CJCE, n° C-234/99, Arrêt de la Cour, Niels Nygård contre Svineafgiftsfonden, en présence de Ministeriet for Fødevarer, Landbrug og Fiskeri, 23 avril 2002

  • Cee/ce - dispositions fiscales * dispositions fiscales·
  • Conditions ) 2. aides accordées par les États·
  • Taxes d'effet équivalent - notion * notion·
  • Qualification d'imposition intérieure·
  • Libre circulation des marchandises·
  • Procédure de contrôle des aides·
  • Aides accordées par les États·
  • 1. dispositions fiscales·
  • Taxes d'effet équivalent·
  • Impositions intérieures

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 23 avr. 2002, Nygård, C-234/99
Numéro(s) : C-234/99
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 23 avril 2002. # Niels Nygård contre Svineafgiftsfonden, en présence de Ministeriet for Fødevarer, Landbrug og Fiskeri. # Demande de décision préjudicielle: Vestre Landsret - Danemark. # Taxe nationale sur les porcs - Taxe d'effet équivalent - Imposition intérieure - Régime de taxation autorisé par la Commission en tant qu'aide d'État compatible avec le marché commun - Incompatibilité de la taxe avec des dispositions du traité CE autres que les articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 93 du traité CE (devenu article 88 CE) - Pouvoir d'appréciation du juge national. # Affaire C-234/99.
Date de dépôt : 21 juin 1999
Précédents jurisprudentiels : 11 juin 1992, Sanders Adour et Guyomarc' h Orthez Nutrition animale, C-149/91 et C-150/91
19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98
CELBI, C-266/91
Lornoy e.a., C-17/91
UCAL, C-347/95
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61999CJ0234
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2002:244
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61999J0234

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 23 avril 2002. – Niels Nygård contre Svineafgiftsfonden, en présence de Ministeriet for Fødevarer, Landbrug og Fiskeri. – Demande de décision préjudicielle: Vestre Landsret – Danemark. – Taxe nationale sur les porcs – Taxe d’effet équivalent – Imposition intérieure – Régime de taxation autorisé par la Commission en tant qu’aide d’État compatible avec le marché commun – Incompatibilité de la taxe avec des dispositions du traité CE autres que les articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 93 du traité CE (devenu article 88 CE) – Pouvoir d’appréciation du juge national. – Affaire C-234/99.


Recueil de jurisprudence 2002 page I-3657


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Dispositions fiscales – Impositions intérieures – Taxe parafiscale sur les porcs perçue pour tout animal produit dans un État membre et abattu dans cet État membre ou exporté vivant, profitant aux deux types de production – Qualification de taxe d’effet équivalant à des droits de douane – Exclusion – Qualification d’imposition intérieure – Conditions

(Traité CE, art. 9, 12 et 95 (devenus, après modification, art. 23 CE, 25 CE et 90 CE))

2. Aides accordées par les États – Décision de la Commission autorisant un régime de taxes en tant qu’aide d’État – Obstacle à l’examen de la compatibilité avec d’autres dispositions du traité par les juridictions nationales – Absence

(Traité CE, art. 92 (devenu, après modification, art. 87 CE) et art. 93 (devenu art. 88 CE))

Sommaire


1. Une taxe perçue par un organisme de droit public selon des critères identiques sur les porcs produits dans un État membre en vue de l’abattage sur le marché national ou en vue de l’exportation sur pied vers d’autres États membres, dont le produit est affecté à des activités qui bénéficient aux deux types de production, ne relève pas de l’interdiction des taxes d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation au sens des articles 9 et 12 du traité (devenus, après modification, articles 23 CE et 25 CE) et de l’article 16 du traité (abrogé par le traité d’Amsterdam). En revanche, ladite taxe est susceptible d’être qualifiée d’imposition intérieure discriminatoire, interdite par l’article 95 du traité (devenu, après modification, article 90 CE), si et dans la mesure où les avantages qui découlent de l’affectation de son produit compensent partiellement la charge grevant les porcs produits en vue de l’abattage dans l’État membre concerné, défavorisant ainsi la production de porcs en vue de leur exportation sur pied vers d’autres États membres.

( voir point 49, disp. 1 )

2. La circonstance qu’une taxe nationale soit destinée au financement d’un régime d’aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d’État ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d’autres dispositions du traité, ayant effet direct.

Cette appréciation par la juridiction nationale permet d’assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct des dispositions du droit communautaire et, en cas de violation de ces dispositions, de rétablir la légalité sur le plan interne, sans pour autant porter atteinte au rôle central et exclusif réservé par l’article 92 du traité (devenu, après modification, article 87 CE) et l’article 93 du traité (devenu article 88 CE) à la Commission pour l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché commun.

( voir points 62, 65, disp. 2 )

Parties


Dans l’affaire C-234/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le Vestre Landsret (Danemark) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Niels Nygård

et

Svineafgiftsfonden,

en présence de:

Ministeriet for Fødevarer, Landbrug og Fiskeri,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 9 du traité CE (devenu, après modification, article 23 CE), 12 du traité CE (devenu, après modification, article 25 CE), 16 du traité CE (abrogé par le traité d’Amsterdam), 93 du traité CE (devenu article 88 CE) et 95 du traité CE (devenu, après modification, article 90 CE),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme N. Colneric, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. Gulmann, R. Schintgen, V. Skouris (rapporteur) et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

— pour M. Nygård, par Me M. Meyer, advokat,

— pour le Svineafgiftsfonden, par Me S. T. Sørensen, advokat,

— pour le gouvernement danois, par M. J. Molde, en qualité d’agent, assisté de Me S. G. Jensen, advokat,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. H. P. Hartvig et E. Traversa, en qualité d’agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 16 juin 1999, parvenue à la Cour le 21 juin suivant, le Vestre Landsret a posé, en vertu de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation des articles 9 du traité CE (devenu, après modification, article 23 CE), 12 du traité CE (devenu, après modification, article 25 CE), 16 du traité CE (abrogé par le traité d’Amsterdam), 93 du traité CE (devenu article 88 CE) et 95 du traité CE (devenu, après modification, article 90 CE).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant M. Nygård, producteur de porcs, au Svineafgiftsfonden (Fonds de taxation dans le secteur de la viande porcine, ci-après le «Fonds») au sujet du recouvrement de la taxe à la production due pour les porcs que M. Nygård a exportés vivants vers l’Allemagne entre le 1er août 1992 et le 1er juillet 1993.

Le cadre juridique

3 En vertu de l’article 6, paragraphe 1, du Lov om administration af Det Europæiske Fællesskabs forordninger om markedsordninger for landbrugsvarer m.v. (loi relative, notamment, à l’application des règlements communautaires relatifs aux organisations de marché pour les produits agricoles) n_ 414, du 13 juin 1990 (Lovtidende 1990, p. 1365), telle que modifiée par la loi n_ 380, du 6 juin 1991 (Lovtidende 1991, p. 1499), et par la loi n_ 265, du 6 mai 1993 (Lovtidende 1993, p. 1122, ci-après la «loi d’habilitation»), le ministre de l’Agriculture peut «arrêter des règles relatives au paiement de taxes sur les produits agricoles produits au Danemark […]. Les taxes alimentent un fonds pour chacun des secteurs où elles sont perçues […]».

4 Selon l’article 6, paragraphe 3, de la loi d’habilitation, «le ministre de l’Agriculture arrête les modalités de paiement des ressources publiques mentionnées aux paragraphes 1 et 2».

5 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la loi d’habilitation:

«Les ressources des fonds sont affectées au financement de mesures liées à la promotion des ventes, à la recherche et aux essais, au développement de produits, au conseil, à la formation, à la prophylaxie, à la lutte contre les maladies et au contrôle sanitaire, ainsi que de toute autre mesure autorisée par le ministre de l’Agriculture […]. Les ressources visées à l’article 6, paragraphe 1, doivent être affectées aux secteurs dans lesquels elles ont été perçues.»

6 Le landbrugsministeriets bekendtgørelse om afgift ved slagtning og ved eksport af svin (arrêté du ministre de l’Agriculture relatif à la taxe à l’abattage et à l’exportation de porcs) n_ 74, du 30 janvier 1992 (ci-après l'«arrêté n_ 74/92»), adopté sur la base de la loi d’habilitation, qui est applicable aux faits de l’affaire au principal, dispose notamment:

«Article 1er

1. Une taxe à la production est perçue pour chaque porc – y compris les truies, les verrats, les jeunes cochons (gorets) et les cochons de lait – produit et abattu au Danemark et déclaré propre à la consommation humaine à l’issue d’un contrôle effectué par l’autorité publique. La taxe est due également pour les porcs abattus pour la consommation privée.

2. Le montant de la taxe est de 7,00 DKK pour chaque porc d’un poids à l’abattage inférieur ou égal à 100 kg et de 17,50 DKK pour chaque porc d’un poids à l’abattage supérieur à 100 kg.

[…]

Article 2

1. Pour les porcs abattus dans des abattoirs pour l’exportation, il appartient à l’abattoir concerné de percevoir la taxe visée à l’article 1er auprès du fournisseur et d’informer chaque semaine […] le Svineafgiftsfonden du nombre de porcs abattus et déclarés propres à la consommation, dans chacune des deux catégories de poids, au cours de la semaine précédente, et de payer au Fonds les taxes dues à ce titre.

2. Pour les porcs abattus dans des abattoirs privés, il appartient à l’abattoir concerné de payer la taxe visée à l’article 1er au Svineafgiftsfonden […] dans un délai maximal de 2 semaines après l’abattage. La carte de paiement est délivrée par le vétérinaire contrôleur, auquel il appartient d’informer le Svineafgiftsfonden, immédiatement après l’attestation du contrôle, du nombre de porcs abattus dans chaque catégorie de poids.

Article 3

1. Pour chaque porc – y compris les truies, les verrats, les jeunes cochons (gorets) et les cochons de lait – produit au Danemark et exporté vivant, l’exportateur doit payer une taxe d’un montant de 7,00 DKK pour chaque porc d’un poids vif inférieur ou égal à 120 kg et de 17,50 DKK pour chaque porc d’un poids vif supérieur à 120 kg.

2. Il appartient à l’exportateur, dans un délai maximal de 2 semaines après l’exportation, d’informer le Svineafgiftsfonden […] de l’exportation en précisant le nombre de porcs vivants dans chaque catégorie de poids, et de payer au Svineafgiftsfonden les taxes dues à ce titre.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 M. Nygård, producteur de porcs établi au Danemark, a, entre le 1er août 1992 et le 1er juillet 1993, exporté vers l’Allemagne des porcs vivants destinés à l’abattoir. À ce titre, il a versé, en Allemagne, une taxe à la production pour chaque porc livré aux abattoirs, en application du Gesetz über die Einrichtung eines zentralen Fonds zur Absatzförderung der deutschen Land-, Forst- und Ernährungswirtschaft (loi allemande relative à l’institution d’un fonds central de promotion des ventes afférentes aux secteurs de l’agriculture, de la forêt et de l’alimentation, ci-après la «loi allemande sur le fonds de promotion des ventes»).

8 Ayant refusé de s’acquitter du montant qui lui était réclamé, pour les mêmes porcs, au titre de la taxe à la production instituée par l’article 3, paragraphe 1, de l’arrêté n_ 74/92, M. Nygård a été assigné par le Fonds devant le Retten i Skjern (tribunal d’instance de Skjern) (Danemark). Par jugement du 31 mars 1995, ce tribunal l’a condamné à payer l’intégralité du montant de la taxe à la production due pour les porcs exportés, soit la somme de 101 776,37 DKK, majorée des intérêts.

9 M. Nygård a fait appel devant le Vestre Landsret en faisant valoir, à titre principal, que la taxe grevant les porcs exportés vivants constitue, dans sa totalité, une taxe d’effet équivalant à un droit de douane à l’exportation, au sens des articles 9, 12 et 16 du traité. À titre subsidiaire, l’appelant au principal a soutenu que, à défaut d’être une taxe d’effet équivalent, cette taxe constitue une imposition intérieure discriminatoire interdite par l’article 95 du traité dans la mesure où le produit de la taxe est affecté à des activités qui favorisent uniquement ou dans une mesure proportionnellement plus importante la production de porcs en vue de l’abattage sur le marché national.

10 Dans son ordonnance de renvoi, le Vestre Landsret relève que le régime danois des taxes à la production, et notamment celui de la taxe à la production instaurée par l’arrêté n_ 74/92, a été notifié, en application de l’article 93, paragraphe 3, du traité, à la Commission, qui l’a autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché commun. Cette juridiction précise que, dans le cadre de l’examen des activités financées par le produit de ces taxes, la Commission a notamment pris en compte le fait que le contrôle concernant la qualité, le pesage, la classification, etc. est obligatoire en vertu de dispositions communautaires ou de dispositions nationales, que la recherche revêt un intérêt pour le secteur tout entier et que les résultats sont communiqués aux exploitants du secteur.

11 La juridiction de renvoi relève également que le Fonds, qui fait partie intégrante de l’administration publique, a pour objectif de renforcer les possibilités de développement et la capacité de concurrence du secteur de la viande porcine par le financement, à l’intérieur de ce secteur, de mesures telles que celles visées à l’article 7, paragraphe 1, de la loi d’habilitation.

12 Par ailleurs, la juridiction de renvoi analyse l’affectation des subventions accordées par le Fonds au cours de l’exercice comptable 1992/1993. À cet effet, elle dresse un tableau analytique faisant apparaître la répartition directe des subventions entre deux catégories d’activités, à savoir celles relatives à la production primaire nationale (40 % du total des subventions) et celles relatives à l’abattage national et à la transformation ultérieure, ainsi qu’à la vente de dérivés du produit primaire, respectivement sur le marché danois et sur les marchés à l’exportation (60 % du total des subventions). Elle précise toutefois que ces chiffres ne tiennent pas compte d’éventuels effets indirects de l’attribution et de l’utilisation des subventions et que les parties au principal se sont réservé le droit de rectifier la clé de répartition des activités au cours de l’instance sur le fond devant elle.

13 Le Vestre Landsret indique qu’il partage la thèse défendue devant lui par le Fonds et le Ministeriet for Fødevarer, Landbrug og Fiskeri (ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche danois), qui est intervenu à l’appui des conclusions du Fonds, selon laquelle les questions d’interprétation suscitées par les articles 9, 12, 16 et 95 du traité, qui revêtent de l’importance aux fins de la solution du litige pendant devant lui, ont déjà reçu une réponse en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour. La juridiction de renvoi en déduit qu’il lui appartient de procéder à l’appréciation nécessaire des faits au principal à la lumière des critères dégagés par cette jurisprudence.

14 Elle s’interroge toutefois sur le point de savoir si l’autorisation accordée par la Commission à l’issue de la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale écarte, même partiellement, une taxe utilisée pour financer l’aide autorisée comme contraire aux articles 9, 12 et 16 ou encore à l’article 95 du traité.

15 Constatant que la Cour n’a pas encore traité spécifiquement cette question, le Vestre Landsret a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 9 du traité CE (devenu, après modification, article 23 CE), 12 du traité CE (devenu, après modification, article 25 CE) et 16 du traité CE (abrogé par le traité d’Amsterdam) ou l’article 95 du traité CE (devenu, après modification, article 90 CE) doivent-il être interprétés en ce sens que ces – ou, le cas échéant, cette – disposition(s) s’oppose(nt) à ce qu’une institution publique d’un État membre perçoive une taxe à la production pour des porcs produits dans l’État membre concerné et qui sont exportés vivants dans un autre État membre, étant entendu

— qu’une taxe équivalente est perçue pour chaque porc produit dans l’État membre concerné et vendu pour abattage sur le marché national,

— que les modalités de calcul de la taxe n’engendrent pas de discrimination entre les deux groupes de produits, puisqu’à travers la détermination de `catégories de poids’ différentes, respectivement applicables aux porcs abattus et aux porcs vivants, on doit supposer que la différence moyenne entre `poids à l’abattage’ et `poids vif’ a fait l’objet d’une compensation, mais

— que la dette fiscale concernant les porcs vendus pour abattage sur le marché national naît avec la livraison aux abattoirs, alors que la dette fiscale concernant les porcs exportés vivants naît avec l’exportation,

— que la taxe repose, dans le premier cas, sur le producteur, alors qu’elle repose, dans le deuxième cas, sur l’exportateur, indépendamment du point de savoir si celui-ci est en outre le producteur,

— que la taxe n’est pas perçue sur les porcs vendus vivants sur le marché national, et

— qu’une partie du produit de la taxe est répartie entre des activités qui, eu égard à leur nature et à l’objectif qu’elles poursuivent en premier lieu, concernent la production primaire de porcs dans l’État membre, de sorte qu’elles bénéficient également aux porcs exportés, alors qu’une autre partie du produit de la taxe est répartie entre des activités qui, eu égard à leur nature et à l’objectif qu’elles poursuivent en premier lieu, concernent uniquement l’abattage et la transformation dans l’État membre ainsi que la commercialisation sur le marché national et sur les marchés à l’exportation de produits dérivés du produit primaire ayant fait l’objet d’une transformation sur le territoire national, sans par conséquent bénéficier aux porcs exportés?

2) Au cas où il serait répondu par l’affirmative à la première question, la Cour est invitée à préciser s’il est indifférent à cet égard que le régime de taxation ait été, en application de l’article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE), notifié à la Commission et autorisé par cette dernière?»

Sur la première question

16 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si une taxe telle que celle en cause au principal est susceptible de constituer une taxe d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation au sens des articles 9, 12 et 16 du traité ou une imposition intérieure discriminatoire interdite par l’article 95 de ce traité.

17 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions relatives aux taxes d’effet équivalent et celles relatives aux impositions intérieures discriminatoires ne sont pas applicables cumulativement, de sorte qu’une même imposition ne saurait, dans le système du traité, appartenir simultanément à ces deux catégories (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1997, UCAL, C-347/95, Rec. p. I-4911, point 17, et du 2 avril 1998, Outokumpu, C-213/96, Rec. p. I-1777, point 19).

18 Il convient donc d’examiner, premièrement, si la taxe en cause au principal doit être qualifiée de taxe d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation au sens des articles 9, 12 et 16 du traité. Le cas échéant, il conviendra d’examiner, deuxièmement, si cette taxe constitue une imposition intérieure discriminatoire interdite par l’article 95 du traité.

Sur la qualification de taxe d’effet équivalent

19 Il résulte d’une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts du 17 juillet 1997, Haahr Petroleum, C-90/94, Rec. p. I-4085, point 20, et Outokumpu, précité, point 20) que toute charge pécuniaire, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d’effet équivalent au sens des articles 9 et 12 du traité. Une telle charge échappe toutefois à cette qualification si elle relève d’un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l’origine des produits, auquel cas elle tombe dans le champ d’application de l’article 95 du traité.

20 Cette dernière hypothèse suppose toutefois que ladite charge frappe les produits nationaux transformés ou commercialisés sur le marché national et les produits nationaux exportés en l’état au même stade de commercialisation et que le fait générateur soit identique pour les deux catégories de produits (voir, par analogie, s’agissant de taxes frappant, d’une part, les produits nationaux et, d’autre part, les produits importés, arrêts du 11 juin 1992, Sanders Adour et Guyomarc’h Orthez Nutrition animale, C-149/91 et C-150/91, Rec. p. I-3899, point 17, et Outokumpu, précité, point 24).

21 Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de la qualification juridique d’une taxe qui frappe les produits nationaux transformés ou commercialisés sur le marché national et les produits nationaux exportés en l’état sur la base de critères identiques, il peut être nécessaire de tenir compte de la destination du produit de l’imposition (voir, par analogie, arrêt UCAL, précité, point 20).

22 Ainsi, lorsque le produit d’une telle imposition est destiné à alimenter des activités qui profitent spécialement à ceux des produits nationaux imposés qui sont transformés ou commercialisés sur le marché national, il peut en résulter que la contribution prélevée selon les mêmes critères constitue néanmoins une taxation discriminatoire, dans la mesure où la charge fiscale grevant les produits transformés ou commercialisés sur le marché national est neutralisée par des avantages qu’elle sert à financer, tandis que celle grevant les produits exportés en l’état représente une charge nette (voir, par analogie, arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie, 73/79, Rec. p. 1533, point 15; du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l’Ouest e.a., C-78/90 à C-83/90, Rec. p. I-1847, point 26, et UCAL, précité, point 21).

23 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, si les avantages résultant de l’affectation du produit d’une taxe, relevant d’un régime général d’impositions intérieures et frappant systématiquement les produits nationaux transformés ou commercialisés sur le marché national et ceux exportés en l’état, compensent intégralement la charge supportée par le produit national transformé ou commercialisé sur le marché national lors de sa mise dans le commerce, cette imposition constitue une taxe d’effet équivalant à un droit de douane, contraire aux articles 9 et 12 du traité (voir, par analogie, arrêts Compagnie commerciale de l’Ouest e.a., précité, point 27; du 16 décembre 1992, Lornoy e.a., C-17/91, Rec. p. I-6523, point 21, et du 27 octobre 1993, Scharbatke, C-72/92, Rec. p. I-5509, point 10). En revanche, une telle taxe constituerait une violation de l’interdiction de discrimination édictée à l’article 95 du traité si les avantages que comporte l’affectation de la recette de l’imposition pour ceux des produits nationaux imposés qui sont transformés ou commercialisés sur le marché national ne compensaient que partiellement la charge supportée par ceux-ci (voir, notamment, par analogie, arrêt UCAL, précité, point 22).

24 Aux fins de l’appréciation de la taxe en cause au principal à la lumière des principes qui viennent d’être rappelés, il convient, en premier lieu, de relever qu’il est constant que la taxe en cause au principal fait partie d’un système général de taxation des produits agricoles danois, comprenant plusieurs régimes de taxes à la production. Il est également constant que ces régimes de taxes à la production ont pour base juridique la même loi, à savoir la loi d’habilitation, et sont destinés à alimenter, chacun pour son secteur, des fonds spécifiques, dont les ressources sont affectées à des objectifs relatifs à la production et à la commercialisation des produits de l’agriculture danoise.

25 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’exigence relative à l’identité des critères de perception de la taxe, M. Nygård soutient que le régime de taxation en cause au principal se fonde sur une identité fictive entre deux transactions différentes, à savoir la livraison de porcs aux abattoirs sur le marché national et l’exportation de porcs vivants. En particulier, il fait valoir que, dans le cas des porcs destinés à l’abattage au Danemark, le fait générateur de la taxation est l’abattage ainsi que l’autorisation, délivrée à la suite d’un contrôle effectué par l’autorité publique, d’utiliser la carcasse pour la consommation humaine, alors que, dans le cas de porcs exportés vivants, le fait générateur de la taxation est le franchissement des frontières. Il ne s’agirait donc pas du même stade de production ou de commercialisation puisque, dans le premier cas, la transaction donnant lieu à la perception de la taxe consisterait dans le passage au stade de la transformation, alors que, dans le second cas, la transaction pertinente serait la sortie du porc de la production primaire au Danemark. À cela s’ajouterait que, dans le premier cas, la taxe repose sur le producteur, alors que, dans le second cas, elle repose sur l’exportateur, indépendamment du point de savoir si celui-ci est le producteur.

26 Selon M. Nygård, la différence tenant au fait générateur de la taxation a en outre pour effet que les taux de taxation sont implicitement fixés en fonction de la valeur du produit soumis à taxation en cas de livraison en vue de l’abattage au Danemark, alors qu’ils sont sans rapport avec la valeur du produit soumis à taxation en cas d’exportation. À cet égard, l’appelant au principal affirme que la répartition des animaux en deux catégories soumises à deux taux de taxation différents suit la distinction principale, pertinente du point de vue de l’abattage, opérée entre porcs d’abattage ordinaires d’un côté et truies et autres porcs, dits «pondéreux», de l’autre. Or, alors que les «porcs livrés à l’abattage» pourraient, à quelques exceptions près, être considérés comme un groupe de produits homogène, les «porcs exportés vivants» recouvriraient en réalité plusieurs catégories de produits, se trouvant à différents stades de production et servant différents objectifs au sein de la production. Ainsi, la valeur réelle des «porcs exportés vivants» ne résiderait pas dans le fait qu’ils peuvent en principe être livrés à l’abattage, mais dans le fait qu’ils peuvent entrer dans la production primaire soit comme «matière première», soit comme «appareil de production».

27 M. Nygård explique que le porc d’abattage destiné au marché allemand est plus lourd que celui vendu sur le marché danois, du fait que la demande est différente. La taxe, en chiffres absolus, serait cependant la même, indépendamment du fait que le porc d’abattage destiné à l’exportation revient plus cher que le porc d’abattage destiné au marché national, en raison d’un temps de production plus long. Ainsi, par rapport à la valeur des porcs, le niveau de taxation serait relativement beaucoup plus élevé en cas d’exportation qu’en cas de vente pour abattage sur le marché national.

28 En ce qui concerne, d’une part, la question de la détermination de la transaction qui constitue le fait générateur de la taxe en cause au principal, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 10 mars 1981, Irish Creamery Milk Suppliers Association e.a. (36/80 et 71/80, Rec. p. 735, point 23), la Cour a jugé, à propos d’une taxe qui était perçue, dans le cas de l’exportation d’animaux vivants à d’autres fins que leur abattage immédiat, au moment de leur exportation, alors que les animaux non exportés en étaient exemptés jusqu’au moment de leur livraison en vue de l’abattage, que le fait générateur d’une telle taxe réside dans la séparation des animaux du cheptel national, que ce soit pour l’exportation ou pour l’abattage. La Cour en a tiré la conséquence qu’une taxe intérieure qui frappe des animaux exportés vivants à l’occasion de leur livraison en vue de l’exportation ne relève pas de l’interdiction des taxes d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation, si elle frappe également, de manière systématique et selon les mêmes critères, les animaux non exportés à l’occasion de leur livraison en vue de l’abattage (arrêt Irish Creamery Milk Suppliers Association e.a., précité, point 24).

29 Il convient, de la même façon, de considérer que le fait générateur de la taxe en cause au principal réside dans la séparation des porcs du cheptel national et ce, que ladite taxe frappe des porcs destinés à l’abattage au Danemark ou à l’exportation sur pied. Ainsi, l’obligation fiscale naît, dans l’un et l’autre cas, lorsque les animaux quittent la production primaire nationale.

30 Dans ces circonstances, le fait que les porcs exportés vivants sont taxés au moment de l’exportation tandis que les porcs destinés à l’abattage sur le marché national sont taxés au moment de la livraison en vue de l’abattage est dénué de pertinence, puisque, dans la réalité économique, ces deux moments correspondent à un même stade de commercialisation, l’une et l’autre opérations étant effectuées en vue de la sortie des porcs de la production primaire nationale (voir, en ce sens, arrêts précités Sanders Adour et Guyomarc’h Orthez Nutrition animale, point 18, et Outokumpu, point 25).

31 De même, le fait que, en cas de livraison en vue de l’abattage au Danemark, la taxe est due par le producteur tandis que, en cas d’exportation, elle est due par l’exportateur, qu’il soit ou non le producteur, ne suffit pas pour conclure que, dans le second cas, elle frappe la marchandise exportée au motif que celle-ci franchit la frontière.

32 En effet, ainsi qu’il ressort des dispositions des articles 1er à 3 de l’arrêté n_ 74/92, dans le cas des porcs livrés à l’abattage au Danemark, il appartient à l’abattoir en charge de l’opération de percevoir la taxe auprès du fournisseur, à savoir le producteur, et de verser la taxe au Fonds, alors que, dans le cas des porcs exportés, il appartient à l’exportateur lui-même de veiller au versement de la taxe. Or, il est raisonnable de présumer que, dans la réalité économique, si l’exportateur n’est pas également le producteur, le montant de la taxe sera pris en considération aux fins de la détermination du prix d’achat des animaux auprès du producteur, sur lequel il sera ainsi répercuté.

33 Il convient donc d’admettre que la taxe en cause au principal repose sur le producteur primaire, indépendamment des différences qui peuvent exister sur le plan administratif concernant l’opérateur chargé de la recouvrer et de la verser au Fonds.

34 En ce qui concerne, d’autre part, les modalités de calcul de la taxe en cause au principal, s’il est vrai que, dans le cas des porcs abattus au Danemark, la taxe est calculée sur la base du poids à l’abattage, alors que, dans le cas des porcs exportés vivants, elle est calculée sur la base du poids vif, force est de constater, à l’instar de la juridiction de renvoi, que le législateur danois a pris des dispositions afin de remédier à la différence de traitement qui aurait pu en résulter entre les deux types de production en prévoyant une compensation à hauteur de la différence moyenne entre le poids à l’abattage et le poids vif. Ainsi, aux termes des articles 1er et 3 de l’arrêté n_ 74/92, la taxe, qui est au minimum de 7 DKK par tête, est portée à 17,50 DKK pour les porcs abattus au Danemark à partir d’un poids à l’abattage supérieur à 100 kg, mais n’est fixée à ce montant pour les porcs exportés vivants qu’à partir d’un poids vif supérieur à 120 kg.

35 Dans ces conditions, à supposer même que M. Nygård subisse une discrimination dans la mesure où les taux de taxation sont sans rapport avec la valeur réelle des porcs exportés vivants et les différents objectifs que ceux-ci sont susceptibles de servir, on ne saurait méconnaître qu’il découle de la nature même d’une taxe frappant la production primaire, que cette dernière soit destinée à l’abattage sur le marché national ou à l’exportation sur pied, que le stade de production auquel se trouvent les porcs et le but de leur exportation (abattage ou engraissement ultérieur) n’ont aucune importance aux fins de la détermination du niveau de taxation.

36 En troisième lieu, M. Nygård fait valoir que, faute de prendre en considération la situation fiscale lors de l’abattage effectif des porcs dans le pays d’importation, l’assujettissement des porcs exportés à une taxe telle que celle en cause au principal les expose à une double taxation. À cet égard, il souligne que les porcs qui sont exportés vivants vers l’Allemagne et transférés vers la production primaire dans cet État membre deviennent en pratique, en application de la loi allemande sur le fonds de promotion des ventes, des porcs élevés en Allemagne, de sorte qu’ils sont grevés, en cas d’abattage ultérieur, d’une taxe correspondant à la taxe danoise frappant les porcs destinés à l’abattage au Danemark.

37 À cet égard, il y a lieu de souligner que le fait que les porcs exportés vivants soient ultérieurement grevés d’une taxe lors de leur livraison pour abattage dans le pays d’importation est sans incidence sur la qualification du régime danois de taxation.

38 Il convient, en effet, de rappeler que, en l’état actuel, le droit communautaire ne comporte aucune prescription visant à prohiber les effets de double taxation qui se produisent dans le cas de taxes, comme celle en cause au principal, qui sont régies par des législations nationales autonomes et que, si l’élimination de tels effets est désirable dans l’intérêt de la libre circulation des marchandises, elle ne peut résulter cependant que de l’harmonisation des systèmes nationaux (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 1978, Larsen et Kjerulff, 142/77, Rec. p. 1543, points 33 à 35, et Scharbatke, précité, points 14 et 15).

39 En dernier lieu, s’agissant de l’affectation du produit de la taxe en cause au principal, il ressort de l’ordonnance de renvoi que la juridiction de renvoi tient pour établi que ce produit n’est pas seulement affecté au financement d’activités bénéficiant de façon exclusive à la production de porcs en vue de l’abattage sur le marché national, mais qu’il est utilisé pour financer des activités bénéficiant plus généralement à la production primaire de porcs au Danemark, y compris, par conséquent, la production de porcs en vue de leur exportation sur pied.

40 À la lumière de cette analyse, il y a lieu de conclure qu’une taxe telle que celle en cause au principal ne constitue pas une taxe d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation, de sorte que sa compatibilité avec le droit communautaire doit être appréciée dans le cadre de l’article 95 du traité.

Sur la qualification d’imposition intérieure discriminatoire

41 S’agissant de la qualification d’une taxe appliquée sur les produits exportés au regard de l’article 95 du traité, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de la jurisprudence de la Cour, ledit article doit être interprété comme prohibant également toute discrimination fiscale au regard de produits destinés à l’exportation vers d’autres États membres (voir arrêt Larsen et Kjerulff, précité, point 27).

42 En ce qui concerne la compatibilité d’une taxe telle que celle en cause au principal avec l’article 95 du traité, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 23 du présent arrêt, une telle taxe, tout en étant indistinctement applicable, doit néanmoins être considérée comme constituant une violation de l’interdiction de discrimination édictée à l’article 95 du traité, si les avantages que comporte l’affectation de la recette de l’imposition profitent spécialement à ceux des produits nationaux imposés qui sont transformés ou commercialisés sur le marché national, en compensant partiellement la charge supportée par ceux-ci et en défavorisant ainsi les produits nationaux exportés (voir, par analogie, arrêt du 2 août 1993, CELBI, C-266/91, Rec. p. I-4337, point 14). Dans cette hypothèse, la taxe perçue sur le produit exporté, en principe légale, devra être interdite dans la mesure où elle compense partiellement la charge supportée par le produit transformé ou commercialisé sur le marché national et faire l’objet d’une réduction proportionnelle (voir, par analogie, arrêts du 18 juin 1975, IGAV, 94/74, Rec. p. 699, point 13, Scharbatke, précité, point 10, et UCAL, précité, point 23).

43 Or, selon une jurisprudence constante, il appartient à la juridiction nationale d’établir la mesure de la discrimination éventuelle qui pèse sur les produits exportés (voir, par analogie, arrêt Scharbatke, précité, point 11). À cet effet, elle doit vérifier, au cours d’une période de référence, l’équivalence pécuniaire entre les montants globalement perçus sur les produits nationaux transformés ou commercialisés sur le marché national au titre de la taxe considérée et les avantages dont ces produits bénéficient à titre exclusif (voir, notamment, par analogie, arrêt UCAL, précité, point 25).

44 En l’occurrence, il ressort de l’ordonnance de renvoi que la juridiction de renvoi tient pour acquis que 60 % du produit de la taxe en cause au principal sert à subventionner des activités concernant l’abattage et la transformation sur le marché national, ainsi que la commercialisation des produits ainsi transformés, qui profitent uniquement à la production de porcs en vue de l’abattage sur le marché national, alors que 40 % seulement du produit de la taxe est affecté au financement d’activités relatives à la production primaire qui bénéficient à la fois à la production de porcs en vue de l’exportation sur pied et en vue de l’abattage sur le marché national.

45 Le Fonds et le gouvernement danois contestent l’exactitude de la ventilation opérée par la juridiction de renvoi. Ils font valoir, d’une part, qu’elle se fonde sur la prémisse erronée que l’exportation de porcs vivants ne tire pas d’avantages des activités autres que celles directement liées à la production primaire. En particulier, ils soutiennent que le produit de la taxe en cause au principal profite à l’ensemble du secteur porcin danois, sans discrimination à l’encontre de la production de porcs exportés vivants, dans la mesure où il sert à financer tout un éventail de mesures qui profitent à des degrés divers aux différents opérateurs impliqués dans la production primaire de porc au Danemark. À titre d’exemple, ils mentionnent les nombreuses mesures, tendant notamment à la prévention et au traitement des maladies du bétail, à la protection du bétail lors de son transport ou à la promotion des ventes de la viande porcine, qui sont financées par le produit de la taxe en cause au principal et qui bénéficient également aux exportations de porcs vivants.

46 D’autre part, le Fonds et le gouvernement danois font valoir que le rapport entre les activités qui – selon la prémisse dont est partie la juridiction de renvoi – concernent en premier lieu la production primaire et celles qui concernent en premier lieu l’abattage, la transformation et la commercialisation des porcs se modifie en permanence, en fonction des besoins actuels de l’ensemble du secteur. Une image instantanée, correspondant à une période de référence donnée limitée dans le temps, ne fournirait pas d’indication réelle sur l’utilisation des taxes à la production telle que celle en cause au principal. Afin de vérifier s’il existe une discrimination fiscale à l’encontre des produits exportés, la juridiction de renvoi devrait procéder, sur la base de considérations économiques moyennes, à une appréciation globale portant sur une période de référence beaucoup plus significative.

47 Il y a lieu de relever à cet égard que, s’agissant d’éléments de fait, il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires et d’en tirer les conséquences qui s’imposent et que, par conséquent, c’est devant celle-ci que la démonstration nécessaire doit être faite par les parties et l’intervenant au principal.

48 Dans l’hypothèse où il apparaîtrait, en application des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour, que la production de porcs aux fins de l’abattage sur le marché national tire des prestations effectuées par le Fonds, organisme destinataire de la taxe en cause au principal, un profit proportionnellement plus important que la production de porcs aux fins de leur exportation sur pied vers un autre État membre, cette taxe devra être considérée comme une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l’article 95 du traité, dans la mesure où l’affectation de son produit compense partiellement la charge grevant les porcs produits en vue de l’abattage sur le marché national.

49 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle qu’une taxe perçue par un organisme de droit public selon des critères identiques sur les porcs produits dans un État membre en vue de l’abattage sur le marché national ou en vue de l’exportation sur pied vers d’autres États membres, dont le produit est affecté à des activités qui bénéficient aux deux types de production, ne relève pas de l’interdiction des taxes d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation au sens des articles 9, 12 et 16 du traité. En revanche, ladite taxe est susceptible d’être qualifiée d’imposition intérieure discriminatoire, interdite par l’article 95 du traité, si et dans la mesure où les avantages qui découlent de l’affectation de son produit compensent partiellement la charge grevant les porcs produits en vue de l’abattage dans l’État membre concerné, défavorisant ainsi la production de porcs en vue de leur exportation sur pied vers d’autres États membres.

Sur la seconde question

50 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si la circonstance qu’une taxe nationale soit destinée au financement d’un régime d’aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d’État ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d’autres dispositions du traité, ayant effet direct.

51 À titre liminaire, il convient de constater que, selon une jurisprudence constante, les articles 12 et 95 du traité ont un effet direct et engendrent pour les justiciables des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir, notamment, arrêt Lornoy e.a., précité, point 24).

52 Afin de répondre à la question posée, il y a lieu de rappeler la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne l’appréciation de la compatibilité d’une taxe faisant partie d’un régime d’aides avec les diverses dispositions du traité dont elle est susceptible de relever.

53 S’agissant, en particulier, d’une taxe parafiscale, telle celle en cause au principal, qui peut entrer dans le champ d’application soit de l’article 12, soit de l’article 95 du traité, la Cour a jugé que l’affectation du produit de cette taxe au bénéfice des produits nationaux peut constituer une aide étatique incompatible avec le marché commun, si les conditions d’application de l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) sont réunies, et qu’une telle appréciation relève de la compétence exclusive de la Commission, suivant la procédure prévue à cet effet à l’article 93 du traité, et sous le contrôle de la Cour (voir arrêt Scharbatke, précité, points 18 et 20).

54 Or, la Cour a également précisé que, si la procédure prévue aux articles 92 et 93 du traité laisse une large marge d’appréciation à la Commission pour porter un jugement sur la compatibilité d’un régime d’aides d’État avec les exigences du marché commun, il résulte de l’économie générale du traité que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité concernant, par exemple, les impositions intérieures (arrêt Commission/Italie, précité, point 11).

55 En effet, ainsi que la Cour l’a souligné au point 8 de l’arrêt Commission/Italie, précité, si les articles 92 et 93 du traité, d’une part, et l’article 95 du traité, d’autre part, poursuivent un objectif identique, consistant à éviter que les deux ordres d’interventions d’un État membre – à savoir l’octroi d’aides d’une part et l’imposition d’une taxation discriminatoire d’autre part – aient pour effet de fausser les conditions de concurrence sur le marché commun, ces dispositions tablent toutefois sur des conditions d’application distinctes, spécifiques aux deux ordres de mesures étatiques qu’elles ont respectivement pour objet de régler, et, de plus, diffèrent par leurs conséquences juridiques, en ce sens surtout que la mise en oeuvre des articles 92 et 93 fait une large place à l’intervention de la Commission, à la différence de l’article 95. La Cour en a conclu que les pratiques de discrimination fiscale ne sont pas exemptées de l’application de l’article 95 du fait qu’elles peuvent être qualifiées simultanément de mode de financement d’une aide d’État (voir arrêts Commission/Italie, précité, point 9, et du 29 avril 1982, Pabst & Richarz, 17/81, Rec. p. 1331, point 22).

56 En ce qui concerne plus particulièrement les procédures permettant l’examen d’une taxe faisant partie d’un régime d’aides sous l’angle des diverses dispositions du traité susceptibles de trouver application, la Cour a jugé que l’existence de la procédure prévue à l’article 93 du traité ne fait nullement obstacle à ce que la compatibilité d’un régime d’aides au regard de règles communautaires autres que celles contenues dans l’article 92 du traité soit appréciée suivant la procédure prévue à l’article 226 CE (voir arrêt du 30 janvier 1985, Commission/France, 290/83, Rec. p. 439, point 17), ainsi que, s’agissant de dispositions du traité ayant effet direct, par les juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, Rec. p. 557, point 14).

57 Certes, la possibilité pour les juridictions nationales d’apprécier les modalités d’un régime d’aides au regard de dispositions du traité autres que celles des articles 92 et 93 présuppose que les modalités en question soient susceptibles d’être appréciées isolément, c’est-à-dire qu’il s’agisse de conditions ou d’éléments qui, bien que faisant partie du régime d’aide en cause, ne sont pas nécessaires à la réalisation de son objet ou à son fonctionnement (voir arrêt Iannelli & Volpi, précité, point 14).

58 Mais, si tel est le cas, il n’y a pas de motifs tirés de la répartition de compétences découlant des articles 92 et 93 du traité pour conclure que, dans le cas de violation d’autres dispositions du traité, ayant effet direct, ces dernières ne pourraient être invoquées devant les juridictions nationales en raison du seul fait que l’élément visé constituerait une modalité d’une aide (arrêt Iannelli & Volpi, précité, point 14).

59 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, par les autorités nationales, de l’interdiction de mise à exécution des projets d’aide, qui est édictée par l’article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité et qui a un effet direct. Une telle méconnaissance, lorsqu’elle est invoquée par les justiciables et constatée par les juridictions nationales, doit conduire celles-ci à en tirer toutes les conséquences, conformément à leur droit national, sans que leurs décisions impliquent pour autant une appréciation de la compatibilité des aides avec le marché commun, laquelle relève de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour (voir arrêts CELBI, précité, point 23; du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354/90, Rec. p. I-5505, point 14, et du 11 juillet 1996, SFEI e.a, C-39/94, Rec. p. I-3547, points 40 et 42).

60 Or, si, ainsi qu’il découle du point 41 de l’arrêt SFEI e.a., précité, à l’intérieur même du système de contrôle des aides étatiques institué par le traité, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles complémentaires et distincts, il en va de même, à plus forte raison, lorsqu’est en cause l’examen d’une taxe parafiscale, destinée au financement d’un régime d’aides, au regard d’autres dispositions du traité que celles relatives aux aides d’État, en vue de remédier, le cas échéant, aux violations du droit communautaire qui n’ont pas été constatées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 93 du traité.

61 En effet, si l’examen de la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché commun incombe à la Commission, eu égard au fait que cet examen implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98, Rec. p. I-6857, point 67), il ne saurait être contesté que, s’agissant de l’appréciation de la répartition du produit d’une taxe parafiscale nationale, les juridictions nationales sont les mieux placées pour rassembler les informations nécessaires et procéder aux évaluations qui s’imposent à cet égard, sur la base de données qui devraient normalement résulter de la comptabilité et des autres documents relatifs à la gestion des organismes qui perçoivent la taxe et qui attribuent les subventions ou autres avantages.

62 Il apparaît donc que l’appréciation effectuée à cet égard par les juridictions nationales permet d’assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct des dispositions du droit communautaire telles que celles des articles 12 et 95 du traité et, en cas de violation de ces dispositions, de rétablir la légalité sur le plan interne, sans pour autant porter atteinte au rôle central et exclusif réservé par les articles 92 et 93 du traité à la Commission pour l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché commun.

63 Enfin, il y a lieu de relever que, en l’occurrence, ainsi qu’il résulte de la réponse à la première question préjudicielle, la question de l’affectation du produit de la taxe en cause au principal est susceptible de faire l’objet d’une appréciation isolée par rapport à l’ensemble du régime de taxation national dont cette taxe fait partie.

64 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’autorisation d’un régime général de taxation des produits agricoles nationaux tel que celui en cause au principal, accordée par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d’État, n’empêche nullement les juridictions nationales d’apprécier si une taxe faisant partie de ce régime, telle celle en cause au principal, est compatible avec les articles 12 ou 95 du traité au regard, notamment, de l’affectation de son produit.

65 Il y a dès lors lieu de répondre à la seconde question préjudicielle que la circonstance qu’une taxe nationale soit destinée au financement d’un régime d’aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d’État ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d’autres dispositions du traité, ayant effet direct.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

66 Les frais exposés par le gouvernement danois et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Vestre Landsret, par ordonnance du 16 juin 1999, dit pour droit:

1) Une taxe perçue par un organisme de droit public selon des critères identiques sur les porcs produits dans un État membre en vue de l’abattage sur le marché national ou en vue de l’exportation sur pied vers d’autres États membres, dont le produit est affecté à des activités qui bénéficient aux deux types de production, ne relève pas de l’interdiction des taxes d’effet équivalant à des droits de douane à l’exportation au sens des articles 9 du traité CE (devenu, après modification, article 23 CE), 12 du traité CE (devenu, après modification, article 25 CE) et 16 du traité CE (abrogé par le traité d’Amsterdam). En revanche, ladite taxe est susceptible d’être qualifiée d’imposition intérieure discriminatoire, interdite par l’article 95 du traité CE (devenu, après modification, article 90 CE), si et dans la mesure où les avantages qui découlent de l’affectation de son produit compensent partiellement la charge grevant les porcs produits en vue de l’abattage dans l’État membre concerné, défavorisant ainsi la production de porcs en vue de leur exportation sur pied vers d’autres États membres.

2) La circonstance qu’une taxe nationale soit destinée au financement d’un régime d’aides qui a été autorisé par la Commission en application des dispositions du traité relatives aux aides d’État ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité de ladite taxe avec d’autres dispositions du traité, ayant effet direct.

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CJCE, n° C-234/99, Arrêt de la Cour, Niels Nygård contre Svineafgiftsfonden, en présence de Ministeriet for Fødevarer, Landbrug og Fiskeri, 23 avril 2002