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Sur la décision
| Référence : | CJUE, Tribunal, 5 juil. 2024, T-43/23 |
|---|---|
| Numéro(s) : | T-43/23 |
| Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 5 juillet 2024.#SCC Legal Rechtsanwaltgesellschaft mbH contre Commission européenne.#Recours en carence – Produits phytopharmaceutiques – Substance de base hydrogénocarbonate de sodium – Réexamen de l’approbation – Absence d’ouverture de la procédure de retrait – Article 23, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1107/2009 – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité.#Affaire T-43/23. | |
| Date de dépôt : | 27 janvier 2023 |
| Solution : | Recours en carence : rejet pour irrecevabilité |
| Identifiant CELEX : | 62023TO0043(01) |
| Identifiant européen : | ECLI:EU:T:2024:469 |
Sur les parties
| Juge-rapporteur : | Tomljenović |
|---|---|
| Parties : | INDIV c/ EUINST, COM |
Texte intégral
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
5 juillet 2024 (*)
« Recours en carence – Produits phytopharmaceutiques – Substance de base hydrogénocarbonate de sodium – Réexamen de l’approbation – Absence d’ouverture de la procédure de retrait – Article 23, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1107/2009 – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T-43/23,
SCC Legal Rechtsanwaltgesellschaft mbH, établie à Bad Kreuznach (Allemagne), représentée par Mes C. Stallberg et C. Binder, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme A. Becker et M. M. ter Haar, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović (rapporteure) et M. R. Norkus, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 mai 2023,
– les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité déposées au greffe du Tribunal le 15 juin 2023,
– la décision du 28 septembre 2023 de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond,
– les mesures d’organisation de la procédure et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal le 21 décembre 2023 et le 12 mars 2024,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 265 TFUE, la requérante, SCC Legal Rechtsanwaltgesellschaft mbH, demande au Tribunal de faire constater que la Commission européenne s’est illégalement abstenue d’agir à la suite de son invitation à retirer l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base, au titre de l’article 23, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1).
Antécédents du litige
2 La requérante est une société qui est actuellement titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit fongicide à base d’hydrogénocarbonate de sodium.
3 Le 17 novembre 2015, la Commission a adopté, sur demande de l’agence danoise pour la protection de l’environnement, le règlement d’exécution (UE) 2015/2069 portant approbation de la substance de base hydrogénocarbonate de sodium, conformément au règlement no 1107/2009, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2015, L 301, p. 42).
4 L’hydrogénocarbonate de sodium est présent sur le marché en tant qu’additif alimentaire au sens du règlement (UE) no 1130/2011 de la Commission, du 11 novembre 2011, modifiant l’annexe III du règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil sur les additifs alimentaires en vue d’y inclure une liste de l’Union des additifs alimentaires autorisés dans les additifs alimentaires, les enzymes alimentaires, les arômes alimentaires et les nutriments (JO 2011, L 295, p. 178). L’approbation de cette substance en tant que substance de base permet ainsi, que ce produit, qui est couramment utilisé aux fins les plus variées, puisse être également utilisé à des fins phytosanitaires.
5 Le 22 décembre 2015, Biofa AG, une société qui produisait et commercialisait des produits phytopharmaceutiques a introduit un recours visant à l’annulation du règlement d’exécution 2015/2069 en faisant valoir qu’elle était titulaire d’une autorisation de commercialisation d’un produit fongicide à base d’hydrogénocarbonate de potassium, sous le nom commercial de VitiSan.
6 Ce recours a été rejeté comme irrecevable par l’ordonnance du 9 novembre 2016, Biofa/Commission (T-746/15, EU:T:2016:658), pour absence d’affectation directe de la partie requérante, notamment, compte tenu du fait que le règlement attaqué ne produisait pas d’effets directs sur sa situation juridique.
7 La société Biofa a également entrepris des démarches pour faire approuver l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que « substance active à faible risque », au titre de l’article 22 du règlement no 1107/2009.
8 Plus précisément, le 18 mars 2016, ladite société a demandé, auprès des autorités compétentes en Autriche, l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance active dans les produits phytopharmaceutiques.
9 Par la suite, Biofa a transféré ses droits relatifs à l’hydrogénocarbonate de sodium à la requérante, ce dont la Commission a été informée le 21 janvier 2020.
10 Le 10 septembre 2020, la Commission a approuvé l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance active à faible risque, conformément à l’article 22 du règlement no 1107/2009, et a adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/1263 portant approbation de la substance active « hydrogénocarbonate de sodium » en tant que substance active à faible risque, conformément au règlement no 1107/2009, et modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2020, L 297, p. 1).
11 Le 26 juillet 2021, la requérante a obtenu auprès des autorités compétentes en Autriche une autorisation de mise sur le marché et d’utilisation du produit NatriSan, un produit phytopharmaceutique (fongicide) contenant de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance active. Cette autorisation permet à la requérante de mettre sur le marché et d’utiliser le produit NatriSan dans le cadre de deux utilisations, dénommées respectivement « Viticulture – cépage – raisins pour la production de vin » et « Viticulture – cépage – raisins de table ».
12 Par une lettre du 3 août 2021, la requérante a invité la Commission à prendre les mesures qu’elle considérait découler de l’autorisation de mise sur le marché du produit NatriSan, notamment le retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium, en tant que substance de base, en vertu de l’article 23, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009.
13 Par une lettre du 29 septembre 2021, la Commission a, d’une part, avisé la requérante de son intention d’engager la procédure de retrait et, d’autre part, lui a demandé si elle avait l’intention de demander l’autorisation de mise sur le marché pour des indications supplémentaires.
14 À la suite de plusieurs échanges par courrier avec la Commission et de discussions dans le cadre des réunions du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (Scopaff) entre la Commission et les États membres, qui se sont révélés infructueux, la requérante a réitéré, par une lettre du 25 octobre 2022, sa demande à la Commission de procéder au retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base.
15 Par lettre du 8 novembre 2022, la Commission a répondu qu’elle n’avait pas encore engagé la procédure d’échange des observations, au sens de l’article 23, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009 et qu’elle allait inviter les États membres à s’exprimer notamment sur la question de savoir s’ils étaient plutôt favorables à un retrait complet ou à une simple limitation de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base.
16 Le 27 janvier 2023, la requérante a introduit le présent recours.
Conclusions des parties
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de :
– déclarer que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union européenne en s’abstenant d’engager, au terme de la procédure d’échange d’observations, la procédure de réglementation en vue du retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base au titre de l’article 23, paragraphe 6, quatrième alinéa, du règlement no 1107/2009, lu en combinaison avec l’article 79, paragraphe 3, dudit règlement ;
– à titre subsidiaire, constater que, après l’engagement de la procédure formelle d’échange d’observations à propos du retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base, la Commission a, en violation du droit de l’Union, omis de poursuivre cette procédure de retrait, conformément à l’article 23, paragraphe 6, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009 ;
– à titre encore plus subsidiaire, constater la carence de la Commission dans la mesure où elle n’a pas engagé la procédure formelle d’échange d’observations en vue du retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base conformément à l’article 23, paragraphe 6, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009 ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
19 Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et de condamner la requérante aux dépens.
20 Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité et de condamner la Commission aux dépens.
En droit
Sur la possibilité de statuer par voie d’ordonnance
21 Aux termes de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la partie défenderesse peut demander au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité, sans engager le débat au fond. Au titre de l’article 130, paragraphe 7, dudit règlement, le Tribunal statue dans les meilleurs délais sur cette demande. En outre, en application de l’article 130, paragraphe 6, de ce règlement, le Tribunal peut décider d’ouvrir la phase orale de la procédure sur l’exception d’irrecevabilité.
22 Bien que le Tribunal ait décidé, par ordonnance du 28 septembre 2023, de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité de la Commission, celui-ci s’estime désormais suffisamment informé par la procédure écrite pour statuer par voie d’ordonnance sur cette exception sans ouvrir la phase orale de la procédure. En effet, selon la jurisprudence, la possibilité de rejeter un recours comme irrecevable par ordonnance motivée, et donc sans tenir d’audience, n’est pas exclue par le fait que le Tribunal ait auparavant adopté une ordonnance joignant au fond une exception présentée sur le fondement de l’article 130 du règlement de procédure (voir ordonnance du 14 mai 2020, Bernis e.a./CRU, T-282/18, non publiée, EU:T:2020:209, point 30 et jurisprudence citée).
Sur l’exception d’irrecevabilité
23 À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir le défaut d’affectation directe de la requérante. En substance, elle soutient que le retrait du règlement 2015/2069 prévoyant l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base ne produirait pas d’effets directs ou indirects sur la situation juridique de la requérante.
24 La requérante soutient qu’elle est directement affectée du fait de sa situation juridique particulière, en tant que titulaire d’une autorisation de mise sur le marché du produit NatriSan et demandeur de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance active. En outre, elle soutient que le maintien de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base porte atteinte à sa situation concurrentielle et à l’exercice de sa liberté d’entreprise.
25 Aux termes de l’article 265, troisième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut saisir la Cour dans les conditions fixées aux alinéas précédents pour faire grief à l’une des institutions, ou à l’un des organes ou organismes de l’Union d’avoir manqué de lui adresser un acte autre qu’une recommandation ou un avis ».
26 Il découle des termes de l’article 265, troisième alinéa, TFUE que, pour être recevable dans son recours en carence, une personne physique ou morale doit établir qu’elle se trouve dans une situation juridique identique ou analogue à celle du destinataire potentiel d’un acte juridique que l’institution mise en cause serait obligée de prendre à son égard. En d’autres termes, ladite personne physique ou morale doit établir soit qu’elle serait le destinataire de l’acte que l’institution mise en cause aurait prétendument manqué d’adopter à son égard, soit que ledit acte l’aurait directement et individuellement concernée d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’un tel acte le serait (voir ordonnance du 17 juillet 2020, Wagenknecht/Conseil européen, T-715/19, EU:T:2020:340, point 25 et jurisprudence citée).
27 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les articles 263 et 265 TFUE ne forment que l’expression d’une seule et même voie de droit. Il en résulte que, à l’instar de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui permet aux particuliers de former un recours en annulation contre un acte d’une institution dont ils ne sont pas les destinataires dès lors que cet acte les concerne directement et individuellement ou contre les actes réglementaires qui les concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, l’article 265, troisième alinéa, TFUE doit être interprété comme leur ouvrant également la faculté de former un recours en carence contre une institution qui aurait manqué d’adopter un acte qui les aurait concernés de la même manière (voir ordonnance du 16 octobre 2017, Salehi/Commission, T-773/16, non publiée, EU:T:2017:739, point 25 et jurisprudence citée).
28 En outre, selon une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet de son recours requiert que deux conditions soient cumulativement satisfaites, à savoir que cette mesure, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil, C-348/20 P, EU:C:2022:548, point 43 et jurisprudence citée).
29 Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que, afin de déterminer si un acte produit directement des effets juridiques obligatoires sur la situation juridique d’une physique ou morale, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ses effets au regard de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (voir arrêt du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil, C-348/20 P, EU:C:2022:548, points 62 et 63 et jurisprudence citée).
30 Enfin, il convient de rappeler que la recevabilité d’un recours est à apprécier en se référant à la situation au moment où la requête est déposée (voir arrêt du 16 octobre 2014, Alpiq RomIndustries et Alpiq RomEnergie/Commission, T-129/13, non publié, EU:T:2014:895, point 44 et jurisprudence citée).
31 En l’espèce, par son recours, la requérante vise à faire grief à la Commission de ne pas avoir engagé la procédure prévue à l’article 23, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009, lu en combinaison avec l’article 79, paragraphe 3, dudit règlement, pour l’adoption d’un règlement en vue du retrait de l’approbation du l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base.
32 Il est constant que la requérante n’est pas le destinataire de l’acte dont elle demande l’adoption. Dès lors, elle ne peut avoir la qualité pour agir qu’au titre de la deuxième ou troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ces deux hypothèses présupposent que l’acte attaqué concerne directement la requérante à la date d’introduction du présent recours, au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus.
33 Ainsi qu’il a été constaté au point 31 ci-dessus, l’acte dont la requérante a demandé l’adoption à la Commission est un règlement retirant ou modifiant l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base, en application de la procédure prévue à l’article 23, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009. Cette disposition prévoit que la Commission peut réexaminer l’approbation d’une substance active à tout moment et que, si, après avoir déclenché une procédure de consultation avec notamment les États membres et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), elle parvient à la conclusion que la substance en question ne satisfait plus aux critères d’approbation, en tant que substance de base, prévus à l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, un règlement retirant ou modifiant l’approbation de cette substance est alors adopté.
34 En vertu de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, prévoyant les critères d’approbation des substances de base, une substance de base est une substance active qui satisfait aux critères prévus audit paragraphe, sous a) à d), à savoir, premièrement, que cette substance n’est pas une substance préoccupante, deuxièmement, qu’elle n’est pas intrinsèquement capable de provoquer des effets perturbateurs sur le système endocrinien, des effets neurotoxiques ou des effets immunotoxiques, troisièmement, que sa destination principale n’est pas d’être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins directement utile dans la protection phytosanitaire et, quatrièmement, qu’elle n’est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique.
35 Il convient d’examiner, dans quelle mesure le règlement dont la non-adoption est contestée par la requérante, en l’espèce, est susceptible de produire directement des effets sur sa situation juridique (voir, en ce sens, ordonnance du 21 mai 2010, ICO Services/Parlement et Conseil, T-441/08, non publiée, EU:T:2010:217, point 57 et jurisprudence citée).
36 À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 18 du règlement no 1107/2009 que les substances de base ne sont pas principalement utilisées comme produits phytopharmaceutiques, mais peuvent être utiles sur le plan phytosanitaire, et ce même s’il peut se révéler peu intéressant, d’un point de vue économique, de demander leur approbation. Dans ce contexte, l’article 23, paragraphe 3, de ce même règlement prévoit que la demande d’approbation d’une substance de base est introduite auprès de la Commission par un État membre ou par toute partie intéressée. En effet, il a été jugé que l’approbation d’une substance en tant que substance de base ne se fait pas dans l’intérêt de demandeurs particuliers, mais dans l’intérêt de l’ensemble des utilisateurs (voir, en ce sens, ordonnance du 9 novembre 2016, Biofa/Commission, T-746/15, EU:T:2016:658, point 34).
37 En outre, il convient également de relever, ainsi qu’il ressort de l’article 28, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1107/2009, que l’approbation d’une substance en tant que substance de base ne permet que l’« utilisation » de cette substance à des fins phytosanitaires, et non la mise sur le marché de cette substance en tant que produit phytopharmaceutique (voir, en ce sens, ordonnance du 9 novembre 2016, Biofa/Commission, T-746/15, EU:T:2016:658, point 34).
38 S’agissant concrètement de l’hydrogénocarbonate de sodium, il ressort du considérant 3 du règlement 2015/2069 que cette substance remplit les critères caractérisant une denrée alimentaire, au sens de l’article 2 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), à savoir qu’elle est destinée à être ingérée ou raisonnablement susceptible d’être ingérée par l’être humain, et que bien qu’elle n’ait pas pour destination principale d’être utilisée à des fins phytosanitaires, mélangée à de l’eau, elle est utile en tant que produit phytopharmaceutique.
39 En vertu de l’article premier du règlement 2015/2069, l’hydrogénocarbonate de sodium est approuvé en tant que substance de base, sous réserve des conditions fixées dans l’annexe I, laquelle renvoie aux conclusions du rapport d’examen concernant cette substance.
40 Dans ces conditions, le retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium aurait pour conséquence que l’utilisation de cette substance à des fins phytosanitaires ne serait plus autorisée, au titre de l’article 28, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1107/2009.
41 En revanche, un tel retrait n’aurait pas de conséquences juridiques sur l’autorisation de mise sur le marché du produit NatriSan, qui permet à la requérante de mettre sur le marché autrichien et d’utiliser le produit NatriSan dans le cadre des utilisations dénommées « Viticulture – cépage – raisins pour la production de vin » et « Viticulture – cépage – raisins de table ».
42 Ainsi que le soutient, à bon droit, la Commission, un tel règlement retirant l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base n’aurait pas d’incidence sur la validité de l’autorisation de mise sur le marché du produit NatriSan et ne remettrait pas non plus en cause la possibilité pour la requérante de se prévaloir de cette autorisation pour utiliser et mettre le produit NatriSan sur le marché autrichien en tant que produit phytopharmaceutique pour les utilisations autorisées.
43 Dans ces conditions, la non-adoption du règlement, telle que contestée par la requérante, ne produit pas directement d’effets sur sa situation juridique, au sens de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus.
44 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.
45 En premier lieu, la requérante fait valoir que l’article 23, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1107/2009 prévoit une protection pour les titulaires d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique contre l’approbation ou le maintien de l’approbation de la substance active que ce produit contient, en tant que substance de base. En outre, la requérante souligne que ladite protection garantit la subsidiarité du régime d’approbation des substances de base par rapport aux régimes d’approbation des substances actives et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques. Cette subsidiarité se traduirait ainsi par le retrait ou la modification de l’approbation d’une substance de base lorsqu’il y a eu approbation pour un produit phytopharmaceutique contenant cette même substance en tant que substance active. Une telle subsidiarité serait inhérente à l’application de cet article et sous-tendrait une protection juridique aux titulaires d’autorisations de mise sur le marché pour des produits phytopharmaceutiques, en garantissant que les autres opérateurs du marché ne se procurent pas des avantages déloyaux en mettant leurs produits phytopharmaceutiques sur le marché sans autorisation et en contournant les conditions d’approbation et d’autorisation du règlement no 1107/2009.
46 Ainsi qu’il a été indiqué au point 34 ci-dessus, l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 prévoit qu’une substance active peut être approuvée en tant que substance de base, sous réserve que les quatre critères cumulatifs, énumérés sous a) à d) de cette disposition, soient satisfaits. Il doit s’agir, notamment, d’une substance active qui, selon le critère prévu à l’article 23, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1107/2009, n’est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique. De plus, ainsi qu’il a été indiqué au point 33 ci-dessus, l’article 23, paragraphe 6, du même règlement dispose que l’autorisation d’une substance de base est revue par la Commission si elle estime qu’il y a des raisons de penser que la substance ne satisfait plus aux critères prévus aux paragraphes 1 à 3 du même article.
47 Partant, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 n’octroie pas une protection contre l’approbation ou le maintien de l’approbation d’une substance en tant que substance de base dès lors que cette même substance fait l’objet d’une approbation en tant que substance active ou, comme c’était le cas en l’espèce, en tant que substance active à faible risque. En effet, le retrait ou la modification de l’approbation d’une substance en tant que substance de base n’est prévu que si les critères prévus à l’article 23, paragraphe 1 du règlement no 1107/2009 ne sont plus satisfaits et donc, s’agissant du critère prévu à l’article 23, paragraphe 1, sous d), dudit règlement, que la substance en question n’est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique.
48 Il en ressort que le critère prévu à l’article 23, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1107/2009 est celui de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique et non celui de l’obtention d’une autorisation d’un produit phytopharmaceutique.
49 À cet égard, il ressort de l’article 3, point 9, du règlement no 1107/2009, que la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique constitue « la détention en vue de la vente à l’intérieur de l’Union, y compris l’offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution et les autres formes de cession proprement dites, sauf la restitution au vendeur précédent ». En outre, il est précisé que la mise en libre pratique sur le territoire de l’Union constitue une mise sur le marché.
50 En revanche, la notion d’ « autorisation d’un produit phytopharmaceutique » est définie à l’article 3, point 10 du règlement no 1107/2009 comme étant l’ « acte administratif par lequel l’autorité compétente d’un État membre autorise la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique sur son territoire ».
51 Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 11 ci-dessus, le 26 juillet 2021, la requérante a obtenu une autorisation de mise sur le marché et d’utilisation du produit NatriSan, un produit phytosanitaire (fongicide) contenant de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance active. Toutefois, ainsi que le soutient, à bon droit, la Commission, le fait que la requérante soit titulaire d’une autorisation de mise sur le marché du produit NatriSan, n’implique pas que ce produit ait été effectivement mis sur le marché et que, partant, le critère visé à l’article 23, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1107/2009, était satisfait au moment de l’introduction du recours, le 27 janvier 2023.
52 En effet, la requérante soutient elle-même qu’elle n’a décidé de la commercialisation du produit NatriSan que récemment, à la suite de la présente procédure. Plus spécifiquement, elle indique que, à la suite de la communication de la Commission du 25 juillet 2023, elle aurait « à bref délai », décidé de documenter son intention effective de commercialiser effectivement le produit NatriSan et que celui-ci aurait entretemps été commercialisé.
53 Par ailleurs, l’examen des différents éléments de preuve fournis par la requérante en réponse aux questions du Tribunal, posées par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure, ne permettent pas d’établir que le produit NatriSan ait été effectivement mis sur le marché, au sens de l’article 23, paragraphe 1, sous d) du règlement no 1107/2009, lu en combinaison avec l’article 3, point 9, du même règlement, au moment de l’introduction de la requête, à savoir le 27 janvier 2023, ainsi que le soutient à juste titre la Commission dans ses observations sur la réponse de la requérante.
54 Partant, il n’a pas été établi que, au moment où le présent recours a été introduit, l’hydrogénocarbonate de sodium avait été mis sur le marché par la requérante en tant que produit phytopharmaceutique, au sens de l’article 23, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1107/2009.
55 En deuxième lieu, la requérante a soulevé des arguments tirés, en substance, des prétendus avantages dont profitent les acteurs qui mettent sur le marché de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base, par rapport à elle, qui a obtenu une approbation du même produit phytopharmaceutique en tant que substance active à faible risque.
56 À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 37 ci-dessus, que l’approbation en tant que substance de base ne permet pas la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique mais uniquement son utilisation à des fins phytosanitaires.
57 En tout état de cause, s’il ne saurait être exclu que le retrait du règlement demandé par la requérante puisse avoir des répercussions sur les possibilités de commercialisation de son produit NatriSan, de telles conséquences économiques découlant du retrait de ce règlement ne concernent pas la situation juridique de la requérante, mais uniquement sa situation de fait (voir, en ce sens, ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T-18/10, EU:T:2011:419, point 75 et jurisprudence citée).
58 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence bien établie que le seul fait qu’un acte soit susceptible d’avoir une influence sur la situation matérielle d’une partie requérante ne suffit pas pour qu’il puisse être considéré qu’il la concerne directement (voir ordonnance du 9 novembre 2016, Biofa/Commission, T-746/15, EU:T:2016:658, point 38 et jurisprudence citée).
59 En troisième lieu, la requérante soutient que l’absence de retrait de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base méconnaît sa liberté d’entreprise telle que protégée par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. À cet égard, la requérante soutient qu’elle subit des désagréments concurrentiels qui se traduisent par le fait qu’elle ne pourrait pas mettre le produit NatriSan sur le marché à un prix compensant les coûts engendrés par la production dudit produit et donc, qu’il n’est pas opportun pour elle de participer au fonctionnement du marché. De plus, elle fait valoir que l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base est un frein à l’innovation et à la recherche de nouvelles utilisations, dans le cadre de son autorisation de mise sur le marché du produit NatriSan.
60 Il y a lieu de relever que, par ses arguments, la requérante fait valoir, en substance, les possibles conséquences économiques et concurrentielles de l’absence de retrait par la Commission du règlement 2015/2069. Or, ainsi qu’il vient d’être relevé au point 57 ci-dessus, les éventuelles répercussions économiques sur les possibilités de commercialisation du produit de la requérante, qui découlent du maintien de l’approbation de l’hydrogénocarbonate de sodium en tant que substance de base, ne concernent pas sa situation juridique, mais uniquement sa situation de fait.
61 De plus, le constat de la prétendue carence de la Commission ou l’importance de l’atteinte qui en découlerait quant au respect des droits fondamentaux ne permet pas d’écarter l’application des fins de non-recevoir d’ordre public prévues par le traité (voir, par analogie, arrêt du 15 janvier 2003, Philip Morris International/Commission, T-377/00, T-379/00, T-380/00, T-260/01 et T-272/01, EU:T:2003:6, point 87 et jurisprudence citée, et ordonnance du 11 octobre 2022, Fundacja Instytut na rzecz Kultury Prawnej Ordo Iuris/Parlement, T-41/22, non publiée, EU:T:2022:666, point 32 et jurisprudence citée).
62 Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas directement concernée par l’acte dont elle demande l’adoption et qu’elle n’a donc pas la qualité pour agir dans le présent recours, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur son éventuelle affectation individuelle, au sens du deuxième cas de figure de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ou sur la question de savoir si l’acte dont la requérante demande l’adoption constitue un acte règlementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution au sens du troisième cas de figure de cette disposition.
63 Par conséquent, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être accueillie et le recours doit être rejeté comme étant irrecevable.
Sur les dépens
64 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant irrecevable.
2) SCC Legal Rechtsanwaltgesellschaft mbH est condamnée aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 5 juillet 2024.
|
Le greffier |
La présidente |
|
V. Di Bucci |
A. Marcoulli |
* Langue de procédure : l’allemand.
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