CJCE, n° C-301/96, Arrêt de la Cour, République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes, 30 septembre 2003

  • Aides en relation avec la division de l'Allemagne·
  • Aides compatibles avec le marché commun·
  • Pouvoir d'appréciation de la commission·
  • Dérogations à l'interdiction des aides·
  • 1. aides accordées par les États·
  • Procédure de contrôle des aides·
  • Aides accordées par les États·
  • Procédure formelle d'examen·
  • Contrôle juridictionnel·
  • Portée de la dérogation

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 30 sept. 2003, Allemagne / Commission, C-301/96
Numéro(s) : C-301/96
Arrêt de la Cour du 30 septembre 2003. # République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes. # Aides d'État - Décision 96/666/CE - Compensation des désavantages économiques causés par la division de l'Allemagne - Perturbation grave de l'économie d'un État membre - Développement économique régional. # Affaire C-301/96.
Date de dépôt : 16 septembre 1996
Précédents jurisprudentiels : 15 avril 1997, Espagne/Commission ( C-292/95, Rec. p. I-1931
15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91
19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98
29 juin 1995, Espagne/Commission ( C-135/93
LI. Par arrêt du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission ( T-132/96 et T-143/96
Publishers Association/Commission, C-360/92 P, Rec. p. I-23, point 39, et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61996CJ0301
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:509
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61996J0301

Arrêt de la Cour du 30 septembre 2003. – République fédérale d’Allemagne contre Commission des Communautés européennes. – Aides d’État – Décision 96/666/CE – Compensation des désavantages économiques causés par la division de l’Allemagne – Perturbation grave de l’économie d’un État membre – Développement économique régional. – Affaire C-301/96.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-09919


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Aides accordées par les États – Interdiction – Dérogations – Aides en faveur des régions affectées par la division de l’Allemagne – Portée de la dérogation – Interprétation stricte – Désavantages économiques causés par l’isolement engendré par le tracé de la frontière entre les deux zones

(Traité CE, art. 92, § 1 et 2, c) (devenu, après modification, art. 87, § 1 et 2, c), CE))

2. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision s’inscrivant dans la ligne de décisions précédentes – Admissibilité d’une motivation sommaire

(Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE))

3. Aides accordées par les États – Interdiction – Dérogations – Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun – Aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre – Interprétation stricte – Perturbation affectant l’ensemble de l’économie de l’État membre concerné

(Traité CE, art. 92, § 3, a), b) et c) (devenu, après modification, art. 87, § 3, a), b) et c), CE))

4. Aides accordées par les États – Projets d’aides – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Limites

(Traité CE, art. 92, § 3 (devenu, après modification, art. 87, § 3))

Sommaire


1. Les dispositions de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 2, sous c), CE), aux termes desquelles sont compatibles avec le marché commun «les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division», n’ayant été abrogées, après la réunification de l’Allemagne, ni par le traité sur l’Union européenne ni par le traité d’Amsterdam, il ne saurait être présumé, eu égard à la portée objective des règles du droit communautaire, que ces dispositions sont devenues sans objet depuis cette réunification.

Cependant, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 92, paragraphe 1, du traité, l’article 92, paragraphe 2, sous c), doit faire l’objet d’une interprétation stricte.

À cet égard, les termes «division de l’Allemagne» se référant, historiquement, à l’établissement en 1948 de la ligne de partage entre les deux zones occupées, «les désavantages économiques causés par cette division» ne sauraient viser que les désavantages économiques provoqués dans certaines régions allemandes par l’isolement qu’a engendré l’établissement de cette frontière physique, tels que la rupture des voies de communication ou la perte de débouchés faisant suite à l’interruption des relations commerciales entre les deux parties du territoire allemand.

En revanche, la conception selon laquelle l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité permettrait de compenser intégralement le retard économique, tout incontestable qu’il soit, dont souffrent les nouveaux Länder méconnaîtrait tant le caractère dérogatoire de cette disposition que son contexte et les objectifs qu’elle poursuit, et aurait pour conséquence de rompre le lien direct qui doit nécessairement exister entre le désavantage économique et la division géographique de l’Allemagne.

Seuls pouvant être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par la division géographique de l’Allemagne, l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité ne saurait être interprété comme couvrant des situations qui ne sont pas des séquelles directes de l’existence antérieure d’une frontière interallemande, mais qui sont, dans une large mesure, le résultat concret des politiques économiques menées par la République démocratique allemande.

Les différences de développement entre les anciens et les nouveaux Länder s’expliquent par des causes autres que la coupure géographique résultant de la division de l’Allemagne et, notamment, par les régimes politico-économiques différents mis en place dans les deux parties de l’Allemagne.

( voir points 64-75 )

2. La motivation exigée par l’article 190 du traité (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. De même, la Commission n’est pas tenue de répondre, dans la motivation d’une décision, à tous les points de droit et de fait soulevés par les intéressés, dès lors qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

Lorsqu’une décision a été adoptée dans un contexte bien connu du gouvernement concerné et se place dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante, elle peut être motivée d’une manière sommaire.

( voir points 87, 89, 92, 110, 140 )

3. L’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, sous b), CE), à la différence des points a) et c) de ce paragraphe, exige, pour que des aides d’État puissent être considérées comme compatibles avec le marché commun, que celles-ci soient destinées à remédier à une perturbation grave affectant l’ensemble de l’économie d’un État membre, et pas seulement celle de régions ou parties de territoire de cet État. En tant que disposition dérogatoire, l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité doit, en effet, être interprété strictement.

( voir points 105-108 )

4. La Commission disposant, pour appliquer l’article 92, paragraphe 3, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, CE), d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle de la Cour se limite à la vérification de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer la qualification contestée et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

La Commission ne saurait se voir reprocher d’avoir commis une telle erreur pour avoir, lors de la mise en oeuvre de la distinction qu’elle est en droit d’opérer, au niveau des coûts d’exploitation d’un site industriel, entre la situation où une infrastructure complète doit être mise en place et celle où une telle infrastructure existe déjà, et s’agissant des coûts afférents à un investissement opéré en plusieurs étapes et faisant l’objet d’une aide d’État, considéré que, une fois réalisée la première étape, les étapes suivantes constituent des opérations d’extension et non pas des opérations sur un nouveau site.

( voir points 129, 131-132 )

Parties


Dans l’affaire C-301/96,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et T. Oppermann, en qualité d’agents, ayant élu domicile en Allemagne,

partie requérante, contre Commission des Communautés européennes, représentée par M. K.-D. Borchardt, en qualité d’agent, assisté de Me M. Núñez Müller, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse, soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet l’annulation partielle de la décision 96/666/CE de la Commission, du 26 juin 1996, relative à des aides accordées par l’Allemagne au groupe Volkswagen pour les usines de Mosel et de Chemnitz (JO L 308, p. 46),

LA COUR (cour plénière)

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. D. A. O. Edward, P. Jann et V. Skouris, Mme F. Macken (rapporteur), MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 26 février 2002, au cours de laquelle la République fédérale d’Allemagne a été représentée par M. T. Oppermann et M. W.-D. Plessing, en qualité d’agents, et la Commission par M. K.-D. Borchardt, assisté de Me M. Núñez Müller,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du

28 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


I. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 septembre 1996, la République fédérale d’Allemagne a, en vertu de l’article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), demandé l’annulation partielle de la décision 96/666/CE de la Commission, du 26 juin 1996, relative à des aides accordées par l’Allemagne au groupe Volkswagen pour les usines de Mosel et de Chemnitz (JO L 308, p. 46, ci-après la «décision attaquée»).

Cadre juridique

II. Par lettre du 31 décembre 1988, la Commission a informé les États membres qu’elle avait arrêté les conditions de mise en oeuvre d’un encadrement général communautaire des aides d’État dans le secteur de l’automobile (ci-après l'«encadrement communautaire»), fondé sur l’article 93, paragraphe 1, du traité CEE (devenu article 93, paragraphe 1, du traité CE, lui-même devenu article 88, paragraphe 1, CE), reproduites dans un document joint à la lettre, et a demandé aux États membres de l’informer de leur acceptation de cet encadrement dans un délai d’un mois.

III. L’encadrement communautaire a fait l’objet de la communication 89/C 23/03 (JO 1989, C 123, p. 3). Son point 2.5 dispose qu’il entrera en vigueur le 1er janvier 1989 et qu’il sera applicable pendant une période de deux ans.

IV. Selon son point 1, quatrième alinéa, l’encadrement communautaire a notamment pour objectif de soumettre l’octroi d’aides dans le secteur automobile à une discipline plus rigoureuse, de façon à garantir que la compétitivité de l’industrie communautaire ne soit pas faussée par une concurrence déloyale. La Commission y souligne qu’elle ne peut mettre en oeuvre une politique efficace que si elle est en mesure de se prononcer sur les cas individuels avant que l’aide ne soit octroyée.

V. Aux termes du point 2.2, premier alinéa, de l’encadrement communautaire:

«Toutes les aides qui doivent être octroyées par les pouvoirs publics dans le cadre d’un régime d’aide autorisé en faveur d’une (de plusieurs) entreprise(s) exerçant son (leur) activité dans le secteur automobile défini ci-dessus doivent être notifiées préalablement sur la base de l’article 93 paragraphe 3 du traité CEE si le coût du projet devant bénéficier de l’aide est supérieur à 12 millions d’écus. En ce qui concerne les aides qui doivent être accordées en dehors du cadre d’un régime autorisé, tout projet, quels que soient son coût et le niveau de l’aide, est naturellement soumis, sans aucune exception, à l’obligation de notification conformément aux dispositions de l’article 93 paragraphe 3 du traité CEE. Les États membres doivent informer la Commission, en temps utile pour permettre à celle-ci de présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides.»

VI. Le point 3 de l’encadrement communautaire, relatif aux lignes directrices pour l’appréciation des aides, précise à son troisième alinéa, deuxième tiret:

«- Aides à finalité régionale

[…]

La Commission reconnaît que l’implantation de nouvelles installations de production de véhicules automobiles et de composants et/ou l’extension des installations existantes dans des régions défavorisées peuvent apporter une contribution précieuse au développement régional. C’est pourquoi la Commission a une attitude généralement favorable à l’égard des aides à l’investissement accordées pour remédier aux handicaps structurels dont souffrent les régions défavorisées de la Communauté.

Ces aides sont généralement accordées automatiquement selon les modalités précédemment approuvées par la Commission. En demandant que ces aides soient notifiées préalablement à l’avenir, la Commission devrait se donner la possibilité de confronter les avantages sur le plan du développement régional (tels que la contribution au développement durable de la région par le biais de la création d’emplois stables et l’existence de liens avec l’économie locale et communautaire) avec les conséquences préjudiciables éventuelles sur l’ensemble du secteur (telle que la création d’une surcapacité importante). L’évaluation en question n’a pas pour but de nier la contribution essentielle des aides régionales à la cohésion au niveau communautaire, mais de garantir que d’autres éléments présentant un intérêt pour la Communauté, tels que le développement du secteur au niveau communautaire, soient eux aussi pris en considération.»

VII. Le gouvernement allemand lui ayant indiqué qu’il avait décidé de ne pas appliquer l’encadrement communautaire, la Commission a adopté, conformément à l’article 93, paragraphe 2, du traité, la décision 90/381/CEE, du 21 février 1990, relative aux régimes d’aide allemands applicables au secteur automobile (JO L 188, p. 55), dont l’article 1er dispose:

«1. À compter du 1er mai 1990, la République fédérale d’Allemagne notifie à la Commission, en application de l’article 93 paragraphe 3 du traité, toutes les aides qui doivent être accordées pour des projets dont le coût est supérieur à 12 millions d’écus au titre des régimes d’aide énumérés dans l’annexe et qui doivent être octroyées à des entreprises exerçant leur activité dans le secteur automobile, tel que celui-ci est défini au point 2.1 de l’encadrement communautaire des aides d’État dans le secteur de l’automobile. Ces notifications sont effectuées selon les modalités prévues aux points 2.2 et 2.3 de cet encadrement. En outre, la République fédérale d’Allemagne communique des rapports annuels conformément aux dispositions de l’encadrement.

2. Outre la liste non exhaustive des régimes d’aide énumérés dans l’annexe, la République fédérale d’Allemagne se conforme aux obligations visées au paragraphe 1 de l’article 1er en ce qui concerne tous les autres régimes d’aide existants qui ne sont pas mentionnés dans l’annexe et dont le secteur concerné par l’encadrement serait susceptible de bénéficier.

3. Les aides accordées au titre de la Berlin Förderungsgesetz’ à des entreprises du secteur automobile situées à Berlin sont dispensées de l’obligation de notification préalable prévue par l’encadrement, mais doivent être mentionnées dans les rapports annuels qui doivent être fournis.»

VIII. Par lettre du 2 octobre 1990, la Commission a approuvé le régime allemand d’aides régionales prévu pour l’année 1991 par le dix-neuvième programme-cadre adopté en application de la loi sur la tâche d’intérêt commun «Amélioration des structures économiques régionales» du 6 octobre 1969 (ci-après la «loi sur la tâche d’intérêt commun»), tout en rappelant la nécessité de tenir compte, lors de la mise en oeuvre des mesures envisagées, de l’encadrement communautaire existant dans certains secteurs de l’industrie. Ce programme-cadre (ci-après le «dix-neuvième programme-cadre») précise en sa partie I, point 9.3 (p. 43), que la Commission «a pris des décisions qui interdisent la mise en oeuvre d’aides d’État accordées à certains secteurs déterminés même si elles l’ont été dans le cadre de programmes approuvés (d’aides régionales par exemple), ou la soumettent à la nécessité de l’autorisation préalable de chacun des projets bénéficiaires […]

De telles règles existent dans les domaines suivants:

a) […]

— le secteur automobile, dans la mesure où le coût d’une opération bénéficiaire dépasse 12 millions d’écus».

IX. La réunification politique de l’Allemagne a été proclamée le 3 octobre 1990, entraînant l’adhésion à la République fédérale d’Allemagne de cinq nouveaux Länder issus de l’ancienne République démocratique allemande, parmi lesquels le Freistaat Sachsen.

X. Par lettre du 31 décembre 1990, la Commission a informé les États membres qu’elle estimait nécessaire de proroger l’encadrement communautaire.

XI. Cette décision de la Commission a également fait l’objet de la communication 91/C 81/05 (JO 1991, C 81, p. 4), qui prévoit à ses quatrième et cinquième alinéas:

«[…] la Commission estime nécessaire de proroger l’encadrement des aides d’État dans le secteur de l’automobile. La seule modification que la Commission a arrêtée consiste à étendre l’obligation de notification préalable pour la République fédérale d’Allemagne à Berlin (Ouest) et au territoire de l’ancienne République démocratique allemande ([l’a]rticle 1er paragraphe 3 de la décision [90/381] cesse d’être applicable à partir du 1er janvier 1991).

Après deux ans d’application, l’encadrement sera réexaminé par la Commission. Si des modifications (ou l’abrogation éventuelle de l’encadrement) se révèlent nécessaires, la Commission prendra les décisions appropriées après consultation des États membres.»

XII. Par lettres des 5 décembre 1990 et 11 avril 1991 adressées au gouvernement allemand, la Commission a approuvé l’application de la loi sur la tâche d’intérêt commun aux nouveaux Länder, en rappelant à nouveau la nécessité de tenir compte, lors de la mise en oeuvre des mesures envisagées, de l’encadrement communautaire existant dans certains secteurs de l’industrie. De même, elle a approuvé, par lettre du 9 janvier 1991, l’extension des régimes existants d’aides régionales aux nouveaux Länder, en précisant que les dispositions de l’encadrement communautaire devaient être respectées.

XIII. Le 23 décembre 1992, la Commission a décidé que l’encadrement communautaire ne serait pas modifié et qu’il resterait valable jusqu’à ce qu’elle organise une prochaine révision. Cette décision a fait l’objet de la communication 93/C 36/06 (JO 1993, C 36, p. 17).

XIV. Par l’arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C-135/93, Rec. p. I-1651, point 39), la Cour a constaté que ladite décision devait être interprétée comme n’ayant prorogé l’encadrement communautaire que jusqu’à son prochain réexamen, lequel, comme les précédents, devait avoir lieu à l’issue d’une nouvelle période d’application de deux ans, expirant le 31 décembre 1994.

XV. À la suite du prononcé de cet arrêt, la Commission a, par lettre du 6 juillet 1995, informé les États membres que, dans l’intérêt communautaire, elle avait décidé, le 5 juillet 1995, de proroger sa décision du 23 décembre 1992, avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 1995, de sorte que l’encadrement communautaire restait d’application sans interruption. La Commission précisait que cette prorogation prendrait fin dès que la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 1, du traité, qu’elle avait décidé d’engager simultanément, aurait abouti. Cette décision, qui a fait l’objet de la communication 95/C 284/03 (JO 1995, C 284, p. 3), a été annulée par l’arrêt du 15 avril 1997, Espagne/Commission (C-292/95, Rec. p. I-1931).

XVI. Par une seconde lettre du 6 juillet 1995, la Commission a, par ailleurs, informé les États membres de sa décision du 5 juillet 1995 de leur proposer, à la suite de l’arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission, précité, de rétablir l’encadrement communautaire pour une période de deux ans, tout en y apportant certaines modifications et, notamment, une augmentation du seuil de notification à 17 millions d’écus. Le nouveau texte de l’encadrement communautaire proposé prévoyait, en son point 2.5: «L’encadrement entrera en vigueur lorsque tous les États membres auront communiqué leur accord ou au plus tard le 1er janvier 1996. Tous les projets d’aide pour lesquels la collectivité publique compétente n’aura pas encore accordé d’autorisation définitive à cette date devront faire l’objet d’une notification préalable».

XVII. Le gouvernement allemand a donné son accord à ce rétablissement de l’encadrement communautaire par lettre du 15 août 1995.

Faits à l’origine du litige

XVIII. À la suite de l’entrée en vigueur de l’union économique, monétaire et sociale entre la République fédérale d’Allemagne et la République démocratique allemande, le 1er juillet 1990, la demande et la production de véhicules Trabant en Saxe (Allemagne) se sont effondrées. Afin de sauvegarder l’industrie automobile de cette région, Volkswagen AG (ci-après «Volkswagen») a entamé des négociations avec la Treuhandanstalt (l’organisme de droit public chargé de restructurer les entreprises de l’ancienne République démocratique allemande, ci-après la «THA»), qui ont abouti à un accord de principe en octobre 1990. Cet accord prévoyait, notamment:

— la création en commun d’une société chargée de maintenir les emplois («Beschäftigungsgesellschaft»), Sächsische Automobilbau GmbH (ci-après «SAB»), dont 87,5 % du capital social étaient initialement détenus par la THA et 12,5 % par Volkswagen;

— la reprise par SAB des ateliers de peinture (alors en voie de construction) et de montage final existant sur le site de Mosel (Allemagne) (ci-après «Mosel I»);

— la reprise par Volkswagen Sachsen GmbH (ci-après «VW Sachsen»), filiale en propriété exclusive de Volkswagen, d’une usine de production de moteurs existant sur le site de Chemnitz (Allemagne) (ci-après «Chemnitz I»);

— la reprise par VW Sachsen de la production de culasses sur le site d’Eisenach (Allemagne);

— la réalisation par VW Sachsen d’une nouvelle usine de construction automobile à Mosel, comprenant les quatre activités principales de la fabrication, à savoir l’emboutissage, la carrosserie brute, la peinture et le montage final (ci-après «Mosel II»), et d’une nouvelle usine de production de moteurs à Chemnitz (ci-après «Chemnitz II»).

XIX. Initialement, il était entendu que la reprise et la restructuration de Mosel I et de Chemnitz I constituaient une solution transitoire, destinée à éviter le chômage de la main-d’oeuvre existante, dans l’attente de l’entrée en service de Mosel II et de Chemnitz II, prévue pour 1994.

XX. Par lettre du 19 septembre 1990, la Commission a demandé au gouvernement allemand de lui notifier, conformément à l’encadrement communautaire, les aides d’État à ces projets d’investissement. Par lettres des 14 décembre 1990 et 14 mars 1991, la Commission a insisté sur le fait que ces aides ne pouvaient pas être mises en oeuvre sans lui avoir été notifiées et avoir reçu son approbation. Cette question a également été inscrite à l’ordre du jour de deux réunions bilatérales tenues à Bonn (Allemagne) les 31 janvier et 7 février 1991.

Les décrets du 22 mars 1991

XXI. Le 22 mars 1991, le ministère de l’Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté, en vertu de la loi sur la tâche d’intérêt commun, deux décrets prévoyant l’octroi de certaines primes à l’investissement à VW Sachsen en rapport avec Mosel II et Chemnitz II (ci-après les «décrets de 1991»). Le montant prévu de ces primes s’élevait au total à 757 millions de DEM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1994, et à 147 millions de DEM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1996.

XXII. Le 18 mars 1991, le Finanzamt Zwickau-Land a adressé à VW Sachsen une décision prévoyant l’octroi de certaines subventions d’investissement, conformément à l’Investitionszulagengesetz (loi allemande sur les subventions à l’investissement) de 1991.

XXIII. Le groupe Volkswagen a également sollicité la possibilité de procéder à des amortissements exceptionnels, conformément au Fördergebietsgesetz (loi allemande sur les zones habilitées à recevoir des aides) de 1991.

XXIV. Par lettre du 25 mars 1991, les autorités allemandes ont fourni à la Commission certains renseignements concernant les aides visées aux points 21 à 23 du présent arrêt, tout en indiquant qu’elles ne disposaient pas encore d’informations plus précises et qu’il était prévu de les accorder dans le cadre des régimes d’aides approuvés par la Commission pour les nouveaux Länder. Par lettre du 17 avril 1991, la Commission a indiqué que la lettre des autorités allemandes du 25 mars 1991 constituait une notification en application des dispositions de l’article 93, paragraphe 3, du traité, mais que des compléments d’information étaient nécessaires.

XXV. Par lettre du 29 mai 1991, les autorités allemandes ont, notamment, fait valoir que l’encadrement communautaire n’était pas applicable aux nouveaux Länder entre le 1er janvier et le 31 mars 1991, au motif qu’il n’aurait été applicable que pendant une durée de deux ans expirant le 31 décembre 1990 et que sa prorogation n’aurait été acceptée qu’en avril 1991. Les aides litigieuses ayant été approuvées avant le 31 mars 1991, les différents dossiers y afférents ne pouvaient plus, selon ces autorités, être examinés par la Commission que par référence au régime d’aides régionales (voir point 8 du présent arrêt). La Commission a réfuté les arguments des autorités allemandes lors d’une réunion qui s’est déroulée le 10 juillet 1991 et a demandé des renseignements complémentaires détaillés par lettre du 16 juillet 1991. À la suite de la réponse du gouvernement allemand du 17 septembre 1991, la Commission a posé de nouvelles questions par lettre du 27 novembre 1991.

XXVI. En octobre et en décembre 1991, le groupe Volkswagen a perçu en rapport avec Mosel II et Chemnitz II des primes à l’investissement d’un montant de 360,8 millions de DEM et des subventions d’investissement d’un montant de 10,6 millions de DEM.

XXVII. Par décision du 18 décembre 1991, qui a fait l’objet de la communication 92/C 68/04 (JO 1992, C 68, p. 14) et a été notifiée au gouvernement allemand le 14 janvier 1992, la Commission a ouvert la procédure d’examen, conformément à l’article 93, paragraphe 2, du traité, de la compatibilité avec le marché commun des diverses aides destinées à financer les investissements dans Mosel I et II, Chemnitz I et II ainsi que dans l’usine d’Eisenach.

XXVIII. Dans cette décision, la Commission a notamment conclu:

«[…] les aides proposées par les autorités allemandes suscitent de graves préoccupations pour les raisons suivantes:

— elles n’ont pas été dûment notifiées à la Commission selon la procédure prévue à l’article 93 paragraphe 3 du traité CEE,

— l’intensité apparemment élevée de l’aide qui est proposée pour un projet prévoyant un développement de capacité important sur le marché automobile européen pourrait provoquer une distorsion injustifiée de la concurrence,

— la Commission n’a pas reçu jusqu’à présent assez d’informations justifiant l’intensité relativement élevée de l’aide régionale, l’octroi d’aides indirectes à l’investissement par la THA et l’octroi, également par la THA, d’une aide au fonctionnement temporaire au regard des problèmes structurels et économiques auxquels [le groupe Volkswagen] est indubitablement confronté dans les nouveaux Länder; au contraire, l’intensité globale de l’aide pourrait être excessive et incompatible avec les critères de l’encadrement communautaire des aides dans ce secteur.»

XXIX. Par lettre du 29 janvier 1992, le gouvernement allemand s’est déclaré prêt à suspendre tous les versements d’aides jusqu’à ce que la procédure d’examen soit close.

XXX. Par lettre du 24 avril 1992, la Commission a demandé aux autorités allemandes, à la THA et à Volkswagen de lui fournir des renseignements complémentaires. Donnant suite à une réunion du 28 avril 1992 et aux lettres de la Commission des 14 mai, 5 juin, 21 août et 17 novembre 1992, les autorités allemandes ont fourni des informations supplémentaires par lettres des 20 mai, 3 et 12 juin, 20 et 29 juillet, 8 et 25 septembre, 16 et 21 octobre, 4 et 25 novembre 1992, de même que Volkswagen par lettres des 15 juin et 30 octobre 1992, 12 et 20 juin 1993. Les parties se sont également réunies les 16 juin, 9 septembre, 12 et 16 octobre, 3 décembre 1992, 8 et 11 juin 1993.

XXXI. Le 13 janvier 1993, Volkswagen a décidé de reporter une grande partie des investissements initialement prévus dans les usines de Mosel et de Chemnitz. Elle prévoyait, désormais, que l’atelier de peinture et la chaîne de montage final de Mosel II ne deviendraient opérationnels qu’en 1997 et que l’unité de production de moteurs de Chemnitz II n’entrerait en service qu’en 1996. La Commission a donné son accord pour revoir son appréciation sur la base des nouveaux projets d’investissement de Volkswagen.

Les décrets du 30 mars 1993

XXXII. Le 30 mars 1993, le ministère de l’Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté deux décrets modifiant les décrets de 1991 (ci-après les «décrets de 1993»). Le montant total des primes à l’investissement désormais prévu s’élevait à 708 millions de DEM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1997, et à 195 millions de DEM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1992 à 1997.

XXXIII. Certains détails des nouveaux projets d’investissement de Volkswagen ont été présentés à la Commission au cours d’un entretien qui s’est déroulé le 5 mai 1993. Par lettre du 6 juin 1993, le gouvernement allemand a également communiqué certaines informations sur ceux-ci, que Volkswagen a complétées par lettres des 24 juin et 6 juillet 1993 ainsi que par télécopie du 10 novembre 1993. Ces nouvelles données ont, en outre, été examinées au cours d’entretiens qui ont eu lieu les 18 mai, 10 juin, 2 et 22 juillet 1993. De nouvelles informations sur les capacités de production prévues par Volkswagen ont été fournies dans une lettre de ce gouvernement du 15 février 1994 et par télécopie du 25 février 1994.

XXXIV. La Commission a également recueilli de nouvelles données sur ces projets lors d’une visite des sites au début du mois d’avril 1994 et au cours d’entretiens qui ont eu lieu les 11 mai, 2, 7 et 24 juin 1994. En outre, des documents lui ont été remis à l’occasion de ces entretiens et d’autres lui ont été transmis par les autorités allemandes et par Volkswagen les 10 mai, 30 juin, 4 et 12 juillet 1994.

Les décrets du 24 mai 1994

XXXV. Le 24 mai 1994, le ministère de l’Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté deux décrets modifiant les décrets de 1991 et de 1993 (ci-après les «décrets de 1994»). Le montant total des primes à l’investissement désormais prévu s’élevait à 648 millions de DEM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1997, et à 167 millions de DEM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1992 à 1997.

XXXVI. Par convention du 21 juin 1994, complétée par un avenant du 1er novembre 1994, Volkswagen a acquis de la THA les 87,5 % des parts du capital social de SAB qu’elle ne détenait pas encore.

La décision 94/1068/CE de la Commission

XXXVII. Le 27 juillet 1994, la Commission a adopté la décision 94/1068/CE, concernant des aides à l’investissement accordées au groupe Volkswagen dans les nouveaux Länder allemands (JO L 385, p. 1, ci-après la «décision Mosel I»). Au point IV, quatrième alinéa, des motifs de cette décision, la Commission a constaté:

«Lors de l’ouverture de la procédure, la Commission avait considéré l’ensemble des projets d’investissement de Volkswagen en Saxe comme un tout et elle voulait donc prendre une décision sur l’ensemble des éléments d’aide. En 1993, Volkswagen a reporté les investissements relatifs aux nouvelles installations, mais en faisant toutefois valoir que les techniques de fabrication, le travail fourni ainsi que d’autres paramètres décisifs ne s’en trouvaient pas affectés. Une visite des usines effectuée cette année-là a toutefois montré, ce qu’ont confirmé les experts, qu’une telle conception n’était plus valable. Volkswagen a d’ailleurs admis que les anciens projets étaient désormais dépassés et qu’elle était en train d’en concevoir de nouveaux. Les nouveaux projets pour les usines de construction de véhicules et de moteurs Mosel II et Chemnitz II sont étroitement liés à la production de la Golf A 4, qui doit débuter au moment où l’usine de Mosel II deviendra opérationnelle, c’est-à-dire en 1997. La version définitive des nouveaux projets ne sera disponible que fin 1994. D’après ce que l’on sait, ils contiennent des modifications fondamentales sur le plan technologique et sur celui des structures de production. Il est clair que le lien qui existait à l’origine entre les investissements dans les anciennes usines de la Treuhand et les projets de nouvelles constructions sur un site vierge a été supprimé. La Commission a donc décidé de ne s’occuper, dans un premier temps, que des aides à la restructuration pour les usines existantes, car elle peut se faire une image précise de la situation à l’aide des informations disponibles, et de ne prendre une décision sur les nouveaux projets que lorsque Volkswagen et l’Allemagne pourront présenter des plans d’aide et d’investissement définitifs. […]»

XXXVIII. Il ressort de la décision Mosel I que les ateliers de peinture et de montage final de Mosel I ont été modernisés et transformés conformément à l’accord conclu avec la THA (voir point 18 du présent arrêt). Dans une période initiale courant jusqu’en 1992, Mosel I a été utilisée pour l’assemblage final des modèles VW Polo et Golf A 2, dont les éléments étaient fabriqués ailleurs par d’autres usines du groupe Volkswagen et livrés à Mosel en pièces détachées. À partir du mois de juillet 1992, l’utilisation combinée des ateliers de peinture et de montage final de Mosel I, dont la transformation venait d’être achevée, et du nouvel atelier de carrosserie de Mosel II, qui venait d’entrer en service, a permis le démarrage de la production du modèle Golf A 3 à Mosel, les opérations d’emboutissage se faisant ailleurs. Par la suite, la logistique a été transférée du site de Wolfsburg (Allemagne) à Mosel I en janvier 1993 et de nouvelles entreprises de sous-traitants, capables de fournir les pièces nécessaires à Mosel I et à Chemnitz I, se sont implantées à proximité. Le nouvel atelier d’emboutissage de Mosel II a commencé à fonctionner en mars 1994, près de Mosel I.

XXXIX. C’est dans ces conditions que, à l’article 1er de la décision Mosel I, la Commission a notamment déclaré compatibles avec le marché commun différentes aides accordées jusqu’à la fin de 1993, date à laquelle la restructuration devait être achevée, à concurrence de 487,3 millions de DEM pour Mosel I et de 84,8 millions de DEM pour Chemnitz I. En revanche, certaines aides allouées postérieurement ont été déclarées incompatibles avec le marché commun, notamment celles qualifiées d’aides à des investissements de remplacement et de modernisation qui, selon la décision Mosel I, ne sauraient être autorisées au titre de l’encadrement communautaire (voir points IX et X des motifs de la décision Mosel I).

XL. Par la suite, le gouvernement allemand a informé la Commission, à plusieurs reprises, de retards intervenus dans la réalisation de Mosel II et de Chemnitz II. Dans une lettre du 12 avril 1995, la Commission a rappelé aux autorités allemandes qu’elles étaient tenues de lui communiquer les projets de Volkswagen pour ces nouvelles usines, de façon qu’elle puisse procéder à l’examen des aides les concernant. Cette lettre est restée sans réponse. Par lettre du 4 août 1995, la Commission a demandé que les informations nécessaires lui soient communiquées dans les plus brefs délais et annoncé qu’elle adopterait une décision provisoire, suivie d’une décision définitive, sur la base des éléments dont elle disposait, au cas où la République fédérale d’Allemagne ne satisferait pas à cette demande. En réponse à cette lettre, le gouvernement allemand a informé la Commission, par lettre du 22 août 1995, que les projets d’investissement de Volkswagen n’étaient toujours pas finalisés.

XLI. Le 31 octobre 1995, la Commission a adopté la décision 96/179/CE, enjoignant au gouvernement allemand de fournir tous les documents, informations et données concernant les projets de nouveaux investissements du groupe Volkswagen dans les nouveaux Länder allemands et les aides prévues en faveur de ces investissements (JO 1996, L 53, p. 50).

XLII. À la suite de cette décision, certaines informations relatives à ces projets et à la capacité de production ont été communiquées à la Commission au cours d’un entretien du 20 novembre 1995. Elles ont été confirmées par lettre du 13 décembre 1995 et explicitées lors d’une visite des sites, les 21 et 22 décembre 1995. Le 15 janvier 1996, la Commission a posé d’autres questions aux autorités allemandes. Après un entretien du 23 janvier 1996, la plupart des informations manquantes lui ont été communiquées par lettres des 1er et 12 février 1996.

Les décrets du 21 février 1996

XLIII. Le 21 février 1996, le ministère de l’Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté deux décrets modifiant les décrets de 1991, 1993 et 1994. Le montant total des primes à l’investissement désormais prévu s’élevait à 499 millions de DEM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1997, et à 109 millions de DEM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1992 à 1997.

XLIV. Par lettre du 23 février 1996, la Commission a rappelé aux autorités allemandes qu’il lui manquait encore certaines informations. Celles-ci lui ont été communiquées lors d’un entretien du 25 mars 1996 et ont été discutées les 2 et 11 avril 1996. Un nouvel entretien a eu lieu le 29 mai 1996.

La décision attaquée

XLV. Le 26 juin 1996, la Commission a adopté la décision attaquée qui prévoit, en son dispositif:

«Article premier

Les aides suivantes, que l’Allemagne prévoit d’accorder pour différents projets d’investissement de Volkswagen […] en Saxe, sont compatibles avec l’article 92 paragraphe 3 point c) du traité et l’article 61 paragraphe 3 point c) de [l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l'«accord EEE»)]:

— les aides accordées par l’Allemagne [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d’investissement à Mosel (Mosel II) et Chemnitz (Chemnitz II), sous forme de primes à l’investissement, à concurrence de 418,7 millions de marks allemands,

— les aides accordées par l’Allemagne [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d’investissement à Mosel (Mosel II) et Chemnitz (Chemnitz II), sous forme de subventions d’investissement, à concurrence de 120,4 millions de marks allemands.

Article 2

Les aides suivantes, que l’Allemagne prévoit d’accorder pour les différents projets d’investissement de Volkswagen […] en Saxe, sont incompatibles avec l’article 92 paragraphe 3 point c) du traité et l’article 61 paragraphe 3 point c) de l’accord EEE et ne peuvent donc pas être accordées:

— les aides à l’investissement accordées [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d’investissement à Mosel II et Chemnitz II sous forme d’amortissements exceptionnels sur investissements dans le cadre de la loi allemande sur les zones pouvant bénéficier d’une aide, d’un montant nominal de 51,67 millions de marks allemands,

— la proportion des aides à l’investissement accordées [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d’investissement à Mosel II sous forme de primes à l’investissement qui excède le montant mentionné à l’article 1er premier tiret, soit 189,1 millions de marks allemands.

Article 3

L’Allemagne s’assure que la capacité des usines de Mosel ne dépassera pas, en 1997, 432 unités par jour […]

L’Allemagne transmet par ailleurs à la Commission, en les assortissant d’explications, des rapports annuels sur la réalisation des investissements éligibles, qui s’élèvent à 2 654,1 millions de marks allemands [dans] Mosel II et Chemnitz II, et sur les aides effectivement versées, afin de garantir que l’intensité cumulée effective des aides, exprimée en équivalent-subvention brut, ne dépasse pas 22,3 % pour Mosel II et 20,8 % pour Chemnitz II. […]

Article 4

L’Allemagne informe la Commission, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu’elle aura prises pour s’y conformer.

Article 5

La République fédérale d’Allemagne est destinataire de la présente décision.»

XLVI. À la suite d’une lettre adressée par le président du directoire de Volkswagen au ministre-président du Freistaat Sachsen, le 8 juillet 1996, le Freistaat Sachsen a versé à Volkswagen, en juillet 1996, la somme de 90,7 millions de DEM au titre des primes à l’investissement qui avaient été déclarées incompatibles avec le marché commun par la décision attaquée.

Sur la procédure

XLVII. Par requêtes respectivement déposées au greffe du Tribunal de première instance les 26 août et 13 septembre 1996, le Freistaat Sachsen, d’une part, ainsi que Volkswagen et VW Sachsen, d’autre part, ont introduit deux recours en annulation partielle de la décision attaquée, enregistrés, respectivement, sous les numéros T-132/96 et T-143/96.

XLVIII. Par le présent recours, enregistré au greffe de la Cour le 16 septembre 1996, la République fédérale d’Allemagne a introduit une action à l’encontre de cette même décision.

XLIX. Par ordonnance du 4 février 1997, la Cour a suspendu la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé des arrêts du Tribunal dans les affaires T-132/96 et T-143/96.

L. Par ordonnance du président de la Cour du 13 mars 2000, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été admis à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

LI. Par arrêt du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission (T-132/96 et T-143/96, Rec. p. II-3663, ci-après l'«arrêt du Tribunal»), le Tribunal a rejeté les recours visés au point 47 du présent arrêt.

LII. Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 23 février 2000, le Freistaat Sachsen, d’une part, ainsi que Volkswagen et VW Sachsen, d’autre part, ont formé deux pourvois contre l’arrêt du Tribunal, respectivement enregistrés sous les numéros C-57/00 P et C-61/00 P.

Sur le fond

LIII. La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour d’annuler, en premier lieu, l’article 2 de la décision attaquée, en second lieu, l’article 1er de cette décision, dans la mesure où les subventions d’investissement et les primes à l’investissement déclarées compatibles avec le marché commun sont respectivement limitées à 418,7 millions et à 120,4 millions de DEM, ainsi que, en dernier lieu, l’article 3, second alinéa, de cette même décision, dans la mesure où l’intensité cumulée effective des aides, exprimée en équivalent-subvention brut, serait limitée à 22,3 % pour Mosel II et à 20,8 % pour Chemnitz II. Cet État membre demande également la condamnation de la Commission aux dépens.

LIV. À l’appui de sa requête, la République fédérale d’Allemagne invoque plusieurs moyens d’annulation tirés respectivement de la violation de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité CE [devenu, après modification, article 87, paragraphe 2, sous c), CE], de l’obligation de motivation prévue à l’article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), de l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité, de l’article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, de l’article 92, paragraphe 3, du traité, du caractère incompréhensible et de l’inexactitude de l’analyse des coûts et des bénéfices opérée par la Commission ainsi que, en dernier lieu, du principe de protection de la confiance légitime .

LV. La Commission demande à la Cour de rejeter le recours comme non fondé et de condamner la requérante aux dépens.

LVI. Au stade de la réplique, la République fédérale d’Allemagne s’est désistée de deux moyens, à savoir celui tiré de la violation de l’article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et celui tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité

LVII. Le gouvernement allemand, se fondant sur plusieurs données (productivité, taux d’exportation marginal de l’Allemagne de l’Est, écart entre la demande intérieure et la production locale, croissance du produit intérieur brut, produit intérieur brut par habitant et taux de chômage), considère que, en 1996 et pour une période indéterminée, l’Allemagne de l’Est a été affectée par les désavantages graves causés par la division de l’Allemagne.

LVIII. Selon ce gouvernement, sont compatibles avec le marché commun les aides accordées, dès lors que les conditions imposées par l’article 92 du traité sont remplies, ce qui serait le cas en l’espèce.

LIX. Or, la Commission aurait, dans la décision attaquée, délibérément refusé d’appliquer cette règle au motif que les dérogations à l’interdiction des aides d’État seraient d’interprétation stricte. Sans contester l’exigence d’une telle interprétation des dérogations, le gouvernement allemand fait grief à la Commission d’avoir réduit au maximum la portée de la dérogation prévue par les dispositions de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, portant ainsi atteinte à leur effet utile.

LX. Il rappelle que ces dispositions ont été maintenues, même après la réunification allemande, dans le traité sur l’Union européenne, dans le traité d’Amsterdam et dans l’accord EEE, ce qui tendrait à prouver que les auteurs de ces traités et de cet accord ont conçu ladite dérogation comme étant destinée à surmonter la situation spéciale résultant de la division politique et économique de l’Allemagne.

LXI. Dans le cadre de l’application de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, la Commission devrait se contenter de vérifier que les autorités nationales n’en ont pas fait une application abusive, en particulier de vérifier que l’aide est destinée à compenser les désavantages économiques liés à la division de l’Allemagne, ce que la Commission n’aurait précisément pas fait en l’espèce.

LXII. En outre, il ressortirait d’une comparaison des termes employés au point c) de l’article 92, paragraphe 2, du traité («compenser les désavantages») avec ceux employés à son point b) («remédier aux dommages causés») que, dans la situation visée par la première disposition, les désavantages économiques ne sont pas survenus à la suite d’un événement unique et soudain, mais se sont produits progressivement, en raison du développement séparé de l’Allemagne de l’Est et de l’Allemagne de l’Ouest.

LXIII. En l’occurrence, la Commission aurait exercé ses pouvoirs de contrôle de manière excessive et se serait abstenue à dessein d’examiner la nécessité de compenser les désavantages économiques liés à la division de l’Allemagne.

Appréciation de la Cour

LXIV. Les dispositions de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité précisent que sont compatibles avec le marché commun «les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division».

LXV. Ces dispositions n’ayant été abrogées, après la réunification de l’Allemagne, ni par le traité sur l’Union européenne ni par le traité d’Amsterdam, il ne saurait être présumé, eu égard à la portée objective des règles du droit communautaire, qu’elles sont devenues sans objet depuis cette réunification (voir arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98, Rec. p. I-6857, points 47 et 48, et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, C-334/99, Rec. p. I-1139, point 116).

LXVI. Cependant, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 92, paragraphe 1, du traité, le paragraphe 2, sous c), de cet article doit faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 49).

LXVII. À cet égard, la Cour a déjà jugé, dans les arrêts précités du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission (point 52), et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (point 120), que les termes «division de l’Allemagne» se réfèrent, historiquement, à l’établissement en 1948 de la ligne de partage entre les deux zones occupées et que, dès lors, les «désavantages économiques causés par cette division» ne sauraient viser que les désavantages économiques provoqués dans certaines régions allemandes par l’isolement qu’a engendré l’établissement de cette frontière physique, tels que la rupture des voies de communication ou la perte de débouchés faisant suite à l’interruption des relations commerciales entre les deux parties du territoire allemand.

LXVIII. Le gouvernement allemand, notamment lors de la procédure orale, a contesté cette interprétation dégagée par la Cour et a proposé, en substance, que la notion de «désavantages économiques visés par cette division» au sens de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité s’applique aux aides nécessaires pour compenser les retards de développement économique dont la cause pourrait être attribuée au régime politico-économique ayant existé sur le territoire des nouveaux Länder.

LXIX. Cette interprétation de la notion de désavantages économiques causés par la division de l’Allemagne ne saurait être accueillie.

LXX. En effet, la conception du gouvernement allemand, selon laquelle l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité permettrait de compenser intégralement le retard économique, tout incontestable qu’il soit, dont souffrent les nouveaux Länder, méconnaîtrait tant le caractère dérogatoire de cette disposition que son contexte et les objectifs qu’elle poursuit (voir arrêt du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, précité, point 121).

LXXI. À cet égard, il convient de rappeler l’exigence d’une interprétation stricte d’une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché commun des aides d’État (voir point 66 du présent arrêt).

LXXII. Dès lors, ainsi qu’il découle clairement du point 54 de l’arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par la division géographique de l’Allemagne.

LXXIII. Il s’ensuit que l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité ne saurait être interprété comme couvrant des situations qui ne sont pas des séquelles directes de l’existence antérieure d’une frontière interallemande, mais qui sont, dans une large mesure, le résultat concret des politiques économiques menées par la République démocratique allemande.

LXXIV. L’interprétation de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité soutenue par le gouvernement allemand aurait donc pour conséquence de rompre le lien direct qui doit nécessairement exister entre le désavantage économique et la division géographique de l’Allemagne.

LXXV. Les différences de développement entre les anciens et les nouveaux Länder s’expliquent par des causes autres que la coupure géographique résultant de la division de l’Allemagne et, notamment, par les régimes politico-économiques différents mis en place dans les deux parties de l’Allemagne.

LXXVI. Il s’ensuit que, le gouvernement allemand n’ayant pas établi que les aides étaient nécessaires pour compenser un désavantage économique causé par la division géographique de l’Allemagne, il n’a, partant, pas démontré que la Commission avait commis une violation de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.

LXXVII. Au demeurant, ce gouvernement soutient, cependant, que, dans le passé, cette disposition n’a pas été uniquement interprétée par la Commission comme une règle destinée à compenser des désavantages résultant directement de la frontière entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est, mais également comme une disposition destinée à surmonter les conséquences économiques de la division de l’Allemagne en différentes zones économiques. Il renvoie à cet égard à la décision de la Commission, du 11 décembre 1964, relative aux aides destinées à faciliter l’intégration de la Sarre dans l’économie de la République fédérale d’Allemagne (Bulletin de la Communauté économique européenne 2-1965, p. 33, ci-après la «décision relative à la Sarre»).

LXXVIII. Il ressort de cette décision que la Commission a autorisé, soit en vertu de l’article 92, paragraphe 2, sous b), du traité, soit en vertu de l’article 92, paragraphe 2, sous c), de celui-ci, certaines aides en faveur, en premier lieu, des expulsés, réfugiés et victimes de la guerre ou des démontages, en deuxième lieu, des régions frontalières de la zone soviétique, en troisième lieu, de Berlin (Allemagne), en raison de sa situation particulière, et, en dernier lieu, en faveur de la Sarre, en vue de faciliter son intégration dans la République fédérale d’Allemagne.

LXXIX. Toutefois, contrairement à ce que prétend le gouvernement allemand, ces aides n’ont pas été accordées au seul bénéfice de la Sarre et, en particulier, la base juridique sur laquelle s’est fondée la Commission pour l’autorisation des aides accordées à ce Land n’est pas clairement précisée. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 71 de ses conclusions dans les affaires Freistaat Sachsen e.a./Commission (arrêt de ce jour, C-57/00 P et C-61/00 P), l’article 92, paragraphe 2, sous b), du traité et l’article 92, paragraphe 2, sous c), de celui-ci sont mentionnés à titre d’alternative et, comme la décision relative à la Sarre se réfère également à des aides en faveur de régions frontalières de la zone soviétique et de Berlin, il n’est pas possible de déduire de la référence à l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité que cette référence ait été faite uniquement par rapport à la Sarre, alors qu’elle pourrait n’avoir été faite qu’en rapport avec les régions frontalières de la zone soviétique et Berlin.

LXXX. En tout état de cause, il y a lieu de relever que, quelle que soit l’interprétation donnée par la Commission de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité dans le passé, celle-ci ne saurait affecter le bien-fondé de l’interprétation de la Commission de la même disposition dans la décision attaquée et, partant, sa validité.

LXXXI. En effet, c’est dans le seul cadre de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité que la validité de la décision attaquée doit être examinée et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure.

LXXXII. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 190 du traité

Sur la prétendue absence de motivation de la décision au regard de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité

LXXXIII. Par la première branche du deuxième moyen, le gouvernement allemand fait grief à la Commission de n’avoir motivé la décision attaquée qu’au regard de l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, alors qu’il aurait indiqué qu’il considérait que l’article 92, paragraphe 2, sous c), de celui-ci constituait la base juridique déterminante. À cet égard, selon ledit gouvernement, la Commission, sans fournir aucune motivation, se serait contentée d’invoquer la nécessité d’une interprétation stricte de cette dernière disposition et de renvoyer au fait que celle-ci ne devrait pas être appliquée à des aides régionales en faveur de nouveaux projets d’investissement.

LXXXIV. Or, selon le gouvernement allemand, il résulte d’une jurisprudence constante que l’étendue de l’obligation de motivation dépend notamment de la nature de l’acte en cause. Cette obligation serait soumise à des conditions particulièrement sévères en ce qui concerne les décisions adressées à des destinataires spécifiques, afin que la Cour puisse exercer son contrôle et que tant les États membres que les ressortissants intéressés connaissent les conditions dans lesquelles les institutions communautaires ont fait application du traité. Cette motivation serait d’autant plus importante en l’occurrence que, outre un État membre, les autorités d’un Land et une société privée étaient concernées.

LXXXV. Ce gouvernement ajoute que le renvoi par la Commission à d’autres décisions, qui seraient également entachées d’un vice de motivation, n’est pas de nature à rendre la décision attaquée intelligible aux intéressés.

LXXXVI. Selon la Commission, la décision attaquée est suffisamment motivée dès lors qu’elle s’inscrit dans un contexte qui était largement connu du gouvernement allemand.

— Appréciation de la Cour

LXXXVII. Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

LXXXVIII. Il est vrai que la décision attaquée comporte un exposé sommaire des motifs pour lesquels la Commission a refusé d’appliquer la dérogation prévue à l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité aux faits de l’espèce.

LXXXIX. Toutefois, il convient de souligner que la décision attaquée a été adoptée dans un contexte bien connu du gouvernement allemand et qu’elle se place dans une pratique décisionnelle constante.

XC. À cet égard, il convient de souligner que, dans ses rapports avec la Commission, le gouvernement allemand s’est, depuis 1990, référé à diverses reprises aux dispositions de l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, en insistant sur leur importance pour le relèvement économique des nouveaux Länder.

XCI. Les thèses invoquées à cet égard par le gouvernement allemand ont été rejetées par diverses décisions de la Commission, telles que la décision 94/266/CE, du 21 décembre 1993, concernant un projet d’aide à SST-Garngesellschaft mbH, Thuringe (JO 1994, L 114, p. 21), la décision Mosel I et la décision 94/1074/CE, du 5 décembre 1994, concernant un projet d’aide de l’Allemagne en faveur de Textilwerke Deggendorf GmbH, Thuringe (JO L 386, p. 13).

XCII. Eu égard à ce contexte, la décision attaquée pouvait être motivée d’une manière sommaire (arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31, et du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 105).

XCIII. En l’occurrence, il y a lieu de constater que, bien que la motivation soit sommaire, la décision attaquée était suffisamment motivée.

XCIV. Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

Sur le prétendu caractère contradictoire de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la nature de l’investissement

XCV. Par la seconde branche du deuxième moyen, le gouvernement allemand prétend que la motivation de la décision attaquée est contradictoire. Or, il est, selon ce gouvernement, de jurisprudence constante que les décisions doivent comporter une motivation claire, univoque et exempte de toute contradiction, permettant ainsi aux juridictions de procéder à un contrôle juridique.

XCVI. Selon lui, la décision attaquée revêt un caractère ambigu et contradictoire, dans la mesure où, alors que, au point XII des motifs de cette décision, la Commission aurait évoqué l’existence d’une extension de capacités existantes, elle aurait, en revanche, considéré, aux points III, cinquième alinéa, et V de ces motifs, le projet comme un projet uniforme, dont l’achèvement faisait encore défaut et qui était donc reporté. Il ne serait pas possible de traiter le même processus d’investissement en le considérant à la fois comme mené à terme et ainsi susceptible de faire l’objet d’une extension et comme non mené à terme mais simplement reporté.

— Appréciation de la Cour

XCVII. À cet égard, il convient de relever qu’il est constant que, en 1993, Volkswagen a décidé de reporter une partie du projet d’investissement initialement prévu.

XCVIII. En revanche, la notion «d’extension d’investissement» ne se réfère nullement au calendrier d’exécution du projet proprement dit. Ce concept doit être mis en perspective avec celui d’investissement «en rase campagne».

XCIX. Il ressort clairement du point XII, huitième alinéa, des motifs de la décision attaquée que, par investissement ou site en rase campagne, il faut entendre «non seulement que l’usine se trouve en rase campagne, mais aussi qu’il s’agit, du point de vue de l’investisseur, d’un site nouveau, qui n’a pas encore été aménagé». Aux termes du même alinéa, «[d]e ce fait, l’entreprise se trouve confrontée, par rapport à l’extension d’une usine existante, aux problèmes spécifiques suivants: absence d’infrastructure adéquate, absence d’une logistique organisée, absence d’une main-d’oeuvre formée aux besoins concrets de l’entreprise et absence d’une structure de sous-traitants».

C. En revanche, en l’occurrence, la Commission a pris en compte, au point XII, neuvième alinéa, des motifs de la décision attaquée, le «fait que les différentes parties du projet d’investissement de Mosel devaient entrer en service à des moments différents». Dès lors que la mise en place à Mosel, dès 1994, d’une usine de construction automobile était opérationnelle, la Commission a pu, à juste titre, en tirer comme conséquence, au dixième alinéa du même point, que, au regard du droit communautaire, les «futurs investissements nécessaires à la création d’un atelier de peinture et d’une chaîne de montage final à Mosel II ne [constituaient] donc pas un investissement en rase campagne, mais une extension de capacités existantes».

CI. Il convient de conclure de ce qui précède que, la motivation de la décision attaquée n’étant pas contradictoire, la seconde branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

CII. Il résulte donc des points 94 et 101 du présent arrêt que ce moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité

CIII. Le gouvernement allemand fait grief à la Commission de n’avoir pas appliqué l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité ni motivé le refus d’application de cette disposition, qu’il prétend avoir invoquée à titre conservatoire comme base juridique. Il se réfère au point X, deuxième alinéa, des motifs de la décision attaquée, aux termes duquel:

«La dérogation prévue à l’article 92 paragraphe 3 point b) n’est certainement pas applicable dans le cas de l’Allemagne. Il est exact que la réunification de l’Allemagne a eu des répercussions défavorables sur l’économie allemande, mais cela ne constitue pas en soi un motif d’application de l’article 92 paragraphe 3 point b) à un régime d’aide. C’est en 1991 que la Commission a approuvé pour la dernière fois l’octroi d’une aide pour remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre; il s’agissait d’une aide accordée au programme de privatisation de la Grèce. Dans sa décision, elle avait considéré le programme de privatisation comme un élément des engagements pris en vertu de la décision 91/306/CEE du Conseil, du 4 mars 1991, concernant le redressement de l’économie nationale. Or, il est clair que l’Allemagne se trouve dans une situation entièrement différente».

CIV. Selon ce gouvernement, l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité devrait s’appliquer dès lors que certaines régions d’un État membre, telles que les nouveaux Länder, seraient dans une situation économique critique.

Appréciation de la Cour

CV. Aux termes de l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides «destinées [¼ ] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre».

CVI. Eu égard au contexte et à l’économie de cette disposition ainsi qu’à la nécessité d’interpréter strictement les dérogations au principe général d’incompatibilité avec le marché commun des aides d’État (voir point 66 du présent arrêt), il y a lieu de constater que la perturbation visée à cette disposition doit affecter l’économie d’un État membre, et pas seulement celle d’une de ses régions ou parties de territoire.

CVII. En effet, c’est dans le cadre de l’article 92, paragraphe 3, sous a) ou sous c), du traité que les régions défavorisées d’un État membre peuvent bénéficier d’aides considérées par la Commission comme compatibles avec le marché commun.

CVIII. Or, dans le cadre du troisième moyen, le gouvernement allemand s’est contenté de faire référence à une perturbation grave de l’économie du Freistaat Sachsen et n’a nullement prétendu que cette situation aurait eu pour conséquence une perturbation grave de l’économie de la République fédérale d’Allemagne.

CIX. Il s’ensuit que l’argumentation du gouvernement allemand portant sur le refus d’application de l’article 92, paragraphe 3, sous b), du traité doit être rejetée.

CX. Quant au grief relatif à un défaut de motivation de ce refus d’application, il y a lieu de constater, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 87 et 92 du présent arrêt, que, bien que sommaire à cet égard, la décision attaquée apparaît suffisamment motivée compte tenu du contexte de l’affaire, des décisions précédemment adoptées par la Commission dans ce cadre, notamment la décision Mosel I, et de l’absence d’arguments spécifiques invoqués au cours de la procédure administrative.

CXI. Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 92, paragraphe 3, du traité

1. Sur la première branche du quatrième moyen

CXII. Par la première branche du quatrième moyen, le gouvernement allemand prétend que, à supposer que l’article 92, paragraphe 2, sous c), du traité ne soit pas applicable, la Commission aurait dû, pour se prononcer sur la compatibilité d’une aide avec le marché commun, prendre en compte les éléments dont elle disposait au moment de l’octroi de l’aide en cause et non pas au moment de l’adoption de la décision attaquée. Or, à la date de l’octroi des aides en cause, celles-ci n’auraient pas été soumises à une obligation de notification séparée, dès lors qu’elles auraient fait partie du dix-neuvième programme-cadre, qui avait été approuvé par la Commission par lettre du 2 octobre 1990 adressée au gouvernement allemand.

CXIII. En effet, selon ce gouvernement, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que, pour apprécier la compatibilité d’une aide avec le marché commun, il convient de se placer au moment où elle a été consentie, en sorte que la date à prendre en considération serait le 22 mars 1991. Or, à cette époque, l’encadrement communautaire ne s’appliquait pas, selon lui, en Allemagne, du fait de son expiration à la date du 31 décembre 1990 et de l’opposition du gouvernement fédéral.

CXIV. Dès lors, cet encadrement communautaire ne saurait être considéré comme étant d’application qu’à partir d’avril 1991, donc après la date d’octroi des aides, à savoir le 22 mars 1991.

CXV. Dans ces conditions, les aides litigieuses auraient dû être considérées comme faisant partie d’un régime d’aide ayant fait l’objet d’une autorisation générale de la Commission.

CXVI. La Commission soutient que l’argumentation du gouvernement allemand est erronée. Elle fait valoir, en substance, en premier lieu, que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 26 juin 1996, elle n’était pas tenue de se fonder sur la situation factuelle et juridique de mars 1991. En second lieu, même si elle avait dû se fonder sur la situation factuelle et juridique de mars 1991, les aides litigieuses auraient tout de même dû lui être notifiées et elle aurait dû les contrôler sans restriction. En dernier lieu, à supposer qu’il eût fallu se baser sur une date à laquelle la République fédérale d’Allemagne n’avait pas encore donné son accord à l’application de l’encadrement communautaire pour le secteur automobile, cela n’aurait pas empêché la Commission d’appliquer ce texte.

— Appréciation de la Cour

CXVII. L’argumentation du gouvernement allemand repose sur la prémisse selon laquelle, l’encadrement communautaire ne s’appliquant pas entre les mois de janvier et de mars 1991, l’approbation des aides litigieuses, qui auraient relevé du régime d’aides régionales prévu par le dix-neuvième programme-cadre, était acquise.

CXVIII. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

CXIX. En effet, ainsi qu’il ressort clairement des points 8 et 12 du présent arrêt, le gouvernement allemand a pris acte de ce que l’approbation des aides régionales visées par le dix-neuvième programme-cadre ne s’étendait pas aux secteurs y mentionnés, notamment au secteur automobile, dès lors que le coût d’une opération bénéficiaire dépassait 12 millions d’écus.

CXX. C’est d’ailleurs ainsi que l’avait compris le gouvernement allemand, comme il résulte de la citation du dix-neuvième programme-cadre figurant au point 8 du présent arrêt.

CXXI. Il s’ensuit que, l’approbation ne couvrant pas les aides dans le secteur automobile, les aides litigieuses devaient être notifiées, soit en vertu des dispositions de l’encadrement communautaire, soit, à supposer qu’il ne s’appliquât pas, en vertu de l’article 93, paragraphe 3, du traité.

CXXII. Dans ces conditions, eu égard au fait que la question de l’applicabilité de l’encadrement communautaire entre les mois de janvier et d’avril 1991 n’est pas pertinente, il y a lieu de rejeter la première branche de ce moyen.

2. Sur la seconde branche du quatrième moyen

CXXIII. Par la seconde branche du quatrième moyen, le gouvernement allemand reproche à la Commission d’avoir, dans le cadre de l’application de l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, procédé à une analyse des coûts et bénéfices du projet dans laquelle le projet relatif à Mosel II et à Chemnitz II n’était plus considéré comme un nouvel investissement (investissement en rase campagne), mais comme un investissement d’extension, ce en dépit du fait qu’il aurait été qualifié de manière différente pendant des années.

CXXIV. Ainsi, cette analyse aboutirait, quant au délai appliqué à l’évaluation des inconvénients supportés par Volkswagen, à des données moins favorables ainsi qu’à un degré plus faible de compatibilité des aides. Or, il est incontestable, selon le gouvernement allemand, que Mosel II et Chemnitz II constituent des investissements nouveaux réalisés en rase campagne et que, s’ils avaient été considérés comme tels, la totalité des primes à l’investissement litigieuses aurait été déclarée comme compatible avec le marché commun.

— Appréciation de la Cour

CXXV. En ce qui concerne le calcul des coûts d’exploitation, la Commission a opéré une distinction entre les investissements dits «en rase campagne», dont elle prend les coûts supplémentaires en compte pendant une période de cinq ans, et les investissements dits d'«extension», dont elle ne prend en compte les coûts supplémentaires que pour une période de trois ans.

CXXVI. Aux termes du point XII, huitième alinéa, des motifs de la décision attaquée«[…], par site en rase campagne, il faut entendre non seulement que l’usine se trouve en rase campagne, mais aussi qu’il s’agit, du point de vue de l’investisseur, d’un site nouveau, qui n’a pas encore été aménagé. De ce fait, l’entreprise se trouve confrontée, par rapport à l’extension d’une usine existante, aux problèmes spécifiques suivants: absence d’infrastructure adéquate, absence d’une logistique organisée, absence d’une main-d’oeuvre formée aux besoins concrets de l’entreprise et absence d’une structure de sous-traitants. Toutefois, si ces services peuvent être assumés par une unité du même groupe située à proximité, le projet est considéré comme une extension, même s’il est effectivement construit en rase campagne. Cette définition communautaire se distingue du concept des investissements nouveaux, tel qu’il peut être défini par le droit national. Un projet en rase campagne ainsi défini pouvant entraîner des problèmes plus importants et nécessiter des délais plus longs pour que l’usine puisse tourner à plein régime et donc devenir rentable, il peut être justifié de calculer les inconvénients liés aux coûts d’exploitation sur une période plus longue. […]»

CXXVII. En l’espèce, la Commission a considéré que les ateliers de carrosserie brute et d’emboutissage de Mosel II étaient des investissements en rase campagne. Par conséquent, elle a pris en compte leurs coûts d’exploitation sur une période de cinq ans, à savoir de 1993 à 1997 (atelier de carrosserie) et de 1994 à 1998 (atelier d’emboutissage), dans son analyse des coûts et bénéfices. En revanche, les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II ont été qualifiés d’investissements d’extension, de telle sorte que leurs coûts d’exploitation ont été pris en compte sur une période de trois ans, à savoir de 1997 à 1999.

CXXVIII. En effet, il est indiqué au point XII, neuvième et dixième alinéas, des motifs de la décision attaquée:

«Dans le cas présent, la Commission a dû tenir compte du fait que les différentes parties du projet d’investissement de Mosel devaient entrer en service à des moments différents. Les difficultés de démarrage qui leur sont liées devaient donc, elles aussi, intervenir à des moments différents. En outre, la Commission a tenu compte du fait que la nature du projet s’est trouvée modifiée en raison du report de sa réalisation. L’installation des ateliers d’emboutissage et de carrosserie, et leur rattachement à l’ancienne usine Mosel I, a permis la mise en place à Mosel, dès 1994, d’une usine de construction automobile pleinement opérationnelle, ce que confirme d’ailleurs la rentabilité des entreprises VW en Saxe depuis 1994.

Les futurs investissements nécessaires à la création d’un atelier de peinture et d’une chaîne de montage final à Mosel II ne constituent donc pas un investissement en rase campagne, mais une extension de capacités existantes. Du fait qu’il existe déjà une structure de sous-traitants (voir ci-dessus), que les infrastructures ont déjà été créées et que la plupart des employés proviennent de Mosel I, VW se trouve beaucoup moins confrontée ici aux inconvénients spécifiques d’une implantation en rase campagne. Cela vaut également pour l’usine de fabrication de moteurs de Chemnitz II. Comme dans d’autres cas d’augmentation des capacités, l’augmentation de la production s’effectue très rapidement dans ces usines. Alors que les autorités allemandes et VW avaient initialement proposé une analyse sur la période 1998-2002 pour tous les projets de Mosel et de Chemnitz, la Commission a examiné les inconvénients sur une période de cinq ans pour les implantations en rase campagne, à savoir 1993-1997 (atelier de carrosserie) et 1994-1998 (atelier d’emboutissage), et sur une période de trois ans pour les extensions, soit 1997-1999 (atelier de peinture, chaîne de montage final, Chemnitz II). À cet égard, il a également été tenu compte du fait que l’atelier d’emboutissage et l’atelier de carrosserie passeront au cours de la même période (1997-1999) d’une capacité de 432 véhicules par jour à 750 véhicules par jour, afin de pouvoir approvisionner pleinement le nouvel atelier de peinture et la nouvelle chaîne de montage final de Mosel II. Voilà pourquoi des inconvénients supplémentaires, en termes de coûts d’exploitation, liés à cette extension ont été pris en considération dans l’analyse relative à la période 1997-1999.»

CXXIX. À cet égard, la Commission dispose, dans le cadre de l’application de l’article 92, paragraphe 3, du traité, d’un large pouvoir d’appréciation (voir, notamment, arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, points 23 à 25), en sorte que, s’agissant de la question de savoir si les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II doivent être qualifiés d’investissements en rase campagne ou d’investissements d’extension, le contrôle de la Cour se limite à la vérification de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer la qualification contestée et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

CXXX. Il y a lieu de constater, à cet égard, que les notions d’investissement en rase campagne ou d’investissement d’extension doivent relever d’une interprétation communautaire, à défaut de quoi le contenu et la portée de ces notions pourraient varier en fonction du droit national applicable, portant ainsi atteinte à l’uniformité d’application du droit communautaire.

CXXXI. La conception de la Commission selon laquelle l’importance des désavantages liés aux coûts d’exploitation et pouvant être pris en compte varie selon qu’une infrastructure complète doit être mise en place (situation qui se présente, selon la Commission, en cas d’absence d’infrastructure adéquate, de logistique organisée, de main-d’oeuvre formée aux besoins concrets de l’entreprise et de structure de sous-traitants) ou qu’une telle infrastructure existe déjà n’est pas manifestement erronée et répond à l’exigence d’une interprétation stricte des dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 92, paragraphe 1, du traité (voir point 66 du présent arrêt).

CXXXII. À cet égard, c’est à juste titre et sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu considérer que les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II ne pouvaient être qualifiés d’investissements en rase campagne, dès lors que, à partir de 1994 au plus tard, il y avait une unité de production automobile pleinement opérationnelle composée des ateliers de peinture et de montage final de Mosel I, des ateliers de carrosserie brute et d’emboutissage de Mosel II ainsi que de Chemnitz II. Il ressort en particulier du dossier que, dès 1994, Volkswagen disposait sur place d’une infrastructure adéquate, d’une logistique organisée, d’une main-d’oeuvre formée à ses besoins et d’une structure de sous-traitants bien établie, en sorte que l’investissement effectué pouvait être considéré comme un investissement d’extension au sens de la décision attaquée.

CXXXIII. Il s’ensuit que la seconde branche du quatrième moyen n’est pas fondée.

CXXXIV. Il résulte donc de l’ensemble de ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré du caractère incompréhensible et de l’inexactitude de l’analyse des coûts et des bénéfices opérée par la Commission

CXXXV. Par le cinquième moyen, le gouvernement allemand fait grief à la Commission de n’avoir pas tenu compte de la situation initiale effective caractérisant les investissements à Mosel II et à Chemnitz II et d’avoir effectué des constatations insuffisantes en ce qui concerne ce nouvel investissement.

CXXXVI. Cette remarque s’appliquerait en particulier à la constatation effectuée par la Commission dans la décision attaquée quant au fait qu’une usine opérationnelle et rentable aurait été mise en place à Mosel dès la moitié de l’année 1994. Cette constatation méconnaîtrait les mesures de restructuration prises à Mosel I et à Chemnitz I depuis l’accord de principe passé avec la THA en octobre 1990, lesquelles avaient le caractère de mesures intermédiaires, destinées à occuper le personnel jusqu’à la construction de Mosel II et de Chemnitz II. Quant à la prétendue rentabilité de Mosel I et de Chemnitz I, la Commission aurait mal compris les méthodes de calcul internes au groupe Volkswagen. De même, VW aurait toujours insisté auprès de la Commission, en ce qui concerne son engagement en Saxe, sur la nécessité de considérer l’ensemble du projet d’investissement de manière globale, en refusant que ce dernier soit segmenté. À cet égard, le gouvernement allemand renvoie aux observations de Volkswagen et de VW Sachsen ainsi que du Freistaat Sachsen dans leurs mémoires déposés devant le Tribunal dans les affaires T-132/96 et T-143/96.

CXXXVII. D’après la Commission, ce moyen du gouvernement allemand, selon lequel l’analyse qu’elle aurait effectuée dans la décision attaquée est incompréhensible, n’est pas motivé et est donc sans pertinence juridique.

CXXXVIII. Néanmoins, la Commission fait valoir, sur le fond, que le gouvernement allemand a été étroitement associé à la procédure administrative. En outre, les projets successifs d’analyse des coûts et des bénéfices réalisés par la Commission depuis 1992 auraient été transmis audit gouvernement et auraient été commentés point par point avec ses représentants.

Appréciation de la Cour

CXXXIX. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question de la recevabilité de ce moyen, il y a lieu de relever, s’agissant premièrement du grief relatif à un prétendu défaut de motivation quant au calcul de l’analyse des coûts et des bénéfices réalisés, que le gouvernement allemand a été étroitement associé au processus d’élaboration de la décision attaquée et connaissait donc la raison pour laquelle la Commission estimait ne pas pouvoir adhérer à l’analyse des coûts et bénéfices réalisés qui avait été faite par Volkswagen (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 1973, Pays-Bas/Commission, 13/72, Rec. p. 27, point 12).

CXL. Il convient également de rappeler que la Commission n’est pas tenue de répondre, dans la motivation d’une décision, à tous les points de droit et de fait soulevés par les intéressés, dès lors qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C-360/92 P, Rec. p. I-23, point 39, et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, point 32).

CXLI. En l’espèce, il ressort du dossier que le gouvernement allemand, en particulier, n’a pas contesté le fait que les projets successifs d’analyse des coûts et des bénéfices réalisés par la Commission depuis 1992 lui avaient été transmis et avaient été commentés point par point avec ses représentants, notamment lors des réunions des 11 avril et 29 mai 1996. En outre, il apparaît que l’analyse des coûts et des bénéfices définitive sur laquelle est fondée la décision attaquée reprend, en substance, celle contenue dans les projets examinés à l’occasion desdites réunions et que, lorsque la décision attaquée diverge des projets discutés lors de celles-ci, ces divergences sont favorables à Volkswagen et à VW Sachsen.

CXLII. Dans ces conditions, la motivation de la décision attaquée doit être jugée suffisante, le fait que cette décision ne reprenne pas l’intégralité des données de l’analyse des coûts et des bénéfices et que cette analyse n’ait pas été annexée à ladite décision – pour des motifs évidents de confidentialité – n’étant pas, sur ce point, pertinent.

CXLIII. S’agissant, deuxièmement, du grief selon lequel une usine aurait été opérationnelle à partir de 1994, il ressort du dossier que, à partir de 1994 au plus tard, il y avait une unité de production automobile opérationnelle qui était composée des ateliers de peinture et de montage final de Mosel I, des ateliers de carrosserie brute et d’emboutissage de Mosel II ainsi que de Chemnitz II. Dès lors, dès cette date, contrairement à ce que prétend le gouvernement allemand, Volkswagen et VW Sachsen pouvaient incontestablement commencer une production automobile.

CXLIV. En ce qui concerne, troisièmement, la question de la prétendue absence de rentabilité de Mosel I et de Chemnitz I, il y a lieu de constater que le gouvernement allemand n’a présenté, même de manière sommaire, aucun élément de nature à étayer cette affirmation.

CXLV. S’agissant, enfin, de la nécessité de considérer le projet d’investissement de manière globale, et non pas, comme l’a fait la Commission, de manière segmentée, il convient de constater que les différentes usines ont été mises en service de manière échelonnée dans le temps, en sorte que chaque unité devait faire l’objet d’une évaluation séparée, afin que soit pris en considération l’état d’aménagement du site au moment de son entrée en service. Cette évaluation séparée s’imposait eu égard à la distinction opérée par la Commission entre des investissements en rase campagne et des investissements d’extension, distinction qui a nécessairement pour conséquence une différenciation quant à l’intensité des aides autorisées.

CXLVI. Il découle de ces considérations que le cinquième moyen doit être rejeté.

CXLVII. Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le recours.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens CXLVIII. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, du même règlement, le Royaume-Uni supporte ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

3) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporte ses propres dépens.

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CJCE, n° C-301/96, Arrêt de la Cour, République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes, 30 septembre 2003