Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 4 octobre 2010, n° 10404

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Résumé de la juridiction

Un médecin qui refuse de déférer à la réquisition du préfet, sur le fondement de l’article R. 6315-4 CSP dans le cadre de la permanence des soins, refuse par là-même d’accomplir les «actes de fonction publique» entrant dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 4124-2. Ce refus relève dès lors des dispositions de l’article R. 4126-1 selon lesquelles la plainte peut être formée par le conseil départemental de l’ordre auquel le médecin est inscrit.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

N° 10404 ________________
Dr Xavier T ________________
Audience du 6 juillet 2010
Décision rendue publique par affichage le 4 octobre 2010
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE, Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins les 14 avril et 25 mai 2009, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour le Dr Xavier T, qualifié en médecine générale ; le Dr T demande à la chambre disciplinaire nationale d’annuler la décision n° 2008.64, en date du 30 mars 2009, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes, statuant sur la plainte du conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône, lui a infligé la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois dont deux mois avec sursis ;

Le Dr T soutient que, contrairement à ce qu’a jugé la chambre disciplinaire de première instance, le conseil départemental de l’ordre n’était pas recevable, sur le fondement de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, à saisir la juridiction disciplinaire d’une plainte pour non respect d’un arrêté préfectoral de réquisition de participer à la permanence des soins prévue par l’article L. 6314-1 du même code, qui constitue une mission de service public ; que c’est à tort que la décision attaquée mentionne qu’une circulaire invoquée par le Dr T n’a pas de caractère réglementaire ; que, contrairement à ce que la chambre disciplinaire de première instance a affirmé, il n’avait pas excipé tardivement de l’illégalité de l’arrêté préfectoral du 27 décembre 2007 le réquisitionnant pour assurer la permanence des soins le 1er janvier 2008 mais avait seulement soutenu que cette illégalité, consistant en une insuffisance de motivation et dans le caractère injustifié de la réquisition, ne permettait pas de qualifier son comportement de fautif ; que la sanction prononcée est disproportionnée ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 13 novembre 2009, le mémoire présenté pour le conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône qui conclut au rejet de la requête et à ce que soient augmentés les dépens de l’instance ainsi que la période d’interdiction ;

Le conseil départemental soutient que le Dr T n’était pas déféré à la juridiction disciplinaire pour un acte de fonction publique et que la plainte formée par le conseil départemental de l’ordre était dès lors recevable ; que, en outre, les nouvelles dispositions de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique issues de la loi du 21 juillet 2009 permettent désormais au conseil départemental de former une plainte contre un médecin chargé d’un service public ; que le conseil départemental de l’ordre conserve, après l’entrée en vigueur des deux décrets du 15 septembre 2003 qui modifient le code de déontologie et le code de la santé publique, un rôle premier en matière de permanence des soins ; que le Dr T, qui était informé des difficultés d’organisation de la permanence des soins dans son secteur, n’a pris aucune mesure pour s’assurer que cette continuité serait assurée le 1er janvier 2008 et n’a pas participé à cette organisation ; qu’il n’a ni déféré à la réquisition préfectorale ni informé le préfet de son refus ni tenté de se faire remplacer, ce qui constitue un comportement gravement fautif au regard des dispositions du code de déontologie, codifiées aux articles R. 4127-47 et R. 4127-77 du code de la santé publique, relatives à l’obligation de participer à la permanence des soins ainsi qu’un comportement de nature à déconsidérer la profession ; que le droit de grève ne saurait permettre à un médecin de méconnaître son obligation de garantir la permanence des soins urgents ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 18 janvier 2010, le mémoire en réplique présenté pour le Dr T, qui reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens ;

Le Dr T fait valoir, en outre, que les dispositions modifiées de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique n’ont pas une portée rétroactive ; que le constat, fait par le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 30 juin 2009, de l’illégalité de l’arrêté de réquisition, emporte annulation rétroactive de cet arrêté ; que le conseil départemental savait qu’un autre médecin s’était porté volontaire pour la garde du 1er janvier 2009 ; que le Dr T est le seul à faire l’objet de réquisitions, lesquelles sont par suite entachées de détournement de pouvoir ; que le Dr T refuse de participer à la permanence des soins au motif qu’il n’est pas certain que les médecins soient couverts par leur assurance personnelle pour leur comportement à cette occasion ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 juillet 2010, les parties ayant été averties du changement intervenu dans la composition de la formation de jugement  :

- le rapport du Dr Kahn-Bensaude ;

- les observations de Me Di Vizio pour le Dr T et celui-ci en ses explications ;

 – les observations de Me Choulet et du Dr Depassio pour le conseil départemental du Rhône ;

Le Dr T ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par un arrêté du 27 décembre 2007 pris sur le fondement de l’article R. 6315-4 du code de la santé publique, le préfet du Rhône a réquisitionné le Dr T, médecin généraliste, pour qu’il participe le 1er janvier 2008 à la permanence des soins prévue par l’article L. 6314-1 ; qu’il est constant que, refusant délibérément d’assurer sa participation à ce service, le Dr T s’est abstenu de répondre ce jour-là à plusieurs appels téléphoniques du SAMU 69 ; que, saisie par le conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône, la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes a, par une décision du 30 mars 2009, prononcé à l’encontre du Dr T la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois dont deux mois avec sursis ; que le Dr T fait appel de cette décision ;

Sur la recevabilité de la plainte :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 juillet 2009 : « Les médecins … chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le procureur de la République ou, lorsque lesdits actes ont été réalisés dans un établissement public de santé, le directeur de l’agence régional de l’hospitalisation » ;

Considérant que la permanence des soins à laquelle participent les médecins dans le cadre de l’article L. 6314-1 du code de la santé publique constitue une mission de service public ; que, toutefois, le médecin qui, alors qu’il est réquisitionné par le préfet sur le fondement de l’article R. 6315-4, refuse de déférer à cette réquisition, refuse par là-même d’accomplir les « actes de fonction publique » entrant dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 4124-2 ; que ce refus relève dès lors des dispositions de l’article R. 4126-1 selon lesquelles la plainte peut être formée par le conseil départemental de l’ordre auquel le médecin est inscrit ; qu’il en résulte que le conseil départemental de l’ordre du Rhône, au tableau duquel était inscrit le Dr T, avait qualité pour former une plainte à l’encontre de celui-ci pour son refus de participer le 1er janvier 2008 à la permanence des soins ;

Sur le bien-fondé de la plainte :

Considérant, en premier lieu, que, si le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 30 juin 2009, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 24 février 2010, juge illégal l’arrêté de réquisition pris par le préfet du Rhône le 27 décembre 2007 et prononce par suite la relaxe du Dr T, cette relaxe n’a pas pour fondement l’inexactitude des faits reprochés au médecin, seule de nature à s’imposer au juge administratif ; que, par suite, cette décision du juge pénal n’est pas revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée, laquelle ne s’attache qu’aux constatations de faits mentionnées dans la décision, qui sont le support de son dispositif ;

Considérant, en second lieu, qu’à supposer même que l’arrêté préfectoral de réquisition du 27 décembre 2007 aurait été entaché de vices de légalité externe et interne, le refus délibéré du Dr T d’y déférer et de répondre aux appels téléphoniques du SAMU 69 constitue une méconnaissance par ce médecin de son devoir de participer à la permanence des soins, mentionné à l’article R. 4127-77 du code de la santé publique ; que, en tout état de cause, d’une part, l’arrêté préfectoral du 27 décembre 2007 était suffisamment motivé, d’autre part, il n’est pas établi qu’un autre médecin aurait été volontaire pour participer à la place du Dr T à la permanence des soins le 1er janvier 2008, jour sur lequel portait la réquisition et, enfin, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Sur la peine prononcée :

Considérant que la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes a fait une appréciation qui n’est ni excessive ni insuffisante de la gravité du manquement du Dr T à son obligation de participation à la permanence des soins en lui infligeant pour cette faute la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois dont deux mois avec sursis ;

Sur les conclusions du conseil départemental de l’ordre tendant à « augmenter les dépens de l’instance » :

Considérant que ces conclusions ne sont pas assorties de précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

PAR CES MOTIFS,
DECIDE
Article 1 : La requête du Dr T est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône tendant à « augmenter les dépens de l’instance » et à l’aggravation de la peine prononcée en première instance sont rejetées.

Article 3 : Le Dr T exécutera la partie ferme de l’interdiction d’exercice prononcée à son encontre du 1er janvier 2011 à 0 heure au 31 janvier 2011 à minuit.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Xavier T, au conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône, à la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes, au préfet du Rhône, au directeur général de l’agence régionale de santé de Rhône-Alpes, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par Mme Roul, conseiller d’Etat, président ; Mmes les Drs Chapelle et Kahn-Bensaude, MM. les Drs Colson, Faroudja et Maurice, membres.

Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Anne-Françoise Roul

Le greffier en chef

Isabelle Levard

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