CJUE, n° C-645/16, Arrêt de la Cour, Conseils et mise en relations (CMR) SARL contre Demeures terre et tradition SARL, 19 avril 2018

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Chronologie de l’affaire

Commentaires33

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Gouache Avocats · 5 mai 2023

La Cour de cassation change sa jurisprudence pour considérer désormais que le manquement d'un agent commercial découvert après la résiliation de son contrat ne le prive pas de son droit à indemnité. Un agent commercial a en principe droit à une indemnité lorsque se termine son contrat. Celle-ci est usuellement équivalente à deux années de commission. Il existe toutefois des cas dans lesquels cette indemnité n'est pas due, définis à l'article L.134-13 du Code de commerce. Parmi ces cas il est notamment prévu l'hypothèse dans laquelle l'agent commercial a commis une faute grave. Le 1° de …

 

www.taylorwessing.com · 27 janvier 2023

Actualité juridique en France Entente anticoncurrentielle. Prix de revente imposé : le préjudice du distributeur ne se présume pas Franchise. Nullité du contrat de franchise sur le fondement du dol et point de départ de la prescription Concurrence déloyale. Le non-respect du RGPD peut être sanctionné à la demande d'un concurrent Imprévision. Celui qui invoque l'imprévision doit démontrer les conséquences excessivement onéreuses de l'événement imprévu Agence commerciale. Revirement de jurisprudence : la faute grave découverte postérieurement à la résiliation ne prive pas l'agent de …

 

Derriennic & Associés · 20 janvier 2023

Dans cet arrêt du 16 novembre 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rompt avec sa jurisprudence antérieure : désormais, seule la faute grave connue peut justifier la privation du droit à préavis et indemnité, et ce à condition qu'elle soit visée dans la notification de rupture. En l'espèce, une société exerçait, depuis 2008, l'activité d'agent commercial pour un mandant qui avait manifestement toléré la représentation de produits concurrents. En 2013, les parties signent un contrat d'agence commerciale stipulant expressément que l'agent « ne peut accepter la représentation …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 19 avr. 2018, C-645/16
Numéro(s) : C-645/16
Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 19 avril 2018.#Conseils et mise en relations (CMR) SARL contre Demeures terre et tradition SARL.#Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France).#Renvoi préjudiciel – Agents commerciaux indépendants – Directive 86/653/CEE – Droit de l’agent commercial à une indemnité ou à la réparation du préjudice après cessation du contrat d’agence commerciale – Article 17 – Exclusion du droit à indemnité en cas de résiliation du contrat au cours de la période d’essai stipulée dans le contrat.#Affaire C-645/16.
Date de dépôt : 15 décembre 2016
Précédents jurisprudentiels : 26 mars 2009, Semen, C-348/07, EU:C:2009:195
arrêt du 16 avril 2015, Angerer, C-477/13, EU:C:2015:239
arrêt du 17 mai 2017, ERGO Poist' ovňa, C-48/16, EU:C:2017:377
arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C-184/12, EU:C:2013:663
Ingmar, C-381/98, EU:C:2000:605, point 21, et du 23 mars 2006, Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04, EU:C:2006:199
Volvo Car Germany, C-203/09, EU:C:2010:647
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62016CJ0645
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2018:262
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 avril 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agents commerciaux indépendants – Directive 86/653/CEE – Droit de l’agent commercial à une indemnité ou à la réparation du préjudice après cessation du contrat d’agence commerciale – Article 17 – Exclusion du droit à indemnité en cas de résiliation du contrat au cours de la période d’essai stipulée dans le contrat »

Dans l’affaire C-645/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 6 décembre 2016, parvenue à la Cour le 15 décembre 2016, dans la procédure

Conseils et mise en relations (CMR) SARL

contre

Demeures terre et tradition SARL,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász, Mme K. Jürimäe (rapporteur) et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Demeures terre et tradition SARL, par Me F. Molinié, avocat,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et M. Hellmann, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Hottiaux et H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO 1986, L 382, p. 17).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Conseils et mise en relations (CMR) SARL à Demeures terre et tradition SARL (ci-après « DTT ») au sujet de la demande, formulée par CMR, de paiement, d’une part, d’une indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commerciale la liant à DTT et, d’autre part, de dommages-intérêts qui lui seraient dus en conséquence de la rupture abusive de ce contrat.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les deuxième et troisième considérants de la directive 86/653 énoncent :

« considérant que les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l’intérieur de [l’Union européenne], les conditions de concurrence et l’exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu’à la sécurité des opérations commerciales ; que, par ailleurs, ces différences sont de nature à gêner sensiblement l’établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents ;

considérant que les échanges de marchandises entre États membres doivent s’effectuer dans des conditions analogues à celles d’un marché unique, ce qui impose le rapprochement des systèmes juridiques des États membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement de ce marché commun ; que, à cet égard, les règles de conflit de lois, même unifiées, n’éliminent pas, dans le domaine de la représentation commerciale, les inconvénients relevés ci-dessus et ne dispensent dès lors pas de l’harmonisation proposée ».

4

L’article 1er de cette directive dispose :

« 1. Les mesures d’harmonisation prescrites par la présente directive s’appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.

2. Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée “commettant”, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.

[…] »

5

L’article 17, paragraphes 1 à 3, de ladite directive prévoit :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.

a)

L’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où :

il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients

et

le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l’agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. […]

b)

Le montant de l’indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées par l’agent commercial au cours des cinq dernières années et, si le contrat remonte à moins de cinq ans, l’indemnité est calculée sur la moyenne de la période.

c)

L’octroi de cette indemnité ne prive pas l’agent commercial de faire valoir des dommages-intérêts.

3. L’agent commercial a droit à la réparation du préjudice que lui cause la cessation de ses relations avec le commettant.

Ce préjudice découle notamment de l’intervention de la cessation dans des conditions :

qui privent l’agent commercial des commissions dont l’exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l’activité de l’agent commercial,

et/ou qui n’ont pas permis à l’agent commercial d’amortir les frais et dépenses qu’il a engagés pour l’exécution du contrat sur la recommandation du commettant. »

6

L’article 18 de la même directive est libellé comme suit :

« L’indemnité ou la réparation visée à l’article 17 n’est pas due :

a)

lorsque le commettant a mis fin au contrat pour un manquement imputable à l’agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai ;

b)

lorsque l’agent commercial a mis fin au contrat, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances attribuables au commettant ou par l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial en raison desquels la poursuite de ses activités ne peut raisonnablement plus être exigée de lui ;

c)

lorsque, selon un accord avec le commettant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence. »

7

L’article 19 de la directive 86/653 énonce :

« Les parties ne peuvent pas, avant l’échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l’agent commercial. »

Le droit français

8

L’article L. 134-12 du code de commerce prévoit :

« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

Le 2 décembre 2011, DTT a conclu avec CMR un contrat d’agence commerciale relatif à la vente de maisons individuelles. Aux termes de ce contrat, DTT et CMR avaient respectivement la qualité de mandant et de mandataire. Ledit contrat prévoyait une période d’essai de douze mois, à l’issue de laquelle il serait réputé à durée indéterminée, avec la faculté pour chaque partie de le résilier au cours de cette période, moyennant un préavis de quinze jours le premier mois, puis d’un mois au-delà. Le contrat d’agence commerciale fixait pour objectif la réalisation de vingt-cinq ventes par an.

10

Par lettre du 12 juin 2012, DTT a notifié à CMR sa décision de mettre un terme à ce contrat, à l’issue du délai de préavis contractuel d’un mois. Cette décision était motivée par le non-respect de l’objectif fixé par ledit contrat, CMR n’ayant réalisé qu’une vente en cinq mois.

11

Par acte du 20 mars 2013, CMR a assigné DTT, devant le tribunal de commerce d’Orléans (France), en paiement d’une indemnité compensatrice en réparation d’un préjudice résultant de la cessation du contrat d’agence commerciale et en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat. Par jugement du 30 janvier 2014, cette juridiction a partiellement fait droit aux demandes de CMR.

12

Le 14 février 2014, DTT a interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 18 décembre 2014, la cour d’appel d’Orléans (France) a, pour partie, infirmé le jugement du tribunal de commerce d’Orléans. En particulier, cette juridiction a considéré que l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 134-12 du code de commerce n’était pas due en cas de rupture du contrat d’agence commerciale pendant la période d’essai. Elle a également considéré que la résiliation du contrat conclu entre DTT et CMR n’était pas abusive dès lors qu’une seule vente avait été réalisée en cinq mois alors que l’objectif fixé par ce contrat était de vingt-cinq ventes par an.

13

Saisie du pourvoi formé par CMR contre cet arrêt, la Cour de cassation (France) a indiqué, premièrement, que l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans fait application d’une jurisprudence constante de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, en vertu de laquelle le droit à indemnité connaît une exception lorsque le contrat d’agence commerciale est rompu au cours de la période d’essai. Deuxièmement, elle a relevé que la directive 86/653 ne fait pas référence à une éventuelle période d’essai, de telle sorte qu’une telle période semble pouvoir être stipulée par les parties à un contrat d’agence commerciale, sans que cela constitue une violation du droit de l’Union. Troisièmement, elle a rappelé, par référence à la jurisprudence de la Cour, que cette directive vise à protéger l’agent commercial dans sa relation avec le commettant et qu’il convient d’interpréter l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive dans un sens qui contribue à cette protection.

14

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 17 de la directive [86/653] s’applique-t-il lorsque la cessation du contrat d’agence commerciale intervient au cours de la période d’essai qui y est stipulée ? »

Sur la question préjudicielle

15

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17 de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit, respectivement à ses paragraphes 2 et 3, en cas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule.

16

À titre liminaire, il convient d’aborder la question de savoir si la directive 86/653 s’oppose à la stipulation d’une période d’essai dans un contrat d’agence commerciale.

17

Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 34 de ses conclusions, cette directive ne fait aucune référence à la notion de « période d’essai ». Étant donné qu’aucune disposition de ladite directive ne réglemente la stipulation d’une période d’essai, il y a lieu de considérer qu’une telle stipulation, qui relève de la liberté contractuelle des parties au contrat d’agence commerciale, n’est pas en soi interdite par ladite directive.

18

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a jugé que l’agent commercial ne bénéficie d’aucun droit à indemnité lorsque la rupture du contrat d’agence commerciale intervient pendant la période d’essai.

19

À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».

20

Comme l’a également souligné M. l’avocat général au point 34 de ses conclusions, si la directive 86/653 ne s’oppose pas à la stipulation d’une période d’essai dans un contrat d’agence commerciale, des effets juridiques susceptibles d’affecter la pleine effectivité de cette directive ne sauraient pour autant être conférés, en droit interne, à une telle période d’essai.

21

C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner si la stipulation d’une période d’essai dans un contrat d’agence commerciale fait obstacle à l’application des régimes d’indemnisation et de réparation, prévus respectivement aux paragraphes 2 et 3 de l’article 17 de la directive 86/653, en cas de cessation de ce contrat au cours de la période d’essai.

22

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour déterminer la portée d’une disposition du droit de l’Union, en l’occurrence l’article 17 de la directive 86/653, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (arrêt du 16 avril 2015, Angerer, C-477/13, EU:C:2015:239, point 26 et jurisprudence citée).

23

S’agissant du libellé de cet article, il convient de relever, premièrement, que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 86/653, les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après la « cessation du contrat », une indemnité ou la réparation du préjudice subi. De même, l’article 17, paragraphe 3, de cette directive dispose que l’agent commercial a droit à la réparation du préjudice que lui cause la « cessation de ses relations avec le commettant ». Ainsi, le droit à indemnité ou à réparation de l’agent commercial est subordonné à la cessation de sa relation contractuelle avec le commettant.

24

Si, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 38 de ses conclusions, la stipulation d’une période d’essai a pour objectif de faciliter la résiliation d’un contrat d’agence commerciale, il n’en demeure pas moins que la résiliation d’un tel contrat au cours de la période d’essai stipulée dans ce contrat constitue une « cessation du contrat » ou une « cessation [des] relations [de l’agent commercial] avec le commettant », au sens de l’article 17, paragraphes 1 et 3, de la directive 86/653.

25

À cet égard, il convient de préciser qu’il découle des observations soumises à la Cour que la jurisprudence de la Cour de cassation, citée au point 18 du présent arrêt, selon laquelle l’agent commercial ne bénéficie d’aucun droit à indemnité lorsque la rupture du contrat d’agence commerciale intervient pendant la période d’essai, repose sur la considération que, au cours de cette période, le contrat d’agence commerciale n’est pas encore définitivement conclu.

26

Une telle interprétation ne trouve aucun fondement dans la directive 86/653. Au contraire, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions, une relation entre un agent commercial et un commettant, au sens de l’article 1er de la directive 86/653, existe à partir du moment où a été conclu un contrat ayant pour objet soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises, soit de négocier et de conclure ces opérations pour le compte du commettant, indépendamment de la question de savoir si ce contrat est assorti d’une période d’essai. Il s’ensuit que les dispositions de cette directive sont applicables dès qu’un tel contrat est conclu entre le commettant et l’agent commercial, quand bien même ce contrat stipulerait une période d’essai.

27

Deuxièmement, il ressort de l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la directive 86/653 qu’une indemnité est due notamment si l’agent commercial a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les opérations avec les clients existants et si le commettant profite encore d’avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients. En outre, aux termes de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de cette directive, le montant de cette indemnité est fonction de la performance de l’agent commercial au cours de la durée du contrat. De même, il ressort du libellé de l’article 17, paragraphe 3, de ladite directive que l’agent commercial a droit à la réparation du préjudice subi notamment lorsque ce préjudice découle de l’intervention de la cessation des relations contractuelles dans des conditions qui privent cet agent des commissions dont l’exécution du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l’activité de cet agent et/ou dans des conditions qui n’ont pas permis à l’agent commercial d’amortir les frais et dépenses qu’il a engagés pour l’exécution du contrat sur la recommandation du commettant.

28

Dès lors, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 26 et 50 de ses conclusions, il découle des termes de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 86/653 que les régimes d’indemnisation et de réparation que cette disposition prévoit visent non pas à sanctionner la rupture du contrat, mais à dédommager l’agent commercial pour ses prestations passées dont le commettant continue à bénéficier au-delà de la cessation des relations contractuelles ou pour les frais et dépenses qu’il a exposés aux fins de ces prestations. Par conséquent, cet agent ne saurait être privé de l’indemnité ou de la réparation au seul motif que la cessation du contrat d’agence commerciale est intervenue pendant la période d’essai, si les conditions énoncées à cet article 17, paragraphes 2 et 3, sont satisfaites.

29

Partant, il découle du libellé dudit article que le droit à indemnité et à réparation du préjudice subi est applicable même si la cessation de la relation contractuelle entre le commettant et l’agent commercial se produit au cours de la période d’essai.

30

Les considérations qui précèdent sont corroborées par l’analyse du contexte dans lequel s’inscrit l’article 17 de la directive 86/653 ainsi que de l’objectif de cette directive.

31

En premier lieu, s’agissant du contexte de l’article 17 de ladite directive, il importe de relever, d’une part, que l’article 18 de cette même directive énumère limitativement les cas de figure dans lesquels l’indemnité ou la réparation du préjudice n’est pas due. La rupture de la période d’essai n’y est pas mentionnée. En outre, dès lors que ledit article 18 constitue une exception au droit à indemnité et à réparation, il y a lieu de l’interpréter de manière stricte. Il s’ensuit que ledit article ne saurait être interprété dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l’indemnité ou de la réparation qu’il ne prévoit pas expressément (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany, C-203/09, EU:C:2010:647, point 42). Or, considérer qu’aucune indemnité ou réparation n’est due lorsque la cessation des relations contractuelles intervient durant la période d’essai reviendrait précisément à admettre une cause de déchéance non prévue à l’article 18 de ladite directive.

32

D’autre part, l’article 19 de la directive 86/653 interdit aux parties, avant l’échéance du contrat, de déroger aux articles 17 et 18 de cette directive au détriment de l’agent commercial. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, est constitutif d’une telle dérogation au détriment de cet agent le fait de considérer que la stipulation d’une période d’essai dans un contrat d’agence commerciale implique que le droit à indemnité et à réparation, prévu à l’article 17 de ladite directive, n’est pas applicable. En effet, à performance égale, un agent commercial se verrait accorder ou refuser le bénéfice d’un dédommagement en fonction de la seule stipulation ou non d’une période d’essai dans le contrat d’agence commerciale.

33

En second lieu, en ce qui concerne la finalité de la directive 86/653, il convient de rappeler qu’il ressort de ses deuxième et troisième considérants que cette directive a notamment pour objectif de protéger l’agent commercial dans sa relation avec le commettant (arrêt du 17 mai 2017, ERGO Poist’ovňa, C-48/16, EU:C:2017:377, point 41).

34

À cet égard, la Cour a jugé que les articles 17 et 18 de ladite directive revêtent une importance déterminante, car ils définissent le niveau de protection que le législateur de l’Union a estimé raisonnable d’accorder aux agents commerciaux dans le cadre de la création du marché unique (arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C-184/12, EU:C:2013:663, point 39). En outre, selon la jurisprudence de la Cour, les articles 17 à 19 de la même directive ont pour objectif la protection de l’agent commercial après la cessation du contrat d’agence commerciale. Le régime instauré à cette fin par la directive 86/653 présente un caractère impératif (arrêts du 9 novembre 2000, Ingmar, C-381/98, EU:C:2000:605, point 21, et du 23 mars 2006, Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04, EU:C:2006:199, point 22).

35

La Cour a également précisé que, au regard de l’objectif de la directive 86/653, toute interprétation de l’article 17 de cette directive qui pourrait s’avérer être au détriment de l’agent commercial était exclue (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2009, Semen, C-348/07, EU:C:2009:195, point 21).

36

Or, l’interprétation selon laquelle aucune indemnité n’est due en cas de rupture du contrat d’agence commerciale pendant la période d’essai n’est pas compatible avec le caractère impératif du régime instauré par l’article 17 de la directive 86/653. En effet, une telle interprétation, qui revient à subordonner l’octroi d’un dédommagement à la stipulation ou non d’une période d’essai dans le contrat d’agence commerciale, sans égard pour la performance de l’agent commercial ou pour les frais et dépenses qu’il a exposés, contrairement au prescrit de cet article, constitue, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 32 du présent arrêt, une interprétation au détriment de l’agent commercial, lequel se voit priver de tout dédommagement au seul motif que le contrat qui le lie au commettant comporte une période d’essai.

37

Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’une interprétation de l’article 17 de la directive 86/653 selon laquelle aucune indemnité ou réparation n’est due lorsque la rupture du contrat d’agence commerciale intervient pendant la période d’essai contreviendrait à l’objectif de cette directive.

38

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 17 de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit, respectivement à ses paragraphes 2 et 3, en cas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit, respectivement à ses paragraphes 2 et 3, en cas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule.

von Danwitz

Vajda

Juhász

Jürimäe

Lycourgos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 avril 2018.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la IVème chambre

T. von Danwitz


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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