Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 8 novembre 2000, n° 7266

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Esthétique – Sans qualification en CPRE, pratique des liposuccions et des greffes capillaire ayant le caractère d’actes chirurgicaux dans son cabinet non aseptisé selon les normes exigées pour un bloc opératoire. Pratique des anesthésies locales de plusieurs heures sans disposer de moyens adéquats. Assistance de personnel n’ayant pas la qualité d’infirmier. Fait ainsi courir à ses patients un risque injustifié. Manquements aux articles 71 et 40 du code de déontologie. Proposition verbale de devis pour des greffes capillaires, à un patient adressé par un coiffeur qui fait de la publicité dans la presse pour le "centre capillaire Innovie", et négociation des honoraires de l’opération par l’intermédiaire du coiffeur avec proposition de paiement 50% par chèque et 50% en espèce. Informations et explications sur les honoraires non données directement par le praticien. Pratique contraire à l’article 53 du code déontologie. Absence de devis écrit contraire à l’arrêté du 17/10/96.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 8 nov. 2000, n° 7266
Numéro(s) : 7266
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Réformation Réformation - 1 mois d'interdiction

Texte intégral

Dossier n° 7266
Conseil départemental de l’Isère C/Dr Philippe Olivier C
Décision du 8 novembre 2000
LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat du Conseil national de l’Ordre des médecins les 9 avril et 1er juin 1999, la requête, le mémoire et l’extrait du procès-verbal de la séance du 7 avril 1999, présentés par le conseil départemental de l’Isère, dont le siège est Immeuble « Le Century » – 1 A, boulevard de la Chantourne – 38700 LA TRONCHE, tendant à ce que la section réforme une décision n° 98/98, en date du 7 février 1999, par laquelle le conseil régional de Rhône-Alpes, statuant sur la plainte du conseil départemental de l’Isère, a infligé au Dr Philippe Olivier C, qualifié en médecine générale et qualifié compétent en médecine appliquée aux sports, la peine de l’avertissement, par les motifs que le Dr C, médecin généraliste ancien régime, n’a pas eu de formation validée, officielle et reconnue de chirurgie plastique reconstructrice ; que la médecine esthétique n’est pas une compétence reconnue par le conseil de l’Ordre et aucun contrôle qualitatif de formation n’existe dans cette activité ; que le Dr C utilise une technique d’implants capillaires utilisant des cure-dents en bois qu’il stérilise dans un poupinel ; qu’il faisait courir un risque injustifié à ses patients du fait de la méthode utilisée, chaleur sèche non contrôlée au point de vue de la température, pour stériliser ses cure-dents en bois, de même pour ses instruments chirurgicaux ; qu’aucune preuve de stérilisation correcte vis-à-vis d’agents infectieux tels que l’hépatite C, le VIH et les prions n’est apportée d’où le risque pour les patients et le non respect des articles 40 et 71 du code de déontologie médicale ; que le Dr C exerce dans un local dont les photographies fournies au conseil départemental montrent qu’il s’agit d’un local d’appartement aménagé et faisant office de bloc opératoire ; que le conseil régional n’a pas soulevé le problème de l’activité du Dr C dans un centre capillaire de Nantes, où il aurait été formé en opérant 34 patients, et alors qu’aucun contrat avec ce centre n’a été communiqué au conseil départemental de l’ISERE et qu’aucune demande de remplacement n’a été faite auprès du conseil départemental de la LOIRE-ATLANTIQUE ; que les réponses concernant le recrutement des patients et la permanence des soins ne sont pas claires ; qu’il y a compérage avec un coiffeur qui remet un devis au patient sur un carton « Centre capillaire Innovie » faisant état de « 350 greffes à 8 000 F » et d’un règlement « 50 % en chèque, 50 % en espèces », en violation des articles 23 et 53 du code de déontologie médicale ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 27 juillet 1999, le mémoire en réponse présenté par le Dr C tendant au rejet de la requête du conseil départemental par les motifs qu’il pratique la liposuccion depuis quinze ans ; que la liposuccion est une technique qui ne s’acquiert que par l’expérience et l’apprentissage ; que, concernant sa compétence sur la technique des greffes de cheveux, il s’est formé chez le Pr Slama, à l’Hôtel Dieu, en 1997 car il n’y a jamais eu d’enseignement officiel sur les microgreffes de 1990 à 1995 ; que les améliorations des techniques se sont toujours réalisées par compagnonnage ou dans les congrès de chirurgie dermatologique et de médecine esthétique ; que, depuis dix ans, les responsables et présidents de syndicats réclament un enseignement officiel ; qu’en ce qui concerne la stérilisation de son matériel, il n’y a pas eu faute d’asepsie de sa part ; qu’il possède un poupinel homologué CE ; qu’il a toujours stérilisé par deux fois 2 heures à 200°C ; que les cure-dents sont donc bien stérilisés et que cette pratique se fait couramment dans de nombreux centres de greffe pour ne pas léser les greffons ; qu’il n’a jamais été responsable d’infection, ni en liposuccion ni en microgreffes ; qu’il n’est allé à Nantes que deux week-ends pour s’initier à la technique de la microgreffe et qu’il n’a jamais déclaré y avoir opéré 34 patients ; que, concernant le grief du compérage, le patient était venu le consulter à son cabinet pour une microgreffe et pour discuter des prix ; qu’ils se sont mis d’accord sur un prix définitif après en avoir discuté avec le coiffeur mais qu’il reconnaît avoir oublié de rédiger le devis final ;

Vu, enregistrées comme ci-dessus le 23 septembre 1999, les observations du conseil départemental tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que, dans le cadre de la stérilisation, la circulaire DG/VS2-DH/EM1/EO1/97 672 du 20 octobre 1997, qui s’applique aux établissements de santé, précise les normes de stérilisation optimale qui doivent être considérées comme les données actuelles de la science ; que, les techniques employées par Dr C étant invasives, avec des matériaux difficiles à stériliser (bois), le Dr C n’a donc pas respecté les dispositions de l’article 70 du code de déontologie médicale ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 31 octobre 2000, le mémoire présenté pour le Dr C tendant au rejet de la requête du conseil départemental par les mêmes moyens que le mémoire précédent du Dr C et, en outre, par les motifs que le Dr C dispose de connaissances et d’une expérience suffisantes pour réaliser des micro-greffes même s’il n’est pas titulaire de la qualification en chirurgie plastique et reconstructrice ; qu’en l’absence de grief précis concernant les locaux, on ne peut que souligner que la plupart des cabinets médicaux sont situés dans des « appartements » ; que les petites interventions chirurgicales réalisées sous anesthésie locale sont effectuées non dans un « bloc opératoire » mais dans une pièce propre exclusivement réservée à cet effet, comme c’est le cas en l’espèce ; que le président du conseil départemental n’a pas jugé utile de visiter les locaux en question ; qu’il n’est pas démontré en quoi l’utilisation de ces cure-dents serait contraire aux règles de l’art ; que le conseil départemental ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations concernant le défaut de stérilisation ; que rien ne permet d’établir que l’exposant n’aurait, à l’époque des faits, pas respecté des dispositions réglementaires impératives en matière d’asepsie et aurait fait courir à ses patients des risques injustifiés ; qu’il n’est pas plus établi qu’il y ait eu compérage avec M. G…, coiffeur ; qu’à l’époque, il pensait que la remise d’un devis n’était pas obligatoire mais que, depuis, il remet systématiquement aux patients un devis détaillé ; s’agissant de la mention « 50 % chèque, 50 % espèces » portée sur la carte remise par M. G…, il s’agit simplement du mode de règlement prévu par le patient lui-même ; qu’aucun mode de règlement n’a été imposé au patient ; que ce versement figure dans la comptabilité du Dr C ; que la preuve n’est pas rapportée d’une prétendue activité secondaire ou de remplacement de l’exposant à Nantes ; que le conseil départemental ne peut valablement reprocher au Dr C de n’avoir communiqué aucun contrat et n’avoir jamais fait de demande de remplacement dans la Loire-Atlantique ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Après avoir entendu :

 – Le Dr COLSON en la lecture de son rapport ;

 – Le Dr ROUX, représentant le conseil départemental de l’Isère, en ses observations ;

 – Me LECLERE, avocat, en ses observations pour le Dr C et le Dr Philippe Olivier C en ses explications ;

Le Dr Philippe Olivier C ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant que le Dr C, médecin généraliste, dépourvu de qualification en matière de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, pratique à son cabinet, d’une part, des greffes capillaires, d’autre part, des liposuccions ; qu’à la suite de la doléance d’un patient, M. G…, sur lequel il avait pratiqué une greffe capillaire, le Dr C a été reçu le 28 juillet 1998 par le président du conseil départemental de l’Ordre des médecins de l’Isère qui l’a interrogé sur les conditions de son exercice et qui a dressé un compte rendu de l’entretien, d’ailleurs en partie contesté par le praticien ; que le Dr C a été conduit à renouveler ses explications sur ses conditions d’exercice d’abord devant le conseil régional puis devant la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Considérant, d’une part, que, quelle que soit la technique employée, les opérations de greffes capillaires ont le caractère d’actes chirurgicaux ; que de telles interventions doivent, par suite, être pratiquées dans les conditions techniques prévues pour les actes chirurgicaux ; qu’il résulte de l’instruction que le Dr C pratique les greffes capillaires qu’il effectue, comme d’ailleurs les liposuccions, dans une pièce de son cabinet qui n’est pas aseptisée selon les normes exigées pour un bloc opératoire ; que le Dr C pratique des anesthésies locales pour des interventions qui peuvent durer plusieurs heures, sans disposer de moyens adéquats pour faire face à d’éventuels accidents d’anesthésie ; qu’enfin, le Dr C est, dans ses interventions, assisté de personnels qui n’ont pas toujours la qualité d’infirmier ; qu’ainsi, le Dr C exerce sa profession dans des conditions qui peuvent compromettre, au sens de l’article 71 du code de déontologie médicale, la qualité des soins et actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées, et faire courir à ses patients un risque injustifié au sens de l’article 40 du même code ;

Considérant qu’aux termes de l’article 53 du code de déontologie médicale : « Les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières ; ils ne peuvent être réclamés qu’à l’occasion d’actes réellement effectués. L’avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire ; un médecin doit répondre à toute demande d’information préalable et d’explications sur ses honoraires ou le coût d’un traitement. Il ne peut refuser un acquit des sommes perçues ; aucun mode particulier de règlement ne peut être imposé aux malades » ; qu’il résulte de l’instruction que M. G… a été adressé par un coiffeur au Dr C ; que ce coiffeur fait de la publicité dans la presse, en l’espèce « le Dauphiné libéré dimanche », sous la dénomination « centre capillaire Innovie » en mentionnant « complément volumateur capillaire ; prothèses, perruques médicales ; conseils en microgreffes capillaires » ; que le Dr C a proposé à M. G… verbalement un devis de 12 000 F pour 500 greffons ; que M. G…, estimant le coût de l’opération trop élevé, a demandé à son coiffeur d’intervenir auprès du praticien ; que, joint au téléphone par le coiffeur, le Dr C a proposé de nouvelles conditions que le coiffeur a retranscrites sur une de ses cartes publicitaires dont l’exemplaire est versé au dossier, en mentionnant « 350 greffes à 8 000 F ; 1 fois ; 50% chèque, 50% espèces »; que la renégociation des honoraires du Dr C par l’intermédiaire du coiffeur qui lui avait adressé le patient est contraire aux dispositions précitées de l’article 53 du code de déontologie médicale qui impliquent que les informations et explications sur les honoraires soient données directement par le médecin à son patient, sans intervention d’un intermédiaire exerçant, au surplus, une activité de nature commerciale ; qu’un médecin ne peut imposer à son patient de payer une partie de ses honoraires en espèces ; qu’enfin, le Dr C reconnaît ne pas avoir établi de devis écrit préalable, en contravention avec les dispositions de l’arrêté du 17 octobre 1996 ;

Considérant que les autres griefs faits au Dr C par le conseil départemental de l’Ordre, dans son appel, ne sont pas, en l’état du dossier, formellement établis ;

Considérant que les fautes déontologiques commises par le Dr C sont de nature à justifier une sanction ; que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de la gravité des griefs établis à l’encontre du praticien en lui infligeant la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois ; que, dans cette mesure, le conseil départemental de l’Isère est fondé à demander la réformation de la décision du conseil régional qu’il attaque ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : Il est infligé au Dr Philippe-Olivier C la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois.

Article 2 : La peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois infligé au Dr Philippe-Olivier C prendra effet le 1er mars 2001 à 0 heure pour se terminer le 31 mars 2001 à minuit.

Article 3 : La décision du conseil régional de Rhône-Alpes, en date du 7 février 1999, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Les frais de la présente instance, s’élevant à 1 537 F (soit 234,40 euros), sont mis à la charge du Philippe-Olivier C et devront être réglés dans le mois suivant la notification de la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr Philippe-Olivier C, au conseil départemental de l’Isère, au conseil régional de Rhône-Alpes, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de l’Isère, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Rhône-Alpes, au préfet de l’Isère, au préfet de la région Rhône-Alpes, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble, au ministre chargé de la santé, au ministre chargé de la sécurité sociale, à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré, à l’issue de l’audience publique du 8 novembre 2000, par : M. FOUQUET, Conseiller d’Etat, président ; Mme le Pr. DUSSERRE, MM. les Drs COLSON, NATTAF, membres titulaires ; M. le Dr LEGMANN, membre suppléant.


LE CONSEILLER D’ETAT
PRESIDENT DE LA SECTION DISCIPLINAIRE DU
CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

O. FOUQUET
LA SECRETAIRE DE LA
SECTION DISCIPLINAIRE

I. LEVARD

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 8 novembre 2000, n° 7266