Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 27 juillet 2006, n° 9380

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Résumé de la juridiction

Annulation de la décision dont il ne ressort d’aucune des mentions que l’audience du conseil régional a été ou n’a pas été publique.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 27 juill. 2006, n° 9380
Numéro(s) : 9380
Dispositif : Annulation et évocation

Texte intégral

N° 9380 _______________
Dr Guy T _______________
Audience du 28 juin 2006
Décision rendue publique par affichage le 27 juillet 2006
LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins les 13 février et 16 juin 2006, la requête et le mémoire présentés par et pour le Dr Guy T, qualifié spécialiste en médecine physique et réadaptation ; le Dr T demande à la section d’annuler la décision n° 3610, en date du 9 janvier 2006, par laquelle le conseil régional de Provence-Côte d’Azur-Corse, statuant sur la plainte de M. Paul C…, transmise par le conseil départemental des Hautes-Alpes, lui a infligé la peine de la radiation du tableau de l’Ordre ;

Le Dr T soutient que la décision du conseil régional doit être annulée dès lors que la procédure de saisine était irrégulière en raison du rôle de conseil joué par le conseil départemental dans l’établissement de la plainte de M. C… ; que la décision attaquée n’établit pas le caractère public ou non de la séance du 18 juin 2005 ; que le rapporteur de l’affaire l’avait déjà été dans une affaire antérieure ; que cette décision n’est pas motivée ; qu’au surplus le conseil régional ne pouvait faire état de condamnations antérieures qui ont bénéficié de lois d’amnistie ; que, sur le fond, le Dr T ne s’est livré à aucune pratique de charlatanisme pas plus dans les soins apportés qu’en proposant des compléments alimentaires à M. C… ; que les faits ayant entraîné des sanctions ordinales sont amnistiés et qu’il est dès lors impossible d’en tenir compte ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le décret du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 28 juin 2006 :

 – Le rapport du Dr KAHN-BENSAUDE ;

 – Les observations de Me LUDOT pour le Dr T et celui-ci en ses explications ;
M. Paul C…, convoqué comme témoin, ne s’étant pas présenté ;

Le Dr T ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant que M. C…, patient du Dr T depuis de nombreuses années, est venu à nouveau le consulter le 26 août 2002 en raison de douleurs lombaires ; qu’à l’issue de cette consultation, le Dr T prescrivit le port de semelles orthopédiques et remit à M. C… un bon de commande de compléments nutritionnels à se procurer auprès du « Laboratoire Phyto-Energétique de Vichy » ; que M. C… a porté plainte contre le Dr T en soulignant notamment qu’il avait fait l’objet d’une séance qui s’apparentait plus au « spiritisme » qu’à la médecine ; que, par une décision en date du 9 janvier 2006, le conseil régional de Provence-Côte d’Azur-Corse a infligé au Dr T la peine de la radiation du tableau de l’ordre des médecins ; que le Dr T fait appel ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que les décisions juridictionnelles doivent par elles-mêmes faire la preuve de leur régularité et notamment mentionner, à peine de nullité, qu’elles ont été rendues en séance publique ou, le cas échéant, en séance non publique ; qu’il ne ressort d’aucune des mentions de la décision attaquée que l’audience du conseil régional en date du 18 juin 2005, à laquelle l’affaire dont le Dr T a interjeté appel a été examinée, a été ou n’a pas été publique ; qu’ainsi, le Dr T est fondé à demander l’annulation de cette décision ; qu’il s’ensuit que la section disciplinaire du conseil national est saisie de la plainte de M. C… ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr T, dont le papier à en-tête porte les mentions « CES de médecine physique – Diplômé de médecine orthopédique et thérapeutiques manuelles osthéopathiques – Naturopathie – Etiomédecine », pratique depuis de nombreuses années ce qu’il considère comme de « l’auriculo-thérapie », procédé consistant notamment, selon d’ailleurs les explications données par le Dr T lors de la séance de la section disciplinaire, à exciter certains points de l’oreille par diverses stimulations, tous les organes humains des membres et les fonctions ayant une projection auriculaire ; que M. C… a fait l’objet de ce type de traitement lors de la séance du 26 août 2002 ;

Considérant que la liberté de prescription consacrée par l’article R 4127-8 du code de la santé publique ne dispense pas le médecin du respect des dispositions de l’article R 4127-32 du même code qui lui impose d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science ni de celles de l’article R 4127-39 du même code qui lui interdit de proposer aux malades un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ; que, contrairement à ce que soutient le Dr T, il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier des documents qui y ont été versés que le procédé thérapeutique qu’il utilise soit reconnu par la communauté scientifique française ou internationale ;

Considérant qu’il ressort également des pièces du dossier que le Dr T a fait l’objet à plusieurs reprises de diverses sanctions disciplinaires ordinales pour cette pratique thérapeutique ; qu’ainsi, par une décision du 30 juin 1998, a été infligée au Dr T la peine d’interdiction d’exercer la médecine durant trois mois ; que cette décision est devenue définitive, le Dr T s’étant désisté de sa requête introduite devant le Conseil d’Etat statuant au contentieux ce dont il lui a été donné acte par une ordonnance du 10 mars 1999 ; que, contrairement à ce que soutient le Dr T, cette sanction n’a pas été amnistiée, la section disciplinaire du conseil national ayant, dans sa décision précitée, expressément exclu le bénéfice de la loi d’amnistie du 3 août 1995 ; que, par une seconde décision en date du 28 octobre 1998, la section des assurances sociales a, pour les mêmes faits, infligé au Dr T la peine d’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux durant trois mois ; que dans cette décision, qui est devenue définitive, la section des assurances sociales a également expressément écarté l’application de la loi d’amnistie du 3 août 1995 ; que, par une troisième décision, en date du 15 mai 2002, devenue définitive, la section disciplinaire du conseil national a réduit la peine de la radiation du tableau infligée au Dr T par le conseil régional de Provence-Côte d’Azur-Corse en la limitant à une peine d’interdiction d’exercice de la médecine durant six mois ; que si la section disciplinaire n’a pu, à la date où elle a statué, faire application de la loi d’amnistie du 6 août 2002, les pratiques réitérées utilisées par le Dr T, compte tenu de leur caractère illusoire et des risques qu’elles pouvaient et peuvent présenter pour ses patients sont exclues du bénéfice de l’amnistie prévue par la loi du 6 août 2002 susvisée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Dr T persiste à mettre en œuvre et en pratique, comme cela a été le cas avec M. C…, des thérapeutiques insuffisamment éprouvées en l’état actuel des connaissances scientifiques ; que la persistance de ce comportement, que les sanctions déjà infligées n’ont pas permis de modifier, justifie, dans les circonstances de l’espèce, la peine de la radiation du tableau de l’ordre des médecins ;

Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il convient, dans l’intérêt de la santé publique, d’ordonner l’exécution immédiate de la sanction nonobstant toute demande ou tout recours que pourrait introduire le Dr T devant quelque juridiction que ce soit, notamment devant le Conseil d’Etat ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : La décision du conseil régional de Provence-Côte d’Azur-Corse, en date du 9 janvier 2006, est annulée.

Article 2 : Il est infligé au Dr T la peine de la radiation du tableau de l’Ordre. La radiation du tableau prendra effet à compter du 1er septembre 2006 nonobstant toute demande ou tout recours que pourrait introduire le Dr T, notamment devant le Conseil d’Etat.

Article 3 : Les frais de la présente instance s’élevant à 213,61 euros seront supportés par le Dr T et devront être réglés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Guy T, au conseil départemental des Hautes-Alpes, au conseil régional de Provence-Côte d’Azur-Corse, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales des Hautes-Alpes, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Provence-Alpes-Côte d’Azur, au préfet des Hautes-Alpes, au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Gap, au ministre chargé de la santé, au ministre chargé de la sécurité sociale et à tous les conseils départementaux.

Article 5 : M. Paul C…, dont la plainte est à l’origine de la saisine du conseil régional, recevra copie, pour information, de la présente décision.

Ainsi fait et délibéré par : M. FRANC, Président de Section honoraire au Conseil d’Etat, président ; Mme le Dr KAHN-BENSAUDE, MM. les Drs BICLET, CRESSARD, LAGARDE, membres.

LE PRESIDENT DE SECTION HONORAIRE AU CONSEIL D’ETAT
PRESIDENT DE LA SECTION DISCIPLINAIRE DU
CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

M. FRANC
LA SECRETAIRE DE LA
SECTION DISCIPLINAIRE

I. LEVARD

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 27 juillet 2006, n° 9380