Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 11 octobre 2001, n° 6500

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Condamnation par la cour d’appel pour fraude fiscale. Faits exclus de l’amnistie et de nature à justifier une sanction disciplinaire indépendamment des sanctions fiscales et pénales.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 11 oct. 2001, n° 6500
Numéro(s) : 6500
Dispositif : Rejet Interdiction temporaire d'exercer Rejet requête - 4 mois d'interdiction

Texte intégral

Dossier n° 6500
Dr Patrick P
Décision du 11 octobre 2001
LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins les 19 décembre 1996, 16 avril 1997 et le 2 juin 1997, la requête et les mémoires présentés par et pour le Dr Patrick P , médecin généraliste, tendant à ce que la section annule une décision n° 287, en date du 18 octobre 1996, par laquelle le conseil régional de Bourgogne, statuant sur la plainte de M. Michel B , transmise par le conseil départemental de la Côte-d’Or, lui a infligé la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant quatre mois, par les motifs que le conseil régional a retenu des griefs qui n’avaient été exposés qu’à l’audience et a ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; que les relations du Dr P et de la Société MEDIBREVEX S.A. n’ont donné lieu qu’à un contentieux civil, qui n’est pas clos, et non à des poursuites pénales ; que les infractions d’extorsion de fonds et de contrefaçons ne peuvent nullement être retenues à l’encontre du requérant ; que celui-ci n’a pas cherché à dévaloriser les produits de la société MEDIBREVEX ; que la condamnation pour fraude fiscale infligée au Dr P a été rendue en méconnaissance des stipulations de la convention européenne des droits de l’homme et est contestée pour ce motif devant la Cour Européenne des droits de l’homme ; que des faits ayant donné lieu à condamnation pénale ne pouvaient donner lieu à sanction disciplinaire, alors surtout que les moyens de défense de l’intéressé avaient disparu ; que la saisie opérée à l’initiative de la Société COMTRAD trouve son origine dans les agissements de la société MEDIBREVEX elle-même et non dans une quelconque faute du Dr P ; que les faits sanctionnés par le tribunal de Police, qui ne sont pas tous relatifs à l’activité médicale du Dr P , ne révèlent aucune faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu’ils sont, en outre, amnistiés ;

Vu la décision attaquée ;

Vu la décision, en date du 4 avril 2001, par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé la décision du 17 septembre 1997 rendue par la section disciplinaire sur la requête susvisée du Dr P et renvoyé à la section disciplinaire le jugement de l’affaire ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique et notamment son article L 460 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au journal officiel par décret du 3 mai 1974 ;

Vu les lois du 20 juillet 1988 et du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le décret du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Après avoir entendu :

 – Le Dr PRENTOUT en la lecture de son rapport ;

 – Le Dr KNOPF, président du conseil départemental de la Haute-Savoie, entendu comme témoin ;

Le Dr Patrick P et le conseil départemental de la Côte-d’Or, dûment convoqués, ne s’étant ni présentés ni fait représenter ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant que la circonstance que le conseil départemental de la Haute-Savoie, informé de la condamnation prononcée en 1989 par la cour d’appel de Chambéry, n’avait pas jugé opportun de former une plainte devant le conseil régional ne faisait pas obstacle à ce que le conseil départemental de la Côte-d’Or, qui avait été informé de cette condamnation à l’occasion d’une plainte portée à l’encontre du Dr P et qui pouvait tenir compte de l’ensemble du comportement de ce praticien, se fondât notamment sur les faits qui avaient donné lieu à cette condamnation pour infliger une sanction au Dr P  ;

Considérant que, pour infliger au Dr P la peine de l’interdiction d’exercer la médecine durant quatre mois, le conseil régional de Bourgogne s’est fondé sur le comportement contraire à la probité et de nature à déconsidérer la profession dont ce médecin avait fait preuve, d’une part, en se rendant coupable d’importantes méconnaissances de ses obligations fiscales, pour lesquelles il a été pénalement condamné, d’autre part, en n’acquittant pas des cotisations sociales ; que le conseil régional a, en revanche, écarté les griefs tirés du comportement du Dr P dans le conflit qui l’oppose à la société MEDIBREVEX et au gérant de celle-ci ;

Considérant en premier lieu que, compte tenu des motifs ainsi retenus par les premiers juges, les moyens présentés en appel par le Dr P et tirés de ce qu’il n’aurait pas manqué aux obligations déontologiques dans ses relations avec la société MEDIBREVEX sont inopérants ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr P a fait l’objet de redressements d’impôts d’un montant élevé, qui ont notamment donné lieu à l’émission par l’administration fiscale d’un avis à tiers détenteur portant sur la somme de 10.192.580,39 francs ; que, par un arrêt devenu définitif, la cour d’appel de Chambéry l’a condamné pour fraude fiscale à trois ans d’emprisonnement dont trente-cinq mois avec sursis et 100.000 francs d’amende ; que la circonstance qu’à la suite de cette condamnation le Dr P a engagé une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme ne fait pas obstacle à ce que les juridictions ordinales tiennent compte, dans leur appréciation, du comportement de ce médecin et, indépendamment des conditions dans lesquelles l’intéressé a pu se défendre au cours de la procédure pénale, des faits pour lesquels les juridictions répressives l’ont définitivement condamné ; qu’en raison de leur nature et de leur gravité, ces faits ont le caractère de manquements à l’honneur et à la probité et se trouvent par suite exclus du bénéfice de l’amnistie en vertu des dispositions tant de l’article 14 de la loi du 20 juillet 1988 que de l’article 14 de la loi du 3 août 1995 ;

Considérant, en troisième lieu, que, si le conseil régional a pu, sans irrégularité retenir un grief tiré du défaut d’acquittement de cotisations sociales qui ressortait du dossier soumis à son appréciation et sur lequel le Dr P a disposé de la possibilité de se défendre, il résulte de l’instruction que le délai mis par l’intéressé à régler les cotisations en question découle des difficultés issues de ses dettes envers le fisc et ne constitue pas, dans les circonstances de l’espèce, une faute de nature à justifier une sanction ;

Considérant qu’ainsi que l’a jugé le conseil régional, l’ampleur des irrégularités commises par le Dr P au regard de ses obligations fiscales constitue une méconnaissance des obligations qui s’imposent au médecin de respecter la probité et de ne pas adopter un comportement de nature à déconsidérer la profession ; que ces manquements sont de nature à justifier une sanction disciplinaire, qui peut être prononcée par les juridictions ordinales indépendamment des sanctions fiscales et pénales infligées à l’intéressé ; que les manquements ainsi retenus justifient à eux seuls la peine infligée par le conseil régional de Bourgogne ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : La requête du Dr Patrick P est rejetée.

Article 2 : La peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant quatre mois infligée par la décision du conseil régional de Bourgogne, en date du 18 octobre 1996, prendra effet le 1er avril 2002 et cessera de porter effet le 31 juillet 2002 à minuit.

Article 3 : Les frais de la présente instance s’élevant à 238,08 euros (soit 1561,70 francs) seront supportés par le Dr Patrick P et devront être réglés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Patrick P , au conseil départemental de la Côte-d’Or, au conseil régional de Bourgogne, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Côte-d’Or, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Bourgogne, au préfet de la région Bourgogne, préfet de la Côte-d’Or, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon, au ministre chargé de la santé, au ministero della sanita en Italie, au ministre chargé de la sécurité sociale et à tous les conseils départementaux.

Article 5 : M. B et le conseil départemental de la Haute-Savoie recevront copie, pour information, de la présente décision.

Ainsi fait et délibéré, à l’issue de l’audience publique du 11 octobre 2001, par : M. COUDURIER, Conseiller d’Etat honoraire, président ; MM. les Drs COLSON, PRENTOUT, membres titulaires, MM. les Drs AHR, JOUAN, membres suppléants.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE
PRESIDENT DE LA SECTION DISCIPLINAIRE DU
CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

P. COUDURIER
LA SECRETAIRE DE LA
SECTION DISCIPLINAIRE

I. LEVARD

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 11 octobre 2001, n° 6500