision 94/995,

— de la décision du 21 décembre 1994, et

— des décisions contenues dans les lettres des 4 mai et 14 juillet 1995.

Sur la quatrième question

108 Par la première partie de sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si la circonstance que Banks ou la NALOO n’ont pas formé de recours en annulation, en vertu de l’article 33 du traité CECA, à l’encontre de la décision 94/995, de la décision du 21 décembre 1994 ou des lettres des 4 mai et 14 juillet 1995 s’oppose à ce que Banks invoque de prétendues violations de l’article 4, sous b) ou c), du traité CECA ou de la décision n° 3632/93 devant les juridictions nationales. Par la seconde partie de la quatrième question, la juridiction de renvoi demande si Banks est en droit d’invoquer ces prétendues violations devant les juridictions nationales alors que ni elle ni la NALOO n’ont intenté, sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, une action en vue de contraindre la Commission à se prononcer sur ces prétendues violations.

Sur la première partie de la quatrième question

109 Banks et la Commission soutiennent, en particulier, que les décisions de la Commission visées par la juridiction de renvoi ne portent pas sur le système de redevances litigieux et qu’elles ne sauraient donc s’opposer à ce que Banks invoque, devant les juridictions nationales, l’incompatibilité de ce système avec les dispositions en cause du traité CECA.

110 En revanche, la Coal Authority et le gouvernement du Royaume-Uni estiment que, dans la mesure où elle n’a pas formé de recours en annulation à l’encontre des décisions de la Commission visées par la juridiction de renvoi, Banks n’est plus en droit de mettre indirectement en cause la validité de ces décisions devant les juridictions nationales.

111 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a jugé, dans son arrêt du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C-188/92, Rec. p. I-833), dans le contexte du traité CE, que le bénéficiaire d’une aide ne peut pas invoquer l’invalidité d’une décision de la Commission ordonnant à un État membre de récupérer l’aide versée à ce bénéficiaire, dès lors que le bénéficiaire de l’aide a omis de demander l’annulation de la décision de la Commission au titre de l’article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) et qu’il aurait pu sans aucun doute le faire. La Cour a en effet considéré qu’adopter la solution contraire reviendrait à reconnaître au bénéficiaire de l’aide la faculté de contourner le caractère définitif qui, en vertu du principe de sécurité juridique, doit s’attacher à une décision après l’expiration du délai de recours prévu par l’article 173 du traité CE (voir, également, arrêts du 30 janvier 1997, Wiljo, C-178/95, Rec. p. I-585, point 21, et du 15 février 2001, Nachi Europe, C-239/99, Rec. p. I-1197, point 30).

112 Toutefois, pour que la solution adoptée dans l’arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, précité, puisse être transposée dans l’affaire au principal, il faudrait à tout le moins que l’action de Banks devant les juridictions nationales tende à mettre en cause la validité des décisions antérieures de la Commission qu’elle aurait pu contester. Or, ainsi que la Cour l’a constaté au point 107 du présent arrêt, la Commission ne s’est prononcée sur la compatibilité du système de redevances litigieux avec le traité CECA dans aucune des décisions évoquées par la juridiction de renvoi.

113 Il en résulte que la circonstance que Banks ou la NALOO n’ont pas formé de recours en annulation à l’encontre de ces décisions ne s’oppose pas à ce que Banks invoque, devant les juridictions nationales, la violation de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ou celle de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93.

Sur la seconde partie de la quatrième question

114 La Coal Authority et le gouvernement du Royaume-Uni estiment que, dans l’hypothèse où la Commission n’aurait pas rejeté la plainte de la NALOO par les décisions visées par la juridiction de renvoi, Banks aurait dû mettre en oeuvre la procédure de l’article 35 du traité CECA. Faute de l’avoir fait, Banks ne serait plus en droit de saisir les juridictions nationales des mêmes griefs que ceux contenus dans la plainte de la NALOO.

115 Banks et, avec quelques hésitations, la Commission sont d’un avis contraire.

116 Il convient de souligner que la juridiction de renvoi s’est placée dans l’hypothèse, qui s’avère conforme aux faits, où la Commission n’aurait pas encore pris position sur le système de redevances litigieux. La juridiction de renvoi se demande si, dans ce cas, la circonstance que Banks ou la NALOO n’ont pas intenté, sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, une action en vue de contraindre la Commission à prendre position sur ce système est de nature à priver Banks du droit d’invoquer, devant les juridictions nationales, la violation de l’article 4, sous b) ou c), du traité CECA et celle de la décision n° 3632/93.

117 Ainsi qu’il résulte de la réponse à la deuxième question, les juridictions nationales sont compétentes pour apprécier la violation des dispositions de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, et de l’article 9, paragraphe 4, de la décision n° 3632/93.

118 Or, l’obligation, pour les juridictions nationales, d’appliquer lesdites dispositions ne saurait être limitée au seul motif que la Commission est saisie d’une plainte soulevant des questions analogues sur lesquelles elle n’a pas encore statué, même dans l’hypothèse où le plaignant, partie au litige devant les juridictions nationales, aurait pu intenter une action au titre de l’article 35 du traité CECA.

119 En effet, même si la Commission et les juridictions nationales peuvent être simultanément compétentes pour appliquer certaines dispositions du traité CECA, elles n’ont pas nécessairement les mêmes pouvoirs pour faire droit aux différentes demandes des particuliers fondées sur ces dispositions (voir, à cet égard, dans le contexte du traité CE, la communication 93/C 39/05 de la Commission, relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 85 et 86 du traité CEE, JO 1993, C 39, p. 6). Dès lors, il ne saurait être exigé d’un particulier qui a déposé une plainte auprès de la Commission fondée sur ce type de dispositions qu’il poursuive en toutes circonstances son action auprès de la Commission, le cas échéant en entamant une procédure sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, jusqu’à ce que la Commission prenne position sur sa plainte, alors même que celle-ci ne manifesterait pas l’intention de traiter la plainte et que, en fonction de l’évolution des circonstances, le particulier peut avoir intérêt à accorder la priorité à une action devant le juge national, ou y être obligé.

120 Dans ces conditions, le principe que rappelle la Commission dans ses observations, selon lequel la saisine de cette institution au titre de l’article 35 du traité CECA ne saurait être retardée indéfiniment, notamment lorsque la volonté de la Commission de s’abstenir est manifeste (voir arrêt du 6 juillet 1971, Pays-Bas/Commission, 59/70, Rec. p. 639, points 14 à 19), n’a pas d’incidence sur la possibilité pour le plaignant d’invoquer devant une juridiction nationale les dispositions de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, et de l’article 9, paragraphe 4, de la décision n° 3632/93.

121 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé dans le cadre du traité CE, il incombe aux juridictions des États membres, par application du principe de coopération énoncé à l’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) – lequel correspond en substance à l’article 86, premier et deuxième alinéas, du traité CECA -, d’assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct du droit communautaire. En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire. Toutefois, ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (voir, notamment, arrêt du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599, point 12).

122 Dans le domaine des aides d’État, dans la mesure où la procédure prévue par le droit national est applicable à la récupération d’une aide illégale, les dispositions pertinentes du droit national doivent être appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible la récupération exigée par le droit communautaire (voir, notamment, dans le cadre du traité CE, arrêts du 2 février 1989, Commission/Allemagne, 94/87, Rec. p. 175, point 12, et du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 12) et un État membre ne saurait légitimement exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre interne pour se soustraire à l’exécution des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, précité, point 18). Les mêmes principes doivent être appliqués lorsque les justiciables demandent légitimement d’autres mesures que la récupération d’une aide d’État après qu’ils ont établi l’existence d’une violation de l’article 4, sous b), du traité CECA, sous la forme éventuelle d’une discrimination entre producteurs, ou d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, de la décision n° 3632/93, sous la forme de l’octroi d’une aide sans approbation de la Commission.

123 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la circonstance que Banks ou la NALOO n’ont pas intenté, sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, une action en vue de contraindre la Commission à prendre position sur le système de redevances litigieux n’est pas de nature à priver Banks du droit d’invoquer, devant les juridictions nationales, la violation de l’article 4, sous b), en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, et celle de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93.

124 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la quatrième question que la circonstance que Banks ou la NALOO

— n’ont pas formé, en vertu de l’article 33 du traité CECA, un recours en annulation à l’encontre de la décision 94/995, de la décision du 21 décembre 1994 ou des décisions contenues dans les lettres des 4 mai et 14 juillet 1995,

— n’ont pas intenté, sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, une action en vue de contraindre la Commission à prendre position sur de prétendues violations de l’article 4, sous b), du traité CECA, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ou de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93,

ne s’oppose pas à ce que Banks invoque lesdites violations devant les juridictions nationales.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

125 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division), par ordonnance du 31 juillet 1998, dit pour droit:

1) Une situation telle que celle en cause au principal depuis la date de la restructuration jusqu’au transfert aux entreprises privées adjudicataires des parts sociales des sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation en tant qu’exploitant implique l’existence d’aides, au sens de l’article 4, sous c), du traité CECA, mais non de charges spéciales au sens de cette disposition. La même situation est susceptible de révéler l’existence d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du même traité. Tel serait le cas si des différences objectives importantes de situations entre, d’une part, British Coal Corporation et les sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation en tant qu’exploitant et, d’autre part, les autres exploitants ne justifiaient pas le traitement différencié appliqué aux deux catégories de producteurs.

Une situation telle que celle en cause au principal à compter du transfert des parts sociales des sociétés appartenant à la Couronne ayant succédé à British Coal Corporation en tant qu’exploitant aux entreprises privées adjudicataires ne révèle l’existence ni d’aides ou de charges spéciales, au sens de l’article 4, sous c), du traité, ni d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du traité, dès lors que l’accès aux différentes formules d’acquisition des droits liés aux licences et concessions n’a pas été et n’est pas discriminatoire.

2) L’article 4, sous b), du traité, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93/CECA de la Commission, du 28 décembre 1993, relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l’industrie houillère, engendrent directement des droits dans le chef des particuliers, que les juridictions nationales doivent sauvegarder. En revanche, l’article 4, sous c), du traité, en tant qu’il porte sur la compatibilité des aides avec le marché commun, n’engendre pas lui-même de tels droits. Toutefois, les juridictions nationales sont compétentes pour interpréter la notion d’aide au sens des articles 4, sous c), du traité et 1er de la décision n° 3632/93, en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de cette décision.

La constatation, dans une situation telle que celle au principal, de l’existence d’une aide illégale, parce que non autorisée par la Commission lors de son octroi, et, le cas échéant, d’une discrimination entre producteurs au sens de l’article 4, sous b), du traité, sous la forme de l’assujettissement de certains producteurs au paiement de redevances alors que d’autres en sont exonérés, ne peut pas entraîner le non-assujettissement rétroactif auxdites redevances des producteurs qui y ont été assujettis.

3) Une juridiction nationale est en droit de constater l’existence d’une discrimination entre producteurs, au sens de l’article 4, sous b), du traité, ou d’une aide, au sens des articles 4, sous c), du traité et 1er de la décision n° 3632/93, du fait du système de redevances en cause au principal, et ce, en dépit de l’adoption par la Commission

— de la décision 94/995/CECA, du 3 novembre 1994, statuant sur des mesures financières du Royaume-Uni en faveur de l’industrie houillère au cours des exercices financiers 1994/1995 et 1995/1996,

— de la décision du 21 décembre 1994 autorisant l’acquisition de Central and Northern Mining Ltd par RJB Mining (UK) plc, et

— des décisions contenues dans les lettres des 4 mai et 14 juillet 1995 adressées à la National Association of Licensed Opencast Operators en réponse à la plainte de cette association en date du 19 août 1994.

4) La circonstance que H. J. Banks & Co. Ltd ou la National Association of Licensed Opencast Operators

— n’ont pas formé, en vertu de l’article 33 du traité CECA, un recours en annulation à l’encontre de la décision 94/995, de la décision du 21 décembre 1994 autorisant l’acquisition de Central and Northern Mining Ltd par RJB Mining (UK) plc ou des décisions contenues dans les lettres des 4 mai et 14 juillet 1995 adressées à la National Association of Licensed Opencast Operators,

— n’ont pas intenté, sur le fondement de l’article 35 du traité CECA, une action en vue de contraindre la Commission à prendre position sur de prétendues violations de l’article 4, sous b), du traité, en tant qu’il vise les discriminations entre producteurs, ou de l’article 9, paragraphe 4, première phrase, de la décision n° 3632/93,

ne s’oppose pas à ce que H. J. Banks & Co. Ltd invoque lesdites violations devant les juridictions nationales.

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CJCE, n° C-390/98, Arrêt de la Cour, H.J. Banks & Co. Ltd contre The Coal Authority et Secretary of State for Trade and Industry, 20 septembre 2001