Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 15 février 2001, n° 5651 - 5750

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Prescriptions de médicaments anodins sur un ordonnancier d’ALD pour une prise en charge intégrale ne traduisant pas un manquement à l’honneur ou à la probité. Faits qui ne sont pas exclus du bénéfice de l’amnistie.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 15 févr. 2001, n° 5651 - 5750
Numéro(s) : 5651 - 5750
Dispositif : Réformation Amnistie sur ce grief

Texte intégral

Dossiers n° 5651 et 5750
Dr Didier M
Décision du 15 février 2001
LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu la décision, en date du 4 septembre 2000, par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé la décision, en date du 2 octobre 1996, par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a infligé au Dr Didier M, requérant, médecin généraliste, la peine de l’interdiction d’exercer la médecine durant deux mois ;

Vu, enregistré au secrétariat de la section disciplinaire le 5 décembre 2000, le mémoire présenté par le Dr M, qui tend à ce qu’aucune sanction ne lui soit infligée ; il soutient que la décision du Conseil d’Etat s’impose à tous ; qu’il n’a fait l’objet de poursuites qu’en raison de l’animosité que lui portait un confrère aujourd’hui décédé ; qu’il n’a pas prescrit de produits toxiques ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 février 2001, le mémoire par lequel le conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Gironde déclare qu’il n’a pas d’observation à formuler ;

Vu la décision attaquée du conseil régional d’Aquitaine, en date du 5 juin 1994, rendue sur plainte du Pr Antoine B, transmise par le conseil départemental de la Gironde ;

Vu la décision attaquée du conseil régional d’Aquitaine, en date du 16 octobre 1994, rendue sur opposition, formée par le Dr M, à celle du même conseil, en date du 5 juin 1994 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers n° 5651 et 5750 ;

Vu le code de la santé publique et notamment son article L 460 ;

Vu la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le décret du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Après avoir entendu Mme le Dr MARCELLI en la lecture de son rapport ;

Le Dr Didier M et le conseil départemental de la Gironde, dûment convoqués, ne s’étant ni présentés ni fait représenter ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant que, par une décision, en date du 5 juin 1994, le conseil régional d’Aquitaine a infligé au Dr Didier M la peine de l’interdiction d’exercer la médecine durant six mois ; que, par une deuxième décision, en date du 16 octobre 1994, le conseil régional, statuant sur une opposition formée par le Dr M, a annulé cette première décision et fixé à quatre mois la durée de l’interdiction infligée à ce médecin ; que, statuant sur des appels formés par le Dr M contre ces deux décisions, la section disciplinaire a, par une décision du 2 octobre 1996, ramené à deux mois la durée de l’interdiction prononcée ; que cette décision de la section disciplinaire a été annulée, pour insuffisance de motivation, par une décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, en date du 4 septembre 2000 ;

Considérant que cette décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, renvoie l’affaire devant la section disciplinaire ; que, contrairement à ce que soutient le Dr M, il appartient, dès lors, à la section disciplinaire, en exécution même de la décision du Conseil d’Etat et sans méconnaître la règle selon laquelle des mêmes faits ne peuvent être jugés deux fois, de statuer à nouveau sur les deux requêtes présentées par le Dr M à l’encontre des décisions du conseil régional d’Aquitaine du 5 juin 1994 et du 16 octobre 1994 ; qu’il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu’elles fassent l’objet d’une seule décision ;

Sur la requête n° 5651 :

Considérant que la décision du conseil régional, en date du 5 juin 1994, a été annulée par la décision du 16 octobre 1994, par laquelle ce conseil a accueilli l’opposition du Dr M ; que l’appel formé par le Dr M contre cette première décision est, par suite, devenu sans objet ; qu’il n’y a lieu, en conséquence, d’y statuer ;

Sur la requête n° 5750 :

En ce qui concerne la demande de sursis à statuer :

Considérant que, si le Dr M demandait à la section disciplinaire de surseoir à statuer jusqu’au résultat de la procédure pénale engagée à l’encontre du Pr B, cette procédure s’est trouvée close par le décès de ce dernier ; que cette demande de sursis à statuer, à laquelle la section disciplinaire n’était d’ailleurs nullement tenue de faire droit, n’a en conséquence plus d’objet ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure devant le conseil régional :

Considérant que le délai de six mois prévu par l’article L. 417 du code de la santé publique (article L. 4124-1 du nouveau code) n’est pas prescrit à peine de nullité ; que le conseil régional n’a donc pas commis d’irrégularité en statuant après son expiration ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil régional se serait, à tort, opposé à une demande d’audition de témoins et aurait ainsi méconnu les droits de la défense ;

Considérant que la décision du conseil régional est suffisamment motivée et que sa régularité ne peut être affectée par la survenance de faits postérieurs à son prononcé ;

En ce qui concerne les faits reprochés au Dr M :

Sur le grief tiré de la méconnaissance des articles 24 et 50 du code de déontologie médicale en vigueur à la date des faits :

Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la loi d’amnistie du 3 août 1995 : « Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles … Sont exceptés du bénéfice de l’amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur » ;

Considérant que le manque de confraternité reproché au Dr M, dans ses rapports avec le Pr BROUSTET, ne traduit pas de manquement à l’honneur ni à la probité ; que, de même, le fait d’avoir prescrit des médicaments anodins sur un ordonnancier de longue durée, afin de les faire prendre en charge intégralement par la sécurité sociale, ne révèle pas, dès lors qu’il s’agit d’un acte isolé, de manquement à l’honneur ni à la probité ; que ces faits sont donc amnistiés et ne peuvent, dès lors, donner lieu à sanction ;

Sur le grief tiré de la méconnaissance de l’article 17 du code de déontologie médicale alors en vigueur :

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Dr M aurait délibérément modifié un traitement en cours établi par le service spécialisé d’un établissement hospitalier pour un patient atteint d’hémopathie ; que ce grief doit donc être écarté ;

Sur le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88 du code de déontologie médicale alors en vigueur :

Considérant que les dispositions de l’article 88 du code de déontologie médicale selon lesquelles « Toute déclaration volontairement inexacte faite au conseil de l’Ordre par un médecin peut donner lieu à des poursuites disciplinaires » ne concernent pas les mémoires en défense produits par un médecin poursuivi devant les juridictions ordinales ; que l’omission reprochée au Dr M dans une copie d’une lettre jointe à l’un de ses mémoires en défense, devant le conseil régional, n’entre donc pas dans le champ d’application de ces prescriptions et ne peut, dès lors, donner lieu à sanction sur leur fondement ;

Sur les griefs tirés de la méconnaissance des articles 18, 19 et 30 du code de déontologie médicale alors en vigueur :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr M a prescrit à son patient, M. Daniel Gérard V…, en avril 1993, quelques jours avant son décès des suites d’une leucémie myéloblastique, des produits phytothérapiques dits du Dr T ; que le Dr M reconnaît lui-même avoir occasionnellement recours à de telles prescriptions ; qu’il ressort également des pièces du dossier, et notamment d’une lettre du Dr M, en date du 4 février 1993, que ce dernier a prescrit à ce même patient, dans un but anti-inflammatoire, l’usage du Carzodelan ; que le Dr M a prescrit ce même produit à une autre de ses patientes, Mme Fatima S…, qui présentait un mélanome malin très évolué localement, par une ordonnance du 8 décembre 1992 ; que Mme Gisèle B… a attesté, le 27 juillet 1994, que le Dr M lui avait prescrit du Carzodelan pour traiter le kyste du pancréas dont elle était atteinte ; que, s’il est autorisé en Allemagne, le Carzodelan n’a pas fait l’objet en France d’une autorisation de mise sur le marché conformément aux articles L. 601 et suivants du code de la santé publique dans leur rédaction applicable à l’époque des faits ;

Considérant que les prescriptions ainsi ordonnées par le Dr M portent sur des produits non expérimentés dont l’efficacité n’est pas démontrée ; qu’un début d’expérimentation animale sur certains produits, dits du Dr T, a révélé que ces produits peuvent entraîner une modification hématologique de nature à entraîner des conséquences immunitaires ; qu’ainsi, les prescriptions reprochées au Dr M de produits non éprouvés sont susceptibles de faire courir des risques injustifiés à ses patients ; que ces prescriptions peuvent également leur faire regarder comme salutaires des procédés illusoires ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Dr M a méconnu les dispositions des articles 18, 19 et 30 du code de déontologie médicale alors applicable ; qu’eu égard aux risques que les prescriptions litigieuses ont pu faire courir à ses patients, les manquements qu’il a commis sont exclus du bénéfice de l’amnistie prévue par la loi du 3 août 1995 ;

En ce qui concerne la sanction :

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances de l’espèce en infligeant au Dr M, pour les faits retenus à sa charge par la présente décision, une peine d’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 5651 du Dr Didier M.
Article 2 : Il est infligé au Dr Didier M la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois.

Article 3 : La décision du conseil régional d’Aquitaine, du 16 octobre 1994, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 5750 du Dr Didier M est rejeté.

Article 5 : Cette peine d’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois prendra effet le 1er septembre 2001 et cessera de porter effet le 30 septembre 2001 à minuit.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au Dr Didier M, au conseil départemental de la Gironde, au conseil régional d’Aquitaine, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Gironde, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Aquitaine, au préfet de la région d’Aquitaine, préfet de la Gironde, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, au ministre chargé de la santé, au ministre chargé de la sécurité sociale et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré, à l’issue de l’audience publique du 15 février 2001, par : M. STIRN, Conseiller d’Etat, président ; Mme le Pr DUSSERRE, Mme le Dr MARCELLI, MM. les Drs COLSON, DUCLOUX, MONIER, NATTAF, membres titulaires.

LE CONSEILLER D’ETAT
PRESIDENT DE LA SECTION DISCIPLINAIRE DU
CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS B. STIRN
LA SECRETAIRE DE LA
SECTION DISCIPLINAIRE I. LEVARD

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 15 février 2001, n° 5651 - 5750