Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 19 avril 2013, n° 11386

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Résumé de la juridiction

A envoyé à 200 confrères un mail sur la mise au point au laboratoire du SIAL (Statut des Intolérances Alimentaires) de bilans qu’il propose de réaliser. Courrier qui revêt un caractère incitatif à la prescription et publicitaire en même temps que trompeur et mensonger en laissant croire que les symptômes pathologiques énumérés ont pour origine des intolérances alimentaires alors qu’ils peuvent relever d’autres causes. Indications qui revêtent de surcroît un caractère dangereux en focalisant l’attention des médecins sur cette hypothèse et en les encourageant à mettre en place une stratégie alimentaire basée sur l’éviction des aliments incriminés. Procédé recommandé qui est, selon les études menées à son sujet par les sociétés d’allergologie françaises et étrangères, scientifiquement non fondé, médicalement sans intérêt et potentiellement dangereux. A ainsi contrevenu aux dispositions des articles R. 4127-19 et R. 4127-14 CSP.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 19 avr. 2013, n° 11386
Numéro(s) : 11386
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Réformation

Sur les parties

Texte intégral

N° 11386
Conseil départemental de l’ordre des médecins de la Ville de Paris et société française d’allergologie (SFA)
C/Dr Michel C
Audience du 13 mars 2013
Décision rendue publique par affichage le 19 avril 2013 Vu, 1°), enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 12 juillet 2011, la requête présentée par le conseil départemental de la Ville de Paris, dont le siège est 105 boulevard Pereire à Paris (75017), et le procès-verbal de sa séance du 6 juillet 2011 ; le conseil départemental demande à la chambre de réformer la décision n° 2010-2691, en date du 24 juin 2011, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur la plainte dudit conseil et sur celle du président de la société française d’allergologie (SFA) contre le Dr Michel C, qualifié spécialiste en biologie médicale, lui a infligé la peine de l’avertissement ;

Le conseil départemental soutient que la peine prononcée de l’avertissement est sans rapport avec la gravité des faits qui justifie le prononcé d’une peine plus sévère ; que la promotion des tests litigieux a été assurée par la société Ysonut qui commercialise des produits diététiques et de micronutrition à l’occasion d’une conférence donnée par le Dr C ; que le mailing critiqué a été adressé par cette société aux participants à la conférence ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, 2°), enregistrée comme ci-dessus le 20 juillet 2011, la requête présentée par le président de la société française d’allergologie (SFA), élisant domicile C.H.R.U. de Montpellier – 371 avenue du Doyen Gaston Giraud à Montpellier cedex (34295) ; le président de la société française d’allergologie demande la réformation de la même décision du 24 juin 2011 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur sa plainte et sur celle du conseil départemental de la Ville de Paris, a infligé au Dr Michel C la peine de l’avertissement ;

La société française d’allergologie soutient qu’outre les manquements à ses obligations déontologiques relevés par les premiers juges, le Dr C devra répondre du délit de compérage avec la société Ysonut ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 15 décembre 2011, le mémoire présenté pour le Dr C, tendant au rejet des requêtes ;

Le Dr C soutient que l’appel de la société française d’allergologie est irrecevable car il n’était pas accompagné de la délibération de son conseil d’administration autorisant son président à initier cet appel ; que le délai de 15 jours imparti par la juridiction pour régulariser cet appel n’a pas été respecté ; que la copie du procès-verbal du conseil d’administration du 25 mars 2010 finalement transmis par la société française d’allergologie le 27 septembre 2011 pour régularisation n’est pas signé ; que le grief de compérage avec la société Ysonut est irrecevable comme formulé pour la première fois en appel ; que le Dr C n’a nullement enfreint les dispositions des articles R. 4127-39 et R. 4127-70 du code de la santé publique qui ne sont pas applicables en l’espèce ; qu’il ne formule aucune prescription et ne prodigue aucun soin à des patients ; que le diagnostic est suffisamment éprouvé au regard des dispositions de l’article R. 4127-14 du code de la santé publique ; que le test d’intolérance alimentaire est le résultat d’études scientifiques qui mettent en évidence le rôle de l’alimentation sur l’apparition de maladies classiques ; que ce test est devenu usuel ; que cette technique est utilisée depuis plus de 10 ans en Europe et est certifiée au sein de la communauté européenne ; que le Dr C se contente d’exécuter les dosages prescrits sur ordonnance et ne procède individuellement à aucune analyse et ne préconise aucun traitement ; qu’il s’est borné, alors que jusqu’alors il sous-traitait ces tests à des confrères équipés, à informer ses confrères qu’il avait mis en place cette technique au sein de son laboratoire ; que ce mailing adressé exclusivement à des professionnels du milieu médical, poursuivait un but d’information ; que ce test consiste en une simple prise de sang et ne saurait en aucun cas être dangereux ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 3 janvier 2012, le mémoire présenté pour la société française d’allergologie, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

La société française d’allergologie soutient que, s’agissant d’une société savante fonctionnant avec des membres bénévoles, le délai de trois mois mis pour obtenir l’aval de son conseil d’administration apparaît raisonnable ; que l’appel de la SFA est bien recevable ; qu’en ce qui concerne le grief de compérage, les faits ont été évoqués en première instance ; que le mail est une publicité à peine déguisée pour l’entreprise qui commercialise des produits diététiques ; au fond, que le Dr C prescrit des conseils diététiques se basant sur des dosages d’IgG anti-aliments qu’il pratique ; qu’il y a bien violation des articles R. 4127-39 et R. 4127-70 du code de la santé publique ; que le marquage CE ne garantit pas l’utilité diagnostique d’un test biologique ; que les 14 références bibliographiques produites par le Dr C ne constituent pas des preuves consistantes ; que la recherche IgG circulantes des anti-aliments est unanimement considérée comme un examen inutile par les sociétés savantes d’immunologie et d’allergologie ; que le mailing constitue bien une publicité mensongère ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 3 février 2012, le mémoire présenté pour le Dr C, tendant au rejet des requêtes ;

Le Dr C soutient, en outre, que les faits soumis au juge de première instance concernent uniquement l’envoi d’un mailing aux prescripteurs habituels du laboratoire ; qu’il en est de même pour les conseils diététiques que le Dr C prodiguerait à ses patients ; que considérer ces examens comme inutiles constitue une appréciation subjective ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 1er mars 2012, le mémoire présenté pour la société française d’allergologie, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

La société française d’allergologie soutient, en outre, que le délit de compérage est intimement lié à la plainte pour publicité mensongère ; qu’il ne s’agit pas de demandes nouvelles ; que la société française d’allergologie comprend des experts internationalement reconnus ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 3 avril 2012, le mémoire présenté pour le Dr C, tendant au rejet des requêtes ;

Le Dr C soutient, en outre, que les intolérances alimentaires ne dépendent en aucun cas du domaine de l’allergologie ; que le mail a été adressé à des médecins souhaitant à leur demande en savoir plus ou, pour la plupart, prescrivant déjà ce procédé à leurs patients ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 27 avril 2012, le mémoire présenté pour la société française d’allergologie, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

La société française d’allergologie soutient que les articles invoqués par le Dr C ont une faible valeur scientifique ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 26 février 2013, le mémoire présenté pour le conseil départemental de la Ville de Paris, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

Le conseil départemental soutient, en outre, que la demande reconventionnelle du Dr C est irrecevable comme n’ayant pas été présentée dans le délai d’appel ; que la juridiction peut qualifier les faits sur d’autres fondements que ceux invoqués par le plaignant dès lors qu’ils ont fait l’objet d’un débat contradictoire ; que le Dr C vante bien les mérites du bilan Sial auprès des médecins mais aussi auprès des patients ; que le bilan Sial peut déboucher sur une attitude de tri, voire d’éradication de certains aliments qui peut être dangereuse ; que le mailing litigieux a été envoyé à plus de 200 médecins ; que ce courrier constituait bien une incitation à la prescription ; que la promotion des tests litigieux a bien été assurée par la société Ysonut sous prétexte d’une conférence organisée le 27 mai 2010 ; que la sanction de l’avertissement est insuffisante ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 mars 2013, le mémoire présenté pour le Dr COHEN, tendant au rejet des requêtes ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 mars 2013 :

- le rapport du Dr Faroudja ;

- les observations de Me Piralian pour le conseil départemental de la Ville de Paris ;

 – le Dr Chabane pour la société française d’allergologie ;

- les observations de Me Job pour le Dr C et celui-ci en ses explications ;

Le Dr C ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la recevabilité de l’appel de la société française d’allergologie :

1. Considérant que la décision attaquée de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a été notifiée à la société française d’allergologie le 27 juin 2011 ; que, le 20 juillet 2011, soit dans le délai d’appel, a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale l’appel formé à titre conservatoire au nom de cette société par son président, le Pr Pascal D ; que cet appel a été régularisé par délibération du 15 septembre 2011 de son conseil d’administration transmise par lettre signée de son président et enregistrée le 27 septembre 2011 ; que, dans ces conditions, ledit appel est bien recevable ;

Sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles du Dr C :

2. Considérant que la même décision attaquée de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a également été notifiée au Dr C le 27 juin 2011 ; que, dans un mémoire enregistré le 15 décembre 2011, soit après l’expiration du délai d’appel, le Dr C a demandé la réformation de cette décision et à être relaxé des fins des poursuites dirigées contre lui ; que le recours incident n’existe pas en matière disciplinaire ; que, par suite, ces conclusions sont tardives et, de ce fait, irrecevables ;

Sur la recevabilité du grief de compérage :

3. Considérant que, s’il est fait mention dans un mémoire de première instance des relations intervenues entre le Dr C et la société Ysonut, à aucun moment le grief de compérage n’a été invoqué par les plaignants en première instance ; qu’il n’en est fait nullement mention dans la décision attaquée ; que le grief de compérage est ainsi nouveau en appel et, par suite, irrecevable ;

Au fond :

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le Dr C, médecin spécialiste en biologie médicale et directeur d’un laboratoire d’analyses médicales sis 187 avenue Victor Hugo à Paris (75116), a adressé à environ 200 de ses confrères au début de l’année 2010 un mail ainsi rédigé : « Chers confrères, Nous avons le plaisir de vous annoncer la mise au point au laboratoire du S I A L : Statut des Intolérances Alimentaires. / L’intolérance alimentaire est une réaction immunitaire très fréquemment observée, aux conséquences multiples, parfois graves. / La corrélation, la plupart du temps méconnue, entre les troubles engendrés et la perturbation du système immunitaire ne peut être affirmée que par la mise en évidence puis le dosage des anticorps spécifiques incriminés (anticorps de type IgG 4)./ Au cours de l’existence, les causes d’installation des intolérances alimentaires sont multiples : alimentation peu variée, pléthorique, faisant appel à des produits manufacturés, transformés, raffinés, enrichis en graisses et en sucres, sédentarité, stress, délabrement du système digestif… Ces mauvaises conditions conduisent à l’augmentation de la porosité intestinale aux macromolécules, la muqueuse devenant alors incapable de procéder au « tri sélectif ». / Le système immunitaire est anormalement stimulé et élabore des anticorps spécifiques dirigés contre ces aliments. / Les conséquences des intolérances alimentaires sont très variées et dépassent les simples troubles digestifs : fatigue chronique, douleurs articulaires, troubles respiratoires, troubles cutanés, perturbations du sommeil, troubles de l’humeur, céphalées, prise de poids intempestive et rebelle, sont les symptômes les plus fréquemment exprimés. / L’intérêt de ce bilan SIAL est double : – le constat permettant d’identifier et de doser les IgG spécifiques des aliments responsables des intolérances – la mise en place d’une stratégie alimentaire basée sur l’éviction plus ou moins longue des aliments incriminés selon le niveau de résultat (1 à 4). / Outre les points ci-dessus, le bilan SIAL peut être l’occasion d’une prise de conscience conduisant à un changement radical des habitudes alimentaires, en particulier en utilisant des produits non industriels, variés, et dans la mesure du possible issus de la filière biologique. / Enfin, nous testons en plus des intolérances aux aliments dans le bilan SIAL les intolérances aux additifs alimentaires (colorants, gélatine, aspartame, glutamate) et autres produits chimiques courants retrouvés dans notre alimentation au quotidien. / Autres fiches techniques disponibles au laboratoire : le bioélectronigramme de Vincent,… / Le profil protéique… l’Oxystress… : profil de stress oxydatif biologique, L’AROMATOGRAMME : étude de l’activité bactéricide des huiles essentielles. » ;

5. Considérant que, si le Dr C soutient que ce courrier avait un objet purement informatif, s’adressant soit à des praticiens faisant déjà appel au bilan Sial, soit à des médecins allergologues de sa connaissance, et ayant pour objet de les informer que son laboratoire était désormais en mesure de réaliser lui-même un bilan jusqu’alors effectué par des laboratoires extérieurs, ce courrier revêt en outre un caractère incitatif à la prescription et, par suite, publicitaire en même temps qu’un caractère trompeur et mensonger en laissant croire que les très nombreux symptômes pathologiques qu’il énumère peuvent trouver leur origine dans des intolérances alimentaires alors qu’ils peuvent relever de toutes autres causes ; que ces indications revêtent de surcroît un caractère dangereux en focalisant l’attention des médecins prescripteurs sur cette hypothèse et en les encourageant à mettre en place une stratégie alimentaire basée sur l’éviction plus ou moins longue des aliments incriminés ; que le procédé ainsi recommandé est, selon les conclusions de la plupart des études menées à son sujet, notamment par les sociétés d’allergologie françaises et étrangères, scientifiquement non fondé, médicalement sans intérêt et potentiellement dangereux ; que le recours excessif à cette technique peut également conduire certains patients à supprimer inconsidérément certains éléments de leur alimentation et à mettre leur santé en danger ; que, ce faisant, le Dr C a contrevenu aux dispositions des articles R. 4127-19 et R. 4127-14 du code de la santé publique et encourt une sanction disciplinaire ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire droit aux appels a minima présentés par le conseil départemental de la Ville de Paris et la société française d’allergologie et de porter la sanction infligée au Dr C de la peine de l’avertissement prononcée par les premiers juges à celle de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée d’un mois ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée d’un mois est infligée au Dr C. Cette décision prendra effet du 1er au 30 septembre 2013 compris.

Article 2 : La décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, en date du 24 juin 2011, infligeant au Dr C la sanction de l’avertissement est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Les conclusions reconventionnelles présentées par le Dr C et tendant à sa relaxe des fins de la poursuite sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Michel C, à la société française d’allergologie (SFA), au conseil départemental de l’ordre des médecins de la Ville de Paris, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet de la Ville de Paris, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, au conseil national de l’Ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par M. Chéramy, conseiller d’Etat honoraire, président ; MM. les Drs Chow-Chine, Cressard, Faroudja, Kennel, Marchi, Wolff, membres.

Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Bruno Chéramy
Le greffier en chef


Isabelle Levard


La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de la santé publique
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