CJCE, n° C-486/01, Ordonnance de la Cour, Front National et Jean-Claude Martinez contre Parlement européen, 21 février 2002

  • Absence d'identification de l'erreur de droit invoquée·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Procédures et recours accessoires·
  • Compétence du juge des référés·
  • Dispositions institutionnelles·
  • Communauté européenne·
  • Mesures provisoires·
  • Absence 2. pourvoi·
  • Irrecevabilité )·
  • 1. référé

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 21 févr. 2002, Front national et Martinez / Parlement, C-486/01
Numéro(s) : C-486/01
Ordonnance du Président de la Cour du 21 février 2002. # Front National et Jean-Claude Martinez contre Parlement européen. # Pourvoi - Sursis à l'exécution d'un arrêt du Tribunal - Déclaration de constitution d'un groupe au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen. # Affaires jointes C-486/01 P-R et C-488/01 P-R.
Date de dépôt : 17 décembre 2001
Précédents jurisprudentiels : 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C-361/00
25 novembre 1999, Martinez et de Gaulle/Parlement ( T-222/99
5 octobre, 19 novembre et 22 novembre 1999, MM. Martinez et de Gaulle ( affaire T-222/99
arrêt du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95
Communautés européennes ( troisième chambre élargie ) du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement ( T-222/99, T-327/99 et T-329/99
Front national ( affaire T-327/99 ) et Mme Bonino, MM. Pannella, Cappato, Dell' Alba, Della Vedova, Dupuis, Turco et la Lista Emma Bonino ( affaire T-329/99
Tribunal de première instance du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement ( T-222/99, T-327/99 et T-329/99
Solution : Demande de sursis à l'exécution ou demande de mesures provisoires : rejet sur le fond, Pourvoi, Recours en annulation
Identifiant CELEX : 62001CO0486
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2002:116
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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62001O0486

Ordonnance du Président de la Cour du 21 février 2002. – Front National et Jean-Claude Martinez contre Parlement européen. – Pourvoi – Sursis à l’exécution d’un arrêt du Tribunal – Déclaration de constitution d’un groupe au sens de l’article 29 du règlement du Parlement européen. – Affaires jointes C-486/01 P-R et C-488/01 P-R.


Recueil de jurisprudence 2002 page I-01843


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Référé – Mesures provisoires – Compétence du juge des référés – Limites – Compétence du juge des référés du Tribunal d’ordonner des mesures destinées à produire des effets jusqu’au jour du prononcé d’un arrêt de la Cour – Absence

(Art. 242 CE et 243 CE)

2. Pourvoi – Moyens – Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal – Absence d’identification de l’erreur de droit invoquée – Irrecevabilité

(Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

Sommaire


1. Il résulte de l’article 107, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal que, si l’ordonnance du juge des référés ne fixe pas de date à partir de laquelle la mesure provisoire cesse d’être applicable, cette mesure cesse ses effets dès le prononcé de l’arrêt qui met fin à l’instance. Il s’ensuit que le président du Tribunal est uniquement compétent pour accorder, par ordonnance motivée, le sursis à l’exécution d’un acte dans le cadre de l’instance pendante devant cette juridiction, sans qu’il puisse étendre les effets d’une telle ordonnance à un éventuel pourvoi qui pourrait être introduit devant la Cour, et que celle-ci est seule compétente pour statuer sur toute demande de sursis à l’exécution formulée dans le cadre d’un pourvoi.

( voir point 76 )

2. Il résulte des articles 225 CE, 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour.

( voir point 81 )

Parties


Dans les affaires jointes C-486/01 P-R et C-488/01 P-R,

Front national, ayant son siège à Saint-Cloud (France),

Jean-Claude Martinez, député au Parlement européen, demeurant à Montpellier (France),

représentés par Mes F. Wagner et V. de Poulpiquet de Brescanvel, avocats,

parties requérantes,

ayant pour objet des demandes de sursis à l’exécution de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement (T-222/99, T-327/99 et T-329/99, non encore publié au Recueil),

les autres parties à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par MM. G. Garzón Clariana, J. Schoo et H. Krück, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Charles de Gaulle, député au Parlement européen, demeurant à Paris (France),

partie demanderesse en première instance dans l’affaire T-222/99,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l’arrêt


1 Par deux requêtes déposées au greffe de la Cour le 17 décembre 2001, le Front national et M. Martinez ont, en vertu des articles 225 CE et 49 du statut CE de la Cour de justice, formé, chacun en ce qui le concerne, un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement (T-222/99, T-327/99 et T-329/99, non encore publié au Recueil, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté les recours qu’ils avaient introduits aux fins d’obtenir l’annulation de la décision du Parlement européen, du 14 septembre 1999, relative à l’interprétation de l’article 29, paragraphe 1, du règlement de ce dernier et portant dissolution, avec effet rétroactif, du «Groupe technique des députés indépendants (TDI) – Groupe mixte» (ci-après l'«acte litigieux»).

2 Par actes séparés, déposés au greffe de la Cour le même jour, le Front national et M. Martinez ont introduit, en vertu de l’article 242 CE, des demandes visant à ce que soit ordonné le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué.

3 Dès lors que les conclusions écrites des parties contiennent toutes les informations nécessaires pour qu’il soit statué sur la demande, il n’y a pas lieu de les entendre en leurs explications orales.

4 Compte tenu de la similitude des questions soulevées par les deux affaires, il y a lieu de les joindre aux fins de la présente ordonnance.

Le cadre juridique et les antécédents du litige

5 Le règlement du Parlement européen, dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 1999 (JO 1999, L 202, p. 1, ci-après le «règlement»), dispose à son article 29, intitulé «Constitution des groupes politiques»:

«1. Les députés peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques.

[…]

3. Un député ne peut appartenir qu’à un seul groupe politique.

4. La constitution d’un groupe politique doit être déclarée au Président. Cette déclaration doit indiquer la dénomination du groupe, le nom de ses membres et la composition de son bureau.

[…]»

6 L’article 30 du règlement, relatif aux députés non inscrits, prévoit:

«1. Les députés qui n’adhèrent pas à un groupe politique disposent d’un secrétariat. Les modalités en sont fixées par le Bureau sur proposition du secrétaire général.

2. Le statut et les droits parlementaires de ces députés sont régis par le Bureau.»

7 Aux termes de l’article 180 du règlement, concernant l’application de celui-ci:

«1. En cas de doute quant à l’application ou à l’interprétation du présent règlement, le Président peut renvoyer, sans préjudice des décisions antérieures en la matière, la question, pour examen, à la commission compétente.

En cas de rappel au règlement, conformément à l’article 142, le Président peut également renvoyer la question à la commission compétente.

2. La commission compétente décide de la nécessité de proposer une modification du règlement. Dans ce cas, elle observe la procédure prévue à l’article 181.

3. Si la commission compétente décide qu’il suffit d’une interprétation du règlement en vigueur, elle transmet son interprétation au Président, qui en informe le Parlement.

4. Si un groupe politique ou au moins trente-deux députés font opposition à l’interprétation de la commission compétente, la question est soumise au Parlement qui se prononce à la majorité simple en présence d’un tiers au moins de ses membres. En cas de rejet, la question est renvoyée de nouveau à la commission.

5. Les interprétations qui n’ont fait l’objet d’aucune opposition de même que celles qui ont été adoptées par le Parlement sont reprises en italique, avec les décisions prises en matière d’application du règlement, sous forme de remarques se rapportant à l’article ou aux articles correspondants du règlement.

6. Ces remarques constituent des précédents pour l’application et l’interprétation future des articles en question.

[…]»

8 Les antécédents du litige qui ont conduit à l’adoption de l’acte litigieux sont résumés aux points 6 à 11 de l’arrêt attaqué.

9 Il ressort de l’arrêt attaqué que, au cours de la séance plénière du 14 septembre 1999, une note interprétative a, conformément à l’article 180 du règlement, été soumise au vote du Parlement, lequel l’a adoptée à la majorité de ses membres. Le texte de la note interprétative est reproduit comme suit au point 9 de l’arrêt attaqué:

«Au cours de sa réunion des 27 et 28 juillet 1999, la commission des affaires constitutionnelles a examiné la demande d’interprétation de l’article 29, [paragraphe] 1, du règlement, renvoyée par la conférence des présidents dans sa réunion du 21 juillet 1999.

Après un échange de vues approfondi et par 15 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention, la commission des affaires constitutionnelles interprète l’article 29, [paragraphe] 1, du règlement de la façon suivante:

La déclaration de constitution du [Groupe technique des députés indépendants (TDI) – Groupe mixte, ci-après le «groupe TDI»] n’est pas conforme à l’article 29, [paragraphe] 1, du [règlement].

En effet, la déclaration de constitution de ce groupe, en particulier l’annexe 2 de la lettre de constitution adressée au président du Parlement européen, exclut toute affinité politique. Elle donne la totale indépendance politique au sein de ce groupe aux différentes composantes signataires.

Je vous propose d’insérer, comme note interprétative du règlement à l’article 29, [paragraphe] 1, le texte suivant:

Ne peut être admise au sens de cet article la constitution d’un groupe qui nie ouvertement tout caractère politique et toutes affinités politiques entre ses composantes

[…]»

10 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 5 octobre, 19 novembre et 22 novembre 1999, MM. Martinez et de Gaulle (affaire T-222/99), le Front national (affaire T-327/99) et Mme Bonino, MM. Pannella, Cappato, Dell’Alba, Della Vedova, Dupuis, Turco et la Lista Emma Bonino (affaire T-329/99) ont introduit des recours en annulation de l’acte litigieux.

11 Par acte séparé, MM. Martinez et de Gaulle ont introduit, en vertu de l’article 242 CE, une demande de sursis à l’exécution de l’acte litigieux. Par ordonnance du 25 novembre 1999, Martinez et de Gaulle/Parlement (T-222/99 R, Rec. p. II-3397), le président du Tribunal a fait droit à cette demande, tout en réservant les dépens.

L’arrêt attaqué

12 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré recevables les trois recours mentionnés au point 10 de la présente ordonnance, mais il les a rejetés comme non fondés.

13 Le Parlement soutenait que lesdits recours étaient irrecevables en invoquant trois moyens au soutien d’une telle allégation, ceux-ci étant tirés de l’inexistence de l’acte litigieux, de ce que celui-ci n’est pas susceptible de faire l’objet d’un contrôle de légalité par le juge communautaire et de ce que ledit acte ne concerne pas directement et individuellement les requérants au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

14 Tout d’abord, en réponse au moyen tiré de l’inexistence de l’acte litigieux en tant que portant dissolution du groupe TDI, le Tribunal a conclu, au point 46 de l’arrêt attaqué, que, par cet acte, le Parlement avait décidé d’adopter l’interprétation générale de l’article 29, paragraphe 1, du règlement proposée par la commission des affaires constitutionnelles ainsi que la position exprimée par cette dernière au sujet de la conformité de la déclaration de constitution du groupe TDI à ladite disposition et de constater l’inexistence ex tunc dudit groupe pour non-respect de la condition visée par cette disposition. Le Tribunal a donc écarté ce moyen du Parlement.

15 Ensuite, s’agissant du deuxième moyen d’irrecevabilité invoqué par le Parlement, tiré du caractère inattaquable de l’acte litigieux, le Tribunal a jugé, au point 62 de l’arrêt attaqué, qu’un tel acte «ne saurait […] être ramené à un acte relevant de la stricte organisation interne des travaux du Parlement» et qu'«il doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle de légalité par le juge communautaire, conformément à l’article 230, premier alinéa, CE». Partant, ledit moyen a également été rejeté.

16 Enfin, aux points 65, 66 et 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les requérants étaient directement et individuellement concernés par l’acte litigieux. En conséquence, il a jugé, au point 75, que les recours en annulation dont il était saisi devaient être déclarés recevables.

17 Au soutien de leurs conclusions en annulation, les requérants ont développé en première instance un ensemble de moyens tantôt communs, tantôt propres à leur affaire. Leur argumentation a été décomposée par le Tribunal en neuf moyens.

18 S’agissant du premier moyen, tiré de ce que l’acte litigieux repose sur une lecture erronée de l’article 29, paragraphe 1, du règlement, le Tribunal a jugé, au point 81 de l’arrêt attaqué, qu'«[u]ne telle disposition, qui prend place dans un article consacré à la constitution des groupes politiques, doit nécessairement être lue comme signifiant que les députés qui choisissent de former un groupe au Parlement ne peuvent le faire que sur la base d’affinités politiques. Les termes mêmes de l’article 29, paragraphe 1, du règlement, conjugués à l’intitulé de l’article dans lequel ils s’insèrent, amènent donc à écarter la thèse des parties requérantes fondée sur le caractère facultatif du critère relatif aux affinités politiques visé par cette disposition». Par ailleurs, aux points 85 et 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’attitude du Parlement à l’égard des déclarations de constitution d’autres groupes politiques et l’absence de réaction du Parlement à l’égard du comportement hétérogène des membres d’un même groupe politique lors de votes en séance plénière ne sauraient être interprétées comme démontrant le caractère facultatif de la condition relative aux affinités politiques visée à l’article 29, paragraphe 1, du règlement.

19 En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et des dispositions du règlement, ainsi que d’un défaut de base légale de l’acte litigieux, en ce que le Parlement aurait, à tort, contrôlé la conformité du groupe TDI à l’article 29, paragraphe 1, du règlement et considéré que les composantes de ce groupe ne partagent pas d’affinités politiques, le Tribunal a notamment relevé, au point 101 de l’arrêt attaqué, que, ainsi que cela découle de l’article 180 du règlement, «le Parlement est compétent pour veiller, le cas échéant par le biais d’une saisine de la commission des affaires constitutionnelles, à l’application et à l’interprétation correctes des dispositions de son règlement intérieur. À ce titre, il a, en particulier, compétence pour contrôler, comme il l’a fait en l’espèce, le respect, par un groupe dont la constitution est déclarée au président du Parlement conformément à l’article 29, paragraphe 4, du règlement, de l’exigence d’affinités politiques posée au paragraphe 1 de ce même article. Dénier une telle compétence de contrôle au Parlement équivaudrait à le contraindre à priver cette dernière disposition de tout effet utile».

20 En examinant le bien-fondé des allégations selon lesquelles la déclaration de constitution du groupe TDI n’était pas conforme à l’article 29, paragraphe 1, du règlement, le Tribunal a conclu, au point 120 de l’arrêt attaqué, que «le Parlement a, à juste titre, considéré que la déclaration de constitution du groupe TDI traduisait une absence totale et manifeste d’affinités politiques entre les composantes dudit groupe. Ce faisant, le Parlement ne s’est pas fait juge des affinités politiques des membres de ce groupe, contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent. Il a uniquement constaté, au vu de la déclaration susvisée, que ces derniers niaient ouvertement toute affinité de cette nature […]. Dans ces conditions, il ne pouvait que conclure au non-respect, par le groupe TDI, de l’article 29, paragraphe 1, du règlement, sous peine d’ôter tout effet utile à cette disposition».

21 Quant au troisième moyen, pris d’une violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des membres du groupe TDI, le Tribunal, après avoir déclaré recevable l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre des articles 29, paragraphe 1, et 30 du règlement, a rejeté celle-ci comme non fondée.

22 Le Tribunal a relevé notamment, au point 149 de l’arrêt attaqué, que ces dispositions «constituent des mesures d’organisation interne justifiées au regard des caractéristiques propres du Parlement, de ses contraintes de fonctionnement et des responsabilités et objectifs qui lui sont assignés par le traité». Il a ajouté, au point 152, que la différence introduite par les articles 29, paragraphe 1, et 30 du règlement se justifie par le fait que les députés qui relèvent d’un groupe politique satisfont, contrairement à ceux qui siègent comme députés non inscrits dans les conditions fixées par le bureau du Parlement, à une exigence du règlement dictée par la poursuite d’objectifs légitimes.

23 Par ailleurs, au point 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les différences de traitement entre les députés non inscrits et les députés membres d’un groupe politique découlent non des dispositions combinées des articles 29, paragraphe 1, et 30 du règlement, mais d’une série d’autres dispositions internes du Parlement, énumérées au point 156 de l’arrêt attaqué, contre lesquelles aucune exception d’illégalité n’a été soulevée.

24 S’agissant de l’argument selon lequel l’acte litigieux comporterait une discrimination injustifiée, en ce qu’il interdit la constitution du groupe TDI alors que, sous les législatures antérieures, a été admise la constitution d’une série d’autres groupes techniques, le Tribunal a jugé, au point 171 de l’arrêt attaqué, que, dès lors que le Parlement a, à bon droit, constaté l’inexistence du groupe TDI pour défaut de conformité à l’article 29, paragraphe 1, du règlement au motif que les composantes dudit groupe ont ouvertement exclu toute affinité politique entre elles et dénié tout caractère politique à ce groupe, les requérants ne sauraient, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l’appréciation différente portée par le Parlement à l’égard de certaines déclarations de constitution des groupes sous les précédentes législatures. Il a précisé, au point 172, que les requérants n’ont pas contesté la thèse du Parlement selon laquelle, à la différence des députés ayant déclaré la constitution du groupe TDI, ceux qui ont déclaré la constitution de ces différents groupes n’ont, en aucun cas, écarté ouvertement toute affinité politique entre eux. Enfin, il a considéré, au point 184, en réponse aux arguments tirés de la protection de la confiance légitime, que l’absence d’opposition du Parlement à la déclaration de constitution de groupes ne présentant pas les mêmes caractéristiques que le groupe TDI ne saurait être regardée comme une assurance précise ayant fait naître dans l’esprit des députés ayant déclaré la constitution de ce dernier groupe des espérances fondées en ce qui concerne la conformité de celui-ci à l’article 29, paragraphe 1, du règlement.

25 En outre, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel l’existence d’affinités politiques entre les membres de certains groupes politiques serait apparue douteuse lors de votes récents sur des questions politiques sensibles, alors que les membres du groupe TDI auraient fait preuve, à cette occasion, d’une grande cohérence politique, le Tribunal a relevé, au point 191 de l’arrêt attaqué, que les requérants n’ont fourni aucun élément de nature à démontrer que ces groupes politiques auraient, comme le groupe TDI, nié ouvertement toute affinité politique et que le caractère hétérogène des votes exprimés par les membres relevant d’un même groupe politique sur des questions particulières ne saurait être regardé comme un élément de cette nature.

26 S’agissant du quatrième moyen, tiré de la violation du principe de la démocratie, le Tribunal a constaté, au point 200 de l’arrêt attaqué, que, si le principe de la démocratie constitue un élément fondateur de l’Union européenne, ce principe ne s’oppose pas à ce que le Parlement adopte des mesures d’organisation interne visant, comme le font les dispositions combinées des articles 29, paragraphe 1, et 30 du règlement, à lui permettre de remplir au mieux, en fonction de ses caractéristiques propres, le rôle institutionnel et les objectifs qui lui sont assignés par les traités.

27 En réponse au cinquième moyen, fondé sur une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal a jugé, au point 217 de l’arrêt attaqué, que les dispositions combinées des articles 29, paragraphe 1, et 30 du règlement ne sauraient être regardées comme des mesures excédant les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre les objectifs légitimes que ces dispositions poursuivent.

28 Pour ce qui concerne le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de la liberté d’association, le Tribunal a relevé, aux points 232 et 233 de l’arrêt attaqué, que, même en admettant que ledit principe ait vocation à s’appliquer au niveau de l’organisation interne du Parlement, il ne revêt pas un caractère absolu et ne s’oppose pas à ce que, dans le cadre de son pouvoir d’organisation interne, ce dernier subordonne la constitution d’un groupe de députés en son sein à une exigence d’affinités politiques dictée par la poursuite d’objectifs légitimes et interdise, ainsi que cela découle de l’acte litigieux, la constitution d’un groupe qui, comme le groupe TDI, méconnaît de manière patente une telle exigence.

29 En ce qui concerne le septième moyen, fondé sur une méconnaissance des traditions parlementaires communes aux États membres, le Tribunal a considéré, au point 240 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que la jurisprudence selon laquelle le juge communautaire, en assurant la sauvegarde des droits fondamentaux, est tenu de s’inspirer des traditions constitutionnelles communes aux États membres s’applique, par analogie, aux traditions parlementaires communes à ces derniers, l’acte litigieux, en ce qu’il interdit la constitution de groupes dont les composantes nient, comme en l’espèce, toute affinité politique entre elles, ne saurait être jugé contraire à une tradition parlementaire commune aux États membres. Il a précisé, aux points 241 et 242, que les indications fournies par les requérants dans leurs écritures font, tout au plus, ressortir que la constitution de groupes techniques ou mixtes est admise dans l’une ou l’autre assemblée parlementaire nationale, mais elles ne permettent pas, en revanche, d’exclure que les parlements nationaux qui, comme le Parlement, subordonnent la constitution d’un groupe en leur sein à une exigence d’affinités politiques adopteraient, à l’égard d’une déclaration de constitution de groupe analogue à celle du groupe TDI, une interprétation identique à celle retenue par le Parlement dans l’acte litigieux. Selon le Tribunal, ces indications n’autorisent pas non plus à conclure que la constitution d’un groupe, tel que le groupe TDI, dont les membres indiquent expressément qu’il est dépourvu de tout caractère politique, serait possible dans la majorité des parlements nationaux.

30 Le huitième moyen invoqué devant le Tribunal était tiré d’une violation de formes substantielles.

31 Par la première branche de ce moyen, il était soutenu que l’acte litigieux est davantage qu’une interprétation générale et déclaratoire. Cet acte constituerait une décision assortie d’un effet rétroactif à compter de la déclaration de constitution du groupe TDI et subordonnant la constitution d’un groupe à une condition nouvelle.

32 À cet égard, le Tribunal a jugé notamment, au point 252 de l’arrêt attaqué, que l’interprétation que le Parlement donne d’une disposition de son règlement éclaire et précise la signification et la portée de celle-ci telle qu’elle doit et aurait dû être comprise et appliquée depuis la date de son entrée en vigueur. Il en résulte que la disposition ainsi interprétée peut être appliquée à des situations nées avant l’adoption de la décision interprétative.

33 En réponse à la deuxième branche de ce huitième moyen, tirée de l’incompétence de la commission des affaires constitutionnelles pour prendre une décision particulière concernant la conformité de la déclaration de constitution du groupe TDI à l’article 29, paragraphe 1, du règlement, le Tribunal a jugé que ladite commission est demeurée dans les limites des compétences qui lui sont reconnues par les dispositions combinées du point XV 8 de l’annexe VI et de l’article 180 du règlement.

34 En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la décision de dissolution du groupe TDI n’a pas fait l’objet d’un vote en séance plénière, seule l’interprétation générale de l’article 29, paragraphe 1, du règlement proposée par la commission des affaires constitutionnelles ayant été soumise au vote, le Tribunal a considéré, au point 264 de l’arrêt attaqué, que les députés ont, à la suite de l’opposition formulée par le groupe TDI contre cette interprétation générale, nécessairement compris que, en se prononçant sur celle-ci, ils prenaient position dans le même temps sur la conformité de la déclaration de constitution du groupe TDI à l’article 29, paragraphe 1, du règlement et, partant, sur le sort de ce groupe. Dans ces circonstances, un vote séparé sur ce point ne se justifiait pas.

35 Quant à la troisième branche du huitième moyen, tirée d’une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, le Tribunal l’a écartée en constatant, au point 267 de l’arrêt attaqué, que les membres du groupe TDI ont, à plusieurs occasions, été en mesure de faire valoir leur point de vue auprès des autres députés à l’égard des critiques relatives à la non-conformité de ce groupe à l’article 29, paragraphe 1, du règlement.

36 S’agissant du neuvième moyen, fondé sur une présomption de détournement de procédure, en ce que les modifications antérieures du règlement traduiraient la volonté du Parlement de réduire systématiquement les droits de certains députés, le Tribunal a jugé, au point 277 de l’arrêt attaqué, que les exemples tirés de telles modifications ne sont pas de nature à démontrer que les décisions prises par le Parlement le 14 septembre 1999 procédaient d’une volonté délibérée de sa part d’affecter les droits de certains députés, notamment ceux du Front national. Au contraire, il a considéré que, face à un cas d’absence d’affinités politiques aussi manifeste que celui relatif à la déclaration de constitution du groupe TDI, le Parlement ne pouvait que constater l’inexistence de ce groupe pour non-respect de l’exigence prévue audit article 29, paragraphe 1, du règlement.

37 En conséquence, le Tribunal a rejeté les trois recours en annulation dont il était saisi.

Sur les demandes de sursis

Arguments des parties

38 En vue de justifier le fumus boni juris, le Front national et M. Martinez invoquent huit moyens, dont quatre sont communs aux deux demandes de sursis.

39 Par leur premier moyen, le Front national et M. Martinez soutiennent que l’acte litigieux repose sur une lecture erronée de l’article 29, paragraphe 1, du règlement. L’utilisation du verbe «pouvoir» par cette disposition démontrerait la faculté des députés de créer un groupe par affinités politiques, sans qu’il soit besoin d’y voir une restriction supplémentaire inexistante dans les textes. Selon les requérants, les termes «affinités politiques» ne devraient pas être interprétés de manière littérale, mais devraient se comprendre comme une recherche de solidarité qui se traduirait, en l’espèce, par la volonté d’obtenir le droit, pour chaque député, d’accomplir pleinement son mandat parlementaire sans que des inégalités affectent l’exercice de celui-ci.

40 Le deuxième moyen, commun aux deux demandes en référé, est tiré du défaut de base légale du contrôle effectué par le Parlement quant à la conformité du groupe TDI à l’article 29, paragraphe 1, du règlement et de la violation du principe d’égalité. À cet égard, les requérants considèrent tout d’abord que le Tribunal aurait reconnu explicitement, au point 102 de l’arrêt attaqué, que le Parlement n’effectue aucun contrôle, lors de la constitution d’un groupe, des affinités politiques des membres qui le composent. La rédaction de l’article 180 du règlement n’attribuerait, contrairement à ce que soutient le Tribunal, aucun pouvoir de contrôle au Parlement relatif à l’application et à l’interprétation correctes des dispositions du règlement. Les requérants soutiennent ensuite que le fait d’adopter une position commune et de constituer un groupe en vue de garantir à tout député le plein exercice de son mandat traduit l’existence d’une affinité politique au sens de l’article 29 dudit règlement. Ils font valoir enfin que, à plusieurs reprises, des composantes politiques différentes du groupe TDI se sont associées dans le but de déposer un texte.

41 Le troisième moyen, commun aux deux demandes en référé, est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement. Les requérants font valoir tout d’abord que le Tribunal aurait, au point 165 de l’arrêt attaqué, reconnu l’existence de discriminations opérées entre les députés membres d’un groupe politique et les députés non-inscrits, mais il se limiterait à indiquer que de telles différences de traitement découlent non de l’acte litigieux, mais de dispositions du règlement autres que celles de l’article 29, paragraphe 1, de celui-ci ou de dispositions de nature administrative dont la légalité n’a pas été contestée devant le Tribunal. Or, quand bien même l’exception d’illégalité n’avait pas été soulevée par les requérants, le Tribunal aurait dû tirer les conséquences légales de ces discriminations.

42 Ensuite, ils font valoir que, lors de la constitution d’autres groupes techniques, aucun examen préalable n’a jamais été exercé sur la déclaration de constitution d’un groupe présentée en bonne et due forme par le nombre de députés nécessaires. M. Martinez ajoute que, dans ces conditions, le groupe TDI pouvait légitimement avoir confiance en l’interprétation constante faite par le Parlement de l’article 29, paragraphe 1, du règlement.

43 Enfin, le Front national et M. Martinez arguent que le Tribunal aurait, à tort, rejeté les éléments tendant à démontrer la cohérence des votes des membres du groupe TDI, en raison du fait qu’il s’agissait de faits postérieurs à l’acte litigieux, alors que ceux-ci auraient été de nature à éclairer le Tribunal quant aux affinités politiques du groupe TDI.

44 Le Front national, par son quatrième moyen, et M. Martinez, par son sixième moyen, reprochent au Tribunal la méconnaissance des traditions parlementaires communes aux États membres. L’interprétation restrictive retenue par le Tribunal de l’article 29, paragraphe 1, du règlement s’écarterait de la plupart des législations et pratiques parlementaires des États membres.

45 Le cinquième moyen du Front national est tiré d’une violation des formes substantielles. D’une part, il ressortirait d’une lecture littérale des articles du règlement qu’aucune procédure spéciale de reconnaissance d’un groupe politique ne serait prévue et, d’autre part, l’application rétroactive de l’acte litigieux, qui équivaut à la dissolution du groupe TDI, serait contraire aux principes de sécurité juridique, de protection des droits acquis et de non-rétroactivité.

46 Le sixième moyen du Front national est fondé sur l’existence d’une présomption de détournement de procédure, en ce qu’il aurait présenté des indices objectifs, pertinents et concordants qui montreraient à l’évidence que le Parlement aurait une volonté de réduire les droits de certains de ses élus d’une façon systématique.

47 M. Martinez fait valoir, dans le cadre de son quatrième moyen, une violation du principe de démocratie. Ce principe s’opposerait à ce que les conditions d’exercice d’un mandat parlementaire soient affectées par l’absence d’appartenance de son titulaire à un groupe politique. Il serait sans importance à cet égard que la différence de traitement découle de dispositions contre lesquelles aucune exception d’illégalité n’a été soulevée.

48 Dans le cadre de son cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de la liberté d’association, M. Martinez fait valoir que l’acte litigieux, en entérinant une interprétation restrictive de cette liberté, porterait incontestablement atteinte à celle-ci.

49 Les requérants font valoir que leurs demandes en référé ont pour objet de permettre aux membres du groupe TDI d’exercer leur mandat en bénéficiant des droits et des avantages liés à l’appartenance à un groupe politique, jusqu’à ce que la Cour ait statué sur les pourvois dirigés contre l’arrêt attaqué.

50 L’absence de suspension de l’arrêt attaqué serait de nature à causer un préjudice grave aux membres du groupe TDI, puisqu’ils seraient dans l’impossibilité de bénéficier des droits et des avantages conférés aux groupes politiques. Ce préjudice serait d’autant plus grave que la période nécessaire au règlement au fond des pourvois, durant laquelle il ne saurait être exclu que les requérants subissent des discriminations, pourrait correspondre à une partie non négligeable de la durée limitée de leur mandat. Ce préjudice serait également irréparable dans la mesure où l’éventuelle annulation de l’acte litigieux au terme de la procédure relative auxdits pourvois ne pourrait plus remédier à cette situation.

51 En outre, le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué ne saurait nuire à l’organisation des services du Parlement, en ce qu’il aurait pour effet de permettre au groupe TDI de recevoir le même traitement que les groupes techniques constitués depuis 1979.

52 Le Parlement conclut au rejet des deux demandes de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué.

53 Il fait valoir que les demandes en référé sont inopérantes. La suspension de l’arrêt attaqué ne changerait rien au fait que, en pratique, il n’y aurait pas de décision juridictionnelle quant à la légalité de l’article 29, paragraphe 1, du règlement. La suspension de l’arrêt attaqué ne ferait pas non plus renaître les effets de l’ordonnance Martinez et de Gaulle/Parlement, précitée, une telle ordonnance cessant ses effets dès le prononcé de l’arrêt qui met fin à l’instance, conformément à l’article 107, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

54 Le Parlement éprouve de sérieux doutes quant à la recevabilité de la demande de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué formulée par le Front national, estimant que le recours introduit par ce dernier devant le Tribunal était lui-même irrecevable. À cet égard, il fait valoir que seuls les députés adhérant au Front national sont susceptibles d’être affectés directement par l’acte litigieux, et non pas le parti politique lui-même, qui ne peut l’être qu’indirectement.

55 Le Parlement excipe également de l’irrecevabilité des pourvois dans leur ensemble parce que les requérants se contenteraient d’une répétition des moyens déjà présentés devant le Tribunal et examinés par celui-ci. Ils n’indiqueraient pas de façon précise les éléments qui sont critiqués dans l’arrêt attaqué ni les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. En tout état de cause, le Parlement conteste que les moyens invoqués soient suffisamment sérieux pour fonder le fumus boni juris nécessaire à l’octroi du sursis.

56 À cet égard, le Parlement fait valoir qu’il n’existe pas de parallèle entre la situation dans laquelle le président du Tribunal a rendu l’ordonnance Martinez et de Gaulle/Parlement, précitée, et celle sur le fondement de laquelle le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué est demandé. Tandis que ladite ordonnance serait notamment fondée sur une possible discrimination arbitraire par rapport à la constitution du Groupe pour l’Europe des démocraties et des différences (EDD), l’arrêt attaqué met plutôt en évidence les différences pertinentes entre ce groupe et le groupe TDI.

57 Quant au premier moyen commun au Front national et à M. Martinez, tiré d’une lecture erronée de l’article 29, paragraphe 1, du règlement, le Parlement souscrit à l’argumentation du Tribunal et relève qu’il manque au moyen invoqué par les requérants le fumus boni juris susceptible d’affecter valablement ladite argumentation.

58 Quant au deuxième moyen commun au Front national et à M. Martinez, il fait valoir que les requérants font une lecture incorrecte du point 102 de l’arrêt attaqué lorsqu’ils affirment que le Tribunal y aurait reconnu que le Parlement n’effectue aucun contrôle, lors de la constitution d’un groupe, des affinités politiques des membres de celui-ci. Par ailleurs, l’interprétation restrictive que les requérants font des pouvoirs que tire le Parlement de l’article 180 du règlement découlerait d’une lecture superficielle de cette disposition qui ne donnerait aucun effet utile à celle-ci.

59 Quant à la violation du principe d’égalité, le Parlement considère que les requérants donnent à la notion d'«affinités politiques» un sens dépourvu de contenu dans la mesure où il serait limité à la pure possibilité d’exercer un mandat parlementaire. En outre, ils critiqueraient en réalité les constatations factuelles faites par le Tribunal au point 122 de l’arrêt attaqué, selon lequel les différentes initiatives présentées au nom du groupe TDI corroboreraient l’absence totale d’affinités politiques entres les composantes de ce groupe. Or, le pourvoi est limité aux questions de droit et un tel moyen serait, de ce fait, irrecevable.

60 Quant aux allégations relatives aux différences de traitement entres les membres du groupe TDI et ceux des groupes politiques du Parlement, qui constituent la première branche du troisième moyen commun au Front national et à M. Martinez, le Parlement fait valoir que ces derniers ne critiquent aucune partie concrète de l’arrêt attaqué et que le Tribunal n’a pas constaté l’existence de discriminations, mais a simplement relevé des différences de traitement, tout en indiquant que celles-ci ne découlent pas de l’acte litigieux.

61 S’agissant du moyen tiré du traitement différencié, en ce que l’acte litigieux interdit la constitution du groupe TDI, alors que la constitution d’une série de groupes techniques aurait été admise sous des législatures antérieures, le Parlement soutient qu’il n’a jamais été confronté à des cas aussi manifestes d’absence d’affinités politiques, comme cela découle du point 175 de l’arrêt attaqué. En outre, chaque Parlement, lors de chacune des législatures, pourrait décider souverainement de son règlement intérieur, sous réserve d’un contrôle éventuel par le juge communautaire. Au surplus, dans le passé, la procédure d’interprétation prévue à l’article 180 du règlement n’aurait jamais été mise en oeuvre.

62 En ce qui concerne le quatrième moyen commun au Front national et à M. Martinez, tiré des traditions parlementaires communes aux États membres, le Parlement soutient que la présentation du droit parlementaire allemand est inexacte et que, en tout état de cause, il y a une telle variété de situations qu’il n’est pas possible d’en tirer une conclusion qui pourrait s’imposer au niveau communautaire.

63 Quant à la violation des formes substantielles et au prétendu détournement de procédure, qui constituent respectivement les cinquième et sixième moyens soulevés par le Front national, le Parlement soutient que ceux-ci se bornent à effectuer de façon générale des reproches à l’encontre du Tribunal, sans indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ni les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique la demande d’annulation de celui-ci.

64 En ce qui concerne le quatrième moyen invoqué par M. Martinez, tiré du principe de la démocratie, le Parlement fait valoir que le requérant n’explique pas la raison pour laquelle ce principe a été violé par le Tribunal.

65 Quant au principe de la liberté d’association, qui est le cinquième moyen soulevé par M. Martinez dans son pourvoi, le Parlement relève que, contrairement à ce que soutient le requérant et en admettant même que ledit principe ait vocation à s’appliquer au niveau de l’organisation interne de ladite institution, le Tribunal a indiqué, aux points 232 et 233 de l’arrêt attaqué, l’objectif légitime poursuivi par l’acte litigieux.

66 Quant à l’urgence, le Parlement fait valoir que le Front national n’invoque aucun préjudice qui serait susceptible de lui être causé par l’exécution de l’arrêt attaqué.

67 Le Parlement fait valoir par ailleurs que les facilités d’une participation accrue aux travaux parlementaires, accordées aux groupes politiques, ne peuvent être utilement exercées que par des organes possédant des convictions politiques communes. En effet, ces facilités ne constituent pas des possibilités d’agir vidées de tout contenu politique, mais elles sont des moyens destinés à véhiculer un message politique développé après des discussions internes. L’ancien groupe TDI ne pourrait donc pas utilement bénéficier des facilités de participation réservées aux groupes politiques proprement dits.

68 En outre, le Parlement informe la Cour de sa décision de procéder à une augmentation des fonds attribués aux députés non-inscrits. En tout état de cause, il indique que, s’il existait des discriminations dans l’exercice du mandat parlementaire, les requérants pourraient, selon l’arrêt attaqué, mettre en cause les décisions concrètes prises par le Parlement sur la base des dispositions pertinentes du règlement.

69 S’agissant de la mise en balance des intérêts, le Parlement soutient que le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué nuirait à son fonctionnement. Non seulement les paiements à la charge du budget que le nouveau groupe TDI réclamerait ne seraient que difficilement récupérables après l’intervention de l’arrêt au fond, dans l’hypothèse où il serait favorable au Parlement, mais la composition interne et les services de celui-ci seraient de nouveau déstabilisés.

70 Le Parlement fait valoir que 120 partis politiques différents ont actuellement des représentants élus au sein de cette institution et que, s’il était obligé de reconnaître des groupes «fictifs», l’accomplissement des tâches qui lui incombent serait encore plus compliqué. À cet égard, le Parlement relève le fait que l’importance des partis politiques au niveau européen, dont le Front national ne fait pas partie, en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union a été reconnue par l’article 191 CE. Afin qu’ils puissent contribuer à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union, il est indispensable d’octroyer aux partis politiques européens un certain rôle privilégié au sein du Parlement. Ce rôle se trouverait cependant dénaturé si n’importe quelle formation pouvait se constituer en groupe à l’intérieur du Parlement, sans remplir les conditions matérielles exigées pour sa constitution.

Appréciation

71 Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 53 du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi contre un arrêt du Tribunal n’a pas, en principe, d’effet suspensif. Toutefois, en application de l’article 242 CE, la Cour peut, si elle estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué.

72 En outre, il découle de l’article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure que l’octroi d’un sursis, en application des dispositions rappelées au point précédent, est subordonné à l’existence de circonstances établissant l’urgence ainsi qu’à la spécification des moyens de fait et de droit justifiant, à première vue, une telle mesure.

73 Il convient de rappeler également que, en principe, une demande de sursis à l’exécution ne se conçoit pas contre une décision négative, l’octroi d’un sursis ne pouvant avoir pour effet de modifier la situation du requérant [voir ordonnances du 31 juillet 1989, S./Commission, 206/89 R, Rec. p. 2841, point 14, et du 30 avril 1997, Moccia Irme/Commission, C-89/97 P(R), Rec. p. I-2327, point 45].

74 Or, en l’espèce, les requérants n’ont fourni aucun élément de nature à établir que l’octroi, à titre exceptionnel, du sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué, lequel est assimilable à une décision négative dans le mesure où il rejette les recours dans leur totalité, modifierait leur situation.

75 Ainsi, le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué ne saurait, à lui seul, rendre possible la création du groupe TDI et, en particulier, il ne ferait pas renaître les effets de l’ordonnance Martinez et de Gaulle/Parlement, précitée.

76 En effet, il résulte de l’article 107, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal que, si l’ordonnance du juge des référés ne fixe pas de date à partir de laquelle la mesure provisoire cesse d’être applicable, cette mesure cesse ses effets dès le prononcé de l’arrêt qui met fin à l’instance. Il s’ensuit que le président du Tribunal est uniquement compétent pour accorder, par ordonnance motivée, le sursis à l’exécution d’un acte dans le cadre de l’instance pendante devant cette juridiction, sans qu’il puisse étendre les effets d’une telle ordonnance à un éventuel pourvoi qui pourrait être introduit devant la Cour, et que celle-ci est seule compétente pour statuer sur toute demande de sursis à l’exécution formulée dans le cadre d’un pourvoi [ordonnance du 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C-361/00 P(R), Rec. p. I-11657, point 99].

77 Dans ces conditions, l’octroi du sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué n’étant pas apte à éviter le préjudice grave et irréparable dont se prévalent les requérants au soutien de leurs demandes en référé, celles-ci ne peuvent être que rejetées.

78 En tout état de cause, même si les demandes des requérants devaient être interprétées comme visant en substance à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte litigieux ou à l’adoption de mesures provisoires qui leur permettraient de reconstituer le groupe TDI, la conclusion mentionnée au point précédent n’en serait pas infirmée pour les raisons suivantes.

79 En premier lieu, il convient de relever que la recevabilité des moyens invoqués à l’appui des pourvois paraît, à première vue, extrêmement douteuse.

80 D’une part, en effet, la quasi-totalité de ces moyens se limite à reproduire ceux qui ont déjà été invoqués devant le Tribunal, sans comporter aucune argumentation visant spécifiquement à critiquer l’arrêt attaqué.

81 Or, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE, 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, par exemple, arrêts du 24 octobre 1996, Viho/Commission, C-73/95 P, Rec. p. I-5457, points 25 et 26, ainsi que du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, points 34 et 35).

82 D’autre part, il apparaît, à première vue, que certains moyens visent en substance à remettre en cause des appréciations de fait effectuées par le Tribunal dans l’arrêt attaqué en ce qui concerne notamment l’absence d’affinités politiques entres les membres du groupe TDI, les caractéristiques d’autres groupes techniques qui avaient été constitués dans le passé ou l’existence d’un détournement de procédure.

83 Or, selon les articles 225 CE et 51 du statut CE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Selon cette dernière disposition, il doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier.

84 Le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été soumis, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95 P, Rec. p. I-769, point 29).

85 En deuxième lieu, même à supposer que l’un ou l’autre des moyens invoqués dans les pourvois puisse éventuellement être considéré comme recevable, force est de constater que, alors que l’arrêt attaqué répond de manière circonstanciée à tous les moyens présentés par les requérants en première instance, l’argumentation juridique de ces derniers au stade du pourvoi reste extrêmement sommaire et, sur le fond, apparaît, en première analyse, de nature à vider de leur substance tant l’article 29, paragraphe 1, que l’article 180 du règlement.

86 En troisième lieu, s’agissant du Front national, force est aussi de constater qu’il ne soulève aucun argument de nature à établir la raison pour laquelle l’exécution de l’arrêt attaqué lui causerait un dommage grave et irréparable.

87 En quatrième et dernier lieu, il convient de rappeler que, si le statut de député non-inscrit présente des différences par rapport à celui d’un député qui est membre d’un groupe politique, de telles différences découlent de dispositions dont l’illégalité n’a pas été soulevée en première instance. Les arguments présentés par les requérants en vue de justifier l’urgence apparaissent donc en grande partie comme une tentative d’obvier aux conséquences de dispositions du règlement ou d’autres dispositions administratives internes qui n’ont pas été contestées dans le cadre du présent litige. Or, la finalité de la procédure en référé est seulement de garantir la pleine efficacité de la décision définitive à intervenir dans la procédure principale sur laquelle le référé se greffe.

88 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandes de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué doivent être rejetées.

Décisions sur les dépenses


Dispositif


Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

ordonne:

1) Les affaires C-486/01 P-R et C-488/01 P-R sont jointes aux fins de l’ordonnance.

2) Les demandes en référé du Front national et de M. Martinez sont rejetées.

3) Les dépens sont réservés.

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CJCE, n° C-486/01, Ordonnance de la Cour, Front National et Jean-Claude Martinez contre Parlement européen, 21 février 2002