CJUE, n° C-421/09, Arrêt de la Cour, Humanplasma GmbH contre Republik Österreich, 9 décembre 2010

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Conclusions du rapporteur public · 23 juillet 2014

N° 349717 Société Octapharma France 1ère et 6ème sous-sections réunies Séance du 2 juillet 2014 Lecture du 23 juillet 2014 CONCLUSIONS M. Alexandre LALLET, rapporteur public En raison du contexte dans lequel l'organisation actuelle de la transfusion en France s'est construite, et qu'il est inutile de rappeler, le citoyen peut légitimement s'interroger sur les conséquences de la brèche que la présente affaire met en lumière. Votre décision devra comporter les garanties qu'il est en droit d'exiger en matière de santé publique, fût-ce au prix d'une conception extensive …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 9 déc. 2010, Humanplasma, C-421/09
Numéro(s) : C-421/09
Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 décembre 2010. # Humanplasma GmbH contre Republik Österreich. # Demande de décision préjudicielle: Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien - Autriche. # Articles 28 CE et 30 CE - Réglementation nationale interdisant l’importation de produits sanguins provenant de dons non entièrement gratuits. # Affaire C-421/09.
Date de dépôt : 28 octobre 2009
Précédents jurisprudentiels : 28 janvier 2010, Commission/France, C-333/08
arrêt du 5 juin 2007, Rosengren e.a., C-170/04, Rec. p. I-4071
arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01
Commission/Belgique, C-227/06, point 61, et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C-141/07
Commission/Belgique, C-254/05
Commission/France, C-262/02
Commission/Pays-Bas, C-297/05
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62009CJ0421
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2010:760
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Sur les parties

Texte intégral

Affaire C-421/09

Humanplasma GmbH

contre

Republik Österreich

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien)

«Articles 28 CE et 30 CE — Réglementation nationale interdisant l’importation de produits sanguins provenant de dons non entièrement gratuits»

Sommaire de l’arrêt

Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Réglementation nationale interdisant l’importation de sang ou de composants sanguins provenant de dons non entièrement gratuits — Justification — Protection de la santé publique — Inadmissibilité

(Art. 28 CE et 30 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/98, art. 20, § 1, et 21)

L’article 28 CE, lu en combinaison avec l’article 30 CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que l’importation de sang ou de composants sanguins en provenance d’un autre État membre n’est licite qu’à la condition, également applicable aux produits nationaux, que les dons de sang qui sont à la base de ces produits aient été effectués non seulement sans que les donneurs aient bénéficié d’une rémunération, mais également sans que ces derniers aient obtenu un remboursement des frais qu’ils ont exposés pour effectuer ces dons.

Une telle réglementation visant, d’une part, à garantir que le sang et les composants sanguins commercialisés dans l’État membre en cause répondent à des critères de qualité et de sécurité élevés et, d’autre part, à atteindre l’objectif consacré à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2002/98, établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, à savoir encourager les dons de sang volontaires et non rémunérés, répond à des préoccupations de santé publique telles que celles admises à l’article 30 CE. Partant, ces objectifs sont, en principe, susceptibles de justifier une entrave à la libre circulation des marchandises.

Toutefois, considérée isolément, l’obligation selon laquelle le don de sang doit avoir été effectué sans donner lieu à aucun remboursement des frais exposés par le donneur n’est pas nécessaire pour garantir la qualité et la sécurité du sang et des composants sanguins. Cette constatation est corroborée par la circonstance que ni la directive 2002/98 ni la recommandation nº R (95) 14 du Comité des ministres aux États membres du Conseil de l’Europe, à laquelle cette directive se réfère, n’imposent la gratuité totale des dons, mais prévoient que de modestes marques de reconnaissance, des rafraîchissements et le remboursement des frais de déplacement liés au don sont compatibles avec le don volontaire et non rémunéré, de sorte que ces éléments ne sauraient être considérés comme étant de nature à compromettre la qualité et la sécurité de ces dons ainsi que la protection de la santé publique.

Une telle réglementation dépasse donc ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir garantir la qualité et la sécurité du sang et des composants sanguins.

(cf. points 33, 43-46 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

9 décembre 2010 (*)

«Articles 28 CE et 30 CE – Réglementation nationale interdisant l’importation de produits sanguins provenant de dons non entièrement gratuits»

Dans l’affaire C-421/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (Autriche), par décision du 19 octobre 2009, parvenue à la Cour le 28 octobre 2009, dans la procédure

Humanplasma GmbH

contre

Republik Österreich,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel (rapporteur), A. Borg Barthet, M. Ilešič et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour Humanplasma GmbH, par Me W. Graziani-Weiss, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Fehér ainsi que par Mmes K. Szíjjártó et Z. Tóth, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. de Ree, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme C. Cattabriga et M. G. Wilms, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 28 CE et 30 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Humanplasma GmbH (ci-après «Humanplasma»), société de droit autrichien, à la Republik Österreich au sujet de l’interdiction législative d’importer des concentrés d’érythrocytes provenant de dons de sang non entièrement gratuits.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Les vingt-deuxième et vingt-troisième considérants de la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE (JO L 33, p. 30), se lisent comme suit:

«(22) Conformément à l’article 152, paragraphe 5, du traité, les dispositions de la présente directive ne peuvent porter atteinte aux dispositions nationales relatives aux dons de sang. L’article 152, paragraphe 4, point a), du traité indique que les États membres ne peuvent être empêchés de maintenir ou d’établir des mesures de protection plus strictes concernant les normes de qualité et de sécurité du sang et des composants sanguins.

(23) Les dons de sang volontaires et non rémunérés constituent un facteur pouvant contribuer à assurer un niveau élevé des normes de sécurité du sang et des composants sanguins et, partant, la protection de la santé publique. Les efforts déployés par le Conseil de l’Europe dans ce domaine devraient être appuyés et toutes les dispositions nécessaires devraient être prises pour encourager les dons volontaires et non rémunérés par des mesures et des initiatives appropriées et en faisant en sorte que l’action des donneurs soit davantage reconnue par la population, ce qui augmenterait aussi l’autosuffisance en sang. Il conviendrait de tenir compte de la définition du don volontaire et non rémunéré retenue par le Conseil de l’Europe.»

4 L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2002/98 prévoit:

«La présente directive n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’introduire sur son territoire des mesures de protection plus strictes, dans le respect des dispositions du traité.

Un État membre peut notamment introduire des exigences s’appliquant aux dons volontaires et non rémunérés, comprenant l’interdiction ou la restriction des importations de sang et de composants sanguins, en vue d’assurer un haut niveau de protection sanitaire et d’atteindre l’objectif fixé à l’article 20, paragraphe 1, pour autant que les conditions prévues par le traité sont respectées.»

5 L’article 20, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour encourager les dons volontaires et non rémunérés en vue de garantir que, dans toute la mesure du possible, le sang et les composants sanguins proviennent de ces dons.»

6 L’article 21 de ladite directive prévoit:

«Les établissements de transfusion sanguine veillent à ce que chaque don de sang ou de composants sanguins soit contrôlé conformément aux exigences énoncées à l’annexe IV.

Les États membres veillent à ce que le sang ou les composants sanguins importés dans la Communauté soient contrôlés conformément aux exigences énoncées à l’annexe IV.»

La réglementation internationale

7 Aux termes de l’article 2 de la recommandation n° R (95) 14 du Comité des ministres aux États membres du Conseil de l’Europe sur la protection de la santé des donneurs et des receveurs dans le cadre de la transfusion sanguine, adoptée le 12 octobre 1995, «[l]e don de sang, de plasma ou de composants cellulaires est considéré comme volontaire et non rémunéré lorsqu’il est fait par une personne de son plein gré et qu’il ne donne lieu à aucun paiement en espèce ou sous toute autre forme équivalente.
Il en serait ainsi de l’octroi d’un congé compensatoire qui dépasserait le temps raisonnablement nécessaire pour le don et le déplacement. De modestes marques de reconnaissance, des rafraîchissements et le remboursement des frais de déplacement liés au don sont compatibles avec le don volontaire et non rémunéré».

La réglementation nationale

8 L’article 7, paragraphe 1, de la loi de 2002 sur l’importation des médicaments (Arzneiwareneinfuhrgesetz 2002), dans sa version publiée au BGBl. I, 153/2005 (ci-après la «loi sur l’importation des médicaments»), prévoyait que l’importation des produits visés par ladite loi n’était possible que si l’administration pour la sécurité dans le secteur de la santé avait confirmé que leur commercialisation était possible.

9 L’article 7, paragraphe 3, de cette loi énumérait les informations précises que, notamment, les importateurs de produits sanguins devaient fournir sur demande des autorités compétentes. Figuraient parmi ces informations l’identité du donneur, la preuve que le donneur avait été sélectionné conformément aux critères internationaux applicables en la matière et qu’il n’avait pas été atteint de certaines infections virales.

10 Par suite d’une modification législative publiée au BGBl. I, 41/2006, un paragraphe 1a a été introduit à l’article 7 de la loi sur l’importation des médicaments, avec effet au 29 mars 2006. Cette disposition se lit comme suit:

«Lors de l’importation de produits sanguins pour transfusion directe, il n’y a en tout état de cause pas de possibilité de commercialisation lorsque les dons de sang n’ont pas été effectués de manière entièrement gratuite, sous réserve des cas dans lesquels le donneur est invité par l’organisme de transfusion à faire un don dans les meilleurs délais, en raison d’un besoin immédiat dans une situation d’urgence particulière. Cela ne s’applique pas lorsque l’importation est nécessaire pour garantir l’approvisionnement en groupes sanguins extrêmement rares.»

11 En outre, par cette même modification, un point 2a a été introduit à l’article 7, paragraphe 3, de la loi sur l’importation des médicaments, qui prévoit que les importateurs doivent dans tous les cas établir que, en ce qui concerne «les dons de sang pour transfusion directe, les dons ont été effectués de manière entièrement gratuite, ou dans le cas où le donneur a été invité par l’organisme de transfusion à faire un don dans les meilleurs délais, en raison d’un besoin immédiat dans une situation d’urgence particulière, seul un remboursement des frais a été accordé […]».

12 L’article 8, paragraphe 4, de la loi de 1999 sur la sécurité sanguine (Blutsicherheitsgesetz 1999), dans sa version publiée au BGBl. I, 63/2005, dispose:

«Il est interdit de remettre ou de promettre une rétribution aux donneurs de sang ou de composants sanguins ou à des tiers pour leurs dons. Si le don de sang (sang total) est effectué pour des produits destinés à une transfusion directe, le don doit être effectué à titre entièrement gratuit. Dans ces cas, un remboursement des frais n’est licite que si le donneur a été invité par l’organisme de transfusion à faire un don dans les meilleurs délais, en raison d’un besoin immédiat dans une situation d’urgence particulière.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

13 Le 1er novembre 2005, un avis de marché a été publié pour la fourniture, au Wiener Krankenanstaltenverbund (groupement des instances hospitalières viennoises), de produits sanguins, en l’occurrence des concentrés d’érythrocytes à teneur réduite en leucocytes.
Ces concentrés d’érythrocytes sont vendus en tant que médicaments.

14 La fin de la période de présentation des offres était fixée au 1er mars 2006. Le marché de fourniture était constitué de cinq lots distincts et des offres pouvaient être remises séparément pour chaque lot. Les contrats-cadres faisant l’objet du marché devaient avoir une durée de trois ans avec une possibilité de prolongation unique de trois années supplémentaires.

15 Conformément au point 2.2 des conditions du marché:

«L’objet de la fourniture doit […] être conforme à la loi autrichienne en matière d’importation de médicaments (loi sur l’importation des médicaments) dans sa version en vigueur, […], provenir de dons non rémunérés et être conforme à l’état actuel des connaissances scientifiques.»

16 Le point 6 des dispositions particulières du marché, intitulé «Perte de la fourniture», prévoit notamment:

«Le cocontractant est tenu de garantir la fourniture. Toutefois, s’il devait y avoir un retard ou une perte de la fourniture, le Wiener Krankenanstaltenverbund (sur la base de son obligation de prestation) est en droit de se procurer des concentrés d’érythrocytes à teneur réduite en leucocytes en dehors du contrat-cadre et, à cet égard, les frais supplémentaires et consécutifs qui en résultent sont mis à la charge du cocontractant.»

17 Deux soumissionnaires ont participé à la procédure, à savoir Humanplasma et l’Österreichische Rote Kreuz (Croix-Rouge autrichienne).
Il s’est avéré que Humanplasma avait transmis l’offre la moins élevée en ce qui concerne deux des cinq lots.

18 Dans une lettre accompagnant son offre, Humanplasma a confirmé qu’elle disposait de l’ensemble des autorisations nécessaires pour fournir les prestations en question. Elle garantissait ainsi que, au moment du dépôt de son offre, l’objet fourni était conforme aux exigences prévues au point 2.2 des conditions du marché. Toutefois, en ce qui concerne la situation juridique future, elle a précisé qu’aucune garantie ni assurance ne pouvait être donnée et que, si, à la suite d’une modification législative et notamment d’une modification de la loi sur l’importation des médicaments, elle devait être dans l’impossibilité de respecter l’obligation de fourniture des produits concernés, elle n’assumerait aucune responsabilité en ce qui concerne les éventuels frais et coûts supplémentaires visés au point 6 des dispositions particulières du marché.

19 Il ressort de la décision de renvoi que, dans la mesure où, après la clôture du délai de présentation des offres, la loi sur l’importation des médicaments a été modifiée en ce sens que les produits sanguins importés pour la transfusion ne pouvaient plus, sous réserve de deux cas particuliers, être commercialisés lorsque les dons de sang n’avaient pas été effectués de manière entièrement gratuite, les produits proposés par Humanplasma, qui ne provenaient pas principalement de tels dons, n’étaient plus conformes aux dispositions de cette loi.

20 Lors de l’examen de l’offre, le pouvoir adjudicateur a demandé à Humanplasma de préciser si elle pouvait néanmoins garantir les conditions de fourniture énoncées dans l’appel d’offres. Celle-ci n’ayant pu fournir ces garanties, le pouvoir adjudicateur lui a fait savoir que son offre serait retirée en vertu des dispositions nationales relatives aux marchés publics.

21 La réclamation, introduite par Humanplasma à l’encontre de la décision de retrait de ladite offre devant le Vergabekontrollsenat für Wien (autorité de contrôle des marchés publics de Vienne), a été rejetée au motif, notamment, que, dès lors que Humanplasma ne pouvait garantir la fourniture des prestations faisant l’objet de la soumission aux conditions établies dans le cahier des charges, son offre n’était pas conforme, au sens des dispositions nationales, et n’était pas susceptible de donner lieu à une adjudication. Selon le Vergabekontrollsenat für Wien, le pouvoir adjudicateur avait donc écarté à juste titre l’offre de Humanplasma.

22 Dans son recours introduit à l’encontre de la décision du Vergabekontrollsenat für Wien, Humanplasma a demandé le paiement de dommages et intérêts d’un montant de 840 000 euros ainsi que le remboursement des frais exposés, en se fondant sur la responsabilité de l’État du fait de la violation du droit communautaire. À l’appui de son recours, elle faisait valoir que l’article 7, paragraphe 1a, de la loi sur l’importation des médicaments constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation prohibée par l’article 28 CE. Dans la mesure où elle n’obtenait pas principalement ses produits à partir de dons entièrement gratuits, elle aurait été tenue d’émettre une réserve et de faire valoir son impossibilité de respecter les conditions de fourniture du produit concerné. Si la loi sur l’importation des médicaments n’avait pas été modifiée, elle n’aurait pas dû formuler cette réserve et son offre n’aurait pas pu être écartée de la procédure d’adjudication.

23 Saisi de l’affaire, le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 28 CE (lu en combinaison avec l’article 30 CE) s’oppose-t-il à l’application d’une réglementation nationale selon laquelle l’importation de concentrés d’érythrocytes en provenance d’Allemagne n’est licite qu’à la condition – applicable également à la collecte de concentrés d’érythrocytes sur le territoire national – que les dons de sang aient été effectués sans aucune rémunération (même au sens d’une indemnisation des frais)?»

Sur la question préjudicielle

24 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 28 CE, lu en combinaison avec l’article 30 CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que l’importation de sang ou de composants sanguins en provenance d’un autre État membre n’est licite qu’à la condition, également applicable aux produits nationaux, que les dons de sang qui sont à la base de ces produits aient été effectués sans que les donneurs aient bénéficié d’aucune rémunération, même au sens d’une indemnisation des frais.

25 La libre circulation des marchandises est un principe fondamental du traité CE qui trouve son expression dans l’interdiction, énoncée à l’article 28 CE, des restrictions quantitatives à l’importation entre les États membres ainsi que de toutes mesures d’effet équivalent (arrêt du 5 juin 2007, Rosengren e.a., C-170/04, Rec. p. I-4071, point 31).

26 Selon une jurisprudence constante, l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives, édictée à l’article 28 CE, vise toute réglementation des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5; Rosengren e.a., précité, point 32; du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas, C-297/05, Rec. p. I-7467, point 53, et du 8 novembre 2007, Ludwigs-Apotheke, C-143/06, Rec. p. I-9623, point 26).

27 En l’espèce, il ressort de la décision de renvoi que la réglementation nationale en cause au principal contient une interdiction d’importer et de commercialiser, en principe, du sang et des composants sanguins obtenus à partir de dons de sang rémunérés, étant entendu que le remboursement des frais exposés par le donneur pour effectuer le don de sang est également considéré, par ladite réglementation, comme constituant une rémunération.

28 Il y a lieu d’ajouter que l’interdiction de commercialisation en cause au principal s’applique indifféremment aux dons de sang effectués sur le territoire autrichien et à ceux collectés dans d’autres États membres.

29 Dans la mesure où, dans certains autres États membres, les dons de sang donnent lieu, en conformité avec les dispositions de la directive 2002/98, à des remboursements de frais, le sang et les composants sanguins légalement obtenus et mis sur le marché dans ces États membres ne peuvent être importés et commercialisés en Autriche.

30 Partant, il y a lieu de constater, ainsi que l’admet d’ailleurs expressément le gouvernement autrichien, qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est susceptible d’entraver les échanges intracommunautaires et constitue dès lors une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 28 CE.

31 Afin de déterminer si ladite réglementation constitue une restriction interdite au sens de l’article 28 CE, il convient encore d’examiner si, ainsi que l’ont notamment fait valoir le gouvernement autrichien et la Commission européenne, elle est susceptible d’être justifiée au titre de la protection de la santé publique.

32 À cet égard, il importe de rappeler que la santé publique occupe le premier rang parmi les biens ou intérêts protégés par l’article 30 CE et qu’il appartient aux États membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint (arrêts du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, Rec. p. I-14887, point 103; du 13 juillet 2004, Commission/France, C-262/02, Rec.
p. I-6569, point 24; Rosengren e.a., précité, point 39, ainsi que Ludwigs-Apotheke, précité, point 27).

33 En l’espèce, il est constant que la réglementation en cause au principal, qui a, selon le gouvernement autrichien, pour objectif, d’une part, de garantir que le sang et les composants sanguins commercialisés en Autriche répondent à des critères de qualité et de sécurité élevés, et, d’autre part, d’atteindre l’objectif consacré à l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2002/98, à savoir encourager les dons de sang volontaires et non rémunérés, répond à des préoccupations de santé publique telles que celles admises à l’article 30 CE. Partant, ces objectifs sont, en principe, susceptibles de justifier une entrave à la libre circulation des marchandises.

34 Toutefois, il ressort de la jurisprudence qu’une réglementation qui est de nature à restreindre une liberté fondamentale garantie par le traité, telle que la libre circulation des marchandises, ne peut être valablement justifiée que si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, notamment, arrêts du 8 mai 2003, ATRAL, C-14/02, Rec. p. I-4431, point 64; du 7 juin 2007, Commission/Belgique, C-254/05, Rec. p. I-4269, point 33; du 13 mars 2008, Commission/Belgique, C-227/06, point 61, et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C-141/07, Rec. p. I-6935, point 48).

35 En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère approprié de la réglementation en cause au principal, il convient de relever qu’il ressort du vingt-troisième considérant de la directive 2002/98 que les dons de sang volontaires et non rémunérés constituent un facteur pouvant contribuer à assurer un niveau élevé des normes de sécurité du sang et des composants sanguins et, partant, de la protection de la santé publique.

36 Dans la mesure où une réglementation telle que celle en cause au principal s’oppose à ce que les donneurs de sang puissent retirer un gain financier de leur don, une telle réglementation est susceptible de répondre à ces préoccupations et d’améliorer la qualité et la sécurité du sang ainsi que des composants sanguins et doit donc être considérée comme étant de nature à protéger la santé publique.

37 En revanche, il ne ressort pas des observations déposées devant la Cour que, ainsi que l’a fait valoir le gouvernement autrichien, une réglementation telle que celle en cause au principal, qui interdit que les donneurs de sang puissent bénéficier d’un remboursement, par exemple des frais de transport qu’ils ont exposés pour se rendre dans les locaux de l’établissement de transfusion sanguine le plus proche de leur domicile ou de leur lieu de travail, est de nature à encourager les intéressés à faire don de leur sang. Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’une telle réglementation ne permet pas d’atteindre le second objectif prétendument poursuivi par ladite réglementation nationale.

38 S’agissant, en second lieu, de l’appréciation qu’il convient de porter sur le caractère proportionné d’une réglementation telle que celle en cause au principal, il convient de rappeler qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que l’article 30 CE constituant une exception, qui est d’interprétation stricte, à la règle de la libre circulation des marchandises à l’intérieur de la Communauté, il appartient aux autorités nationales de démontrer que cette réglementation est nécessaire pour réaliser l’objectif invoqué et que celui-ci ne pourrait pas être atteint par des interdictions ou des limitations de moins grande ampleur ou affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1994, van der Veldt, C-17/93, Rec. p. I-3537, point 15; du 23 octobre 1997, Franzén, C-189/95, Rec. p. I-5909, points 75 et 76; du 28 septembre 2006, Ahokainen et Leppik, C-434/04, Rec. p. I-9171, point 31, ainsi que Rosengren e.a., précité, point 50).

39 Certes, en vertu de la jurisprudence constante de la Cour, rappelée au point 32 du présent arrêt, dans l’appréciation du respect du principe de proportionnalité dans le domaine de la santé publique, il convient de tenir compte du fait que l’État membre peut décider du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 51).

40 Il convient d’ajouter que le simple fait qu’un État membre impose des règles moins strictes que celles applicables dans un autre État membre ne signifie pas que ces dernières sont incompatibles avec les articles 28 CE et 30 CE (voir, notamment, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 51).

41 Toutefois, la circonstance que plusieurs autres États membres prévoient, au bénéfice des donneurs de sang, une indemnisation qui correspond au remboursement des frais encourus peut être pertinente lors de l’appréciation de la justification objective avancée à l’égard de la réglementation autrichienne et, notamment, à l’égard de l’appréciation de la proportionnalité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France, C-333/08, non encore publié au Recueil, point 105).

42 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort notamment de l’article 21 de la directive 2002/98, afin d’assurer la qualité et la sécurité du sang et des composants sanguins, chaque don de sang doit être contrôlé conformément aux exigences énoncées à l’annexe IV de cette directive, étant entendu que ces exigences sont appelées à évoluer au gré du progrès scientifique et technique.

43 Il s’ensuit que, considérée isolément, l’obligation selon laquelle le don de sang doit avoir été effectué sans donner lieu à aucun remboursement des frais exposés par le donneur n’est, en tout état de cause, pas nécessaire pour garantir la qualité et la sécurité du sang et des composants sanguins.

44 Cette constatation est corroborée par la circonstance que, alors même que la directive 2002/98 et la recommandation n° R (95) 14, à laquelle cette directive se réfère, visent à améliorer la protection de la santé des donneurs et des receveurs de sang en établissant des normes et des principes auxquels doivent répondre les dons de sang volontaires et non rémunérés, elles n’imposent pas la gratuité totale des dons, mais prévoient que de modestes marques de reconnaissance, des rafraîchissements et le remboursement des frais de déplacement liés au don sont compatibles avec le don volontaire et non rémunéré, de sorte que ces éléments ne sauraient être considérés comme étant de nature à compromettre la qualité et la sécurité de ces dons ainsi que la protection de la santé publique.

45 Eu égard à ces considérations, il convient de conclure qu’une réglementation telle que celle en cause au principal dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir garantir la qualité et la sécurité du sang et des composants sanguins.

46 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 28 CE, lu en combinaison avec l’article 30 CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que l’importation de sang ou de composants sanguins en provenance d’un autre État membre n’est licite qu’à la condition, également applicable aux produits nationaux, que les dons de sang qui sont à la base de ces produits aient été effectués non seulement sans que les donneurs aient bénéficié d’une rémunération, mais également sans que ces derniers aient obtenu un remboursement des frais qu’ils ont exposés pour effectuer ces dons.

Sur les dépens

47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 28 CE, lu en combinaison avec l’article 30 CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que l’importation de sang ou de composants sanguins en provenance d’un autre État membre n’est licite qu’à la condition, également applicable aux produits nationaux, que les dons de sang qui sont à la base de ces produits aient été effectués non seulement sans que les donneurs aient bénéficié d’une rémunération, mais également sans que ces derniers aient obtenu un remboursement des frais qu’ils ont exposés pour effectuer ces dons.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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CJUE, n° C-421/09, Arrêt de la Cour, Humanplasma GmbH contre Republik Österreich, 9 décembre 2010