CJCE, n° C-295/04, Arrêt de la Cour, Vincenzo Manfredi contre Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA (C-295/04), Antonio Cannito contre Fondiaria Sai SpA (C-296/04) et Nicolò Tricarico (C-297/04) et Pasqualina Murgolo (C-298/04) contre Assitalia SpA, 13 juillet 2006

  • Droit communautaire et droit national de la concurrence·
  • Affectation du commerce entre états membres·
  • Accords entre entreprises 4. concurrence·
  • Caractère d'ordre public 3. concurrence·
  • Mise en œuvre des règles de concurrence·
  • Règles de concurrence de la communauté·
  • Recours en indemnité 6. concurrence·
  • Recours en indemnité 7. concurrence·
  • Cee/ce - concurrence * concurrence·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 13 juill. 2006, C-295/04
Numéro(s) : C-295/04
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 13 juillet 2006.#Vincenzo Manfredi contre Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA (C-295/04), Antonio Cannito contre Fondiaria Sai SpA (C-296/04) et Nicolò Tricarico (C-297/04) et Pasqualina Murgolo (C-298/04) contre Assitalia SpA.#Demande de décision préjudicielle: Giudice di pace di Bitonto - Italie.#Article 81 CE - Concurrence - Entente - Sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs - Assurance responsabilité civile obligatoire - Augmentation des primes - Effet sur le commerce entre États membres - Droit des tiers de demander réparation du préjudice subi - Juridiction nationale compétente - Délai de prescription - Indemnités ayant un caractère de sanction.#Affaires jointes C-295/04 à C-298/04.
Date de dépôt : 13 juillet 2004
Précédents jurisprudentiels : 04 à C-297/04 et à la cinquième question dans l' affaire C-298/04
04 à C-297/04 et sur la cinquième question dans l' affaire C-298/04
04 à C-297/04 et sur la quatrième question dans l' affaire C-298/04
04 à C-297/04 et sur la troisième question dans l' affaire C-298/04
11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84
14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599
19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. I-2433
28 avril 1998, Javico, C-306/96
31 de l' arrêt du 2 août 1993, Marshall ( C-271/91, Rec. p. I-4367
Ambulanz Glöckner, C-475/99
arrêt du 9 septembre 2003, CIF, C-198/01
arrêts du 10 juillet 1997, Palmisani, C-261/95
Assitalia SpA ( C-297/04 et C-298/04
Bagnasco e.a., précité, point 47, et du 29 avril 2004, British Sugar/Commission, C-359/01
Belasco e.a./Commission, 246/86
Bosman, C-415/93
C-297/04 et à la quatrième question dans l' affaire C-298/04
C-297/04 et à la troisième question dans l' affaire C-298/04
CE ( voir, notamment, arrêt du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C-215/96 et C-216/96, Rec. p. I-135
Cour du 28 septembre 2004, les affaires C-295/04 à C-298/04
Dietz, C-435/93, Rec. p. I-5223, point 39, et du 19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04
Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727
Michaïlidis, C-441/98 et C-442/98
Payroll e.a., C-79/01
Vaneetveld, C-316/93
Wilhelm e.a., 14/68
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62004CJ0295
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2006:461
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Sur les parties

Texte intégral

Affaires jointes C-295/04 à C-298/04

Vincenzo Manfredi e.a.

contre

Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA e.a.

(demandes de décision préjudicielle, introduites par le Giudice di pace di Bitonto)

«Article 81 CE — Concurrence — Entente — Sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs — Assurance responsabilité civile obligatoire — Augmentation des primes — Effet sur le commerce entre États membres — Droit des tiers de demander réparation du préjudice subi — Juridiction nationale compétente — Délai de prescription — Indemnités ayant un caractère de sanction»

Conclusions de l’avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 26 janvier 2006

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 13 juillet 2006

Sommaire de l’arrêt

1. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites

(Art. 234 CE)

2. Concurrence — Règles communautaires — Caractère d’ordre public

(Art. 81 CE et 82 CE)

3. Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises

(Art. 81, § 1, CE)

4. Concurrence — Ententes — Interdiction — Effet direct

(Art. 81, § 1 et 2, CE)

5. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Recours en indemnité

(Art. 81, § 1 et 2, CE)

6. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Recours en indemnité

(Art. 81, § 1 et 2, CE)

7. Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Recours en indemnité

(Art. 81, § 1 et 2, CE)

1. Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions préjudicielles posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

Toutefois, dans des hypothèses exceptionnelles, il appartient à la Cour d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Le refus de statuer sur une question préjudicielle, posée par une juridiction nationale, n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

(cf. points 26-27)

2. Les articles 81 CE et 82 CE constituent des dispositions d’ordre public qui doivent être appliquées d’office par les juridictions nationales.

(cf. point 31)

3. Une entente ou une pratique concertée entre compagnies d’assurances, consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes de l’assurance responsabilité civile obligatoire relative aux sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs, non justifiée par les conditions du marché, qui constitue une infraction aux règles nationales sur la protection de la concurrence, peut également constituer une violation de l’article 81 CE si, eu égard aux caractéristiques du marché national en cause, il existe un degré suffisant de probabilité que l’entente ou la pratique concertée en cause puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la vente des polices de cette assurance dans l’État membre concerné par des opérateurs établis dans d’autres États membres et que cette influence ne soit pas insignifiante.

(cf. point 52, disp. 1)

4. L’article 81, paragraphe 1, CE produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Il s’ensuit que toute personne est en droit de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par l’article 81 CE et, lorsqu’il existe un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice subi, de demander réparation dudit préjudice.

En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités d’exercice de ce droit, y compris celles de l’application de la notion de «lien de causalité», pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité).

(cf. points 58-59, 61-64, disp. 2)

5. En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes pour connaître des recours en indemnité fondés sur une violation des règles communautaires de concurrence et de fixer les modalités procédurales de ces recours, pour autant que les dispositions concernées ne soient pas moins favorables que celles relatives aux recours en indemnité fondés sur une violation des règles nationales de concurrence (principe de l’équivalence) et que lesdites dispositions nationales ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de demander réparation du dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE (principe d’effectivité).

(cf. point 72, disp. 3)

6. En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

À cet égard, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si une règle nationale en vertu de laquelle le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE court à compter du jour où cette entente ou cette pratique interdite a été mise en oeuvre, en particulier si cette règle nationale prévoit également un délai de prescription court et que ce délai ne puisse être suspendu, rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de demander réparation du préjudice subi.

(cf. points 81-82, disp. 4)

7. En l’absence de dispositions communautaires en ce domaine, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation du préjudice causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

Dès lors, d’une part, conformément au principe de l’équivalence, si des dommages-intérêts particuliers, tels que des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, peuvent être alloués dans le cadre d’actions nationales semblables aux actions fondées sur les règles communautaires de concurrence, ils doivent également pouvoir l’être dans le cadre de ces dernières actions. Toutefois, le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les juridictions nationales veillent à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit.

D’autre part, il résulte du principe d’effectivité et du droit du particulier de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence que les personnes ayant subi un préjudice doivent pouvoir demander réparation non seulement du dommage réel (damnum emergens), mais également du manque à gagner (lucrum cessans) ainsi que le paiement d’intérêts.

(cf. points 98-100, disp. 5)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

13 juillet 2006 (*)

«Article 81 CE – Concurrence – Entente – Sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs – Assurance responsabilité civile obligatoire – Augmentation des primes – Effet sur le commerce entre États membres – Droit des tiers de demander réparation du préjudice subi – Juridiction nationale compétente – Délai de prescription – Indemnités ayant un caractère de sanction»

Dans les affaires jointes C-295/04 à C-298/04,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Giudice di pace di Bitonto (Italie), par décision du 30 juin 2004, parvenues à la Cour le 13 juillet 2004, dans les procédures

Vincenzo Manfredi (C-295/04)

contre

Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA,

Antonio Cannito (C-296/04)

contre

Fondiaria Sai SpA,

et

Nicolò Tricarico (C-297/04),

Pasqualina Murgolo (C-298/04)

contre

Assitalia SpA,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Malenovský, S. von Bahr (rapporteur), A. Borg Barthet et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 novembre 2005,

considérant les observations présentées:

– pour Assitalia SpA (C-297/04 et C-298/04), par Mes A. Pappalardo, M. Merola et D. P. Domenicucci, avvocati,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement allemand, par Mme C. Schulze-Bahr, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. T. Christoforou et F. Amato, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 81 CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de recours en indemnité formés par M. Manfredi contre Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA, par M. Cannito contre Fondiaria Sai SpA et, respectivement, par M. Tricarico et Mme Murgolo contre Assitalia SpA (ci-après «Assitalia») en vue de faire condamner ces compagnies d’assurances à restituer les majorations de primes de l’assurance responsabilité civile obligatoire relative aux sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs (ci-après l’«assurance RC auto») versées en raison des augmentations mises en œuvre par lesdites sociétés en vertu d’une entente déclarée illicite par l’autorité nationale chargée de la concurrence et du marché (Autorità garante della concorrenza e del mercato, ci-après l’«AGCM»).

Le cadre juridique national

3 L’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 287, du 10 octobre 1990, relative aux règles pour la protection de la concurrence et du marché (Legge 10 ottobre 1990, n. 287, Norme per la tutela della concorrenza e del mercato, GURI n° 240, du 13 octobre 1990, p. 3, ci-après la «loi n° 287/90»), interdit les ententes entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de limiter ou de fausser de manière substantielle le jeu de la concurrence sur le marché national ou sur une partie importante de celui-ci.

4 Aux termes du paragraphe 1, de ce même article 2, sont considérés comme des «ententes» les accords et/ou pratiques concertées entre entreprises, ainsi que les décisions, même adoptées au titre de dispositions statutaires ou réglementaires, de consortiums, d’associations d’entreprises et d’autres organismes similaires.

5 En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la loi n° 287/90, les ententes interdites sont nulles et privées d’effets.

6 L’article 33, paragraphe 2, de cette loi précise que les actions en annulation et en indemnisation, ainsi que les recours visant à obtenir l’adoption de mesures d’urgence en ce qui concerne les violations des dispositions visées aux titres I à IV de ladite loi, dont l’article 2, sont intentées devant la Corte d’appello territorialement compétente.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Par décisions des 8 septembre et 10 novembre 1999 ainsi que du 3 février 2000, l’AGCM a ouvert, à l’égard de différentes compagnies d’assurances, dont les trois compagnies défenderesses au principal, la procédure d’infraction prévue à l’article 2 de la loi n° 287/90. Il était reproché à ces dernières compagnies d’avoir participé à une entente ayant pour objet «la vente liée de différents produits et l’échange d’informations entre entreprises concurrentes». En ce qui concerne les présentes affaires, seule est pertinente l’entente pour l’échange d’informations entre entreprises concurrentes.

8 L’AGCM a observé que, contrairement à ce qui s’est passé dans le reste de l’Europe, on a assisté en Italie, au cours de la période couvrant les années 1994 à 1999, à une augmentation anormale et croissante des primes de l’assurance RC auto, laquelle est obligatoire.

9 L’AGCM a également observé que le marché des polices d’assurance RC auto présente d’importantes barrières à l’entrée, qui ont surtout été érigées en raison de la nécessité de mettre sur pied un réseau efficace de distribution et un réseau de centres affectés à la liquidation des indemnisations pour les sinistres dans l’ensemble du pays.

10 Au cours de la procédure devant elle, l’AGCM a obtenu une documentation faisant ressortir un échange d’informations étendu et répandu entre de nombreuses compagnies d’assurances proposant une assurance RC auto relative à tous les aspects de l’activité d’assurance, à savoir, notamment, les prix, les ristournes, les encaissements, les coûts des sinistres et de la distribution.

11 Dans sa décision finale n° 8546 (I377), du 28 juillet 2000 (Bolletino 30/2000, du 14 août 2000), l’AGCM a constaté que les compagnies d’assurances en cause avaient mis en œuvre un accord illicite ayant pour objet l’échange d’informations relatives au secteur des assurances. Cet accord a permis à ces entreprises de coordonner et de fixer les primes de l’assurance RC auto de manière à imposer aux usagers des augmentations importantes des primes, augmentations qui n’étaient pas justifiées par les conditions du marché et ne pouvaient pas être évitées par les consommateurs.

12 La décision de l’AGCM, attaquée par les compagnies d’assurances, a été en substance confirmée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio et par le Consiglio di Stato.

13 Les requérants au principal ont introduit leur recours respectif devant le Giudice di pace di Bitonto afin d’obtenir la condamnation de chaque compagnie d’assurances concernée à restituer la majoration des primes versée en vertu de l’entente déclarée illicite par l’AGCM.

14 Il ressort des observations d’Assitalia que, selon les requérants au principal, l’enquête effectuée par l’AGCM aurait révélé un prix moyen des polices d’assurance RC auto supérieur de 20 % par rapport au prix que ces polices auraient atteint si les comportements concurrentiels des compagnies d’assurances n’avaient pas été altérés par la pratique concertée. L’infraction commise par les compagnies participant à cette pratique aurait donc entraîné un préjudice pour les consommateurs finals, préjudice qui réside précisément dans le versement d’une prime de l’assurance RC auto en moyenne supérieure de 20 % à celle qu’ils auraient dû payer en l’absence d’infraction aux règles de concurrence.

15 Les compagnies d’assurances au principal ont notamment excipé de l’incompétence du Giudice di pace di Bitonto en vertu de l’article 33 de la loi n° 287/90 ainsi que de la prescription du droit à la restitution et/ou à l’indemnisation du préjudice.

16 La juridiction de renvoi estime que, dans la mesure où des compagnies d’assurances appartenant à d’autres États membres et exerçant également leurs activités en Italie ont aussi participé à l’accord sanctionné par l’AGCM, l’entente invoquée viole non seulement l’article 2 de la loi n° 287/90, mais également l’article 81 CE, dont le paragraphe 2 déclare nuls tous les accords et ententes prohibés.

17 Or, tout tiers, dont le consommateur et l’utilisateur final d’un service, pourrait estimer avoir le droit de faire valoir la nullité d’une entente interdite par l’article 81 CE et de demander une indemnisation du préjudice subi s’il existe un lien de causalité entre celui-ci et l’entente prohibée.

18 Si tel est le cas, une disposition telle que celle de l’article 33 de la loi n° 287/90 pourrait être considérée comme contraire au droit communautaire. En effet, les délais et les coûts relatifs à un procès devant la Corte d’appello seraient respectivement beaucoup plus longs et plus élevés que ceux d’une procédure devant le Giudice di pace, ce qui pourrait compromettre l’efficacité de l’article 81 CE.

19 La juridiction de renvoi a également des doutes en ce qui concerne la compatibilité avec l’article 81 CE des délais de prescription des recours en indemnité et du montant de l’indemnisation à liquider, qui sont fixés par le droit national.

20 C’est dans ces conditions que, dans les affaires C-295/04 à C-297/04, le Giudice di pace di Bitonto a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il déclare nulle une entente ou une pratique concertée entre compagnies d’assurances consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes [de l]’assurance RC auto, qui n’est pas justifiée par les conditions du marché, compte tenu notamment de la participation à l’accord ou à la pratique concertée d’entreprises appartenant à différents États membres?

2) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il permet aux tiers titulaires d’un intérêt juridiquement pertinent de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique prohibée par cette disposition communautaire et de demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice?

3) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il faut considérer que le délai de prescription de la demande d’indemnisation fondée sur cet article court à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a été mise en œuvre ou à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a pris fin?

4) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que le juge national, lorsqu’il s’aperçoit que l’indemnisation pouvant être liquidée en vertu du droit national est en toute hypothèse inférieure à l’avantage économique tiré par l’entreprise auteur du préjudice qui participe à l’entente ou à la pratique concertée prohibée, doit aussi liquider d’office au tiers préjudicié les dommages-intérêts ayant un caractère de sanction, qui sont nécessaires pour rendre le préjudice indemnisable supérieur à l’avantage obtenu par l’entreprise, en vue de décourager la mise en œuvre d’ententes ou de pratiques concertées interdites par l’article 81 CE?»

21 Dans l’affaire C-298/04, le Giudice di pace di Bitonto a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il déclare nulle une entente ou une pratique concertée entre compagnies d’assurances consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes [de l]’assurance RC auto, qui n’est pas justifiée par les conditions du marché, compte tenu notamment de la participation à l’accord ou à la pratique concertée d’entreprises appartenant à différents États membres?

2) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une règle nationale ayant une teneur analogue à celle de l’article 33 de la loi [n° 287/90], d’après lequel la demande d’indemnisation pour violation des dispositions communautaires et nationales relatives aux ententes anticoncurrentielles doit aussi être formée par les tiers devant un juge autre que celui ordinairement compétent pour les demandes de même valeur, entraînant ainsi une augmentation sensible des coûts et des délais de jugement?

3) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il permet aux tiers titulaires d’un intérêt juridiquement pertinent de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique prohibée par cette disposition communautaire et de demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice?

4) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il faut considérer que le délai de prescription de la demande d’indemnisation fondée sur cet article court à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a été mise en œuvre ou à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a pris fin?

5) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que le juge national, lorsqu’il s’aperçoit que l’indemnisation pouvant être liquidée en vertu du droit national est en toute hypothèse inférieure à l’avantage économique tiré par l’entreprise auteur du préjudice qui participe à l’entente ou à la pratique concertée prohibée, doit aussi liquider d’office au tiers préjudicié les dommages-intérêts ayant un caractère de sanction, qui sont nécessaires pour rendre le préjudice indemnisable supérieur à l’avantage obtenu par l’entreprise, en vue de décourager la mise en œuvre d’ententes ou de pratiques concertées interdites par l’article 81 CE?»

22 Par ordonnance du président de la Cour du 28 septembre 2004, les affaires C-295/04 à C-298/04 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

Observations soumises à la Cour

23 Assitalia fait valoir, en premier lieu, que l’exposé du contexte de fait et de droit qui sous-tend les questions préjudicielles est insuffisant et ambigu au point de ne pas permettre à toutes les parties potentiellement concernées de formuler adéquatement leurs observations à ce propos, ni à la Cour de fournir une réponse utile auxdites questions.

24 En second lieu, Assitalia soutient que les questions préjudicielles soulevées par le Giudice di pace di Bitonto sont irrecevables dans la mesure où elles visent l’interprétation d’une disposition du traité CE qui est manifestement inapplicable aux affaires au principal.

25 En effet, l’entente en cause au principal aurait produit des effets limités au territoire italien et, partant, n’aurait pas porté un préjudice sensible au commerce entre États membres au sens de l’article 81 CE (voir, notamment, arrêt du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C-215/96 et C-216/96, Rec. p. I-135). La non-application de l’article 81 CE n’aurait d’ailleurs pas été contestée devant les juridictions nationales et la décision de l’AGCM, fondée sur l’article 2 de la loi n° 287/90, est devenue définitive. En outre, l’article 1er, paragraphe 1, de la loi n° 287/90 préciserait que les dispositions de celle-ci «s’appliquent aux ententes, aux abus de position dominante et aux concentrations d’entreprises qui ne relèvent pas du champ d’application […] des articles [81 CE] et/ou [82 CE], des règlements […] ou des actes communautaires ayant un effet normatif assimilé».

Appréciation de la Cour

26 Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions préjudicielles posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59, et du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, C-316/04, Rec. p. I-9759, point 29).

27 Toutefois, la Cour a également indiqué que, dans des hypothèses exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21). Le refus de statuer sur une question préjudicielle, posée par une juridiction nationale, n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts précités Bosman, point 61, et Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, point 30).

28 Dans la présente affaire, aucun de ces cas de figure n’est présent.

29 À cet égard, il convient de constater, d’une part, que la décision de renvoi ainsi que les observations écrites et orales ont fourni à la Cour des informations suffisantes lui permettant d’interpréter les règles de droit communautaire au regard de la situation faisant l’objet du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 3 mars 1994, Vaneetveld, C-316/93, Rec.
p. I-763, point 14, et du 21 septembre 1999, Wijsenbeek, C-378/97, Rec. p. I-6207, point 21).

30 D’autre part, contrairement à ce que prétend Assitalia, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation de l’article 81 CE n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. Partant, l’objection soulevée par Assitalia tirée de l’inapplicabilité de cet article aux affaires au principal n’a pas trait à la recevabilité des présentes affaires, mais relève du fond de la première question.

31 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les articles 81 CE et 82 CE constituent des dispositions d’ordre public qui doivent être appliquées d’office par les juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss, C-126/97, Rec. p. I-3055, points 39 et 40).

32 Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont recevables.

Sur la première question dans les affaires C-295/04 à C-298/04

33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une entente ou une pratique concertée, telle que celle en cause au principal, entre compagnies d’assurances, consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes de l’assurance RC auto, non justifiée par les conditions du marché, qui constitue une infraction aux règles nationales sur la protection de la concurrence, peut également constituer une violation de l’article 81 CE, compte tenu notamment de la participation à l’entente ou à la pratique concertée d’entreprises appartenant à différents États membres.

Observations soumises à la Cour

34 Assitalia propose à la Cour de répondre que, compte tenu de la nature purement générale et instrumentale de la question, il s’avère impossible de fournir une réponse utile à propos de l’application de l’article 81 CE.

35 Le gouvernement italien estime que l’article 81 CE ne s’applique pas à une entente telle que celle en cause au principal.
En effet, pour qu’un comportement anticoncurrentiel relève de la réglementation communautaire, une série de critères, qui iraient au-delà d’une simple participation d’entreprises d’autres États membres, devraient être remplis.

36 La Commission des Communautés européennes soutient que l’article 81 CE doit être interprété en ce sens qu’il interdit une entente ou une pratique concertée entre entreprises qui restreint la concurrence lorsque, sur la base d’un ensemble d’éléments de droit ou de fait, il est possible d’envisager avec un degré de probabilité suffisant que l’entente ou la pratique concertée en question exerce une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres.
La circonstance que certaines entreprises d’autres États membres ont participé à cette entente ou à cette pratique concertée ne constituerait pas en soi un élément suffisant pour conclure que ladite entente ou pratique concertée exerce une telle influence sur les courants d’échanges entre États membres.

Appréciation de la Cour

37 Il convient d’emblée de constater que, contrairement à ce que fait valoir Assitalia, cette question est suffisamment précise pour permettre à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi.

38 Ensuite, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le droit communautaire et le droit national en matière de concurrence s’appliquent parallèlement, étant donné qu’ils considèrent les pratiques restrictives sous des aspects différents. Alors que les articles 81 CE et 82 CE les envisagent en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d’elles, considèrent les pratiques restrictives dans ce seul cadre (voir, notamment, arrêts du 13 février 1969, Wilhelm e.a., 14/68, Rec. p. 1, point 3; du 10 juillet 1980, Giry et Guerlain e.a., 253/78 et 1/79 à 3/79, Rec. p. 2327, point 15, et du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union, C-137/00, Rec. p. I-7975, point 61).

39 Il convient également de rappeler que les articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE produisent des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendrent des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir arrêts du 30 janvier 1974, BRT et SABAM, dit «BRT I», 127/73, Rec. p. 51, point 16; du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C-282/95 P, Rec. p. I-1503, point 39, et du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C-453/99, Rec. p. I-6297, point 23), et que la primauté du droit communautaire exige que soit laissée inappliquée toute disposition d’une loi nationale contraire à une règle communautaire, qu’elle soit antérieure ou postérieure à cette dernière (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2003, CIF, C-198/01, Rec. p. I-8055, point 48).

40 Toutefois, ainsi qu’il résulte déjà du libellé des articles 81 CE et 82 CE, pour que les règles communautaires de concurrence s’appliquent à une entente ou à une pratique abusive, il faut que celle-ci soit susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

41 L’interprétation et l’application de cette condition relative aux effets sur le commerce entre États membres doivent prendre comme point de départ le fait que son but est de déterminer, en matière de réglementation de la concurrence, le domaine du droit communautaire par rapport à celui des États membres. C’est ainsi que relèvent du domaine du droit communautaire toute entente et toute pratique susceptibles d’affecter le commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’un marché unique entre les États membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence dans le marché commun (voir, en ce sens, arrêts du 31 mai 1979, Hugin/Commission, 22/78, Rec.
p. 1869, point 17, et du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. p. I-8089, point 47).

42 Pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres (voir arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 22, et Ambulanz Glöckner, précité, point 48). Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêt du 28 avril 1998, Javico, C-306/96, Rec. p. I-1983, point 16).

43 Ainsi, l’affectation des échanges intracommunautaires résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (voir arrêts Bagnasco e.a., précité, point 47, et du 29 avril 2004, British Sugar/Commission, C-359/01 P, Rec. p. I-4933, point 27).

44 À cet égard, il convient, d’une part, de constater, ainsi que l’a fait à juste titre M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, que le simple fait que l’on retrouve aussi des opérateurs des autres États membres parmi les participants à une entente nationale est un élément important dans l’appréciation à porter, mais il n’est pas déterminant en soi pour pouvoir en conclure que la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres est remplie.

45 D’autre part, le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté (voir arrêt du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. I-2117, point 33). En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité (arrêts du 17 octobre 1972, Vereeniging van Cementhandelaren/Commission, 8/72, Rec. p. 977, point 29;
Remia e.a./Commission, précité, point 22, et du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851, point 48).

46 En outre, en matière de services, la Cour a déjà jugé que l’influence sur les courants d’échanges entre États membres peut consister dans le fait que les activités en cause sont organisées de telle façon que le marché commun est compartimenté et la liberté des prestations de services, qui est l’un des objectifs du traité, entravée (voir arrêts du 4 mai 1988, Bodson, 30/87, Rec. p. 2479, point 24, et Ambulanz Glöckner, précité, point 49).

47 Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, eu égard aux caractéristiques du marché national en cause, il existe un degré suffisant de probabilité que l’entente ou la pratique concertée en cause au principal puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la vente des polices d’assurance RC auto dans l’État membre concerné par des opérateurs d’autres États membres et que cette influence ne soit pas insignifiante.

48 Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son interprétation (voir, notamment, arrêt du 17 octobre 2002, Payroll e.a., C-79/01, Rec. p. I-8923, point 29).

49 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dès lors qu’il s’agit d’un marché perméable aux prestations de services par des opérateurs d’autres États membres, les membres d’une entente de prix nationale ne peuvent conserver leur part de marché que s’ils se protègent contre la concurrence étrangère (voir, en ce qui concerne les importations, arrêts précités Belasco e.a./Commission, point 34, et British Sugar/Commission, point 28).

50 Or, la décision de renvoi indique que l’AGCM a observé que le marché des polices d’assurance RC auto présente d’importantes barrières à l’entrée, qui ont surtout été érigées en raison de la nécessité de mettre sur pied un réseau efficace de distribution et un réseau de centres affectés à la liquidation des indemnisations pour les sinistres dans toute l’Italie. Toutefois, la juridiction de renvoi relève également que des compagnies d’assurances appartenant à d’autres États membres et exerçant également leurs activités en Italie ont aussi participé à l’accord sanctionné par l’AGCM. Il apparaît donc qu’il s’agit d’un marché perméable aux prestations de services par des compagnies d’assurances d’autres États membres, bien que lesdites barrières rendent la prestation de ces services plus difficile.

51 Dans de telles conditions, il appartient en particulier à la juridiction de renvoi d’examiner si déjà l’existence de l’entente ou la pratique concertée était susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les compagnies d’assurances d’autres États membres n’exerçant pas d’activités en Italie, notamment en permettant la coordination et la fixation des primes de l’assurance RC auto à un niveau où la vente d’une telle assurance par ces compagnies ne serait pas rentable (voir, en ce sens, arrêt British Sugar, précité, points 29 et 30).

52 Dès lors, il convient de répondre à la première question, dans les affaires C-295/04 à C-298/04, qu’une entente ou une pratique concertée, telle que celle en cause au principal, entre compagnies d’assurances, consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes de l’assurance RC auto, non justifiée par les conditions du marché, qui constitue une infraction aux règles nationales sur la protection de la concurrence, peut également constituer une violation de l’article 81 CE si, eu égard aux caractéristiques du marché national en cause, il existe un degré suffisant de probabilité que l’entente ou la pratique concertée en cause puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la vente des polices de cette assurance dans l’État membre concerné par des opérateurs établis dans d’autres États membres et que cette influence ne soit pas insignifiante.

Sur la deuxième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et sur la troisième question dans l’affaire C-298/04

53 Par cette question, qu’il convient d’examiner avant la deuxième question dans l’affaire C-298/04, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 81 CE doit être interprété en ce sens que toute personne est en droit de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article et, lorsqu’il existe un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice subi, de demander réparation dudit préjudice.

Observations soumises à la Cour

54 Assitalia propose à la Cour de répondre par l’affirmative en rappelant cependant que, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, pour autant que ces modalités respectent les principes de l’équivalence et d’effectivité (voir arrêt Courage et Crehan, précité, point 29).

55 Selon le gouvernement allemand et la Commission, l’article 81 CE devrait être interprété en ce sens qu’il permet aux tiers titulaires d’un intérêt juridiquement pertinent de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique prohibée par cette disposition communautaire et de demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice.

Appréciation de la Cour

56 Il convient tout d’abord de rappeler que l’article 81, paragraphe 2, CE prévoit la nullité de tout accord et décision interdits en vertu de l’article 81 CE.

57 Il résulte d’une jurisprudence constante que cette nullité, qui peut être invoquée par tous, s’impose au juge dès que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE sont réunies et que l’accord concerné ne peut justifier l’octroi d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir, sur ce dernier point, notamment, arrêt du 9 juillet 1969, Portelange, 10/69, Rec. p. 309, point 10). La nullité visée à l’article 81, paragraphe 2, CE ayant un caractère absolu, un accord nul en vertu de cette disposition n’a pas d’effet dans les rapports entre les contractants et n’est pas opposable aux tiers (voir arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin, 22/71, Rec. p. 949, point 29). En outre, elle est susceptible d’affecter tous les effets, passés ou futurs, de l’accord ou de la décision concernés (voir arrêts du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec. p. 77, point 26, et Courage et Crehan, précité, point 22).

58 En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 39 du présent arrêt, l’article 81, paragraphe 1, CE produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder.

59 Il s’ensuit que toute personne est en droit de se prévaloir en justice de la violation de l’article 81 CE (voir arrêt Courage et Crehan, précité, point 24) et, partant, de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article.

60 Ensuite, en ce qui concerne la possibilité de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, il y a lieu de rappeler que la pleine efficacité de l’article 81 CE et, en particulier, l’effet utile de l’interdiction énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (voir arrêt Courage et Crehan, précité, point 26).

61 Il s’ensuit que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE.

62 En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir arrêts du 10 juillet 1997, Palmisani, C-261/95, Rec. p. I-4025, point 27, et Courage et Crehan, précité, point 29).

63 Dès lors, il convient de répondre à la deuxième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et à la troisième question dans l’affaire C-298/04 que l’article 81 CE doit être interprété en ce sens que toute personne est en droit de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article et, lorsqu’il existe un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice subi, de demander réparation dudit préjudice.

64 En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités d’exercice de ce droit, y compris celles de l’application de la notion de «lien de causalité», pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

Sur la deuxième question dans l’affaire C-298/04

65 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 81 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale, telle que l’article 33, paragraphe 2, de la loi n° 287/90, en vertu de laquelle les tiers doivent introduire leurs recours en indemnité pour violation des règles de concurrence communautaires et nationales devant une juridiction autre que celle ordinairement compétente pour les recours en indemnité de même valeur, entraînant de cette manière une augmentation sensible des coûts et des délais de jugement.

Observations soumises à la Cour

66 Assitalia relève que l’article 33, paragraphe 2, de la loi n° 287/90 s’applique aux seuls recours en indemnité fondés sur la violation des dispositions nationales protégeant la concurrence et que, à l’inverse, les recours en indemnité fondés sur la violation des articles 81 CE et 82 CE relèvent, en l’absence de dispositions légales expresses, de la compétence du juge ordinaire.

67 Dès lors, à la lumière du principe de l’autonomie procédurale, si la juridiction nationale était appelée à vérifier le respect des principes de l’équivalence et d’effectivité en ce qui concerne l’article 33 de la loi n° 287/90, elle devrait observer que la situation juridique fondée sur le droit communautaire est mieux protégée, compte tenu de la garantie du double degré de juridiction, par rapport à celle basée sur le droit national.

68 Le gouvernement italien soutient que le choix portant sur l’attribution de la compétence pour connaître des litiges en cause résulte exclusivement de l’organisation judiciaire de chacun des États membres, sous réserve des principes de l’équivalence et d’effectivité.

69 La Commission fait valoir qu’une réglementation nationale qui prévoit des règles de compétence différentes pour les actions civiles fondées sur la violation des règles communautaires de concurrence par rapport à celles applicables à des actions similaires de nature interne est compatible avec le droit communautaire lorsque les premières ne sont pas moins favorables que les secondes et ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique communautaire.

Appréciation de la Cour

70 Tout d’abord, en ce qui concerne la question de savoir si l’article 33, paragraphe 2, de la loi n° 287/90 s’applique aux seuls recours en indemnité fondés sur la violation des règles nationales de concurrence ou également aux recours en indemnité fondés sur la violation des articles 81 CE et 82 CE, il n’appartient pas à la Cour d’interpréter le droit national ni d’examiner son application au cas d’espèce (voir, notamment, arrêts du 24 octobre 1996, Dietz, C-435/93, Rec. p. I-5223, point 39, et du 19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04, non encore publié au Recueil, point 51).

71 Ensuite, ainsi qu’il résulte du point 62 du présent arrêt, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de fixer les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité).

72 Dès lors, il convient de répondre à la deuxième question dans l’affaire C-298/04 que, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes pour connaître des recours en indemnité fondés sur une violation des règles communautaires de concurrence et de fixer les modalités procédurales de ces recours, pour autant que les dispositions concernées ne soient pas moins favorables que celles relatives aux recours en indemnité fondés sur une violation des règles nationales de concurrence et que lesdites dispositions nationales ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de demander réparation du dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE.

Sur la troisième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et sur la quatrième question dans l’affaire C-298/04

73 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 81 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale selon laquelle le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE court à compter du jour où cette entente ou pratique interdite a été mise en œuvre.

Observations soumises à la Cour

74 Assitalia relève que, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, il appartient au juge national, dans le respect des principes de l’équivalence et d’effectivité, de déterminer, à la lumière de son propre ordre juridique, quels sont les délais de prescription et leurs modalités d’application (voir arrêt du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599).

75 Le gouvernement italien soutient que c’est à partir du jour où l’entente a été mise en œuvre que la protection contre les effets négatifs découlant de celle-ci est efficace. Ce serait donc à partir de ce moment que court le délai de prescription de la demande d’indemnisation fondée sur l’article 81 CE.

76 La Commission affirme que, en l’absence de dispositions communautaires en la matière, c’est l’ordre juridique de chaque État membre qui régit les questions telles que celle de l’écoulement du délai de prescription pour l’exercice des actions fondées sur la violation des règles communautaires en matière de concurrence, pour autant que ce délai ne soit pas moins favorable que celui applicable aux recours similaires de nature interne et ne rende pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

Appréciation de la Cour

77 Ainsi qu’il a été rappelé au point 62 du présent arrêt, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, pour autant que ces modalités respectent les principes de l’équivalence et d’effectivité.

78 Une règle nationale en vertu de laquelle le délai de prescription pour l’introduction d’un recours en indemnité court à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a été mise en œuvre pourrait rendre pratiquement impossible l’exercice du droit de demander réparation du dommage causé par cette entente ou pratique interdite, en particulier si cette règle nationale prévoit également un délai de prescription court et que ce délai ne puisse être suspendu.

79 En effet, dans une telle situation, en cas d’infractions continues ou répétées, il n’est pas exclu que le délai de prescription s’écoule avant même qu’il soit mis fin à l’infraction, auquel cas toute personne ayant subi des dommages après l’écoulement du délai de prescription se trouve dans l’impossibilité d’introduire un recours.

80 Il incombe à la juridiction nationale de vérifier si tel est le cas de la règle nationale en cause au principal.

81 Dès lors, il convient de répondre à la troisième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et à la quatrième question dans l’affaire C-298/04 que, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

82 À cet égard, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si une règle nationale en vertu de laquelle le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE court à compter du jour où cette entente ou cette pratique interdite a été mise en œuvre, en particulier si cette règle nationale prévoit également un délai de prescription court et que ce délai ne puisse être suspendu, rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de demander réparation du préjudice subi.

Sur la quatrième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et sur la cinquième question dans l’affaire C-298/04

83 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 81 CE doit être interprété en ce sens qu’il impose aux juridictions nationales l’obligation d’octroyer des dommages-intérêts ayant un caractère de sanction, afin que l’indemnité soit supérieure à l’avantage obtenu par l’opérateur économique ayant violé cette disposition et décourage ainsi la mise en œuvre d’ententes ou de pratiques interdites par celle-ci.

Observations soumises à la Cour

84 Assitalia fait valoir que la question relative à la reconnaissance d’une indemnité punitive au tiers préjudicié par un comportement anticoncurrentiel relève une nouvelle fois du principe de l’autonomie procédurale. Dans la mesure où il n’existe en effet aucune réglementation communautaire en matière d’indemnité punitive, il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’ampleur de l’indemnisation, toujours dans le respect des principes de l’équivalence et d’effectivité (voir notamment, en ce sens, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029, points 89 et 90).

85 Le gouvernement italien soutient que l’institution de l’indemnité punitive est étrangère à l’ordre juridique italien et à la raison d’être de l’institution de l’indemnisation. Cette dernière serait, en effet, conçue comme une mesure de réparation du préjudice subi et prouvé par la victime. Elle ne pourrait, en aucun cas, avoir une fonction de sanction ou de répression, une telle fonction relevant du domaine de la loi.

86 Le gouvernement allemand considère qu’il faut répondre par la négative à cette question.

87 Selon le gouvernement autrichien, il n’est pas nécessaire, pour garantir l’application de l’article 81 CE, d’accorder d’office au tiers ayant subi un préjudice des dommages-intérêts ayant un caractère de sanction, l’enrichissement de la personne ayant subi un préjudice n’étant ni envisagé ni nécessaire. La majorité des ordres juridiques des États membres n’attacheraient pas de conséquences juridiques de ce type à une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE. Ils prévoiraient plutôt des droits en matière d’indemnisation et d’interdiction, ce qui suffirait à la mise en œuvre effective de l’article 81 CE.

88 La Commission estime que, en l’absence de dispositions communautaires en la matière, c’est l’ordre juridique de chaque État membre qui régit les questions telles que celle de la liquidation du préjudice découlant de la violation des règles communautaires en matière de concurrence, pour autant que l’indemnisation du préjudice dans un tel cas ne soit pas moins favorable pour la personne lésée que l’indemnisation qu’elle aurait pu obtenir par des actions analogues de nature interne.

Appréciation de la Cour

89 Ainsi qu’il découle d’une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions nationales chargées d’appliquer, dans le cadre de leurs compétences, les dispositions du droit communautaire d’assurer le plein effet de ces normes et de protéger les droits qu’elles confèrent aux particuliers (voir, notamment, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629, point 16; du 19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. I-2433, point 19, et Courage et Crehan, précité, point 25).

90 Ainsi qu’il a été rappelé au point 60 du présent arrêt, la pleine efficacité de l’article 81 CE et, en particulier, l’effet utile de l’interdiction énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

91 Un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles communautaires de concurrence et est de nature à décourager les accords ou pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Dans cette perspective, les actions en dommages-intérêts devant les juridictions nationales sont susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans la Communauté (arrêt Courage et Crehan, précité, point 27).

92 En ce qui concerne l’allocation de dommages-intérêts et une éventuelle possibilité d’accorder des indemnités ayant un caractère de sanction, en l’absence de dispositions communautaires en ce domaine, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

93 À cet égard, d’une part, conformément au principe de l’équivalence, des dommages-intérêts particuliers, tels que des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, doivent pouvoir être alloués dans le cadre des actions fondées sur les règles communautaires de concurrence, s’ils peuvent l’être dans le cadre d’actions semblables fondées sur le droit interne (voir, en ce sens, arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 90).

94 Toutefois, il est de jurisprudence constante que le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les juridictions nationales veillent à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit (voir, notamment, arrêts du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238/78, Rec. p. 2955, point 14; du 21 septembre 2000, Michaïlidis, C-441/98 et C-442/98, Rec. p. I-7145, point 31, et Courage et Crehan, précité, point 30).

95 D’autre part, il résulte du principe d’effectivité et du droit de toute personne de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence que les personnes ayant subi un préjudice doivent pouvoir demander réparation non seulement du dommage réel (damnum emergens), mais également du manque à gagner (lucrum cessans) ainsi que le paiement d’intérêts.

96 En effet, l’exclusion totale, au titre du dommage réparable, du manque à gagner ne peut être admise en cas de violation du droit communautaire, car, spécialement à propos de litiges d’ordre économique ou commercial, une telle exclusion totale du manque à gagner serait de nature à rendre en fait impossible la réparation du dommage (voir arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 87, et du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 91).

97 Quant au paiement d’intérêts, la Cour a rappelé au point 31 de l’arrêt du 2 août 1993, Marshall (C-271/91, Rec. p. I-4367) que leur octroi, selon les règles nationales applicables, constitue une composante indispensable d’un dédommagement.

98 Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la quatrième question dans les affaires C-295/04 à C-297/04 et à la cinquième question dans l’affaire C-298/04 que, en l’absence de dispositions communautaires en ce domaine, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation du préjudice causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

99 Dès lors, d’une part, conformément au principe de l’équivalence, si des dommages-intérêts particuliers, tels que des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, peuvent être alloués dans le cadre d’actions nationales semblables aux actions fondées sur les règles communautaires de concurrence, ils doivent également pouvoir l’être dans le cadre de ces dernières actions. Toutefois, le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les juridictions nationales veillent à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit.

100 D’autre part, il résulte du principe d’effectivité et du droit du particulier de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence que les personnes ayant subi un préjudice doivent pouvoir demander réparation non seulement du dommage réel (damnum emergens), mais également du manque à gagner (lucrum cessans) ainsi que le paiement d’intérêts.

Sur les dépens

101 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1) Une entente ou une pratique concertée, telle que celle en cause au principal, entre compagnies d’assurances consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes de l’assurance responsabilité civile obligatoire relative aux sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs, non justifiée par les conditions du marché, qui constitue une infraction aux règles nationales sur la protection de la concurrence, peut également constituer une violation de l’article 81 CE si, eu égard aux caractéristiques du marché national en cause, il existe un degré suffisant de probabilité que l’entente ou la pratique concertée en cause puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la vente des polices de cette assurance dans l’État membre concerné par des opérateurs établis dans d’autres États membres et que cette influence ne soit pas insignifiante.

2) L’article 81 CE doit être interprété en ce sens que toute personne est en droit de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique interdite par cet article et, lorsqu’il existe un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice subi, de demander réparation dudit préjudice.

En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités d’exercice de ce droit, y compris celles de l’application de la notion de «lien de causalité», pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

3) En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes pour connaître des recours en indemnité fondés sur une violation des règles communautaires de concurrence et de fixer les modalités procédurales de ces recours, pour autant que les dispositions concernées ne soient pas moins favorables que celles relatives aux recours en indemnité fondés sur une violation des règles nationales de concurrence et que lesdites dispositions nationales ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de demander réparation du dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE.

4) En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

À cet égard, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si une règle nationale en vertu de laquelle le délai de prescription pour demander réparation d’un dommage causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE court à compter du jour où cette entente ou cette pratique interdite a été mise en œuvre, en particulier si cette règle nationale prévoit également un délai de prescription court et que ce délai ne puisse être suspendu, rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de demander réparation du préjudice subi.

5) En l’absence de dispositions communautaires en ce domaine, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation du préjudice causé par une entente ou une pratique interdite par l’article 81 CE, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité soient respectés.

Dès lors, d’une part, conformément au principe de l’équivalence, si des dommages-intérêts particuliers, tels que des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, peuvent être alloués dans le cadre d’actions nationales semblables aux actions fondées sur les règles communautaires de concurrence, ils doivent également pouvoir l’être dans le cadre de ces dernières actions. Toutefois, le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les juridictions nationales veillent à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit.

D’autre part, il résulte du principe d’effectivité et du droit du particulier de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence que les personnes ayant subi un préjudice doivent pouvoir demander réparation non seulement du dommage réel (damnum emergens), mais également du manque à gagner (lucrum cessans) ainsi que le paiement d’intérêts.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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CJCE, n° C-295/04, Arrêt de la Cour, Vincenzo Manfredi contre Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA (C-295/04), Antonio Cannito contre Fondiaria Sai SpA (C-296/04) et Nicolò Tricarico (C-297/04) et Pasqualina Murgolo (C-298/04) contre Assitalia SpA, 13 juillet 2006