CJCE, n° T-65/98, Arrêt du Tribunal, Van den Bergh Foods Ltd contre Commission des Communautés européennes, 23 octobre 2003

  • Position dominante - exploitation abusive - notion * notion·
  • Confiance légitime dans l ' octroi futur d ' une exemption·
  • , ce), et art. 85, 86 et 222 ) 9. actes des institutions·
  • Exercice de la concurrence par les seuls mérites·
  • Obligations incombant à l ' entreprise dominante·
  • Application par les juridictions nationales·
  • Mise en œuvre des règles de concurrence·
  • Position dominante - notion * notion·
  • Protection de la confiance légitime·
  • Cee/ce - concurrence * concurrence

Chronologie de l’affaire

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Curia · CJUE · 23 octobre 2003

Division de la Presse et de l'Information COMMUNIQUE DE PRESSE No 93/03 23 octobre 2003 Arrêt du Tribunal du Première Instance dans l'affaire T-65/98 Van den Bergh Foods Ltd / Commission des Communautés Européennes LE TRIBUNAL CONFIRME LA DÉCISION DE LA COMMISSION CONTRE VAN DEN BERGH FOODS La fourniture, "à titre gracieux", de congélateurs par Van den Bergh Foods aux détaillants de glaces, à condition qu'ils les utilisent exclusivement pour stocker ses glaces, est contraire au droit communautaire de la concurrence. Van den Bergh Foods, …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Tribunal de première instance, 23 oct. 2003, Van den Bergh Foods / Commission, T-65/98
Numéro(s) : T-65/98
Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 23 octobre 2003. # Van den Bergh Foods Ltd contre Commission des Communautés européennes. # Recours en annulation - Concurrence - Articles 85 et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE) - Glaces destinées à la consommation immédiate - Fourniture de congélateurs aux détaillants - Clause d'exclusivité - Barrières à l'entrée du marché - Droits de propriété - Article 222 du traité CE (devenu article 295 CE). # Affaire T-65/98.
Date de dépôt : 21 avril 1998
Précédents jurisprudentiels : 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88
Commission, C-395/96 P et C-396/96
Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94
Cour du 13 décembre 1979, Hauer, 44/79, Rec. p. 3727
Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76
Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64
Cour du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB ( C-344/98, Rec. p. I-11369
Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76
Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73
Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82
Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83
Cour du 1er octobre 1998, Langnese-Iglo/Commission, C-279/95
Cour du 20 octobre 1993, Collins, C-92/92 et C-326/92, Rec. p. I-5145
Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72
Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611
Cour du 26 novembre 1998, Bronner ( C-7/97, Rec. p. I-7791, I-7794
Cour du 28 février 1991, Delimitis ( C-234/89, Rec. p. I-935
Cour du 30 juin 1966, Société Technique Minière, 56/65, Rec. p. 337, 361 et 362
Cour du 5 octobre 1988, Alsatel, 247/86, Rec. p. 5987
Cour du 5 octobre 1988, Volvo, 238/87
Cour du 7 décembre 2000, Neste Markkinointi ( C-214/99
Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C-235/92
Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81
Dreyfus e.a./Commission, T-485/93, T-491/93, T-494/93 et T-61/98
ordonnance du 7 juillet 1998, Van den Bergh Foods/Commission ( T-65/98
SPO e.a./Commission, T-29/92
Tribunal dans son arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68/89, T-77/89 et T-78/89
Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T-14/89
Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T-17/93
Tribunal du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T-112/99
Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89
Tribunal du 22 novembre 2001, AAMS/Commission, T-139/98
Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96
Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92
Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7/92
Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T-266/97
Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission ( T-7/93, Rec. p. II-1533
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61998TJ0065
Identifiant européen : ECLI:EU:T:2003:281
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Texte intégral

Affaire T-65/98

Van den Bergh Foods Ltd
contre
Commission des Communautés européennes

«Recours en annulation – Concurrence – Articles 85 et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE) – Glaces destinées à la consommation immédiate – Fourniture de congélateurs aux détaillants – Clause d’exclusivité – Barrières à l’entrée du marché – Droits de propriété – Article 222 du traité CE (devenu article 295 CE)»

Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 23 octobre 2003
I

Sommaire de l’arrêt

1.. Concurrence – Ententes – Atteinte à la concurrence – Réseau d’accords de distribution incluant une clause d’exclusivité – Critères d’appréciation – Accessibilité du marché – Accords ayant pour effet cumulatif le cloisonnement du marché – Prise en considération du contexte économique spécifique dans lequel ces accords s’inscrivent – Accords de distribution de glaces destinées à la consommation immédiate prévoyant la fourniture par le producteur de congélateurs destinés au stockage exclusif de ses produits
[Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE)]

2.. Concurrence – Ententes – Interdiction – Absence d’une règle de raison en droit communautaire de la concurrence
[Traité CE, art. 85, § 1 et 3 (devenu art. 81, § 1 et 3, CE)]

3.. Concurrence – Ententes – Interdiction – Exemption – Conditions – Amélioration de la production ou de la distribution des produits – Appréciation au regard de l’intérêt général et non de celui des parties à l’accord
[Traité CE, art. 85, § 3 (devenu art. 81, § 3, CE)]

4.. Concurrence – Position dominante – Caractérisation à travers la détention d’une part de marché extrêmement importante
[Traité CE, art. 86 (devenu art. 82 CE)]

5.. Concurrence – Position dominante – Notion
[Traité CE, art. 86 (devenu art. 82 CE)]

6.. Concurrence – Position dominante – Abus – Notion – Notion objective visant les comportements de nature à influencer la structure du marché et ayant pour effet de faire obstacle au maintien ou au développement de la concurrence – Obligations incombant à l’entreprise dominante – Exercice de la concurrence par les seuls mérites
[Traité CE, art. 86 (devenu art. 82 CE)]

7.. Concurrence – Position dominante – Abus – Entreprise en position dominante liant les détaillants par des accords de distribution incluant une clause d’exclusivité – Système de distribution constituant une exploitation abusive
[Traité CE, art. 86 (devenu art. 82 CE)]

8.. Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Droit de propriété – Restrictions – Admissibilité – Conditions – Restrictions apportées en application des règles de concurrence
[Traité CE, art. 3, sous g) (devenu, après modification, art. 3, § 1, sous g), CE), et art. 85, 86 et 222 (devenus art. 81 CE, 82 CE et 295 CE)]

9.. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Prise en compte du contexte
[Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE)]

10.. Droit communautaire – Principes – Protection de la confiance légitime – Conditions – Communication faite en application de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 – Confiance légitime dans l’octroi futur d’une exemption – Absence
(Règlement du Conseil n° 17, art. 19, § 3)

11.. Concurrence – Règles communautaires – Application par les juridictions nationales – Procédures devant les juridictions nationales portant sur une affaire identique ou similaire à celle faisant l’objet d’une procédure administrative devant la Commission – Décision de la Commission constatant une infraction aux règles communautaires – Violation des principes de subsidiarité, de coopération loyale et de sécurité juridique – Absence
[Traité CE, art. 85 et 86 (devenus art. 81 CE et 82 CE)]

12.. Droit communautaire – Principes – Proportionnalité – Égalité de traitement – Portée – Décision constatant l’incompatibilité avec les règles de concurrence d’un réseau d’accords de distribution et invalidant la clause d’exclusivité figurant dans ces accords – Appréciation des effets anticoncurrentiels du réseau pris dans son ensemble – Violation – Absence

1. Pour savoir si des accords de distribution tombent sous le coup de l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), il convient d’examiner si l’ensemble des accords similaires conclus sur le marché de référence et des autres éléments du contexte économique et juridique dans lequel ils s’inscrivent font apparaître qu’ils ont pour effet cumulatif de fermer l’accès de ce marché à de nouveaux concurrents. S’il résulte de cet examen que tel n’est pas le cas, les accords individuels constituant le faisceau d’accords ne sauraient porter atteinte au jeu de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité. En revanche, si l’examen révèle que l’accès au marché est difficile, il convient ensuite d’analyser dans quelle mesure ces mêmes accords contribuent à l’effet cumulatif produit, étant entendu que ne sont interdits que les contrats qui contribuent de manière significative à un éventuel cloisonnement du marché. Il s’ensuit que les restrictions contractuelles imposées aux détaillants par ces accords de distribution doivent être examinées non seulement de manière purement formelle du point de vue juridique, mais aussi en tenant compte du contexte économique spécifique dans lequel ces accords s’inscrivent, y compris les spécificités du marché de référence qui pourraient, en pratique, renforcer ces restrictions et fausser ainsi le jeu de la concurrence dans ce marché, en violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité. À cet égard, s’agissant d’un ensemble d’accords de distribution conclus par un fabricant de glaces alimentaires destinées à la consommation immédiate vendues en conditionnement individuel, lesquels prévoient que le producteur fournit aux détaillants, à titre gracieux ou en échange d’un loyer insignifiant, des congélateurs dont il garde la propriété et assure l’entretien à ses frais, à condition qu’ils soient utilisés exclusivement pour stocker ses glaces, cette restriction contractuelle doit être examinée en considération du contexte économique spécifique dans lequel ces accords s’inscrivent. Dès lors, pour apprécier ces accords au regard de l’interdiction édictée par l’article 85, paragraphe 1, du traité, peuvent être pris en considération la dépendance effective des détaillants créée par la présence, dans les points de vente, des congélateurs fournis par le producteur, la position dominante de celui-ci sur le marché de référence, la popularité de la gamme de ses produits, les contraintes liées au manque d’espace qui caractérisent les points de vente typiques, les désavantages et les risques associés au stockage d’une deuxième gamme de glaces, ces éléments faisant tous partie du contexte économique de ces accords. voir points 2, 83-84, 91 2. L’existence de la règle de raison en droit communautaire de la concurrence ne saurait être admise, dans la mesure où une interprétation de l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), admettant que les accords impliquant inévitablement une certaine forme de restriction de comportement ne donnent pas nécessairement lieu à une restriction de concurrence, s’avère difficilement conciliable avec la structure normative du même article 85. En effet, l’article 85 du traité prévoit explicitement, dans son paragraphe 3, la possibilité d’exempter des accords restrictifs de concurrence lorsque ceux-ci satisfont à un certain nombre de conditions, notamment lorsqu’ils sont indispensables à la réalisation de certains objectifs et ne donnent pas à des entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ce n’est que dans le cadre précis de cette disposition qu’une mise en balance des aspects proconcurrentiels et anticoncurrentiels d’une restriction peut avoir lieu. Dès lors, l’article 85, paragraphe 3, du traité perdrait en grande partie son effet utile si un tel examen devait déjà être effectué dans le cadre de l’article 85, paragraphe 1, du traité. voir points 106-107 3. L’amélioration de la production ou de la distribution des produits, que pose l’article 85, paragraphe 3, du traité (devenu article 81, paragraphe 3, CE) comme première des quatre conditions auxquelles il doit être simultanément satisfait pour que puisse être octroyée une exemption à un accord entre entreprises ne respectant pas les interdictions énoncées au paragraphe 1 du même article, ne saurait être identifiée à tout avantage que les partenaires à l’accord retirent de celui-ci quant à leur activité de production ou de distribution. Cette amélioration doit notamment présenter des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients que comporte l’accord sur le plan de la concurrence. Dès lors, des accords de distribution qui, en assurant des avantages aux parties à l’accord en termes d’efficience dans la planification, l’organisation et la distribution des produits concernés, renforcent l’entreprise de production qui occupe déjà une place importante dans le marché de référence ne peuvent être exemptés par la Commission. En effet, de tels accords ne stimulent pas la concurrence, mais la freinent, parce qu’ils constituent un obstacle majeur à l’accès au marché ainsi qu’à l’expansion sur ce même marché des concurrents existants. voir points 139-140 4. Des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. En effet, la possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient pendant une période d’une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente ─ sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable ─, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante. voir point 154 5. Une position dominante est une position de puissance économique qui donne à l’entreprise le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché de référence en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. voir point 154 6. La notion d’exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. Il s’ensuit que l’article 86 du traité (devenu article 82 CE) interdit à une entreprise dominante d’éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. L’interdiction édictée à cette disposition se justifie également par le souci de ne pas causer de préjudice aux consommateurs. Par conséquent, si la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique en soi aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée, il incombe à celle-ci, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. voir points 157-158 7. Le fait, pour une entreprise de production se trouvant en position dominante, de lier de facto 40 % des points de vente du marché de référence par des accords de distribution contenant une clause d’exclusivité, qui opère comme une exclusivité imposée à ces points de vente, constitue une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 86 du traité (devenu article 82 CE). En effet, ladite clause a pour effet d’empêcher les détaillants concernés de vendre d’autres marques du même produit ou de réduire leur possibilité de réaliser de telles ventes, et ce alors même qu’il y a une demande pour de telles marques, et à empêcher l’accès du marché de référence aux fabricants concurrents. voir point 160 8. Si le droit de propriété fait partie des principes généraux du droit communautaire, il n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis. À cet égard, dès lors que l’article 3, sous g), du traité (devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous g), CE) prévoit que, pour atteindre les buts de la Communauté, l’action de celle-ci comporte un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur et que, par conséquent, l’application des articles 85 et 86 du traité (devenus articles 81 CE et 82 CE) constitue un des aspects de l’intérêt public communautaire, des restrictions peuvent être apportées, en application de ces articles, à l’usage du droit de propriété, à condition qu’elles ne soient pas démesurées et ne portent pas atteinte à la substance même de ce droit. C’est pourquoi il peut être interdit à un fabricant de glaces alimentaires destinées à la consommation immédiate en situation de position dominante d’assortir la mise à disposition de congélateurs aux détaillants d’une clause d’exclusivité interdisant à ces derniers d’utiliser lesdits congélateurs pour y entreposer des produits d’autres fabricants. voir points 170-171 9. La portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté.
La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si l’acte est fondé, ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité, et, d’autre part, à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité. Cependant, elle ne doit pas spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité (devenu article 253 CE) doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. voir point 176 10. Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées. Tel n’est pas le cas lorsque la Commission, dans une communication faite en application de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, se propose, à titre préliminaire, d’adopter une attitude favorable envers certains accords entre entreprises ayant auparavant donné lieu à une communication des griefs, eu égard à leur révision par les parties, et invite tous les tiers intéressés à lui présenter leurs observations dans un délai précis. Une telle communication ne représente qu’une position préliminaire de la Commission qui est susceptible de modification, au vu notamment des observations des tiers. Dès lors, les entreprises intéressées ne peuvent pas avoir une confiance légitime dans le fait que la Commission leur accordera le bénéfice d’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité (devenu article 81, paragraphe 3, CE), en application de ladite communication sur la seule base de la publication de celle-ci. En effet, dans le cas où la Commission constate que les modifications apportées aux accords n’ont pas eu les résultats escomptés, elle peut ouvrir une nouvelle procédure et soulever de nouvelles objections à l’encontre des mêmes accords dans une nouvelle communication des griefs. Par ailleurs, même si la Commission octroie une exemption, elle a le pouvoir, voire l’obligation, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 17, de révoquer ou de modifier le bénéfice de celle-ci si elle constate que les accords exemptés produisent certains effets incompatibles avec les conditions prévues par l’article 85, paragraphe 3, du traité. voir points 192, 194-195 11. Si les articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité (devenus articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE) produisent des effets directs dans les relations entre particuliers et engendrent directement des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder, cela n’a toutefois pas pour conséquence de priver la Commission de son droit de prendre position sur une affaire, même si une affaire identique ou similaire est pendante devant une ou plusieurs juridictions nationales, à condition notamment que le commerce entre États membres soit susceptible d’être affecté. En effet, d’une part, la Commission dispose d’une compétence exclusive pour prendre des décisions d’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, d’autre part, elle est également en droit de prendre, à tout moment, des décisions individuelles pour l’application des articles 85 et 86 du traité, nonobstant le fait qu’elle partage sa compétence pour l’application des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité avec les juridictions nationales, et ce même lorsqu’un accord ou une pratique fait déjà l’objet d’une décision d’une juridiction nationale et que la décision envisagée par la Commission est en contradiction avec ladite décision juridictionnelle. Il s’ensuit qu’il n’y a pas violation des principes de subsidiarité, de coopération loyale et de sécurité juridique, lorsque la Commission, saisie d’une demande d’exemption d’un accord ainsi que de plaintes contre le même accord, adopte une décision relative à l’application des règles de concurrence communautaires, bien que diverses juridictions et autorités de concurrence nationales soient saisies d’affaires parallèles, soulevant des questions semblables à celles tranchées dans cette décision.
Par ailleurs, dans de telles circonstances, l’adoption par la Commission d’une décision est appropriée pour garantir que les règles de concurrence communautaires soient appliquées de manière cohérente aux différentes formes d’accords pratiquées sur l’ensemble du territoire de la Communauté. voir points 197-199 12. Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, tandis que celui prohibant les discriminations interdit de traiter de manière identique des situations qui sont différentes ou de manière différente des situations qui sont identiques. Ne viole par ces principes une décision de la Commission en matière d’application des articles 85 et 86 du traité (devenus articles 81 CE et 82 CE), interdisant avec effet immédiat à une entreprise en situation de position dominante sur le marché des glaces alimentaires destinées à la consommation immédiate de poursuivre sa pratique consistant à lier les détaillants par des accords de mise à disposition de congélateurs ne pouvant être utilisés que pour offrir à la vente ses propres produits, dès lors que l’ensemble de ces contrats contribue de manière significative, avec l’ensemble des contrats similaires relevés sur le marché de référence, y compris ceux d’autres fournisseurs, à fermer l’accès au marché à de nouveaux concurrents nationaux et étrangers. voir points 201, 203-205

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
23 octobre 2003 (1)

«Recours en annulation – Concurrence – Articles 85 et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE) – Glaces destinées à la consommation immédiate – Fourniture de congélateurs aux détaillants – Clause d’exclusivité – Barrières à l’entrée du marché – Droits de propriété – Article 222 du traité CE (devenu article 295 CE)»

Dans l’affaire T-65/98,

Van den Bergh Foods Ltd, anciennement HB Ice Cream Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par MM. M. Nicholson et M. Rowe, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. W. Wils et A. Whelan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par Masterfoods Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par M. P. G. H. Collins, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,et par Richmond Frozen Confectionery Ltd, anciennement Treats Frozen Confectionery Ltd, établie à Northallerton (Royaume-Uni), représentée par M. I. S. Forrester, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 98/531/CE de la Commission, du 11 mars 1998, relative à une procédure d’application des articles 85 et 86 du traité (affaires n° IV/34.073, n° IV/34.395 et n° IV/35.436 ─ Van den Bergh Foods Ltd) (JO L 246, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges, greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 octobre 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1 Le présent recours vise à l’annulation de la décision 98/531/CE de la Commission, du 11 mars 1998, relative à une procédure d’application des articles 85 et 86 du traité (affaires n° IV/34.073, n° IV/34.395 et n° IV/35.436 ─ Van den Bergh Foods Ltd) (JO L 246, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»). 2 Van den Bergh Foods Ltd (ci-après «HB»), filiale à 100 % du groupe Unilever, est le principal fabricant de glaces alimentaires en Irlande, en particulier de glaces destinées à la consommation immédiate vendues en conditionnement individuel. Depuis plusieurs années, HB fournit aux détaillants de glaces, «à titre gracieux» ou en échange d’un loyer insignifiant, des congélateurs dont elle garde la propriété, à condition qu’ils soient utilisés exclusivement pour stocker les glaces fournies par HB (ci-après la «clause d’exclusivité»). Il ressort des stipulations du contrat type relatif aux congélateurs que ce contrat peut être résilié à tout moment par l’une des parties avec un préavis de deux mois. HB assure l’entretien à ses frais de ses congélateurs sauf en cas de négligence de la part du détaillant. 3 Masterfoods Ltd (ci-après «Mars»), une filiale de la société américaine Mars Inc., a pénétré sur le marché irlandais des glaces alimentaires en 1989. 4 À partir de l’été 1989, de nombreux détaillants disposant de congélateurs fournis par HB se sont mis à y conserver et à y présenter les produits de Mars, ce qui a conduit HB à exiger le respect de la clause d’exclusivité. 5 En mars 1990, Mars a introduit un recours devant la High Court (Irlande) en vue, notamment, de faire constater que la clause d’exclusivité était nulle en vertu du droit interne et des articles 85 et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE).
HB a alors introduit un recours séparé visant à ce qu’il fût enjoint à Mars de ne pas inciter les détaillants à méconnaître la clause d’exclusivité. 6 En avril 1990, la High Court a rendu une ordonnance en référé en faveur de HB. 7 Le 28 mai 1992, la High Court s’est prononcée au fond sur les recours introduits respectivement par Mars et HB. Elle a rejeté le recours de Mars et a rendu, en faveur de HB, une ordonnance interdisant à Mars d’inciter les détaillants à conserver ses produits dans des congélateurs appartenant à HB. 8 Mars a formé un pourvoi contre cette décision devant la Supreme Court (Irlande) le 4 septembre 1992. Cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles (voir point 30 ci-après), lesquelles ont fait l’objet de l’arrêt de la Cour du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB (C-344/98, Rec. p. I-11369). À la date du présent arrêt, la procédure devant la Supreme Court est toujours pendante. 9 Parallèlement à ces procédures devant les juridictions irlandaises, Mars a, le 18 septembre 1991, déposé une plainte contre HB auprès de la Commission, en vertu de l’article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Cette plainte portait sur la fourniture par HB, à un grand nombre de détaillants, de congélateurs devant être utilisés exclusivement pour les produits de cette marque. 10 Le 22 juillet 1992, Valley Ice Cream (Ireland) Ltd a également déposé une plainte auprès de la Commission contre HB. 11 Le 29 juillet 1993, dans une communication des griefs adressée à HB, la Commission a considéré que le système de distribution de cette société était en infraction avec les articles 85 et 86 du traité (ci-après la «communication des griefs de 1993»).
12 À la suite d’entretiens avec la Commission, HB, tout en contestant le point de vue de celle-ci, a proposé des modifications, notamment concernant son système de distribution, destinées à lui permettre de bénéficier d’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité. Le 8 mars 1995, ces modifications ont été notifiées à la Commission, qui, dans un communiqué de presse du 10 mars 1995, a estimé que, à première vue, elles pourraient permettre à HB de bénéficier d’une exemption. Le 15 août 1995, une communication faite en application de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 211, p. 4). 13 Le 22 janvier 1997, estimant que les modifications n’avaient pas apporté le résultat escompté en termes de libre accès aux points de vente, la Commission a adressé à HB une nouvelle communication des griefs (ci-après la «communication des griefs de 1997»). HB a exprimé sa position sur les griefs retenus. 14 Le 11 mars 1998, la Commission a adopté la décision litigieuse. Décision litigieuse 15 Dans la décision litigieuse, la Commission considère que les accords de distribution de HB contenant la clause d’exclusivité ne sont pas compatibles avec les articles 85 et 86 du traité. Elle définit le marché de produits de référence comme étant celui des glaces destinées à la consommation immédiate vendues en conditionnement individuel et le marché géographique de référence comme étant l’Irlande (considérants 138 et 140). Elle constate que la position de HB sur le marché de référence est particulièrement puissante, ainsi qu’en témoigne notamment la part qu’elle détient sur ce marché depuis de nombreuses années (voir point 21 ci-après). Cette puissance serait également illustrée par l’importance de la distribution numérique (79 %) et en valeur (94 %) des produits HB en question au cours des mois d’août et de septembre 1995, ainsi que par la notoriété de la marque et l’importance et la popularité de sa gamme de produits. La position de HB sur ce marché serait en outre renforcée par la puissance d’Unilever non seulement sur les autres marchés de la glace en Irlande (glaces à emporter et secteur de la restauration), mais aussi sur les marchés internationaux de la glace et sur les marchés des produits surgelés et des biens de consommation en général (considérant 141). 16 La Commission relève que l’ensemble des accords de distribution de HB relatifs aux congélateurs installés dans des points de vente ont pour effet de restreindre la capacité des détaillants ayant conclu ces accords à stocker et à mettre en vente dans leurs magasins des produits de consommation immédiate fabriqués par des fournisseurs concurrents lorsque le ou les seuls congélateurs destinés au stockage de glaces à consommer tout de suite ont été fournis par HB, lorsqu’il est peu probable que le ou les congélateurs HB en place soient remplacés par un ou des congélateurs appartenant au détaillant ou fournis par un concurrent et lorsqu’il ne serait pas rentable d’affecter de la surface à l’installation d’un congélateur supplémentaire.
Elle estime que cette restriction a pour effet d’empêcher les fournisseurs concurrents de vendre leurs produits dans ces points de vente, ce qui restreint la concurrence entre fournisseurs sur le marché de référence (considérant 143). La Commission n’aurait pas pris en considération les effets restrictifs de chaque accord individuel mais plutôt les effets produits par la catégorie d’accords répondant aux conditions mentionnées ci-dessus et constituant une partie identifiable du réseau de fourniture de congélateurs de HB dans son ensemble. Selon la Commission, l’évaluation des effets restrictifs de cette partie du réseau HB s’applique alors également à chacun des accords qui en font partie. L’appréciation de ces effets restrictifs aurait été faite en tenant compte des effets de tous les réseaux d’accords similaires de fourniture de congélateurs conclus par d’autres fournisseurs de glaces sur le marché de référence, ainsi que de toutes les autres conditions caractérisant ce marché (considérants 144 et 145). 17 La Commission a ensuite quantifié les effets restrictifs des accords de distribution de HB afin de démontrer leur importance.
À cet égard, elle relève que les effets restrictifs des réseaux d’accords de fourniture de congélateurs réservés exclusivement aux produits du fournisseur sont une conséquence des contraintes en matière d’espace auxquelles les points de vente sont inévitablement soumis. Le nombre moyen de congélateurs implantés dans les points de vente serait de 1,5 d’après une étude du marché menée par Lansdowne Market Research Ltd en 1996 (ci-après l'«étude Lansdowne»), tandis que les détaillants considéreraient que le nombre optimal de congélateurs nécessaires dans un point de vente en période de pointe est de l’ordre de 1,57 (considérant 147). 18 La Commission avance que seule une petite partie des détaillants en Irlande, à savoir 17 % selon l’étude Lansdowne, possède des congélateurs qui ne sont pas soumis à une condition d’exclusivité. Elle affirme que ces magasins peuvent être qualifiés de points de vente «ouverts», au sens où les détaillants sont libres d’y stocker les glaces pour consommation immédiate de n’importe quel fournisseur (considérant 148). S’agissant des autres points de vente, à savoir 83 % selon l’étude Lansdowne, dans lesquels les fournisseurs ont installé des congélateurs, la Commission estime que les autres fournisseurs ne peuvent pas y accéder directement pour vendre leurs produits sans avoir à surmonter d’abord des obstacles considérables. Elle avance que, «[a]insi, tout fabricant qui [ne serait] pas déjà implanté dans le point de vente s’en trouvera exclu» et que «[b]ien que cette exclusion ne soit pas absolue en ce sens que le détaillant n’est pas contractuellement empêché de vendre les produits d’autres fournisseurs, on peut néanmoins dire que le point de vente est fermé, en ce sens qu’il est très difficile pour les fournisseurs concurrents d’y accéder» (considérant 149). 19 La Commission constate que, dans quelque 40 % de l’ensemble des points de vente en Irlande, le ou les seuls congélateurs destinés au stockage de glace pour consommation immédiate installés dans le point de vente ont été fournis par HB (considérant 156).
Elle relève que «[u]n fournisseur, qui souhaite commencer à vendre ses glaces pour consommation immédiate dans un point de vente (c’est-à-dire un nouvel arrivant dans ce point de vente) déjà doté d’au moins un congélateur réservé à un autre fournisseur, ne peut le faire qu’à la condition que ce point de vente possède un congélateur qui ne soit pas soumis à une condition d’exclusivité […], ou qu’il puisse persuader le détaillant de remplacer un congélateur réservé en place ou d’installer un congélateur supplémentaire en plus du ou des congélateurs réservés en place» (considérant 157). Elle estime (considérants 158 à 183), sur la base de l’étude Lansdowne, qu’il est peu probable que les détaillants prennent l’une ou l’autre de ces mesures s’ils possèdent un ou plusieurs congélateurs fournis par HB et conclut que 40 % des points de vente en question sont, de fait, liés à HB (considérant 184). L’accès de ces points de vente serait par conséquent fermé aux autres fournisseurs en violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité. 20 Il est aussi constaté dans la décision litigieuse que les accords contenant la clause d’exclusivité ne peuvent pas être exemptés en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du traité, dès lors qu’ils ne contribuent pas à améliorer la distribution des produits (considérants 222 à 238), qu’ils ne réservent pas aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte (considérants 239 et 240), qu’ils ne sont pas indispensables à l’obtention des avantages invoqués (considérant 241) et qu’ils offrent à HB la possibilité d’éliminer en grande partie la concurrence sur le marché de référence (considérants 242 à 246). 21 S’agissant de l’application de l’article 86 du traité, la Commission considère que HB occupe une position dominante sur le marché de référence notamment au motif qu’elle a détenu, pendant une longue période, une part en volume et en valeur de plus de 75 % de ce marché (considérants 259 et 261). 22 La Commission estime que «HB exploite de façon abusive sa position dominante sur le marché en cause dans le sens où elle incite les détaillants […] qui, pour entreposer les glaces destinées à une consommation immédiate, ne possèdent pas leur propre congélateur ou ne disposent pas de congélateur(s) provenant d’un fournisseur de glaces autre que HB à accepter des accords de mise à disposition de congélateurs soumis à une condition d’exclusivité» et que «[c]ette violation de l’article 86 prend la forme d’une offre de fourniture de congélateurs aux détaillants ainsi que de maintenance de ces appareils, sans frais directs pour les détaillants» (considérant 263). 23 Par la décision litigieuse, la Commission: ─ déclare que la clause d’exclusivité figurant dans les accords de fourniture de congélateurs conclus en Irlande entre HB et des détaillants, applicable aux congélateurs installés dans les points de vente qui sont dotés uniquement d’appareils fournis par HB pour le stockage de glaces en conditionnement individuel destinées à une consommation immédiate et qui ne disposent ni de leur propre congélateur ni de congélateur(s) provenant d’un autre fabricant de glaces, constitue une infraction aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité (article 1 er du dispositif); ─ rejette la demande d’exemption déposée, conformément à l’article 85, paragraphe 3, du traité, par HB en faveur de la clause d’exclusivité visée à l’article 1 er (article 2 du dispositif); ─ déclare que constitue une infraction aux dispositions de l’article 86 du traité le fait que HB incite les détaillants irlandais ne disposant pas de leur propre congélateur ni de congélateur(s) provenant d’un autre fabricant de glaces à devenir parties à des accords de fourniture de congélateurs soumis à une condition d’exclusivité, en leur proposant de leur fournir des congélateurs pour le stockage de glaces en conditionnement individuel destinées à une consommation immédiate et d’en assurer la maintenance, sans que cela n’occasionne aucun frais direct pour eux (article 3 du dispositif); ─ met HB en demeure de mettre fin immédiatement aux infractions visées aux articles 1 er et 3 et de s’abstenir de prendre des mesures ayant le même objet ou le même effet (article 4 du dispositif); ─ met HB en demeure d’informer, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la décision litigieuse, les détaillants avec lesquels elle est actuellement liée par les accords de fourniture de congélateurs faisant l’objet de l’infraction aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité visée à l’article 1 er, du texte complet des articles 1 er et 3 et de leur notifier que les clauses d’exclusivité en question sont nulles et non avenues (article 5 du dispositif).
Procédure et conclusions des parties 24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 avril 1998, HB a introduit, en vertu de l’article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse. 25 Par acte séparé enregistré au greffe le même jour, HB a également introduit, en vertu de l’article 185 du traité CE (devenu article 242 CE), une demande de sursis à l’exécution de cette décision jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le fond.
26 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 29 avril et 8 mai 1998, Mars et Treats Frozen Confectionery Ltd, devenue, en cours d’instance, Richmond Frozen Confectionery Ltd (ci-après «Richmond»), ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. 27 Les demandes en intervention ont été signifiées aux parties au principal, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. 28 Par télécopie parvenue au greffe le 13 mai 1998, HB a déclaré ne pas soulever d’objection à la demande d’intervention de Mars, mais s’est en revanche opposée à l’intervention de Richmond pour absence d’intérêt suffisant à la solution du litige. HB a demandé qu’il ne soit communiqué aux parties sollicitant l’intervention qu’une version expurgée de sa requête et de la décision litigieuse. À cette fin, elle a énuméré les informations revêtant, selon elle, un caractère secret ou confidentiel. 29 Par actes séparés déposés au greffe le 14 mai 1998, la Commission a déclaré ne pas s’opposer aux deux demandes d’intervention.
En ce qui concerne la demande de traitement confidentiel présentée par la requérante, elle a, le 18 mai 1998, émis quelques réserves. 30 Par ordonnance du 16 juin 1998, parvenue à la Cour le 21 septembre suivant, la Supreme Court a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l’interprétation des articles 85, 86 et 222 du traité CE (devenu article 295 CE). Cette affaire a été enregistrée sous le numéro C-344/98. 31 Par ordonnance du 7 juillet 1998, Van den Bergh Foods/Commission (T-65/98 R, Rec. p. II-2641), le président du Tribunal a suspendu l’exécution de la décision litigieuse jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal mettant fin à l’instance dans la présente affaire et a réservé les dépens y afférents. 32 Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 2 mars 1999, Mars et Richmond ont été admises à intervenir dans la présente affaire à l’appui des conclusions de la Commission. Par cette même ordonnance, il a été partiellement fait droit aux demandes de traitement confidentiel présentées par HB. Une version non confidentielle des pièces de procédure a été signifiée aux intervenantes. 33 Par ordonnance du 28 avril 1999, le président de la cinquième chambre du Tribunal, conformément à l’article 47, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice, a suspendu la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-344/98. 34 Le 14 décembre 2000, la Cour a rendu l’arrêt Masterfoods et HB, précité. Par lettres du greffe du 1 er février 2001, les parties ont été invitées à déposer leurs observations sur les conséquences à tirer dans la présente affaire de cet arrêt. La Commission et HB ont déposé leurs observations au greffe, respectivement, les 15 et 27 février 2001. Le 13 mars 2001, Mars a déposé au greffe son mémoire en intervention dans la présente affaire en y incluant des observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt de la Cour. Richmond a renoncé à déposer un mémoire en intervention. 35 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. 36 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 3 octobre 2002. 37 HB conclut à ce qu’il plaise au Tribunal: ─ annuler la décision litigieuse dans sa totalité; ─ à titre subsidiaire, annuler les passages de la décision litigieuse que le Tribunal jugerait irréguliers ou non fondés; ─ condamner la Commission aux dépens. 38 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal: ─ rejeter le recours comme non fondé; ─ condamner HB aux dépens. 39 Mars conclut à ce qu’il plaise au Tribunal: ─ rejeter le recours comme non fondé; ─ condamner HB aux dépens exposés par Mars. 40 Lors de l’audience, Richmond a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal: ─ rejeter le recours; ─ condamner HB aux dépens. En droit 41 Au soutien de ses conclusions en annulation, HB soulève sept moyens, tirés, premièrement, d’erreurs manifestes d’appréciation des faits conduisant à des erreurs de droit, deuxièmement, d’une violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité, troisièmement, d’une violation de l’article 85, paragraphe 3, du traité, quatrièmement, d’une violation de l’article 86 du traité, cinquièmement, de la violation des droits de propriété en méconnaissance des principes généraux du droit et de l’article 222 du traité, sixièmement, d’une violation de l’article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) et, septièmement, de la méconnaissance des principes fondamentaux du droit communautaire et d’une violation des formes substantielles. Le Tribunal considère qu’il convient d’examiner les premier et deuxième moyens ensemble. Sur les premier et deuxième moyens, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation des faits et d’une violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité Arguments des parties 42 HB fait valoir que la décision litigieuse est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation des faits qui conduisent à des erreurs de droit. Elle considère que les parties sont en désaccord, non en ce qui concerne les faits, mais plutôt en ce qui concerne les conclusions à tirer de ceux-ci. 43 HB estime que l’exclusivité du congélateur ne peut être considérée comme une exclusivité imposée au point de vente (considérant 184 de la décision litigieuse), dès lors que les détaillants ont le droit de résilier le contrat les liant à HB ou d’entreposer de nouveaux congélateurs n’appartenant pas à HB à côté des congélateurs HB si des produits nouveaux et attrayants sont offerts ou s’ils ne sont plus satisfaits de la gamme de produits de HB ou du niveau de service de HB. Il ressortirait de l’arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission (T-7/93, Rec. p. II-1533), que la durée d’un lien contractuel serait significative pour évaluer le degré de cloisonnement du marché. Or, selon HB, ses accords relatifs aux congélateurs ne sont pas des accords à durée indéterminée puisque les détaillants ont la possibilité de les résilier à tout moment. Le fait que ses congélateurs soient rarement remplacés prouverait simplement que les détaillants disposant de ces congélateurs en sont satisfaits, et non pas que les points de vente en dépendent. 44 Selon HB, toutes les preuves révèlent que la très grande majorité des détaillants, dont la Commission prétend qu’ils font l’objet d’un cloisonnement à raison de l’exclusivité du congélateur HB, ont en fait opté de manière positive pour cette exclusivité, par préférence à toute autre configuration disponible pour l’entreposage et la vente des glaces à la consommation immédiate.
Il s’ensuit que la Commission n’aurait pas dû conclure que la clause d’exclusivité relative aux congélateurs conduit à verrouiller le marché de référence, en violation des articles 85 et 86 du traité. Elle estime que la Commission n’a pas établi l’existence d’un lien de causalité entre l’exclusivité du congélateur HB et la popularité de ses produits, en ce sens qu’un tel lien refléterait l’infiltration limitée des produits des concurrents sur le marché de référence. Les détaillants seraient ainsi disposés à s’approvisionner en nouveaux produits, dès lors que les consommateurs en feraient la demande. Les faits démontreraient cependant que l’infiltration limitée des concurrents de HB n’est pas due à une éventuelle fermeture du marché découlant de la clause d’exclusivité, mais au fait que leurs produits ne se sont pas révélés suffisamment attrayants pour les consommateurs. 45 HB fait valoir que la Commission a analysé de manière incorrecte la question du cloisonnement du marché. En effet, elle aurait dû distinguer les points de vente qui sont privés de toute liberté de choix en vertu des stipulations d’un accord de distribution de ceux qui ont une liberté de choix commercial et ont exercé celle-ci après évaluation des mérites des offres faites par les concurrents en présence. Seuls les premiers seraient susceptibles d’être considérés comme verrouillés. La Commission se serait en fait fondée sur la présomption selon laquelle des points de vente n’ayant que des congélateurs HB, sans qu’importe leur nombre, seraient verrouillés. HB précise qu’elle ne cherche pas à justifier la supposée protection territoriale absolue ou toute autre prétendue restriction de concurrence en cause en l’espèce, mais qu’elle soutient au contraire que tous les éléments de preuve démontrent que la pénétration limitée du marché par ses concurrents est due au fait qu’elle répond avec satisfaction aux besoins des détaillants et des consommateurs. Or, la Commission n’aurait pas cherché d’autres explications à l’échec relatif des concurrents de HB. 46 HB estime qu’un autre élément démontre que le raisonnement de la Commission sur le cloisonnement du marché de référence est vicié. Dans l’hypothèse où l’existence d’un «lien» découlant des accords entre HB et les détaillants concernant les congélateurs serait établi, HB soutient qu’il faudrait alors prendre en compte le fait que le degré de cloisonnement du marché n’est pas de 40 % comme avancé dans l’étude Lansdowne, mais au maximum de 6 %. En tout état de cause, pour procéder au calcul du degré de cloisonnement du marché de référence, HB estime, en s’appuyant sur diverses données et l’étude Lansdowne, qu’il faut exclure du calcul les trois catégories de points de vente suivantes: ─ les points de vente dotés d’au moins deux congélateurs HB, qui disposent par définition de l’espace nécessaire et pour lesquels un second congélateur est rentable (à savoir 6 % des points de vente); ─ les points de vente où le détaillant n’est pas intéressé par le stockage d’une autre marque de glaces que HB, car il n’y aurait pas alors de lien de causalité suffisant entre la pratique de mise à disposition d’un congélateur HB et le fait qu’un concurrent ne réussisse pas à obtenir l’accès au marché (à savoir 27 % des points de vente); ─ les points de vente où le détaillant est intéressé par le stockage d’autres marques de glaces que HB et serait en mesure d’installer un autre congélateur, de remplacer le congélateur HB par deux congélateurs plus petits ou de remplacer le congélateur HB par un congélateur lui appartenant (à savoir 2 à 5 % des points de vente). 47 Dès lors, HB estime que, dans le calcul du degré de cloisonnement du marché, il ne faut tenir compte que des points de vente où le détaillant souhaite changer de marque mais ne peut pas le faire. Ainsi, l’approche retenue par la décision litigieuse concernant l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité serait excessivement simpliste et en contradiction avec le droit tel qu’il s’est développé au cours des dernières années. HB fait également valoir que la Commission surestime les contraintes d’espace des détaillants. 48 En outre, HB relève que son calcul du cloisonnement réel du marché est étayé par d’autres éléments d’information relatifs à la dynamique du marché de référence. Elle estime notamment que le marché de référence est l’enjeu d’au moins cinq fabricants et que d’autres qu’elle, y compris de nouveaux entrants, ont réussi à atteindre un bon niveau, absolu et pondéré, de distribution.
49 HB conteste la conclusion de la décision litigieuse, selon laquelle la mise à disposition de congélateurs moyennant une clause d’exclusivité représente un obstacle financier à l’entrée ou à l’expansion des fournisseurs et augmente le coût de l’accès des concurrents au marché de référence, dans la mesure où les nouveaux entrants devront eux aussi fournir et entretenir des congélateurs. HB soutient que cette pratique est nécessaire afin d’empêcher ses concurrents d’utiliser ses congélateurs pour entreposer leurs produits sans avoir à investir dans leurs propres congélateurs. 50 Selon HB, la fourniture, moyennant un loyer séparé, de congélateurs à l’industrie des glaces destinées à la consommation immédiate en Irlande impliquerait donc l’existence de demandes portant sur ses ressources logistiques et autres, qui ne peuvent pas être quantifiées en termes monétaires. De surcroît, HB serait désavantagée du point de vue concurrentiel puisqu’elle serait tenue de comptabiliser des congélateurs destinés non seulement à ses propres activités, mais aussi à celles de ses détaillants et concurrents. 51 HB conteste l’affirmation de la Commission, au considérant 198 de la décision litigieuse, selon laquelle la concurrence par les prix peut souffrir du fait que la concurrence, dans le secteur des produits de consommation immédiate, s’exerce dans une large mesure au sein des points de vente et que, dès lors, la concurrence intermarques est réduite dans les points de vente n’offrant qu’une seule de ces marques. Elle fait observer que, en tout état de cause, environ 44 % des points de vente stockent deux marques de glace. 52 HB considère qu’une application correcte de l’article 85, paragraphe 1, du traité, au vu de la jurisprudence de la Cour, nécessite une application de la règle de raison. Elle estime, en effet, qu’il convient de faire une distinction entre les restrictions de comportement et les restrictions de concurrence. Tout accord impliquerait inévitablement une certaine forme de restriction de comportement, qui ne donnerait toutefois pas nécessairement lieu à une restriction de concurrence. Il serait ainsi clair que l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité inclurait inévitablement une appréciation qualitative de toute restriction déterminée du comportement. 53 HB fait également valoir qu’au regard de l’analyse fondée sur la règle de raison, l’article 85 du traité n’est pas applicable aux accords, relatifs aux congélateurs, conclus avec les détaillants, puisqu’il est clair que la clause d’exclusivité est nécessaire pour lui permettre de retirer l’intégralité des avantages du système. En outre, cette clause ne serait pas déraisonnablement restrictive de concurrence. En effet, l’exclusivité ne porterait que sur les congélateurs et l’accord lui-même pourrait être résilié à tout moment (voir point 43 ci-dessus). Elle relève que la Cour a affirmé, dans son arrêt du 28 janvier 1986, Pronuptia (161/84, Rec. p. 353), qu’il est possible de traiter des formes particulières de distribution, en l’espèce un système de franchise de distribution, au stade de la décision concernant l’application éventuelle de l’article 85, paragraphe 1, du traité. Le droit communautaire aurait aussi reconnu depuis longtemps que, dans le cadre de l’examen de l’applicabilité de l’article 85, paragraphe 1, du traité à un cas donné, il est nécessaire de tenir compte de la nature du produit régi par l’accord (arrêt de la Cour du 30 juin 1966, Société Technique Minière, 56/65, Rec. p. 337, 361 et 362). 54 La décision litigieuse aurait reconnu que le système de fourniture gratuite de congélateurs comportait des avantages tant pour le détaillant que pour le fournisseur (considérant 224) et qu’il y était largement recouru en Europe (considérant 21).
HB souligne également que la clause d’exclusivité ne confère pas d’exclusivité géographique au détaillant et n’aurait pas contribué à empêcher l’accès de Mars ou d’autres concurrents sur le marché de référence. Cette clause d’exclusivité ne relèverait donc pas de l’article 85, paragraphe 1, du traité en tant que restriction accessoire. HB rappelle que cette analyse correspond à celle que la High Court avait tenue, dans l’arrêt Masterfoods et HB, précité, aux paragraphes 141 à 146 et 221 à 229, et plus particulièrement au paragraphe 222. De même, HB invoque le rapport de la commission britannique des monopoles et des fusions, de mars 1994, relatif à la question du monopole sur le marché des glaces destinées à la consommation immédiate au Royaume-Uni, ainsi que différents arrêts de juridictions des États-Unis, et estime que l’approche en matière de règles relatives aux équipements des points de vente y est différente de celle adoptée par la Commission dans la décision litigieuse. 55 Dans l’hypothèse où la règle de raison ne serait pas appliquée, HB soutient que la clause d’exclusivité ne tomberait pas plus dans le champ de l’article 85, paragraphe 1, du traité sur la base de l’élément quantitatif, indépendamment de la tentative, reflétée par la décision litigieuse, de créer une catégorie artificiellement large de points de vente verrouillés. Elle considère que l’arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis (C-234/89, Rec. p. I-935), et l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, exigent un examen détaillé du caractère discutable du marché pour décider si un accord particulier, ou un faisceau d’accords, produit ou non un degré de fermeture tel qu’il tombe sous le coup de la prohibition de l’article 85, paragraphe 1, du traité.
Selon HB, les arrêts Delimitis et Langnese-Iglo/Commission, précités, exigent que deux conditions soient réunies pour qu’un marché soit jugé ouvert, à savoir, d’une part, qu’il existe un accès au nombre minimal de points de vente nécessaire pour l’exploitation rentable d’un système de distribution et, d’autre part, que les concurrents disposent, dans une certaine mesure, de la possibilité d’étendre leurs activités, c’est-à-dire d’augmenter leur part de marché. Selon HB, «si le marché peut être disputé de sorte que l’accès ne soit pas refusé aux nouveaux arrivants, c’est-à-dire qu’il existe des possibilités réelles et spécifiques d’entrée sur le marché, il n’y a pas de fermeture de nature à mettre en jeu l’article 85, paragraphe 1». En outre, l’importance du réseau d’accords similaires qui existerait dans l’industrie en cause ne devrait pas être exagérée, car il ne constituerait «qu’un élément parmi d’autres». 56 HB estime que le Tribunal doit examiner la question de la fermeture de l’accès au marché et du caractère acceptable ou non de cette dernière en présumant que Mars ou tout autre concurrent est prêt à réaliser un investissement en congélateurs comparable à celui des autres participants au marché. C’est ce qui ressortirait du point 21 de l’arrêt Delimitis, précité, selon lequel, avant de conclure qu’un concurrent est privé d’accès au marché de façon déraisonnable, il conviendrait de tenir compte des autres stratégies de pénétration sur le marché. 57 Selon HB, le marché de référence n’est pas fermé lorsqu’il est fait application du critère quantitatif. En premier lieu, elle fait valoir, pour ce qui est de la durée de la restriction, que, alors que dans l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, il avait été établi que les accords en cause étaient conclus pour cinq années et avaient une durée moyenne de deux années et demi, les accords portant sur les congélateurs sont résiliables à tout moment (voir point 43 ci-dessus). 58 En deuxième lieu, HB fait remarquer que, dans l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, le Tribunal a fondé son opinion relative aux effets des accords en cause sur le fait que ceux-ci excluaient totalement les fournisseurs concurrents des points de vente pertinents. En revanche, la clause d’exclusivité portant sur les congélateurs n’aurait pas un tel effet. En effet, un concurrent pourrait convaincre un détaillant des mérites de ses produits et ainsi avoir accès à son point de vente. 59 En troisième lieu, HB relève que le Tribunal a appliqué, au point 105 de l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, un test comportant deux volets et reposant sur un seuil de dépendance de 30 %, pour déterminer si certains accords ont un effet de fermeture du marché. Il serait ainsi nécessaire de convertir les critères quantitatifs développés par l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, à propos de l’exclusivité imposée au point de vente, afin de les appliquer à l’exclusivité imposée au congélateur.
Selon HB, la méthode la plus appropriée pour convertir lesdits critères consiste à se concentrer sur la part des détaillants qui n’ont qu’un congélateur HB et qui n’ont pas la place pour un deuxième congélateur, ou qui estiment que l’investissement dans un congélateur n’est pas économiquement viable. À la lumière de l’étude Lansdowne, il serait viable pour 47 % des points de vente, représentant plus de 80 % du chiffre d’affaires total relatif aux glaces, de disposer d’un congélateur appartenant en propre au détaillant. 60 Ainsi, HB estime que la Commission n’a pas établi de lien de causalité entre la clause d’exclusivité relative aux congélateurs et les problèmes que connaissent les fournisseurs ou nouveaux entrants pour pénétrer le marché. Elle en conclut que, le marché n’étant pas fermé au sens des critères établis par la jurisprudence issue de l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, il n’est pas nécessaire de passer au deuxième stade de l’examen, consistant à examiner les effets de l’accord en cause dans leur contribution au degré total de fermeture du marché pertinent. En effet, l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, suggérerait que la Commission devait souligner les éléments économiques et juridiques conduisant selon elle à une fermeture significative du marché des glaces. 61 La Commission, soutenue par les intervenantes, estime que la clause d’exclusivité est contraire à l’article 85 du traité en ce qu’elle restreint la liberté des détaillants et fait obstacle à l’accès au marché. Elle fait valoir que cette clause opère comme un lien de facto pour deux catégories de détaillants, à savoir «ceux qui pourraient ajouter un congélateur supplémentaire ou ceux qui pourraient remplacer un congélateur existant». La décision litigieuse aurait démontré la réticence des détaillants à installer un congélateur supplémentaire en raison de la place que cela nécessite et du fait que cette dernière pourrait être utilisée pour entreposer d’autres produits. La décision litigieuse aurait démontré, en outre, que les détaillants dépourvus d’espace mais à même de remplacer un congélateur existant, soit par un congélateur fourni par un autre fabricant, soit par un congélateur leur appartenant, seraient peu disposés à le faire, dès lors que cela entraînerait pour eux des responsabilités supplémentaires, comme l’entretien pour les détaillants qui achèteraient leur propre congélateur, ou la perte des produits HB pour les détaillants qui installeraient un congélateur d’un autre fabricant de glaces. 62 Selon la Commission, la vraie question que doit trancher le Tribunal est celle de savoir si elle a fourni une preuve suffisante de la conclusion figurant au considérant 143 de la décision litigieuse et selon laquelle «[c]ette restriction a pour effet d’empêcher les fournisseurs concurrents de vendre leurs produits dans ces points de vente, ce qui restreint la concurrence entre fournisseurs sur le marché en cause». La Commission estime, à cet égard, que la décision litigieuse expose amplement les difficultés auxquelles sont confrontés les détaillants qui veulent vendre d’autres marques de glaces. 63 La Commission rappelle que la décision litigieuse vise uniquement à rendre leur liberté commerciale aux détaillants et à permettre ainsi à des fabricants rivaux de se faire concurrence sur la base de la qualité de leurs produits. Il conviendrait en réalité de savoir si les détaillants qui paient, en définitive, pour les congélateurs installés dans leurs magasins sont libres d’y stocker des glaces de la marque de leur choix. La décision litigieuse aurait en effet mis en évidence le dilemme auquel doit faire face le détaillant qui veut stocker des glaces de marques différentes. Si, pour vendre des glaces d’une autre marque que HB, le détaillant doit, soit installer un congélateur supplémentaire, soit cesser de vendre les produits HB, il ne sera pas enclin à vendre d’autres marques. Par conséquent, le point de vente serait fermé à toute marque concurrente, quelle que soit la qualité du produit. La Commission estime que ce dilemme est exactement le même que celui qu’elle avait identifié dans l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, point 108, et dans l’arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Schöller/Commission (T-9/93, Rec. p. II-1611, point 84). Dans ces arrêts, le Tribunal aurait donné raison à la Commission, en considérant qu’une clause d’exclusivité relative aux congélateurs constituait «un élément contribuant à rendre plus difficile l’accès au marché». 64 Selon la Commission, HB exploite ce dilemme à son avantage en utilisant la clause d’exclusivité en tant qu’obstacle à l’entrée de nouveaux concurrents. Les dépenses de HB afférentes aux congélateurs permettraient à cette dernière d’exclure les autres fournisseurs du marché. Elle conteste les arguments de HB selon lesquels les détaillants sont satisfaits de leur accord avec HB et n’ont aucun intérêt à vendre d’autres marques de glaces. La Commission reconnaît que la clause d’exclusivité présente des avantages pour les parties mais elle fait observer que cette circonstance n’implique pas qu’elle ne contient aucun élément anticoncurrentiel. 65 S’agissant de la possibilité, pour les détaillants, de résilier leurs accords avec HB, la Commission souligne que doit être pris en considération, en tant qu’élément clé, l’effet économique de l’accord. Or, l’étude Lansdowne montrerait que les détaillants qui détiennent un congélateur HB exercent rarement leur droit de le remplacer par un congélateur d’une autre marque ou d’acheter leur propre congélateur. 66 La Commission estime également qu’il est possible de dissocier la fourniture des glaces de la fourniture du congélateur. Ainsi, il ne serait pas nécessaire, pour les fabricants de glaces, de posséder des congélateurs. HB admettrait cette distinction, puisqu’en 1995 et en 1996, elle aurait adressé deux propositions distinctes à la Commission, destinées à lui permettre de bénéficier d’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité et qui séparaient la propriété des congélateurs de la fourniture de glaces. 67 Mars fait valoir que, en liant le succès sur le marché au succès dans l’obtention de l’accès aux points de vente en détail, l’exclusivité d’utilisation du congélateur déformerait le processus de concurrence, en conférant au fournisseur existant un avantage déloyal sur les fournisseurs de moindre importance ou sur les nouveaux entrants sur ce marché, lesquels ne disposent probablement pas d’une gamme complète de produits connus. 68 La Commission conteste l’argument de HB, selon lequel 6 % du marché de référence seraient verrouillés, au lieu des 40 % visés dans la décision litigieuse. 69 La décision litigieuse montrerait combien il est difficile pour un nouvel entrant d’avoir accès au marché de référence du fait de l’existence de la clause d’exclusivité (considérants 185 à 200). En tout état de cause, il y aurait un lien de causalité entre la pratique consistant à fournir des congélateurs à l’usage exclusif de HB et la faible part de marché détenue par ses concurrents (considérants 185 à 194). 70 La Commission conteste l’argument de HB, selon lequel les accords passés avec les détaillants échappent à l’application de l’article 85 du traité, du fait de l’application de la règle de raison et de l’arrêt Pronuptia, précité. Les stipulations de l’accord soumis à l’appréciation de la Cour dans l’arrêt Pronuptia, précité, seraient en effet différentes. 71 De même, la Commission conteste l’interprétation de l’arrêt Delimitis, précité, donnée par HB (voir point 55 ci-dessus). Elle relève ainsi que, dans cet arrêt, la Cour a examiné s’il était possible pour un nouveau concurrent de s’infiltrer dans le faisceau de contrats existant sur le marché pertinent. Contrairement à ce que prétend HB, le nombre minimal de points de vente nécessaire pour tirer profit d’un réseau de distribution ne serait pas un critère utilisé par la Cour, mais un élément pour apprécier l’existence de ces possibilités concrètes d’infiltration. 72 Ainsi, dans l’arrêt Delimitis, précité, la Cour aurait affirmé qu’il est nécessaire, dans un premier temps, d’établir s’il existe clairement un «faisceau de contrats similaires» dans le marché de référence. Or, en Irlande, la plupart des congélateurs installés dans des points de vente seraient fournis par HB (considérant 152 de la décision litigieuse). Dans un deuxième temps, il serait nécessaire d’examiner les possibilités de pénétration du marché en cause. La Commission conteste que de telles possibilités existent en l’espèce. Dans un troisième temps, la Cour suggérerait, dans son arrêt Delimitis, précité, de tenir compte des conditions dans lesquelles s’accomplit le jeu de la concurrence sur le marché de référence. Or, la décision litigieuse aurait identifié les difficultés causées aux nouveaux entrants du fait de l’usage exclusif des congélateurs HB, lequel décourage les détaillants de stocker d’autres produits et génère des obstacles logistiques et financiers à l’accès au marché. La Commission estime que l’argument de HB, selon lequel un nouvel entrant est censé faire concurrence à ses rivaux «en agissant d’une manière caractéristique du secteur concerné», d’une part, ne figure dans aucun des arrêts cités par HB et, d’autre part, serait inacceptable si l’ensemble du secteur concerné appliquait des pratiques contraires aux articles 85 et 86 du traité. 73 La Commission considère que le degré de dépendance mentionné dans l’arrêt Delimitis, précité, n’est qu’un élément parmi d’autres du contexte économique et juridique dans lequel un réseau de contrats doit être apprécié et que cela ressort aussi des arrêts Langnese-Iglo/Commission, précité, et Schöller/Commission, également précité. 74 L’analyse du Tribunal dans ces derniers arrêts doit, selon la Commission, être appliquée à la présente espèce. La conclusion du Tribunal, selon laquelle les clauses d’exclusivité relatives aux congélateurs rendent l’accès au marché plus difficile, serait applicable à la clause d’exclusivité litigieuse, étant donné que le Tribunal aurait affirmé que la nécessité, pour un nouvel entrant, de se constituer un réseau de détaillants constituait un obstacle à l’entrée sur le marché. Appréciation du Tribunal 75 Par ses deux premiers moyens, HB reproche à la Commission d’avoir commis une série d’erreurs manifestes dans l’analyse de l’existence et du degré de cloisonnement du marché de référence découlant des accords de distribution en question. Elle considère notamment que la Commission, en surestimant sensiblement le degré de cloisonnement du marché, a violé l’article 85, paragraphe 1, du traité. 76 HB met en cause, plus particulièrement, la conclusion principale de la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle 40 % des points de vente en Irlande sont, de fait, liés à HB par la clause d’exclusivité et l’accès à ces points de vente est, par conséquent, fermé aux autres fournisseurs (voir, notamment, considérants 143, 156 et 184). Elle considère que cette conclusion est fondamentalement erronée en droit comme en fait, la Commission n’ayant pas correctement appliqué le critère juridique permettant d’établir si le marché de référence est cloisonné. HB reproche à la Commission de ne pas avoir fait de distinction entre, d’une part, les détaillants qui sont contractuellement empêchés de stocker les glaces d’autres fournisseurs et, d’autre part, ceux qui sont libres d’agir de la sorte et qui ont de l’espace disponible à cet effet, mais qui décident, selon leur propre appréciation commerciale, de ne pas le faire. HB estime que les détaillants choisissent librement de stocker ses glaces en raison, notamment, de la qualité de ses produits. Elle soutient que le fait que d’autres fabricants aient des difficultés à s’implanter sur le marché de référence n’est pas dû à la clause d’exclusivité, mais à la circonstance que leurs glaces sont moins attrayantes pour les détaillants et les consommateurs. 77 Il ressort de la décision litigieuse que la Commission a examiné non seulement les stipulations des accords de distribution de HB, qui n’empêchent pas formellement le stockage, par des détaillants, des glaces d’autres fournisseurs dans leurs points de vente, mais aussi l’application de ces accords dans le marché de référence et les choix commerciaux réellement ouverts aux détaillants en application de ces accords. Après avoir analysé les possibilités de persuader un détaillant de stocker les glaces d’un nouvel arrivant sur le marché de référence, la Commission a considéré qu’il était «peu probable» pour 40 % des points de vente ─ à savoir ceux dotés uniquement de congélateurs fournis par HB pour le stockage des glaces et qui ne disposent donc ni de leurs propres congélateurs ni de congélateurs provenant d’autres fabricants de glaces ─ que les détaillants aient pris les mesures nécessaires pour remplacer les congélateurs HB par un congélateur leur appartenant ou fourni par un fabricant concurrent ou aient prévu une certaine surface pour l’installation d’un congélateur supplémentaire. Elle en a conclu que la clause d’exclusivité présente dans les accords de distribution de HB opérait en réalité comme une exclusivité imposée à ces 40 % de points de vente du marché de référence et que HB avait contribué de manière sensible à un cloisonnement de ce marché, en violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité. 78 Il convient de constater que les parties s’opposent sur la question de savoir si l’analyse factuelle des spécificités du marché de référence faite par la Commission dans la décision litigieuse et la conclusion, tirée de cette analyse, selon laquelle la clause d’exclusivité viole l’article 85, paragraphe 1, du traité sont correctes. 79 Il y a lieu de relever également que, en dépit des arguments très détaillés qu’elles ont avancés dans leurs écritures et lors de l’audience au sujet de l’analyse des faits de l’espèce et des conclusions à en tirer, les parties ne sont pas en réel désaccord en ce qui concerne plusieurs éléments factuels qui caractérisent le marché de référence (voir point 42 ci-dessus), notamment les éléments suivants: ─ les glaces destinées à la consommation immédiate doivent être maintenues à une température peu élevée et, dès lors, être conservées dans un congélateur dans les locaux du détaillant; ─ les fabricants et les distributeurs de glaces ont largement recours, en Irlande et dans toute l’Europe, à la pratique qui consiste à fournir des congélateurs aux détaillants moyennant une clause d’exclusivité. En raison de la clause d’exclusivité, un détaillant disposant seulement d’un ou de plusieurs congélateurs HB qui souhaite vendre des glaces d’une autre marque doit, soit remplacer le(s) congélateur(s) HB, soit installer un congélateur supplémentaire; ─ contrairement aux clauses contenues dans les accords de livraison visés par les arrêts Langnese-Iglo/Commission, précité, et Schöller/Commission, précité, qui faisaient obligation aux détaillants, en Allemagne, de ne vendre dans leurs points de vente que des produits directement achetés auprès des sociétés Langnese-Iglo et Schöller, la clause d’exclusivité, en l’espèce, n’empêche pas les détaillants de vendre des glaces d’autres marques que HB, sous réserve que les congélateurs mis à leur disposition par cette dernière société soient utilisés exclusivement pour ses produits; ─

HB détient depuis longtemps la position de «leader du marché» en Irlande pour les glaces à consommation immédiate. Sa gamme de produits y est très populaire et connaît un grand succès commercial. Elle a acquis cette position à la suite d’investissements considérables dans le développement et la promotion d’une gamme complète de glaces, dont la notoriété est très forte en Irlande;
─ conformément aux stipulations des accords de distribution de HB, les détaillants qui ont conclu un accord pour la fourniture d’un congélateur peuvent le résilier à tout moment, moyennant un préavis de deux mois. Il est constant que, dans la pratique, HB n’impose pas le respect de ce préavis aux détaillants souhaitant résilier l’accord à plus court terme ou immédiatement;
─ les glaces destinées à la consommation immédiate constituent, pour la plupart des détaillants en Irlande, un produit marginal (dans la mesure où elles ne représentent qu’un petit pourcentage de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices) qui se vend de manière saisonnière. Elles se trouvent en concurrence dans les points de vente, pour l’occupation de la surface de vente, avec toute une série d’autres produits (faisant l’objet d’achats impulsifs ou non); ─

HB fait partie du groupe Unilever. Les sociétés de ce groupe sont les principaux fournisseurs de glaces alimentaires dans la plupart des États membres. Dans le secteur des glaces à consommation immédiate, ces sociétés occupent la première place dans plusieurs États membres. 80 Il convient, à titre liminaire, de relever que la clause d’exclusivité ne prévoit pas que les détaillants s’engagent à ne vendre, dans leurs points de vente, que des produits HB. Dès lors, cette clause ne constitue pas formellement une obligation d’achat exclusive ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de référence. Il incombe donc au Tribunal d’examiner, tout d’abord, si la Commission a suffisamment prouvé, dans les circonstances particulières du marché de référence, que la clause d’exclusivité portant sur les congélateurs opère en réalité comme une exclusivité imposée à certains points de vente et si elle a correctement quantifié le degré de cloisonnement. Le Tribunal doit ensuite vérifier, le cas échéant, si le degré de cloisonnement est suffisamment élevé pour constituer une violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité.
À cet égard, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel des actes de la Commission impliquant des appréciations économiques complexes doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi qu’à celle de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 62, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, points 23 et 25; arrêt du Tribunal du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7/92, Rec. p. II-669, point 33). 81 Il y a lieu de relever que la quantification du degré de cloisonnement du marché de référence, dans la décision litigieuse, est principalement fondée sur les informations et les données statistiques contenues dans l’étude Lansdowne. En outre, la décision se réfère souvent à une étude du marché de référence, commandée par HB et réalisée en 1996 par Behaviour & Attitudes Ltd, une société d’études de marché (ci-après l'«étude B & A»), et à une étude réalisée en 1996 par Rosslyn Research Ltd pour Mars (ci-après l'«étude Rosslyn»). Ces études contiennent deux types d’information, à savoir, d’une part, des informations purement factuelles relatives au nombre de points de vente en Irlande, au nombre de congélateurs par point de vente et au calcul du nombre de congélateurs appartenant aux détaillants ou fournis par les fabricants de glaces et, d’autre part, des informations comprenant des évaluations statistiques de données fournies lors d’un sondage d’un échantillon représentatif de détaillants, en Irlande. La Commission fonde sa conclusion, au considérant 156 de la décision litigieuse, sur une analyse des informations et des données pertinentes de ces études, à savoir que, dans 40 % des points de vente du marché de référence, le ou les seuls congélateurs destinés au stockage de glaces pour la consommation immédiate installés dans le point de vente ont été fournis par HB (voir considérants 87 à 125 et 146 à 156 de la décision litigieuse). Il y a lieu de relever que les parties ne contestent pas l’exactitude globale de ce chiffre et que HB, dans ses observations sur la communication des griefs de 1997, a confirmé qu’elle acceptait ce chiffre. 82 Dans le cadre de l’examen du bien-fondé de l’appréciation faite par la Commission de l’existence et du degré de cloisonnement du marché de référence, le Tribunal ne saurait se limiter aux effets de la clause d’exclusivité considérés isolément et en se référant uniquement aux restrictions contractuelles imposées par les accords de distribution HB aux détaillants individuels.
83 En effet, s’agissant de la question de savoir si les accords de distribution de HB tombent sous le coup de l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, du traité, il convient, conformément à la jurisprudence, d’examiner si l’ensemble des accords similaires conclus sur le marché de référence et des autres éléments du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivent les accords en cause font apparaître qu’ils ont pour effet cumulatif de fermer l’accès de ce marché à de nouveaux concurrents.
S’il résulte de cet examen que tel n’est pas le cas, les accords individuels constituant le faisceau d’accords ne sauraient porter atteinte au jeu de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité. En revanche, si l’examen révèle que l’accès au marché est difficile, il conviendra ensuite d’analyser dans quelle mesure les accords litigieux contribuent à l’effet cumulatif produit, étant entendu que ne sont interdits que les contrats qui contribuent de manière significative à un éventuel cloisonnement du marché (voir arrêts Delimitis, précité, points 23 et 24, et Langnese-Iglo/Commission, précité, point 99). 84 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient HB, les restrictions contractuelles imposées aux détaillants doivent être examinées non seulement de manière purement formelle du point de vue juridique, mais aussi en tenant compte du contexte économique spécifique dans lequel les accords en cause s’inscrivent, y compris les spécificités du marché de référence qui pourraient, en pratique, renforcer ces restrictions et fausser ainsi le jeu de la concurrence dans ce marché, en violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité. 85 À cet égard, il convient de rappeler que la clause d’exclusivité figurant dans les accords de distribution de HB faisait partie d’un ensemble d’accords similaires conclus par des fabricants sur le marché de référence et constituait une pratique courante non seulement en Irlande, mais aussi dans d’autres pays (voir point 79 ci-dessus). 86 Ainsi, il n’est pas contesté par HB que, en 1996, environ 83 % des commerces de détail en Irlande détenaient des congélateurs fournis par des fabricants et étaient soumis à des conditions analogues à celles prévues par la clause d’exclusivité. La conséquence pratique de ce réseau d’accords réside dans le fait que les fabricants de glaces qui n’ont pas de congélateur installé dans l’un ou l’autre de ces 83 % de points de vente ne pourront pas y accéder directement pour vendre leurs produits, à moins que le détaillant, soit remplace un congélateur existant par son propre congélateur ou un congélateur fourni par le nouveau fournisseur, soit installe un autre congélateur lui appartenant ou appartenant au nouveau fournisseur. En effet, un détaillant ne peut, sans violer l’accord de fourniture du congélateur en question, stocker dans ce congélateur des glaces d’un autre fabricant à côté de celles du fournisseur du congélateur, même s’il existe une demande pour ces autres marques. Il s’ensuit que seulement 17 % des points de vente disposaient de congélateurs appartenant au détaillant et avaient, par conséquent, la capacité de stocker les glaces de n’importe quel fournisseur. En outre, selon l’étude Lansdowne, 61 % des congélateurs fournis par un fabricant de glaces sur le marché de référence proviennent de HB, 11 % de Mars, 9 % de Valley et 8 % de Nestlé (voir considérant 88 de la décision litigieuse). Selon l’étude Rosslyn, 64 % des congélateurs fournis par un fabricant de glaces sur le marché de référence proviennent de HB, 14 % de Mars et 4 % de Valley (voir considérant 107 de la décision litigieuse). 87 Il ressort du dossier que les points de vente qui enregistrent les ventes les plus importantes de glaces destinées à la consommation immédiate sont généralement petits et que l’espace dont ils disposent est restreint (voir considérant 43 de la décision litigieuse).
Le Tribunal considère que l’argument de HB mentionné au point 47 ci-dessus, selon lequel la Commission aurait surestimé les contraintes d’espace des détaillants, ne saurait être accepté. En effet, même si le nombre de congélateurs, en Irlande, a augmenté d’environ 16 % entre 1991 et 1996, comme le soutient HB dans ses écritures, cela ne signifie pas que, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, de telles contraintes n’existaient pas. Or, la légalité de la décision litigieuse doit être appréciée notamment en fonction des éléments de fait existant à la date de son adoption. À cet égard, il convient d’observer que HB ne conteste pas la constatation de la Commission selon laquelle, en 1996 (voir considérant 147), soit juste après l’augmentation du nombre de congélateurs en Irlande invoquée par HB et deux ans avant l’adoption de la décision litigieuse, le nombre optimal de congélateurs nécessaires dans un point de vente en période de pointe, selon la perception des détaillants, était presque atteint. De surcroît, selon l’étude Lansdowne, 87 % des détaillants considèrent qu’il n’est pas économiquement viable de consacrer de l’espace à l’installation d’un congélateur supplémentaire (voir considérant 97 de la décision litigieuse). 88 De plus, il ne saurait être nié que le marché de produits en cause est caractérisé par la nécessité, pour chaque détaillant, de posséder au moins un congélateur ─ lui appartenant ou fourni par un fabricant de glaces ─ pour stocker et exposer des glaces (voir point 79 ci-dessus). Dès lors, le détaillant qui vend des produits à consommation immédiate, comme des sucreries, des chips et des boissons gazeuses, est amené à prendre une décision différente lorsque, d’une part, un fabricant de glaces lui propose de vendre ses produits, en remplacement ou en complément d’une gamme existante, et, d’autre part, un fabricant d’autres produits, comme des cigarettes et des chocolats, qui ne nécessitent pas un congélateur mais un rayonnage normal, lui fait une proposition similaire. En effet, un détaillant ne peut se contenter de stocker pendant une période d’essai une nouvelle gamme de glaces à côté d’autres produits existants afin d’établir s’il existe une demande suffisante pour cette gamme. Il doit tout d’abord prendre une décision commerciale afin de déterminer si les investissements, les risques et les autres désavantages associés à l’installation d’un congélateur ou d’un congélateur supplémentaire, y compris les déplacements et la diminution des ventes d’autres marques de glaces et d’autres produits, seront compensés par des rendements supplémentaires. Il s’ensuit qu’un détaillant rationnel n’attribuera de l’espace à un congélateur pour y stocker des glaces d’une marque particulière que si la vente de ce produit est plus rentable que la vente de glaces d’autres marques et d’autres produits à consommation immédiate.
89 Le Tribunal relève que, dans les circonstances exposées notamment aux points 85 à 88 ci-dessus, la mise à disposition d’un congélateur «à titre gracieux», la popularité évidente des glaces HB, l’étendue de sa gamme de produits et les bénéfices associés à la vente de celles-ci sont des considérations très importantes aux yeux des détaillants lorsqu’ils examinent la possibilité d’installer un congélateur supplémentaire pour vendre une deuxième gamme, même réduite, de glaces ou, a fortiori, de résilier leur accord de distribution avec HB afin de remplacer le congélateur de cette dernière, soit par leur propre congélateur, soit par un congélateur appartenant à un autre fournisseur, qui serait, selon toute vraisemblance, soumis à une condition d’exclusivité. 90 En outre, il y a lieu de rappeler que HB dispose depuis plusieurs années d’une position dominante sur le marché de référence.
En effet, elle détenait, lors de l’adoption de la décision litigieuse, une part correspondant à 89 % du marché de référence, tant en volume qu’en valeur, le reste étant réparti entre plusieurs petits fournisseurs (voir l’appréciation du Tribunal aux points 155 et 156 ci-après). Cette position est également illustrée par la notoriété de la marque HB ainsi que l’importance et la popularité de sa gamme de produits en Irlande. À cet égard, le Tribunal considère que la Commission pouvait légitimement prendre en considération, lors de l’évaluation des effets de la clause d’exclusivité sur le marché de référence, le fait que HB détenait une position dominante sur celui-ci afin d’apprécier les conditions en vigueur sur le marché et que cette évaluation n’était donc pas, contrairement à ce que soutient HB, «déformée». En effet, conformément à la jurisprudence constante en la matière, la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique en soi aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée (voir arrêts de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 57, et du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. p. I-1365, point 37). 91 Dès lors, la Commission, en prenant ainsi en considération la popularité des glaces de HB et la position de cette société sur le marché de référence, ne la pénalise pas de sa légitime réussite commerciale. Elle a simplement identifié la dépendance effective des détaillants créée par la présence, dans les points de vente, des congélateurs fournis par HB, la position dominante de HB sur le marché de référence, la popularité de sa gamme de produits, les contraintes liées au manque d’espace qui caractérisent les points de vente typiques, les désavantages et les risques associés au stockage d’une deuxième gamme de glaces, comme faisant tous partie du contexte économique en l’espèce. 92 Il y a lieu de considérer que les mesures prises par HB afin d’assurer le respect de la clause d’exclusivité ont pour effet que les détaillants agissent différemment envers ses produits qu’envers des glaces d’autres marques et d’une manière qui est susceptible de fausser le jeu de la concurrence dans le marché de référence. Ces effets sont clairement démontrés par le fait que les détaillants stockent des glaces d’autres marques à côté de celles de HB, dans le même congélateur, lorsqu’ils considèrent qu’ils sont libres de le faire. 93 Il ressort du dossier et de la décision litigieuse (voir considérant 48) que Mars, dès son entrée sur le marché de référence, en 1989, a conquis une part de celui-ci, mais que la réaction de HB et son insistance quant au respect de la clause d’exclusivité par les détaillants ont renversé cette évolution. En effet, suivant l’ordonnance prononcée en référé à l’encontre de Mars par la High Court en 1990, qui lui a interdit d’inciter les détaillants à stocker ses glaces dans des congélateurs HB, la distribution numérique de ses glaces pour la consommation immédiate, en Irlande, est tombée de 42 à moins de 20 %. Ce fait indique par lui-même qu’il existait une demande sur le marché de référence pour les produits fabriqués par les concurrents de HB et que la clause d’exclusivité influe sur la possibilité, pour ses concurrents, d’y pénétrer et de s’y établir. 94 L’étude B & A montre également qu’une proportion significative […] (2) % (plus de 35 %) des détaillants serait disposée à entreposer une plus grande gamme de produits si les clauses d’exclusivité cessaient d’exister dans les accords de distribution des fournisseurs de glaces (voir considérant 120 de la décision litigieuse), ce qui révèle d’ailleurs que ces clauses pourraient avoir pour effet, contrairement aux arguments de HB (voir point 51 ci-dessus), de réduire non seulement le choix des consommateurs, mais aussi la concurrence par les prix entre fournisseurs. De même, contrairement à ce qu’avance HB, le fait qu’environ 44 % des points de vente vendent deux marques de glaces ne démontre pas que la concurrence intermarques n’est pas affectée par la clause d’exclusivité. 95 En outre, dans les supermarchés irlandais ne pratiquant pas d’exclusivité en termes de congélateurs, les glaces d’autres fournisseurs que HB sont vendues à côté des produits de HB. Lors de l’audience, Richmond a fait valoir que, en Irlande, elle fournit 65 % des supermarchés mais seulement 8 % des détaillants. De surcroît, il y a lieu de remarquer que, au Royaume-Uni, où le système de distribution des glaces destinées à la consommation immédiate est différent, Richmond a acquis une part de marché de 24 %, tandis que sa part du marché de référence ne dépasse pas 2 %. Tous ces éléments confirment que, lorsqu’il leur est possible de stocker une deuxième marque de glaces dans un seul congélateur, un nombre important de détaillants sont disposés à le faire.
Le fait qu’ils ne le fassent pas résulte de la prévalence des clauses d’exclusivité dans le marché de référence. 96 Il convient de noter également que la conclusion de la Commission, selon laquelle l’entrée sur le marché de référence des concurrents de HB est entravée par l’existence de la clause d’exclusivité, est confirmée par l’évaluation, par HB elle-même, des avantages de cette clause. En effet, il ressort de la décision litigieuse que le groupe Unilever, à l’occasion de l’entrée de Mars sur le marché européen à la fin des années 80, a attribué une importance particulière à la fourniture de congélateurs destinés à l’usage exclusif de ses sociétés (voir considérants 64 à 68 de la décision litigieuse) et a considéré lui-même que cette pratique pourrait avoir pour effet d’imposer une exclusivité aux points de vente en question. Dans un document du groupe Unilever de 1989, intitulé «Stratégie de commercialisation des glaces alimentaires en Europe», il est fait référence à l’importance de la clause d’exclusivité et au maintien du régime de propriété des congélateurs dans les termes suivants:
«Nous devons conserver la propriété des congélateurs, notamment lorsque la distribution est assurée par les tiers, afin de garder, dans la mesure du possible, grâce à des contrats d’exclusivité, le monopole d’utilisation des appareils et, en fait, le monopole des ventes de glace[s] dans le point de vente.» 97 Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que la Commission a démontré, à suffisance de droit, que, nonobstant la notoriété des produits de HB sur le marché de référence et le fait qu’elle offre une gamme complète de glaces dont beaucoup sont très populaires auprès des consommateurs, il y a des indices objectifs et précis faisant apparaître l’existence d’une demande en Irlande pour les glaces d’autres fabricants lorsqu’elles sont disponibles, même si ces fabricants disposent de gammes de glaces plus réduites, à savoir les glaces des fabricants qui, comme Mars, occupent des créneaux bien précis. La Commission a démontré, à cet égard, qu’un nombre considérable de détaillants sont disposés à stocker des glaces destinées à la consommation immédiate provenant de plusieurs fabricants, à condition qu’ils puissent les stocker dans un seul congélateur, et qu’ils sont peu enclins à le faire lorsqu’ils sont obligés d’installer un congélateur supplémentaire leur appartenant ou appartenant à un autre fabricant.
Par conséquent, l’argument de HB, selon lequel la réticence des détaillants à vendre des produits d’autres fabricants de glaces ne doit pas être attribuée à la clause d’exclusivité mais plutôt au fait qu’il n’y a pas de demande sur le marché de référence pour ces produits, ne saurait être accepté. 98 Il y a lieu de constater également que c’est à juste titre que la Commission a considéré que, eu égard aux spécificités du produit en cause et au contexte économique de l’espèce, le réseau d’accords de distribution de HB et la fourniture de congélateurs «à titre gracieux» soumis à la condition d’exclusivité exercent un effet considérable de dissuasion sur les détaillants, quant à l’installation de leur propre congélateur ou de celui d’un autre fabricant, et opèrent, de facto, comme un lien à l’égard des points de vente qui disposent seulement des congélateurs HB, à savoir 40 % des points de vente du marché de référence.
En effet, en dépit du fait que les détaillants disposant seulement des congélateurs HB ont théoriquement la possibilité de vendre des glaces d’autres fabricants, la clause d’exclusivité a pour effet de restreindre la liberté commerciale des détaillants de choisir les produits à vendre dans leurs points de vente. 99 Toutefois, HB estime que, dans l’hypothèse où le Tribunal viendrait à considérer que la clause d’exclusivité opère comme un lien, de facto, à l’égard des points de vente, le degré de cloisonnement résultant de ses accords de distribution ne dépasserait pas 6 % de l’ensemble des points de vente du marché de référence et n’entraînerait pas une restriction sensible du jeu de la concurrence sur ce marché. Elle considère donc que la conclusion de la Commission, selon laquelle 40 % des points de vente du marché de référence sont, en fait, cloisonnés, est manifestement erronée. HB relève, en particulier, que ce pourcentage est trop élevé, notamment en ce qu’il inclut trois catégories de points de vente qui ne sauraient être considérées comme cloisonnées (voir point 46 ci-dessus). Elle affirme, à cet égard, que, pour calculer le degré de cloisonnement du marché de référence, il ne faut prendre en considération que les points de vente où les détaillants souhaitent changer de fournisseur de glaces mais ne peuvent le faire. 100 Le Tribunal considère que ces arguments doivent être rejetés. 101 Contrairement à ce que HB soutient (voir points 46 et 47 ci-dessus), dans les 6 % de points de vente dotés de plus d’un congélateur HB (et qui disposent donc de la place pour installer plus d’un congélateur), les détaillants ne sont susceptibles de remplacer un congélateur HB que s’ils considèrent que ce remplacement et la vente d’une autre marque de glaces leur permettront d’obtenir au moins le même chiffre d’affaires que celui qu’ils réalisaient auparavant avec les glaces HB. Or, il ressort du dossier que, en réalité, les détaillants ne choisissent que très rarement de remplacer un des congélateurs fournis par HB par un congélateur leur appartenant ou appartenant à un autre fabricant, en raison notamment de la position et de la popularité de HB sur le marché de référence. 102 Le Tribunal considère que les 6 % de points de vente en question et les 27 % de points de vente qui disposent d’un congélateur HB, pour lesquels les détaillants ne sont prétendument pas intéressés par le stockage d’une autre marque de glaces que HB (selon l’analyse faite par HB des données contenues dans l’étude Lansdowne), ne doivent pas être exclus du calcul du degré de cloisonnement du marché de référence. En effet, ces détaillants, en raison du fonctionnement de la clause d’exclusivité, sont confrontés à une situation qui fausse leurs options commerciales. Au vu notamment de la position de HB sur le marché de référence, ainsi que du fait qu’aucun de ses concurrents ne possède une gamme de produits aussi connue et complète que la sienne et des contraintes en matière d’espace déjà évoquées au point 87 ci-dessus, la possibilité pour les détaillants concernés de vendre des produits d’autres fabricants, surtout lorsque ces derniers disposent d’une gamme de produits limitée, ne les incite pas en général suffisamment à remplacer des congélateurs de HB ou à installer un autre congélateur (voir, par analogie, arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, point 108). 103 S’agissant de la troisième catégorie de points de vente, à savoir ceux où les détaillants sont prétendument intéressés par le stockage d’autres marques de glaces et en mesure d’y procéder, mais ne l’ont pas fait, leur nombre varie ─ selon les données présentées par HB et fondées sur son analyse de l’étude Lansdowne ─ entre 2 et 5 %. En dépit du fait que cette catégorie n’était pas clairement définie par HB, elle ne représente dès lors qu’une partie infime du total des 40 % et n’est pas de nature à infirmer la conclusion de la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle la partie identifiée du réseau d’accords de HB concernait environ 40 % de l’ensemble des points de vente du marché de référence. 104 De surcroît, pour ce qui concerne les deux dernières catégories de points de vente, le Tribunal relève également que les chiffres présentés par HB et fondés sur son analyse de l’étude Lansdowne ne sont pas de nature à infirmer l’appréciation de la Commission quant au degré de cloisonnement du marché de référence. En effet, en l’absence de toute indication de la part de HB des raisons pour lesquelles, d’une part, 27 % des points de vente en question ne seraient pas intéressés par le stockage d’une autre marque de glaces que HB et, d’autre part, 2 à 5 % des points de vente en question, qui seraient intéressés par le stockage d’autres marques de glaces, n’accompliraient cependant pas les démarches nécessaires pour ce faire, le Tribunal considère qu’il est tout à fait possible que ces circonstances soient attribuables aux facteurs identifiés par la Commission (voir, notamment, considérants 157 à 184 de la décision litigieuse), qui renforcent les restrictions au jeu de la concurrence dans le marché de référence résultant de la clause d’exclusivité et créent effectivement une dépendance commerciale dans le chef des détaillants envers HB. 105 Quant à l’argument de HB tiré de ce que l’exclusivité du congélateur, imposée par la clause d’exclusivité, ne saurait être considérée comme une exclusivité imposée aux points de vente car les détaillants disposent de la faculté de résilier à tout moment leurs accords de distribution avec HB, le Tribunal considère que cette faculté ne fait nullement obstacle à l’application effective des accords en question, aussi longtemps qu’il n’en a pas été fait usage. Dès lors, le Tribunal doit prendre en considération, pour évaluer les effets des accords de distribution sur le marché de référence, leur durée effective (voir, par analogie, arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, point 111). HB souligne à juste titre que, contrairement à la situation existant dans d’autres États membres, où la clause d’exclusivité est combinée avec un engagement contractuel de plusieurs mois ou même de plusieurs années, la situation offre en l’espèce, ainsi que la Commission le reconnaît, la possibilité aux détaillants de résilier la clause d’exclusivité moyennant un préavis très court, voire presque immédiatement. Un tel argument pourrait être convaincant si cette faculté se confirmait dans la pratique et si les points de vente devenaient donc régulièrement disponibles à de nouveaux entrants sur le marché de référence. Or, ainsi que la Commission l’a démontré, tel n’est pas le cas, les accords de distribution de HB étant résiliés en moyenne tous les huit ans. Il s’ensuit que l’argument tiré de la possibilité de résilier les accords de distribution de HB n’est pas convaincant, cette possibilité ne jouant en fait aucun rôle de diminution du degré de cloisonnement du marché de référence. 106 S’agissant de l’argument de HB relatif à l’application de la règle de raison en l’espèce, il convient de souligner que l’existence d’une telle règle en droit communautaire de la concurrence ne saurait être admise. Une interprétation de l’article 85, paragraphe 1, du traité telle que celle préconisée par HB s’avère au demeurant difficilement conciliable avec la structure normative de l’article 85. 107 L’article 85 du traité prévoit explicitement, dans son paragraphe 3, la possibilité d’exempter des accords restrictifs de concurrence lorsque ceux-ci satisfont à un certain nombre de conditions, notamment lorsqu’ils sont indispensables à la réalisation de certains objectifs et ne donnent pas à des entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ce n’est que dans le cadre précis de cette disposition qu’une mise en balance des aspects proconcurrentiels et anticoncurrentiels d’une restriction peut avoir lieu (voir, en ce sens, arrêt Pronuptia, précité, point 24; arrêts du Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T-17/93, Rec. p. II-595, point 48, et du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, point 136). L’article 85, paragraphe 3, du traité perdrait en grande partie son effet utile si un tel examen devait déjà être effectué dans le cadre de l’article 85, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C-235/92 P, Rec.
p. I-4539, point 133; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T-14/89, Rec. p. II-1155, point 265; du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p. II-1063, point 109, et voir aussi arrêt du Tribunal du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T-112/99, Rec. p. II-2459, points 72 à 74). 108 En outre, il ne saurait être déduit, avec certitude, du seul fait que la partie identifiée du réseau d’accords de HB concernait environ 40 % de l’ensemble des points de vente du marché, que cette partie est automatiquement susceptible d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence de manière sensible. Ce fait implique, ainsi que HB l’a fait valoir lors de l’audience, que 60 %, donc une majorité, des points de vente du marché de référence ne sont pas cloisonnés du fait de la clause d’exclusivité. 109 Pour apprécier les effets d’un tel réseau d’accords de distribution, il y a lieu de prendre en considération le contexte économique et juridique au sein duquel celui-ci se situe et où il peut concourir, avec d’autres, à un effet cumulatif sur le jeu de la concurrence (voir arrêts Delimitis, précité, point 14, et Langnese-Iglo/Commission, précité, point 100). 110 En l’espèce, la Commission a pris en considération, dans la décision litigieuse, les effets sur le jeu de la concurrence non seulement des accords de distribution de HB, mais également des différents réseaux d’accords relatifs à des congélateurs soumis à une clause d’exclusivité, gérés par d’autres fournisseurs du marché de référence. Il ressort de la décision litigieuse que 55 % des points de vente ne possédaient qu’un ou deux congélateurs HB, 14 % un congélateur HB et un congélateur Mars, 7 % un congélateur HB et un congélateur provenant d’un autre fabricant que Mars (voir considérant 108). La Commission a relevé également que la condition d’exclusivité, applicable aux congélateurs dans 83 % des points de vente du marché de référence (voir points 18 et 86 ci-dessus), constituait un obstacle pratique et financier important à l’entrée sur le marché et à l’expansion d’autres fournisseurs (voir considérants 185 à 194). 111 Il y a lieu de constater que, étant donné que d’autres fournisseurs que HB mettent aussi des congélateurs à la disposition des détaillants dans des conditions très similaires (voir notamment point 85 ci-dessus) et avec les mêmes contraintes en termes d’espace, c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision litigieuse, que les difficultés rencontrées dans les points de vente dotés uniquement de congélateurs HB, pour persuader les détaillants de remplacer les congélateurs HB existants ou d’installer des congélateurs supplémentaires pour les glaces destinées à la consommation immédiate, valent aussi pour tout congélateur soumis à une condition d’exclusivité, même si les autres fournisseurs n’ont pas la même position et la même popularité que HB sur le marché de référence. L’accès du fournisseur concurrent au marché de référence est empêché par une série de facteurs dont la charge que représentent pour les détaillants l’achat et l’entretien d’un congélateur, leur peur du risque et leur réticence à mettre fin aux relations établies avec leurs fournisseurs. Il s’ensuit que les réseaux d’accords mis en place sur le marché de référence affectent 83 % des points de vente du marché. 112 Toutefois, le degré de dépendance qui découle des réseaux d’accords, bien qu’il soit d’une certaine importance pour l’appréciation du cloisonnement du marché, ne constitue cependant qu’un élément parmi d’autres du contexte économique et juridique dans lequel le réseau d’accords doit être apprécié (voir arrêts Delimitis, précité, points 19 et 20, et Langnese-Iglo/Commission, précité, point 101). Il faut en outre analyser les conditions en vigueur sur le marché et, notamment, les possibilités réelles et concrètes pour de nouveaux concurrents de pénétrer sur celui-ci, malgré l’existence de ces réseaux. 113 Le Tribunal estime également que c’est à juste titre que la Commission a considéré, dans la décision litigieuse, que la mise à disposition des détaillants de congélateurs soumis à une condition d’exclusivité et les coûts de maintenance courants de ces congélateurs représentent un obstacle financier à l’entrée de nouveaux fournisseurs sur le marché en cause et à l’expansion des fournisseurs existants. À cet égard, il y a lieu de constater qu’il n’existe pas de lien objectif entre la fourniture des congélateurs sous condition d’exclusivité et la vente des glaces. Or, il ressort de la décision litigieuse que les détaillants ne sont pas enclins à accepter les congélateurs de fournisseurs qui n’offrent pas des conditions au moins aussi avantageuses que celles offertes par les fournisseurs dont les congélateurs sont déjà en place dans les points de vente concernés, ou que celles offertes par les fournisseurs de ce marché en général. Dans le cadre du marché de référence, cela signifie que le fournisseur doit être disposé à proposer «gracieusement» un congélateur et à en assurer l’entretien. Il s’ensuit que, conformément à ce que la Commission a soutenu dans la décision litigieuse (voir notamment considérant 189), l’investissement que représente l’acquisition d’un parc de congélateurs destinés à être installés dans des points de vente, pour assurer des niveaux viables de distribution aux produits d’un fournisseur, rend l’accès au marché en cause et le maintien sur ce marché très difficiles, notamment pour les petites entreprises et pour les fournisseurs de glaces destinées à la consommation immédiate qui occupent des créneaux bien précis, car il est difficile de justifier l’investissement dans des congélateurs provenant de fournisseurs n’offrant qu’une gamme réduite de produits. De surcroît, quant à l’argument de HB exposé au point 59 ci-dessus, selon lequel il serait viable pour 47 % des points de vente de disposer d’un congélateur appartenant en propre au détaillant, le Tribunal estime qu’il ne saurait être accepté, car, au vu de la pratique non seulement de HB, mais aussi d’autres fournisseurs, consistant à mettre à la disposition des détaillants des congélateurs à titre «gracieux», ceux-ci n’ont aucun motif d’acheter leur propre congélateur. 114 Le Tribunal estime également que HB n’a pas établi à suffisance de droit qu’il ne serait pas pratique d’imposer un loyer séparé pour la fourniture de congélateurs (voir point 50 ci-dessus). À cet égard, il ressort de la décision litigieuse que, en Irlande du Nord, HB facture aux détaillants un loyer annuel et applique une réduction de prix aux produits qu’elle fournit aux détaillants possédant leur propre congélateur (voir considérant 127). Il s’ensuit que, au vu de la possibilité d’imposer un loyer séparé pour la fourniture de congélateurs dans un autre marché géographique, la clause d’exclusivité ne saurait être considérée comme nécessaire afin qu’un fournisseur donné empêche ses concurrents d’utiliser ses congélateurs, pour entreposer leurs produits.
Pour ce même motif, il ne saurait être prétendu que HB serait tenue, sans qu’elle fût pour ce rémunérée, de comptabiliser des congélateurs destinés non seulement à ses propres activités, mais aussi à celles de ses détaillants et concurrents (voir points 49 et 50 ci-dessus). 115 De surcroît, s’il n’est pas contesté que la mise à disposition des détaillants de congélateurs présente certains avantages économiques et pratiques pour les fournisseurs de glaces et les détaillants, il y a lieu de constater que, lorsque la fourniture de congélateurs aux détaillants est soumise à une clause d’exclusivité, dans le contexte existant du marché de référence, les avantages économiques de cette pratique sont contrebalancés par ses effets négatifs sur la concurrence. Il s’ensuit que l’argument que HB fait valoir dans ses écritures, selon lequel cette pratique ne devrait être sujette à critique que si elle était dépourvue de justifications commerciales objectives, ne saurait être accepté. 116 En outre, il ressort du dossier que le fait que la vente indépendante en gros de glaces pour la consommation immédiate ne soit pas développée en Irlande implique que l’accès à la distribution par le biais de ces intermédiaires indépendants est rendu plus difficile. De surcroît, le poids des marques existantes sur le marché de référence et la fidélité que leur témoignent les consommateurs représentent un obstacle considérable pour les nouveaux arrivants (voir considérant 195 de la décision litigieuse).
117 Quant à l’argument de HB, selon lequel le marché de référence serait disputé par au moins cinq fabricants, il ressort du dossier que les autres fournisseurs de glaces destinées à la consommation immédiate ne détiennent que des parts très limitées du marché de référence. En effet, pour ce qui est de Mars, le plus grand concurrent de HB sur le marché, il doit être relevé que, au cours de la période juin-juillet 1997, sa part de marché ne s’élevait, respectivement, qu’à 4 et 5 %, en volume et en valeur.
En outre, la part du marché détenue par Mars, Valley et Leadmore a diminué pendant les années qui ont précédé l’adoption de la décision litigieuse (voir considérants 32 à 37). Il y a donc lieu de considérer que les faibles parts détenues par les concurrents de HB sont, au moins en partie, attribuables à la pratique de mise à disposition des congélateurs à titre gracieux par cette société. 118 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal considère qu’il résulte de l’examen de l’ensemble des accords de distribution similaires conclus sur le marché de référence ainsi que des autres éléments du contexte économique et juridique dans lequel ces accords s’inscrivent que les accords de distribution conclus par HB sont susceptibles d’affecter de manière sensible le jeu de la concurrence, au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité, et contribuent de manière significative à un cloisonnement du marché. 119 Il y a donc lieu de rejeter les premier et deuxième moyens, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation des faits et d’une violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit au regard de l’article 85, paragraphe 3, du traité Arguments des parties 120 HB fait valoir que la clause d’exclusivité tombe dans le champ d’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité et qu’elle peut faire l’objet d’une exemption. Elle conteste l’affirmation de la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle les effets restrictifs de son réseau d’accords de mise à disposition de congélateurs l’emportent sur les avantages découlant de l’efficacité de la distribution qui en résulte. De même, elle conteste le fait que ces avantages ne profitent qu’à elle et à ses détaillants et ne soient pas, au regard d’un intérêt général compris de façon plus large, de nature à compenser les inconvénients que ces accords comportent sur le plan de la concurrence. Enfin, HB remet en cause la conclusion contenue au considérant 234 de la décision litigieuse, selon laquelle l’avantage consistant à couvrir tout le territoire résultant de la clause d’exclusivité ne peut contrebalancer les inconvénients de la fermeture du marché, également dus au réseau d’accords de HB relatifs aux congélateurs. 121 HB avance, plus particulièrement, que la décision litigieuse est entachée de trois erreurs de droit au regard de l’article 85, paragraphe 3, du traité. 122 Premièrement, elle fait valoir que la décision litigieuse comporte une erreur logique fondamentale en ce qui concerne le rapport entre l’article 85, paragraphe 1, et l’article 85, paragraphe 3, du traité. Elle indique que, selon la décision litigieuse, l’article 85, paragraphe 3, du traité exige une mise en balance, d’une part, de la restriction de concurrence et, d’autre part, de la possibilité de disposer d’avantages de nature à justifier une exemption (voir considérants 222 à 225). Il ressortirait de la décision litigieuse que, du fait qu’elle exerce une concurrence trop efficace en procurant des avantages aux détaillants et aux consommateurs, HB restreint de ce fait la concurrence en violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité (voir considérant 226). Étant donné que ces avantages entraînent prétendument une restriction de concurrence, ils ne pourraient plus être pris en compte aux fins de l’octroi d’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité. Le raisonnement de la Commission formerait par conséquent un «cercle vicieux». 123 Deuxièmement, selon HB, les différentes conditions d’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité sont cumulatives par nature, en ce sens que chacune d’elles doit être remplie pour qu’une exemption puisse être accordée. Toutefois, la question de savoir si ces conditions sont remplies devrait faire l’objet d’une appréciation distincte pour chacune d’entre elles. Ainsi, la Commission ne pourrait pas soutenir que les avantages résultant des accords de HB relatifs aux congélateurs sont automatiquement neutralisés par les effets restrictifs desdits accords, la question de l’élimination substantielle de la concurrence devant être abordée séparément de celle des avantages qui découlent des accords en cause. Le Tribunal aurait clairement posé cette exigence d’une analyse séparée au point 122 de l’arrêt Matra Hachette/Commission, précité. HB relève que la Commission estime que l’amélioration de la distribution au niveau des détaillants en termes de réduction des coûts de transport et de fourniture régulière, l’amélioration de la distribution au niveau du fournisseur en termes de planification et de logistique et la stimulation de la demande par la maximisation de la disponibilité et de la visibilité des produits peuvent être ignorées, en raison de prétendus effets négatifs sur la concurrence dans le marché de référence. Contrairement à ce qu’allègue la Commission (voir point 130 ci-après), lorsque des avantages objectifs découlant d’un accord ont été identifiés, la question du cloisonnement du marché ne serait pertinente que pour les critères de l’élimination substantielle de la concurrence d’après l’article 85, paragraphe 3, du traité. Le point 180 de l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, cité par la Commission, ne contredirait pas les arguments de HB à cet égard (voir, à nouveau, point 130 ci-après). 124 Troisièmement, HB soutient que la Commission a commis une erreur dans l’examen effectué au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité, en se fondant sur le fait que le marché de référence est fermé. En effet, le degré réel de cloisonnement de ce marché ne serait pas supérieur à 6 %. 125 HB fait également valoir que l’application détaillée par la Commission de certaines des conditions de l’article 85, paragraphe 3, du traité est erronée en droit. Elle relève, à cet égard, que la décision litigieuse (voir considérant 227) reconnaît que l’existence de congélateurs dans un très grand nombre de points de vente, couvrant la totalité du marché géographique et provenant en grande partie du réseau de congélateurs de HB, peut être considérée comme un avantage objectif, notamment en matière de distribution, et que la clause d’exclusivité contribue à la réalisation de cet avantage. La Commission chercherait toutefois à nier cet avantage, en présumant que HB continuera, en vue de maximiser ses profits, à fournir des congélateurs sans clause d’exclusivité. Or, la Commission ne serait pas autorisée à présumer la continuité de la fourniture des congélateurs par HB en l’absence de clause d’exclusivité. En outre, HB fait valoir que la Commission, contrairement à ce qu’elle a affirmé aux considérants 232 et 233 de la décision litigieuse, ne saurait présumer qu’il existe des fournisseurs concurrents susceptibles de fabriquer une gamme de produits comparable à celle de HB, et à des coûts aussi efficaces que ceux de HB, leur permettant de distribuer ces produits dans des points de vente ayant un chiffre d’affaires trop peu élevé pour l’intéresser et à des détaillants qui, dans l’hypothèse où ils cesseraient d’être approvisionnés en glaces par HB, seraient en mesure de fournir leurs propres congélateurs. De même, elle soutient qu’il n’est pas prouvé qu’un revendeur indépendant pourrait fournir un service de distribution à un coût inférieur et de manière plus efficace que HB ni que l’émergence d’un nouveau type entrepreneurial de grossiste indépendant serait empêchée par la seule nature des accords de HB relatifs aux congélateurs. 126 HB soutient que, dans le contexte de la distribution, le terme «indispensable» ne signifie pas qu’il n’existe pas d’autre système de distribution des produits, mais simplement que les restrictions sont nécessaires pour réaliser la politique de distribution adoptée par le fabricant et générant des avantages au sens de l’article 85, paragraphe 3, du traité. Elle estime que, si l’exclusivité imposée au point de vente peut être considérée comme indispensable pour réaliser lesdits avantages, comme les exemptions par catégorie des accords de distribution et des accords d’approvisionnement exclusif l’admettent clairement, cela doit également être vrai pour les clauses d’exclusivité attachées aux congélateurs. 127 HB ajoute que, si la clause d’exclusivité devait être censurée, cela aurait clairement un impact négatif sur sa situation ainsi que sur ses accords de distribution. Premièrement, elle subirait un désavantage concurrentiel consistant dans le fait qu’un concurrent pourrait être autorisé à utiliser ses actifs sans avoir à investir dans la fourniture d’un congélateur aux points de vente concernés et pourrait en même temps exclure HB des congélateurs qu’il aura fournis. Deuxièmement, il ne serait pas possible de présenter la même offre, aussi complète, de produits HB dans le congélateur, ce qui entraînerait des pertes de ventes. Les frais de mise à disposition et de maintenance du congélateur ne pourraient plus être recouvrés pro tanto, puisque ces frais sont récupérés par le biais des ventes de glaces HB. Troisièmement, le coût de la distribution des glaces augmenterait dans les points de vente concernés par la décision litigieuse comme dans les autres. 128 HB estime que son système de distribution apporte des avantages aux consommateurs, conformément à l’article 85, paragraphe 3, du traité. Si tel n’avait pas été le cas, la Commission n’en aurait, en effet, pas été satisfaite lorsqu’elle a adopté la communication fondée sur l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 (voir point 12 ci-dessus), précisant qu’une exemption était justifiée. En fait, une grande partie de la logique de l’exemption par catégorie issue du règlement (CEE) n° 1984/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords d’achat exclusif (JO L 173, p. 5), serait également caduque. 129 HB ajoute que ses accords de distribution ne permettent pas d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, puisque, même selon la thèse de la Commission, 60 % du marché de référence n’est pas cloisonné. Elle relève également que la référence, au considérant 245 de la décision litigieuse, au fait que la structure concurrentielle du marché de référence n’a subi aucun changement sensible depuis de nombreuses années est incorrecte du point de vue des faits, puisque la décision litigieuse ne tient pas compte des arrivées récentes sur ce marché de grands fournisseurs innovants tels que Mars, Nestlé et Häagen-Dazs. 130 La Commission estime que la décision litigieuse n’est pas entachée d’une erreur logique fondamentale. En effet, une exemption ne pourrait être accordée qu’après une mise en balance des effets restrictifs de l’accord et des avantages qu’il procure.
Lesdits avantages «ne sauraient être identifiés à tout avantage que les partenaires retirent de l’accord». Elle soutient également que la décision litigieuse examine séparément chacune des conditions de l’article 85, paragraphe 3, du traité. Elle relève qu’elle a conclu, dans la décision litigieuse, que les accords de HB ne remplissaient pas ces conditions, car ils ne contribuaient pas à améliorer la distribution des produits, ne réservaient pas aux consommateurs une partie équitable du profit qui résulte de ce système, n’étaient pas indispensables pour atteindre lesdits avantages et laissaient à HB la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. La Commission, se référant plus particulièrement au point 180 de l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, et au point 142 de l’arrêt Schöller/Commission, précité, estime que son analyse de la première des quatre conditions énoncées par l’article 85, paragraphe 3, du traité n’est pas entachée d’une erreur de droit. 131 Selon la Commission, la requête de HB se focalise sur un seul des quatre critères devant être satisfaits pour obtenir une exemption, à savoir l’amélioration de la distribution des produits ou la promotion du progrès technique ou économique, et n’aborde pas les autres critères en détail. En outre, HB n’aurait pas démontré en quoi les avantages résultant de son système de distribution, à supposer qu’il y en ait, découlent de la clause d’exclusivité et non pas d’autres facteurs. 132 La Commission soutient que toutes les conditions posées à l’article 85, paragraphe 3, du traité doivent être remplies simultanément.
Elle estime également que HB n’a pas contesté, ni même remis en question, les conclusions contenues aux considérants 239 et 240 de la décision litigieuse, selon lesquelles la clause d’exclusivité réduit le choix des consommateurs et ne garantit pas que toute économie en termes d’efficience soit répercutée sur eux. La Commission conteste l’affirmation de HB, selon laquelle la clause d’exclusivité pourrait bénéficier d’une exemption par analogie avec les exemptions par catégorie pour la distribution exclusive et l’achat exclusif. Elle estime que l’équilibre entre les restrictions et leurs avantages, pour l’appréciation duquel la notion de caractère indispensable est importante, est différent dans le cas des glaces destinées à la consommation immédiate. Si, pour beaucoup de produits, les restrictions verticales de la liberté des détaillants seraient acceptables, parce qu’elles stimulent la concurrence entre marques, une concurrence intermarques serait toutefois moins probable pour les produits de consommation immédiate, car les consommateurs n’entrent pas, en général, dans un magasin dans le but d’acheter ces produits et ne cherchent pas à comparer ces produits d’un point de vente à un autre. De surcroît, les bénéfices des exemptions par catégorie en question pourraient être perdus, s’il y avait une concurrence insuffisante pour les produits en question, ce qui se serait produit dans l’affaire Langnese-Iglo/Commission, précité. En outre, le fait que HB pourrait subir un préjudice si elle abandonnait une pratique commerciale donnée ne signifierait pas que cette pratique est indispensable. 133 S’agissant de la condition énumérée à l’article 85, paragraphe 3, du traité relative à la possibilité d’éliminer la concurrence, la Commission soutient que HB ne s’est pas prononcée sur les considérants 242 à 246 de la décision litigieuse, relatifs au manque de concurrence sur le marché de référence et aux obstacles à l’entrée de nouveaux fournisseurs. À cet égard, la Commission relève que HB conteste simplement son analyse selon laquelle la structure concurrentielle du marché de référence n’a subi aucun changement sensible depuis de nombreuses années (considérant 245 de la décision litigieuse). Elle réaffirme que le marché de référence continue en fait à être dominé, à hauteur de 80 %, par HB. 134 La Commission estime que l’argumentation de HB, exposée au point 127 ci-dessus, est inexacte et constitue un moyen nouveau qui n’a pas été invoqué dans la requête et qui, dès lors, est irrecevable, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Appréciation du Tribunal 135 Il est de jurisprudence constante que le contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 85, paragraphe 3, du traité à l’égard de chacune des quatre conditions qu’il contient doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, point 109; Matra Hachette/Commission, précité, point 104, et du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 288). Il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission. 136 Il résulte en outre d’une jurisprudence bien établie que, dans le cas où une exemption est recherchée en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du traité, il appartient en premier lieu aux entreprises intéressées de présenter à la Commission les éléments de preuve de nature à établir que l’accord remplit les conditions posées par cette disposition (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 52; du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 45, et arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, point 179). 137 L’octroi, par la Commission, d’une décision individuelle d’exemption suppose que l’accord ou la décision d’association d’entreprises remplisse cumulativement les quatre conditions énoncées par l’article 85, paragraphe 3, du traité. Il suffit que l’une des quatre conditions fasse défaut pour que l’exemption doive être refusée (voir, en ce sens, arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 61; ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 34; arrêts Matra Hachette/Commission, précité, point 104, et SPO e.a./Commission, précité, points 267 et 286). 138 Il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient HB au point 123 ci-dessus, il ressort clairement de la décision litigieuse que la Commission a analysé en détail l’accord de distribution de HB à la lumière de chacune des quatre conditions énoncées par l’article 85, paragraphe 3, du traité (voir considérants 221 à 254 de la décision litigieuse). 139 En vertu de la première de ces conditions, les accords susceptibles d’être exemptés doivent «[contribuer] à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique». À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que l’amélioration ne saurait être identifiée à tout avantage que les partenaires retirent de l’accord quant à leur activité de production ou de distribution. Cette amélioration doit notamment présenter des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients que comporte l’accord sur le plan de la concurrence (voir arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 502, et arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, point 180). 140 L’examen de cette première condition est réalisé aux considérants 222 à 238 de la décision litigieuse. La Commission a notamment reconnu que les accords de mise à disposition de congélateurs de HB pouvaient assurer tout ou partie des avantages décrits au cinquième considérant du règlement n° 1984/83, pour HB elle-même ainsi que pour les détaillants qui sont parties à ces accords, et que la méthode de distribution utilisée actuellement par HB pouvait lui offrir, ainsi qu’à ses détaillants, certains avantages en termes d’efficience en matière de planification, d’organisation et de distribution. Dès lors, la Commission a considéré que ces accords ne présentaient pas d’avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients qu’ils comportaient sur le plan de la concurrence. Au soutien de cette affirmation, elle a estimé que les accords de mise à disposition de congélateurs en cause renforçaient considérablement la position de HB sur le marché de référence, en particulier vis-à-vis de ses concurrents potentiels. À cet égard, elle a relevé, à juste titre, que le renforcement d’une entreprise aussi importante que HB sur le marché de référence ne stimulait pas la concurrence, mais la freinait, parce que le réseau d’accords de cette entreprise constituait un obstacle majeur à l’accès au marché ainsi qu’à l’expansion sur ce même marché des concurrents existants (voir, notamment, considérants 225 et 236 de la décision litigieuse et, par analogie, arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, point 182). Il convient de rappeler également que le degré du cloisonnement du marché de référence est de l’ordre de 40 % (voir point 98 ci-dessus) et non pas de 6 % comme le soutient HB (voir point 124 ci-dessus). 141 Dès lors, le Tribunal considère que, contrairement à ce que HB a fait valoir (voir point 123 ci-dessus), c’est à bon droit que la Commission a pris en considération les obstacles à l’accès au marché de référence qu’entraîne la clause d’exclusivité et, en conséquence, l’affaiblissement de la concurrence qui en découle, pour évaluer l’accord de distribution de HB à la lumière de la première condition de l’article 85, paragraphe 3, du traité (voir, par analogie, arrêts Consten et Grundig/Commission, précité, p. 502, et Langnese-Iglo/Commission, précité, point 180). Il s’ensuit que l’argument de HB mentionné au point 122 ci-dessus, selon lequel les considérants 222 à 225 de la décision litigieuse comportent une erreur logique fondamentale en ce qui concerne le rapport entre l’article 85, paragraphe 1, et l’article 85, paragraphe 3, du traité, ne saurait être accepté, la Commission étant obligée, en application d’une jurisprudence constante en la matière, de vérifier l’existence d’avantages objectifs sensibles de nature à compenser les inconvénients que comporte un accord sur le plan de la concurrence. 142 Il y a lieu de relever également que les accords de distribution de HB présentent deux aspects particuliers, à savoir, d’une part, la mise à disposition «à titre gracieux» des congélateurs aux détaillants et, d’autre part, l’engagement de la part de ceux-ci d’utiliser ces congélateurs uniquement pour stocker les glaces HB. Or, les avantages assurés par les accords en question découlent du premier aspect et peuvent donc être réalisés même en l’absence de clause d’exclusivité. 143 De surcroît, l’affirmation de la Commission au considérant 227 de la décision litigieuse, selon laquelle, si l’existence de congélateurs destinés à la vente de glaces pour la consommation immédiate dans un très grand nombre de points de vente, couvrant la totalité du marché géographique et provenant en grande partie du réseau de congélateurs de HB, peut être considérée comme un avantage objectif en matière de distribution de ces produits d’intérêt général, il est néanmoins peu probable que HB cesse définitivement de fournir des congélateurs aux détaillants, quelles qu’en soient les conditions, à l’exception d’un petit nombre de cas, si sa faculté d’imposer une obligation d’exclusivité relative à ces congélateurs venait à être restreinte, doit être acceptée. HB n’a pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste en considérant que la réalité commerciale pour une société comme HB, qui souhaite conserver sa position sur le marché de référence, est d’être présente dans le plus grand nombre de points de vente possible (voir considérant 228 et point 125 ci-dessus). En effet, contrairement à ce que soutient HB, la Commission ne s’est pas contentée de présumer la continuité de la fourniture par HB de congélateurs sur le marché de référence, mais a réalisé une analyse prospective du fonctionnement de ce marché après l’adoption de la décision litigieuse. En outre, contrairement à ce que prétend HB (voir point 125 ci-dessus), la Commission pouvait valablement invoquer l’argument selon lequel des fabricants concurrents de HB pourraient appliquer une politique consistant à fournir des congélateurs aux points de vente qui réalisent des chiffres d’affaires trop bas, dans le domaine des glaces pour la consommation immédiate, pour intéresser HB, et ce à des conditions plus avantageuses que celles que les détaillants pourraient espérer obtenir eux-mêmes si HB cessait de fournir des congélateurs à certains points de vente. De même, la Commission pouvait valablement faire état de la possibilité que des congélateurs aient été installés par des revendeurs indépendants qui s’approvisionneraient auprès de différentes sources et satisferaient à la demande de tous les points de vente dont HB aura retiré ses appareils ou auxquels elle décidera de ne pas en fournir. S’agissant d’une analyse prospective de la part de la Commission, elle ne saurait être remise en cause comme viciée d’une erreur manifeste d’appréciation que sur la base d’éléments concrets apportés par HB, ce que cette dernière n’a pas fait en l’espèce. 144 Les accords de distribution de HB ne remplissant pas la première des conditions énoncées par l’article 85, paragraphe 3, du traité, il y a lieu, dès lors, de rejeter le troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la Commission a commis une erreur manifeste en ce qui concerne l’appréciation des autres conditions prévues par cette disposition. Il suffit, en effet, que l’une des quatre conditions fasse défaut pour que l’exemption doive être refusée. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’application de l’article 86 du traité Arguments des parties 145 HB ne conteste pas, dans sa requête, les constatations de la décision litigieuse relatives à l’existence d’une position dominante, mais seulement celles relatives à l’abus de cette position (voir considérant 263), et notamment le fait qu’elle incite les détaillants à lui accorder une exclusivité en fournissant des congélateurs aux détaillants ainsi qu’en assurant la maintenance de ces appareils sans frais directs pour les détaillants. 146 Toutefois, lors de l’audience et dans ses observations sur le mémoire en intervention de Mars, HB a affirmé qu’elle ne détenait pas une position dominante. Elle avance que, si, comme l’a jugé la Cour, la position dominante se définit par la capacité de conserver des parts de marché dans le temps, «sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable» (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 41), alors elle ne disposerait manifestement pas d’une telle position. Elle relève que plusieurs autres fournisseurs, et notamment des entreprises multinationales comme Nestlé et Mars, ont des capacités largement suffisantes pour fournir ses détaillants-clients si ceux-ci venaient à vouloir se détourner d’elle. 147 HB estime qu’il est étrange de qualifier d’abusive une pratique largement utilisée, que la Commission ne cherche pas à caractériser comme ayant pour objet de restreindre la concurrence, et qui est reconnue comme accordant des avantages aux parties à l’accord.
148 HB conteste l’argument de la Commission, selon lequel la clause d’exclusivité porte atteinte à la liberté des détaillants de choisir, sur la base de la qualité des produits, leurs fournisseurs. En outre, cette affirmation serait en contradiction avec le considérant 259 de la décision litigieuse, qui reconnaîtrait expressément que la grande majorité des détaillants choisissent de vendre les produits HB, et ce souvent de manière exclusive. HB ajoute qu’un grand nombre des détaillants concernés ne stockeraient pas de glaces du tout si un congélateur n’était pas mis à leur disposition. La fourniture en glaces de petits détaillants et la mise à disposition d’un congélateur amélioreraient l’efficacité générale de HB et augmenteraient la concurrence. HB estime que l’approche des conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 26 novembre 1998, Bronner (C-7/97, Rec. p. I-7791, I-7794), en particulier s’agissant des points 57 et 65, est également applicable à la clause d’exclusivité.
Ainsi, le fait de fournir des congélateurs à des conditions exclusives serait une facette de la concurrence sur le marché de référence. HB relève que ses congélateurs ne sont pas une «facilité essentielle», étant donné qu’il n’existe pas de contrainte matérielle qui empêche les concurrents de HB d’installer des congélateurs dans les points de vente désireux d’entreposer d’autres marques de glaces destinées à la consommation immédiate. 149 HB soutient également que la position de la Commission relative au cloisonnement du marché est inacceptable au regard de l’article 86 du traité, puisque, dans tous les cas où une exclusivité verticale a été considérée comme un abus, la Cour ou le Tribunal ont expressément ou implicitement appliqué un seuil ou un critère minimal de cloisonnement du marché (arrêts de la Cour Hoffmann-La Roche/Commission, précité; du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359, et Michelin/Commission, précité; arrêt du Tribunal du 1 er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389). HB soutient que, le pourcentage de points de vente potentiellement susceptibles d’être inaccessibles à cause de la fourniture de congélateurs ne dépassant pas 6 %, le seuil d’effet sensible requis pour caractériser un abus consistant en un cloisonnement du marché par le biais d’une clause d’exclusivité n’est pas atteint. 150 HB relève, dans sa réplique, que les analyses de la Commission, relatives aux articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité, sont inextricablement liées, de sorte qu’elle a «recyclé» son dossier relatif à l’article 85 du traité pour en faire un dossier relatif à l’article 86 du traité, alors que cette pratique a été critiquée par le Tribunal dans son arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403, point 360, ci-après l'«arrêt Verre plat»). 151 La Commission, soutenue par les intervenantes, rappelle que le concept d’abus est un concept objectif (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité). Ainsi, le «renforcement de la position détenue par l’entreprise [peut] être abusif et interdit par l’article 86 du traité, quels que soient les moyens ou procédés utilisés à cet effet» (arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, point 27). S’agissant de l’argument de HB, tiré de ce que la clause d’exclusivité ne saurait constituer un abus puisqu’il s’agit d’une pratique courante, la Commission avance que même une pratique courante dans l’industrie peut être un abus de position dominante. Elle ajoute que HB ne saurait utilement invoquer le fait que la situation résulte du libre choix des détaillants. En effet, HB les aurait incités à passer des accords contenant une clause d’exclusivité, ce qui constituerait l’abus. 152 La clause d’exclusivité constituerait un obstacle à l’entrée sur le marché et à l’expansion du marché de référence, et renforcerait la prépondérance du pouvoir du fournisseur en place sur le marché. Une éventuelle concurrence de la part de fournisseurs existants ou potentiels serait ainsi minimisée. Les détaillants seraient empêchés d’exercer leur liberté de choix quant aux produits qu’ils souhaiteraient entreposer et quant à l’optimisation de l’espace du point de vente. En outre, le choix des consommateurs serait réduit. La Commission soutient que la pratique de HB, consistant à lier le coût du congélateur à une clause d’exclusivité, alors qu’il n’y a pas de lien objectif entre eux, diffère des conditions d’une concurrence normale pour des biens de consommation.
En outre, les points de vente en question représenteraient 40 % de tous les points de vente du marché et non pas 6 % comme le soutient HB. Enfin, la Commission soutient que HB n’a précisé ni le statut ni la source de son «seuil de tolérance» et n’a pas expliqué en quoi un abus d’une telle ampleur pourrait ne pas relever de l’article 86 du traité. 153 La Commission souligne également que l’analyse qu’elle a réalisée au regard de l’article 85 du traité est distincte de celle qu’elle a faite au regard de l’article 86 du traité, de sorte que HB ne saurait tirer argument de l’arrêt Verre plat. Elle indique que, dans cet arrêt, le Tribunal a estimé que la Commission avait «recyclé» les faits constitutifs d’une infraction à l’article 85 du traité et en avait tiré la constatation, sans réaliser aucune étude de marché, que les parties détenaient ensemble une part de marché importante, puis avait déduit de ce seul fait qu’elles détenaient une position dominante collective et avait conclu que leur comportement illicite constituait l’abus de cette position. Appréciation du Tribunal 154 Il est de jurisprudence constante que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. La possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient pendant une période d’une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente ─ sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable ─, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 41, et arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, AAMS/Commission, T-139/98, Rec. p. II-3413, point 51). En outre, une position dominante est une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché de référence en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 65, et arrêt AAMS/Commission, précité, point 51). 155 Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la décision litigieuse définit le marché de référence comme étant celui des glaces destinées à la consommation immédiate, vendues en conditionnement individuel, en Irlande (considérants 138 et 140 de la décision litigieuse), et que HB ne conteste pas le bien-fondé de cette définition. HB, tout en ne remettant pas en cause l’affirmation de la Commission aux considérants 28 et 259 de la décision litigieuse, selon laquelle sa part en volume et en valeur du marché de référence est supérieure à 75 %, et elle a conservé cette part intacte pendant plusieurs années, estime qu’elle ne détient pas de position dominante sur ce marché. Au moment de l’adoption de la décision litigieuse, la part du marché de référence détenue par HB s’élevait à 89 % (voir point 90 ci-dessus). À cet égard, il convient de rappeler également que les autres fournisseurs de glaces destinées à la consommation immédiate présents sur ce marché, tels Mars et Nestlé, ne détiennent que des parts très limitées (voir considérants 32 et 34 de la décision litigieuse), et ce malgré le fait que ces derniers sont des acteurs importants des marchés voisins des sucreries et des chocolats et vendent ces produits dans les mêmes points de vente que ceux en cause en l’espèce. En outre, Mars et Nestlé disposent de marques notoires pour leurs produits ainsi que de l’expérience et de la capacité financière pour entrer dans de nouveaux marchés. Il s’ensuit que HB détient non seulement une part du marché de référence extrêmement importante, mais qu’il y a de plus un écart considérable entre sa part de ce marché et celles des concurrents qui la suivent immédiatement. 156 De surcroît, il ressort notamment du dossier que HB dispose de la gamme de produits la plus étendue et la plus populaire sur le marché de référence, qu’elle est le seul fournisseur de glaces pour la consommation immédiate dans environ 40 % des points de vente du marché de référence, qu’elle fait partie du groupe multinational Unilever qui produit et commercialise des glaces depuis de nombreuses années dans tous les États membres et dans beaucoup d’autres pays dans lesquels les entreprises du groupe sont très souvent les fournisseurs les plus importants de leur marché respectif et que la marque HB jouit d’une notoriété très forte. Le Tribunal estime, par conséquent, que c’est à juste titre que la Commission a conclu que HB est un partenaire incontournable pour de nombreux détaillants du marché de référence et qu’elle dispose d’une position dominante sur ce marché.
157 Il convient, ensuite, de vérifier le bien-fondé de la conclusion de la Commission, dans la décision litigieuse, relative à l’exploitation abusive par HB de sa position dominante sur le marché de référence. Selon une jurisprudence constante, la notion d’exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 91, et AKZO/Commission, précité, point 69). Il s’ensuit que l’article 86 du traité interdit à une entreprise dominante d’éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites. L’interdiction édictée à cette disposition se justifie également par le souci de ne pas causer de préjudice aux consommateurs (voir, en ce sens, arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, précité, point 26, et arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 526 et 527). 158 Par conséquent, si la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique en soi aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée, il lui incombe, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (arrêt Michelin/Commission, précité, point 57). 159 Le Tribunal constate, liminairement, que c’est à juste titre que HB soutient que la mise à disposition des congélateurs sous condition d’exclusivité constitue une pratique courante sur le marché de référence (voir point 85 ci-dessus). En situation normale de marché concurrentiel, ces accords sont conclus dans l’intérêt des deux parties et ne sauraient par principe être prohibés. Toutefois, ces considérations, applicables en situation normale de marché concurrentiel, ne sauraient être admises sans réserve dans le cas d’un marché où, du fait précisément de la position dominante détenue par l’un des opérateurs, la concurrence est déjà restreinte. En effet, des activités commerciales qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits et qui ont un effet salutaire sur le jeu de la concurrence dans un marché en équilibre peuvent restreindre ce jeu lorsqu’elles sont exercées par une entreprise qui dispose d’une position dominante sur le marché pertinent. S’agissant de la nature de la clause d’exclusivité, le Tribunal estime que c’est à bon droit que la Commission a considéré, dans la décision litigieuse, que HB exploitait de façon abusive sa position dominante sur le marché de référence, dans le sens où elle incitait les détaillants qui, pour entreposer les glaces destinées à la consommation immédiate, ne possédaient pas leur propre congélateur ou ne disposaient pas de congélateur provenant d’un fournisseur de glaces autre que HB à accepter des accords de mise à disposition de congélateurs soumis à une condition d’exclusivité. Cette violation de l’article 86 prend ici la forme d’une offre de fourniture de congélateurs aux détaillants ainsi que de maintenance de ces appareils, sans frais directs pour les détaillants. 160 Le fait, pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, de lier de facto ─ fût-ce à leur demande ─ 40 % des points de vente du marché de référence par une clause d’exclusivité, qui opère en réalité comme une exclusivité imposée à ces points de vente, constitue l’exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 86 du traité. En effet, la clause d’exclusivité a pour effet d’empêcher les détaillants concernés de vendre d’autres marques de glaces ou de réduire leur possibilité de réaliser de telles ventes, et ce alors même qu’il y a une demande pour de telles marques, et à empêcher l’accès du marché de référence aux fabricants concurrents. Il s’ensuit que l’argument de HB mentionné au point 149 ci-dessus, selon lequel le pourcentage de points de vente potentiellement susceptibles d’être inaccessibles à cause de la fourniture de congélateurs ne dépasserait pas 6 %, est incorrect et doit être rejeté. 161 En outre, les références faites par HB aux conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Bronner, précitées, ne sont pas pertinentes en l’espèce, car, comme la Commission le soutient à juste titre dans ses écritures, elle n’a pas affirmé, dans la décision litigieuse, que les congélateurs HB étaient une «installation essentielle», ce qui constitue la question examinée dans ces conclusions, et il n’est pas nécessaire que HB cède un élément d’actif ni qu’elle passe des contrats avec des personnes qu’elle n’a pas choisies en appliquant cette décision. 162 De surcroît, s’agissant de l’argument de HB relatif au «recyclage» du dossier (voir point 150 ci-dessus), le Tribunal estime qu’il doit être rejeté. Contrairement à ce qui a été critiqué dans l’arrêt Verre plat, la Commission ne s’est pas limitée à un «recyclage» des faits constitutifs de la violation de l’article 85, paragraphe 1, du traité, afin de constater que le comportement en question viole également l’article 86 du traité. En l’espèce, la Commission a effectué une analyse étendue, dans la décision litigieuse, du marché de référence et a conclu que HB détenait une position dominante sur ce marché. La Commission a ensuite conclu à bon droit que, en incitant les détaillants à s’approvisionner exclusivement auprès de HB dans les conditions visées aux points 159 et 160 ci-dessus, cette dernière a eu recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une concurrence normale dans le secteur des biens de consommation. 163 Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit tenant au non-respect des droits de propriété et à la violation de l’article 222 du traité Arguments des parties 164 HB fait valoir que l’application des règles de concurrence dans la décision litigieuse constitue une violation injustifiée et disproportionnée de ses droits de propriété, tels que reconnus à l’article 222 du traité. Elle reconnaît que le droit de propriété n’est pas absolu mais souligne que toute restriction à ce droit ne peut constituer une intervention démesurée et intolérable dans les prérogatives du propriétaire (voir arrêt de la Cour du 13 décembre 1979, Hauer, 44/79, Rec. p. 3727).
L’interdiction de la clause d’exclusivité aurait ainsi pour but de permettre l’utilisation de congélateurs payés et entretenus par HB, pour le stockage de glaces fournies par des tiers, ce qui affecterait sérieusement ses droits de propriété sur les congélateurs et, plus généralement, ses intérêts économiques. HB estime que, contrairement à ce que soutient la Commission au considérant 219 de la décision litigieuse, ses droits de propriété ne peuvent être protégés de manière appropriée par la perception d’un droit de location séparé pour le congélateur. Elle relève que la gestion et la perception d’un loyer entraîneraient des frais substantiels de fonctionnement et qu’une location ne compenserait pas les dysfonctionnements économiques qui seraient introduits dans son système de distribution à la suite de l’entreposage des glaces de tiers dans les congélateurs. En outre, elle serait manifestement désavantagée par rapport à des concurrents, lesquels pourraient continuer à mettre des congélateurs à disposition à titre gracieux. 165 HB conteste également l’allégation de la Commission (voir considérant 213 de la décision litigieuse) selon laquelle, puisqu’elle a installé des congélateurs dans des points de vente au détail, toute restriction contractuelle qu’elle impose sur leur usage peut être soumise aux règles de concurrence. Elle souligne que, dans le domaine de la propriété intellectuelle, il est admis que les éléments qui relèvent de la substance des droits de propriété n’incluent pas seulement le droit de concéder des licences (arrêt de la Cour du 3 mars 1988, Allen & Hanburys, 434/85, Rec. p. 1245, point 11), de refuser de concéder une licence à un tiers (arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Volvo, 238/87, Rec. p. 6211, point 8) et de prévenir l’atteinte aux droits (arrêt de la Cour du 20 octobre 1993, Collins, C-92/92 et C-326/92, Rec. p. I-5145), mais aussi des dispositions particulières d’un contrat de licence [voir points 75, 79, 85, 86, 90 et 100 de la décision 83/400/CEE de la Commission, du 11 juillet 1983, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/29.395 ─ Windsurfing International) (JO L 229, p. 1)].
Or, la clause d’exclusivité serait qualitativement comparable aux types de clauses autorisées dans les licences de droits en matière de propriété intellectuelle. 166 HB relève que la valeur économique de son réseau de congélateurs réside dans le fait qu’elle dispose des installations nécessaires dans les points de vente pour entreposer et vendre ses glaces, en particulier dans ceux qui, sans la fourniture d’un congélateur, ne pourraient vendre de glaces, ne pouvant pas investir dans leurs propres congélateurs. Dès lors, le droit de HB de contrôler les congélateurs et le fait qu’elle insiste sur l’exclusivité qui est attachée à ceux-ci découlent de la substance ou de l’essence même de ses droits (arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Alsatel, 247/86, Rec. p. 5987). 167 La Commission, soutenue par les intervenantes, fait valoir qu’il n’est pas porté atteinte aux droits de propriété de HB. Elle avance que HB a déjà cédé une partie de ses droits sur les congélateurs aux détaillants, contre paiement. HB resterait donc propriétaire, mais aurait conféré certains droits à ces détaillants. Par conséquent, le fait que HB affirme que ses droits de propriété ont été «confisqués» relèverait de la rhétorique. Il incomberait aux détaillants de payer pour la fourniture du congélateur, dont le coût est inclus dans celui des glaces. 168 En outre, la Commission estime que, si les détaillants sont autorisés à utiliser les congélateurs de HB pour vendre d’autres marques de glaces, ils ne seraient pas pour autant des «profiteurs», puisque HB peut récupérer le coût de son investissement de plusieurs façons et notamment en demandant le paiement d’un loyer distinct pour la mise à disposition du congélateur. Elle conteste l’affirmation de HB, selon laquelle il serait difficile de percevoir un tel loyer, car cette dernière facturerait déjà les livraisons de glaces aux détaillants. Elle relève que HB n’a pas prouvé qu’un système de location distinct introduirait des dysfonctionnements économiques dans son réseau de distribution. En outre, la Commission estime que HB ne sera pas pénalisée par rapport à ses concurrents, si ceux-ci continuent à mettre des congélateurs à disposition des détaillants à titre gracieux, car, si le coût des glaces et le coût du congélateur sont dissociés, le résultat devrait être financièrement neutre pour les détaillants qui continuent à acheter des glaces de HB et à les entreposer dans les congélateurs fournis par HB. 169 La Commission relève que le parallèle établi par HB entre ses droits de propriété et le domaine de la propriété intellectuelle est erroné, dès lors que les titulaires de droits en matière de propriété intellectuelle obtiennent une certaine protection pour leur permettre de récupérer leur investissement dans les produits en question. Selon la Commission, l’intérêt public que représente la concurrence doit être mis en balance avec l’intérêt public que représente la mise au point de nouveaux médicaments ou d’autres résultats utiles qui profitent à la collectivité dans son ensemble, aussi bien qu’au fabricant. L’intérêt public que revêtiraient les glaces serait différent. En tout état de cause, même si la situation de HB relevait des règles de propriété intellectuelle, les affaires citées par elle au point 165 ci-dessus démontreraient que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle ne jouit pas d’une totale immunité au regard des règles de concurrence quant à la façon dont il vend ses produits.
Appréciation du Tribunal 170 Selon une jurisprudence constante, le droit de propriété fait partie des principes généraux du droit communautaire, lequel n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêts de la Cour Hauer, précité, point 23; du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 15, et du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, point 78). L’article 3, sous g), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous g), CE] prévoit que, pour atteindre les buts de la Communauté, l’action de celle-ci comporte «un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur». Il s’ensuit que l’application des articles 85 et 86 du traité constitue un des aspects de l’intérêt public communautaire (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Cosmas sous l’arrêt Masterfoods et HB, précité, Rec. p. I-11369, I-11371). Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées, en application de ces articles, à l’usage du droit de propriété, à condition qu’elles ne soient pas démesurées et ne portent pas atteinte à la substance même de ce droit. 171 Le droit de propriété en cause dans la présente affaire concerne le parc de congélateurs de HB et les droits de cette dernière de les exploiter commercialement. Or, la décision litigieuse n’affecte en aucune manière le titre de propriété de HB sur ses actifs, mais ne réglemente, dans l’intérêt public, qu’une forme particulière d’exploitation de ceux-ci, de la même manière que, par exemple, dans de nombreux États membres, le législateur intervient pour protéger le locataire. La décision litigieuse ne prive pas HB de son droit de propriété sur son parc de congélateurs ni ne l’empêche d’exploiter ces actifs en les donnant en location à des conditions commerciales. Elle prévoit seulement que, si HB décide de les exploiter en les fournissant «à titre gracieux» aux détaillants, elle ne peut le faire sur la base d’une clause d’exclusivité, aussi longtemps qu’elle dispose d’une position dominante sur le marché de référence. Il s’ensuit que c’est à juste titre que, dans la décision litigieuse, la Commission a constaté que la clause d’exclusivité constitue une infraction aux dispositions des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité dans les points de vente qui sont dotés uniquement de congélateurs fournis par HB pour le stockage de glaces destinées à la consommation immédiate, et qui ne disposent ni de leur propre congélateur ni de congélateur(s) provenant d’un autre fabricant, et a rejeté la demande d’exemption en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du traité, présentée par HB en faveur de la clause d’exclusivité. Elle a ensuite simplement mis HB en demeure de mettre fin immédiatement à ces infractions et de s’abstenir de prendre des mesures ayant le même objet ou le même effet. Dès lors, la décision litigieuse ne comporte pas de limitation indue à l’exercice du droit de propriété de HB sur ses congélateurs. 172 En outre, au vu de l’appréciation faite au point 114 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument de HB exposé au point 164 ci-dessus, fondé sur les inconvénients liés à l’imposition d’un loyer séparé pour ces congélateurs. Quant à l’argument de HB exposé au point 164 ci-dessus, selon lequel elle serait désavantagée par rapport à des concurrents qui pourraient continuer à mettre des congélateurs à disposition des détaillants à titre gracieux, le Tribunal rappelle que les accords de distribution de HB, à la différence de ceux de ses concurrents, contribuent de manière significative au cloisonnement du marché de référence.
De surcroît, HB disposant d’une position dominante sur ce marché, il lui incombe, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (arrêt Michelin/Commission, précité, point 57, et point 158 ci-dessus). 173 Par conséquent, le cinquième moyen doit également être rejeté. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 190 du traité Arguments des parties 174 HB fait valoir que la décision litigieuse viole l’article 190 du traité, au moins sous quatre aspects. Premièrement, la définition de la «fermeture» du marché par la Commission aurait évolué entre la communication des griefs de 1993 et celle de 1997. HB ajoute que la Commission a changé d’opinion à son égard durant cette même période. Deuxièmement, le fait que la Commission n’ait pas appliqué le raisonnement suivi dans l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, précité, relatif à l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité, à la clause d’exclusivité rendrait la décision litigieuse insuffisamment motivée. Troisièmement, HB estime que les conclusions que la Commission tire des faits de l’espèce ne sont pas fondées d’un point de vue logique et entachent ainsi la décision litigieuse d’une insuffisance de motivation. Quatrièmement, le fait que la Commission ait omis d’expliquer en quoi l’exclusivité du congélateur HB n’était pas indispensable pour atteindre les avantages découlant des accords de HB concernant la mise à disposition des congélateurs, aux fins de l’article 85, paragraphe 3, du traité, alors qu’elle avait reconnu, tant dans sa communication des griefs de 1993 que dans la communication de 1995 (voir point 12 ci-dessus), que cette exclusivité pouvait justifier une exemption, entacherait la décision litigieuse d’une insuffisance de motivation.
175 La Commission, soutenue par les intervenantes, rappelle, d’une part, que, selon l’article 190 du traité, elle est tenue d’indiquer les raisons qui ont conduit à la décision effectivement adoptée et non celles qui, à un stade antérieur, auraient pu ou non l’amener à adopter une décision différente. D’autre part, elle soutient qu’elle n’a pas modifié de manière significative son analyse depuis 1993. En tout état de cause, elle serait en droit d’adopter une position différente de sa position initiale en présence de faits nouveaux. Elle aurait ainsi pris en compte les arrêts Langnese-Iglo/Commission, précité, et Schöller/Commission, précité, rendus après la communication des griefs de 1993. Appréciation du Tribunal 176 Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si l’acte est fondé, ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité, et, d’autre part, à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité (arrêts du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 226, et du 17 février 2000, Stork Amsterdam/Commission, T-241/97, Rec. p. II-309, point 73). Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19;
du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et 16, et du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86). 177 Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que, par ses deuxième et troisième arguments évoqués au point 174 ci-dessus, HB n’opère pas la distinction nécessaire entre l’exigence de motivation et la légalité au fond de la décision litigieuse.
En effet, sous couvert d’une prétendue insuffisance de motivation, elle reproche à la Commission une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation des faits. Elle ne critique pas l’absence de motivation mais plutôt son bien-fondé. Il s’ensuit que ces arguments doivent être rejetés dans le cadre du présent moyen. 178 S’agissant des premier et quatrième arguments de HB, le Tribunal considère que la Commission a expliqué notamment aux considérants 7 et 247 de la décision litigieuse qu’elle a révisé son jugement favorable initial, contenu dans sa communication du 15 août 1995, au motif que les modifications proposées par HB à son système de distribution n’avaient pas apporté les résultats escomptés en termes de libre accès aux points de vente. La Commission a, de la sorte, motivé à suffisance de droit sa décision de revenir sur sa position initiale. En outre, il ressort clairement du considérant 241 de la décision litigieuse que la Commission a estimé que HB n’avait pas démontré que les prétendus avantages apportés par les accords de distribution, conduisant à une amélioration de la production et de la distribution, dans l’intérêt notamment des consommateurs, ne pouvaient pas être obtenus d’une manière tout aussi efficace en l’absence de clause d’exclusivité en faveur de ses produits et ainsi de lien entre la fourniture de congélateurs et l’offre de glaces et, du considérant 247, que, pour cette raison notamment, les accords en question ne pouvaient pas bénéficier d’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité. 179 Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation prescrite par l’article 190 du traité n’est pas fondé. Sur le septième moyen, tiré de la méconnaissance des principes fondamentaux du droit communautaire Arguments des parties 180 HB fait valoir que la Commission, en ayant méconnu les termes de sa communication de 1995 (voir point 12 ci-dessus), a violé le principe tendant à la protection de la confiance légitime, en l’absence de tout «intérêt public péremptoire». Les circonstances entourant le «marché» conclu en 1995 entre HB et la Commission et relatif aux modifications de son système de distribution et sa mise en oeuvre par HB auraient été de nature à légitimer ses attentes, selon lesquelles la Commission, d’une part, prendrait une position favorable sur ses accords révisés concernant l’exclusivité des congélateurs et, d’autre part, ne reviendrait pas sur sa position ni ne procéderait à une reformulation du dossier en ce qui concerne les faits et le droit. HB ajoute que si le monde des affaires ne peut pas faire confiance à la Commission pour qu’elle se comporte comme convenu, le système des lettres de confort et des règlements informels des litiges s’en trouverait discrédité. 181 HB estime que la Commission a également violé le principe de subsidiarité et son obligation de coopération loyale avec les juridictions nationales. Elle rappelle qu’une procédure identique était pendante devant les juridictions irlandaises et soutient qu’aucun intérêt communautaire ne justifiait l’intervention de la Commission, dès lors que l’affaire concernait l’approvisionnement, par une société irlandaise, de consommateurs irlandais, par le biais de détaillants irlandais, en produits spécifiques au marché irlandais. 182 HB soutient également que la Commission a violé le principe de sécurité juridique en adoptant la décision litigieuse, alors qu’une procédure de pourvoi, pour laquelle une date d’audience avait été fixée avant l’adoption de ladite décision, était pendante devant les juridictions irlandaises. En outre, HB relève que la High Court a adopté une position diamétralement opposée à celle de la Commission. Bien que la Commission ait le devoir de prendre en compte les intérêts des plaignants, la communication de la Commission relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1993, C 39, p. 6) indique clairement que, «normalement, il n’y a pas un intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen d’une affaire lorsque le plaignant est en mesure d’obtenir une protection adéquate devant les juridictions nationales. Dans ces circonstances, la plainte fera normalement l’objet d’un classement». 183 En outre, la décision litigieuse violerait le principe de proportionnalité en ce qu’elle priverait HB de la valeur économique de son parc de congélateurs d’une manière telle qu’elle porterait une atteinte disproportionnée à ses droits de propriété.
De même, elle serait disproportionnée en ce qu’elle invaliderait tous les accords de HB concernant la mise à disposition de congélateurs dans la partie du marché prétendument fermé, ce qui irait à l’encontre des arrêts Delimitis, précité, et Langnese-Iglo/Commission, précité, qui auraient admis qu’il n’est pas nécessaire que tous les obstacles à l’accès au marché soient supprimés, à partir du moment où il existe une réelle possibilité de pénétration du marché et d’expansion. De surcroît, la décision litigieuse violerait le principe de proportionnalité et serait discriminatoire en ce qu’elle interdirait non seulement pour le passé, mais aussi pour l’avenir, l’exclusivité du congélateur HB dans les relations avec la catégorie de détaillants concernée. Dans l’arrêt Langnese-Iglo/Commission, le Tribunal aurait annulé la partie de la décision de la Commission qui interdisait à Langnese-Iglo de conclure des accords d’achat exclusif jusqu’au 31 décembre 1997, en constatant qu’il serait contraire au principe de l’égalité de traitement d’exclure pour certaines entreprises le bénéfice, à l’avenir, d’un règlement d’exemption par catégorie, tandis que d’autres entreprises pourraient continuer à conclure des accords d’achat exclusif, tels que ceux interdits par la décision.
184 HB avance également que la décision litigieuse est discriminatoire en ce qu’elle implique une attaque arbitraire de sa capacité à faire concurrence aux autres fournisseurs sur la base adoptée par toutes les autres sociétés ayant des activités sur le marché de référence. 185 Enfin, HB fait valoir que les arguments qu’elle avait invoqués à l’appui des moyens tirés de la violation de l’article 190 du traité peuvent également être invoqués à l’appui du moyen tiré de la violation de formes substantielles. En outre, elle affirme que la Commission, par son refus de tout dialogue afin de trouver une solution à l’échec du «marché de 1995», a manqué aux devoirs de bonne administration violant ainsi les formes substantielles. 186 La Commission, soutenue par les intervenantes, estime qu’il ne saurait avoir été porté atteinte à la confiance légitime de HB du fait que celle-ci n’a pas obtenu d’exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité. En effet, HB n’aurait pas reçu d'«assurances précises» en ce sens et, en tout état de cause, une violation du droit communautaire ayant été constatée, la confiance légitime ne pourrait être invoquée. 187 La Commission considère que la notion de subsidiarité ne porte pas sur la question de savoir si le droit communautaire doit être appliqué par les juridictions nationales ou par la Commission, cette question ayant été réglée depuis longtemps. Selon la Commission, la thèse de HB repose sur l’idée erronée qu’elle ne peut sanctionner une violation des articles 85 et 86 du traité portée à son attention si cette violation (qui, par définition, suppose un effet sur le commerce entre États membres) ne produit des effets que sur le marché d’un État membre. 188 La Commission fait valoir également qu’elle n’a pas violé le principe de sécurité juridique en adoptant la décision litigieuse, alors qu’une procédure était pendante devant les juridictions irlandaises. Elle considère qu’elle était en droit de prendre cette décision pour un certain nombre de raisons. Premièrement, HB aurait notifié un accord en demandant une attestation négative ou une exemption. Or, seule la Commission aurait le pouvoir de prendre une décision d’exemption en application de l’article 85, paragraphe 3, du traité. Deuxièmement, la Commission relève que, au moment où elle a adopté la décision litigieuse, un certain nombre d’actions étaient pendantes devant les juridictions et les autorités de concurrence nationales. Elle estime qu’elle avait le devoir de tenir compte des intérêts des plaignants et, par conséquent, était tenue de prendre une décision rapide dès l’instant où elle était parvenue à la conclusion qu’il y avait violation des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité. Selon HB, la Commission aurait dû attendre l’issue de la procédure de pourvoi entamée devant les tribunaux irlandais avant d’adopter la décision litigieuse. Dans une telle hypothèse, le problème de la sécurité juridique n’aurait pas été résolu.
L’adoption de la décision litigieuse aurait seulement été différée. 189 La Commission soutient également que la décision litigieuse n’a pas violé le principe de proportionnalité. La décision litigieuse n’éteindrait pas les droits de propriété de HB sur les congélateurs. En effet, la décision donnerait un exemple spécifique de la façon dont HB pourrait récupérer son investissement en congélateurs par des moyens licites. HB n’aurait produit aucune raison valable en ce qui concerne son impossibilité de gérer un système de facturation séparée pour les glaces et les congélateurs.
HB affirmerait que la décision invalide tous les accords en question, alors qu’elle-même interpréterait les arrêts Delimitis, précité, et Langnese-Iglo/Commission, précité, comme signifiant qu’il n’est pas nécessaire que tous les obstacles à l’accès du marché soient supprimés. Toutefois, la Commission estime que la Cour a déclaré dans l’arrêt Delimitis, précité, que les accords doivent être pris comme un tout et ne doivent pas être divisés. En outre, quant à l’argument de HB selon lequel la décision litigieuse interdirait la clause d’exclusivité non seulement pour le passé, mais aussi pour l’avenir, la Commission fait valoir que cette décision interdit simplement à HB de conclure de nouveaux accords ayant le même effet ou le même objet que les accords existants. 190 La Commission conteste l’affirmation de HB selon laquelle celle-ci a été traitée de manière inéquitable et discriminatoire.
La Commission aurait tenu compte des effets produits par les autres réseaux d’accords dans la décision litigieuse (considérant 204) mais aurait établi qu’aucun de ces autres réseaux n’avait contribué d’une manière importante à la fermeture de l’accès au marché de référence. Le principe de l’égalité de traitement ne commanderait pas d’interdire ces accords s’ils n’ont pas d’effet restrictif important. 191 Enfin, la Commission fait valoir qu’elle n’a violé aucune forme substantielle. Appréciation du Tribunal 192 S’agissant du grief relatif à la violation de la confiance légitime, il est de jurisprudence constante que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dans laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T-266/97, Rec. p. II-2329, point 71, et du 8 novembre 2000, Dreyfus e.a./Commission, T-485/93, T-491/93, T-494/93 et T-61/98, Rec. p. II-3659, point 85). 193 Il convient de relever, en premier lieu, que la Commission n’a pas fourni à HB d’assurances précises quant au sort des engagements notifiés par la lettre de 8 mars 1995 (voir point 12 ci-dessus). En outre, elle n’a pas adopté de décision d’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité, décision qu’elle pouvait en tout état de cause révoquer ou modifier en application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 17 si la situation de fait se modifiait à l’égard d’un élément essentiel à celle-ci.
194 La communication du 15 août 1995 a été expressément faite en application de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17.
La Commission s’est ainsi proposée, à titre préliminaire, dans cette communication, d’adopter une attitude favorable à l’égard des accords de distribution de HB revus par cette dernière et a invité tous les tiers intéressés à lui présenter leurs observations dans un délai précis. Il s’ensuit que la communication en question ne représentait qu’une position préliminaire de la Commission qui était susceptible de modification, au vu notamment des observations des tiers. Dès lors, HB n’a pu avoir une confiance légitime dans le fait que la Commission lui accorderait le bénéfice d’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité, en application de la communication en question sur la seule base de la publication de celle-ci. 195 Quant à l’argument de HB, selon lequel elle a agi à l’encontre de ses intérêts de manière irréversible en adoptant des modifications à son système de distribution sur la base de la «proposition» de la Commission de prendre une position favorable sur ses accords de distribution, le Tribunal considère que, si HB avait pu avoir une confiance légitime dans la communication en question, celle-ci serait limitée à la procédure ouverte par la Commission par sa communication des griefs de 1993 et les objections soulevées par cette dernière, relatives aux accords de distribution de HB à cette date. Toutefois, la Commission n’a pas agi, en l’espèce, sur la base de sa communication des griefs de 1993, mais, ayant constaté que les modifications apportées par HB à son système de distribution n’avaient pas eu les résultats escomptés en termes de libre accès aux points de vente, elle a ouvert une nouvelle procédure et a soulevé de nouvelles objections à l’encontre de ce système dans sa communication des griefs de 1997. Étant donné que, même si la Commission avait octroyé une exemption à HB, elle aurait eu le pouvoir, voire l’obligation, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 17, de révoquer ou de modifier le bénéfice de cette exemption si elle avait dû constater que les accords exemptés avaient cependant certains effets incompatibles avec les conditions prévues par l’article 85, paragraphe 3, du traité et notamment si l’expérience avait dû montrer que les modifications apportées par HB à son système de distribution n’avaient pas apporté les résultats escomptés, le Tribunal considère que la Commission, en adoptant la communication des griefs de 1997, n’a pas violé le principe de confiance légitime en l’espèce. 196 Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté. 197 Quant aux griefs de HB relatifs à la violation des principes de subsidiarité, de coopération loyale et de sécurité juridique, si les articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité produisent des effets directs dans les relations entre particuliers et engendrent directement des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder, cela n’a toutefois pas pour conséquence de priver la Commission de son droit de prendre position sur une affaire, même si une affaire identique ou similaire est pendante devant une ou plusieurs juridictions nationales, à condition notamment que le commerce entre États membres soit susceptible d’être affecté, condition qui n’est pas mise en cause en l’espèce. 198 En invoquant le fait que la présente affaire concerne l’approvisionnement, par une société irlandaise, des consommateurs irlandais, par le biais de détaillants irlandais, en produits spécifiques au marché irlandais et le fait que, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, une affaire parallèle était jugée par la High Court ou pendante devant la Supreme Court, HB n’établit pas à suffisance de droit, selon le Tribunal, que la Commission a violé ces principes ou sa communication relative à la coopération entre elle-même et les juridictions nationales pour l’application des articles 85 et 86 du traité CE. Il ressort clairement de la décision litigieuse et des écritures de la Commission que l’application d’une condition d’exclusivité aux congélateurs fournis aux détaillants est une pratique contractuelle propre à la majorité des fabricants de glaces de la Communauté. De surcroît, les sociétés du groupe Unilever jouent un rôle important dans le marché des glaces destinées à la consommation immédiate dans plusieurs États membres. Il s’ensuit que les questions traitées dans la décision litigieuse avaient une importance communautaire plus vaste, en particulier au vu du fait que diverses juridictions et autorités de concurrence nationales étaient saisies d’affaires parallèles, qui soulevaient des questions semblables à celles de la présente affaire (voir, notamment, considérants 275 à 280 de la décision litigieuse). Dans ces circonstances, l’adoption par la Commission de la décision litigieuse était appropriée pour garantir que les règles de concurrence communautaires aient été appliquées de manière cohérente aux différentes formes d’exclusivité pratiquées par les fabricants de glaces sur l’ensemble du territoire de la Communauté. 199 En outre, comme la Cour l’a jugé dans son arrêt Masterfoods et HB, précité, la Commission dispose d’une compétence exclusive pour prendre des décisions d’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 17. La Commission est également en droit de prendre, à tout moment, des décisions individuelles pour l’application des articles 85 et 86 du traité, nonobstant le fait qu’elle partage sa compétence pour l’application des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité avec les juridictions nationales, et ce même lorsqu’un accord ou une pratique fait déjà l’objet d’une décision d’une juridiction nationale et que la décision envisagée par la Commission est en contradiction avec ladite décision juridictionnelle (voir, en ce sens, arrêt Masterfoods et HB, précité, points 47 et 48, et arrêt Delimitis, précité, points 44 et 45). Étant donné que la Commission avait été saisie d’une demande d’exemption, au cours des négociations, par HB, ainsi que de plaintes, les arguments de HB relatifs à la subsidiarité sont non fondés. 200 Les présents griefs doivent, par conséquent, être rejetés. 201 En ce qui concerne les allégations de HB selon lesquelles la décision litigieuse viole le principe de proportionnalité et s’avère discriminatoire, le Tribunal considère qu’elles sont non fondées. Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25). De surcroît, il y lieu de constater que la discrimination consiste à traiter de manière différente des situations qui sont identiques ou de manière identique des situations qui sont différentes. 202 Premièrement, au vu de l’appréciation faite aux points 170 à 173 ci-dessus, il y a lieu de constater que la décision litigieuse ne comporte pas de limitation indue ou disproportionnée du droit de propriété de HB sur ses congélateurs. En outre, elle ne constitue pas une atteinte arbitraire ou discriminatoire à la capacité de HB à faire concurrence aux autres fournisseurs sur la base adoptée par toutes les autres sociétés ayant des activités sur le marché de référence, au vu notamment de la position prépondérante dont elle dispose sur ce marché et sa contribution importante au cloisonnement de celle-ci à la différence des autres fournisseurs (voir point 172 ci-dessus). 203 Deuxièmement, la circonstance que la décision litigieuse invalide la clause d’exclusivité figurant dans les accords de fourniture de congélateurs conclus en Irlande entre HB et des détaillants, applicables aux congélateurs installés dans les points de vente qui sont dotés uniquement d’appareils fournis par HB pour le stockage de glaces en conditionnement individuel destinées à une consommation immédiate et qui ne disposent ni de leur propre congélateur ni de congélateur provenant d’un autre fabricant de glaces, n’implique pas que cette décision soit disproportionnée. 204 En effet, un réseau d’accords de distribution mis en place par un seul fournisseur peut échapper à l’interdiction des règles de concurrence à condition qu’il ne contribue pas de manière significative, avec l’ensemble des contrats similaires relevés sur le marché de référence, y compris ceux d’autres fournisseurs, à fermer l’accès au marché à de nouveaux concurrents nationaux et étrangers (voir, par analogie, arrêts Delimitis, précité, points 23 et 24, et Langnese-Iglo/Commission, précité, point 129). Cela implique que, en présence d’un réseau d’accords similaires conclus par un seul fabricant, l’appréciation portée sur les effets de ce réseau sur le jeu de la concurrence s’applique à l’ensemble des contrats individuels constituant le réseau.
Le Tribunal estime, dès lors, que c’est à juste titre que la Commission a apprécié dans son ensemble le faisceau d’accords de distribution de HB et, en conséquence, n’a pas procédé à un fractionnement de ces accords comme le prétend ce dernier.
En effet, il ressort de l’arrêt de la Cour du 7 décembre 2000, Neste Markkinointi (C-214/99, Rec. p. I-11121, notamment points 36 et 37), que ce n’est qu’à titre exceptionnel et dans des circonstances particulières, qui ne sont pas présentes en l’espèce, que le réseau d’un même fournisseur peut être fractionné. 205 Troisièmement, il ressort de l’article 4 de la décision litigieuse que la Commission a mis HB en demeure de mettre fin immédiatement aux infractions aux articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité que comportait son réseau d’accords de distribution et de s’abstenir de prendre des mesures ayant le même objet ou le même effet. Le Tribunal estime que cette disposition n’est pas disproportionnée ou discriminatoire car elle interdit uniquement à HB de remettre en place la clause d’exclusivité dans les mêmes circonstances que celles visées par les articles 1 er et 3 de la décision litigieuse et garantit ainsi l’effet utile de celle-ci puisqu’elle empêche que la pratique restrictive de la concurrence qui a été sanctionnée puisse se poursuivre à l’avenir (voir, par analogie, conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt de la Cour du 1 er octobre 1998, Langnese-Iglo/Commission, C-279/95 P, Rec. p. I-5609, point 39). 206 Il s’ensuit que ce grief doit être écarté. 207 S’agissant du grief de HB relatif à la violation des formes substantielles et à l’insuffisance de motivation, étant donné qu’il ne consiste qu’en un renvoi, par HB, à ses arguments dans le cadre du cinquième moyen tiré d’une violation de l’article 190 du traité, le Tribunal estime qu’il ne saurait être accepté au vu de l’appréciation faite aux points 176 à 179 ci-dessus.
Quant à l’argument de HB relatif à la nécessité de prolonger des négociations afin de trouver une solution à l’échec du «marché de 1995», le Tribunal estime également que la Commission n’a pas violé les formes substantielles. En effet, la Commission ayant constaté que les modifications apportées par HB à son système de distribution n’avaient pas eu les résultats escomptés en termes de libre accès aux points de vente, elle n’avait pas l’obligation de poursuivre indéfiniment les négociations, en particulier, quand l’affaire s’étale sur une longue période. La Commission était donc en droit d’ouvrir une nouvelle procédure et de soulever de nouvelles objections à l’encontre de ce système dans sa communication des griefs de 1997, en laissant à HB la possibilité de répondre à celle-ci. 208 Dès lors, ce grief doit être rejeté. 209 Par conséquent, le septième moyen n’est pas fondé. 210 Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
211 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. HB ayant succombé en ses conclusions et la Commission, ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner HB à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens de l’instance exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure de référé. 212 Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées à l’alinéa précédent de ce paragraphe supporte ses propres dépens. En l’espèce, Mars et Richmond, parties intervenantes à l’appui de la Commission, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête: 1) Le recours est rejeté comme non fondé. 2) Van den Bergh Foods Ltd supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, y compris les dépens afférents à la procédure de référé. 3) Masterfoods Ltd et Richmond Frozen Confectionery Ltd supporteront leurs propres dépens.

García-Valdecasas

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1 – Langue de procédure: l’anglais.
2 – Données confidentielles occultées.
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CJCE, n° T-65/98, Arrêt du Tribunal, Van den Bergh Foods Ltd contre Commission des Communautés européennes, 23 octobre 2003