Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 9 juillet 2013, n° 11422

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Résumé de la juridiction

Après avoir constaté que son voisin, masseur-kinésithérapeute, à qui elle envoyait des patients, facturait à ces derniers des actes qu’il n’avait pas exécutés et après avoir appris qu’il avait fait l’objet d’une interdiction d’exercer sa profession prononcée par la chambre disciplinaire de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, a informé la CPAM du comportement de ce professionnel de santé. A conseillé à ses patients de s’adresser à un autre kinésithérapeute. En agissant ainsi, n’a commis aucun manquement déontologique et en n’a pas méconnu l’article R. 4127-68 CSP relatif aux bons rapports que les médecins doivent entretenir avec les membres des professions de santé.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 9 juill. 2013, n° 11422
Numéro(s) : 11422
Dispositif : Rejet de la plainte Annulation

Texte intégral

N° 11422 _______________
Dr Laurence K _______________
Audience du 27 mai 2013
Décision rendue publique par affichage le 9 juillet 2013
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu 1°/, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 14 septembre 2011, la requête présentée pour le Dr Laurence K, qualifiée en médecine générale ; le Dr K demande à la chambre :
- d’annuler la décision n° 4690, en date du 29 août 2011, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, statuant sur la plainte de M. Frédéric O, transmise par le conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un mois ;
- de rejeter la plainte de M. O ;

Le Dr K soutient qu’elle exerce depuis 20 ans la médecine générale à Fos-sur-Mer ; que M. O, masseur-kinésithérapeute, était son voisin et que, jusqu’en 2008, elle lui envoyait des patients et n’avait jamais eu à se plaindre de lui ; qu’il a été condamné, le 7 août 2007, à six mois de prison pour détention d’images pédo-pornographiques et à cinq ans d’emprisonnement dont deux ans avec sursis pour des faits d’agression sexuelle sur mineure ; que, lors de son retour à son cabinet, elle n’a pas changé d’attitude à son égard ; qu’en revanche, à partir du début de 2009, alors qu’elle avait constaté qu’il facturait des actes non exécutés, elle a conseillé à ses patients de s’adresser à un autre kinésithérapeute et a informé la caisse primaire d’assurance maladie de cette situation ; qu’elle a appris, par la directrice de la maison de retraite dont elle suivait quelques résidents, la sanction d’interdiction d’exercer prononcée contre M. O par l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes ; que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre disciplinaire de première instance, elle n’a diffusé aucune information relative à la vie personnelle de M. O, les faits qu’elle a dénoncés étant publics et relatifs à sa vie professionnelle ; que le Dr K n’était pas le médecin traitant de M. O ; qu’elle s’est bornée à une prescription de biologie et à un certificat médical dont il avait besoin dans le cadre de son contrôle judiciaire ; qu’aucun commencement de preuve n’est apporté de dégradations qu’aurait commises le Dr K au détriment de M. O ; qu’eu égard aux faits dont M. O avait été reconnu coupable, elle n’a commis aucune faute en déconseillant à de jeunes patients de s’adresser à lui ; que, dès lors qu’elle avait la preuve d’agissements condamnables de M. O à l’égard de certains patients, il lui appartenait de mettre ceux-ci en garde, de même que la caisse primaire d’assurance maladie ; qu’elle se réserve de mettre en cause la recevabilité de la plainte dirigée contre elle ;

Vu la décision attaquée ;

Vu 2°/, enregistrée comme ci-dessus le 23 septembre 2011, la requête présentée par le conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, représenté par son président en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du 5 septembre 2011, tendant à l’annulation de la même décision n° 4690 de la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, en date du 29 août 2011 ;

Le conseil départemental des Bouches-du-Rhône soutient qu’il était légitime que le Dr K informe les parents de ses patients mineurs du comportement de ce professionnel de santé, comportement qui ne saurait être considéré comme relevant de la « vie privée » ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 22 novembre 2011, le mémoire en défense présenté par M. O, tendant au rejet de la requête du Dr K ;

M. O soutient que le Dr K était son médecin traitant depuis 2006 ; qu’en cette qualité, elle a recueilli sur lui des renseignements couverts par le secret médical ; que le Dr K, qui a reconnu avoir organisé un « complot » contre lui, se livre à un véritable acharnement à son encontre ; qu’ayant purgé la peine qui lui a été infligée pour des faits qu’il a toujours niés, il ne peut pas être puni et jugé une nouvelle fois ; que les accusations du Dr K relatives à des surfacturations ne reposent sur aucun commencement de preuve ; que le Dr K, qui a fait soigner sa propre fille par lui, ne peut s’abriter derrière un prétendu souci de protection des mineurs ; qu’elle a abusé de la confiance de ses propres patients par vengeance, à des fins purement personnelles ; que les faits relatifs à sa vie privée, répandus par le Dr K, lui ont causé un grave préjudice, puisqu’il a dû quitter la région alors qu’il avait réussi à développer à nouveau une clientèle ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 22 novembre 2011, le mémoire présenté par M. O, tendant au rejet de la requête du conseil départemental des Bouches-du-Rhône ;

M. O soutient que cet appel, sur la recevabilité duquel il s’interroge, est motivé par les liens d’amitié existant entre le Dr K et certains membres du conseil départemental ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 22 mars 2012, le mémoire en réplique présenté pour le Dr K, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. O au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Le Dr K soutient, en outre, qu’aucune preuve n’est apportée de ce qu’elle aurait fait état auprès de tiers de confidences ou de faits qu’elle aurait appris dans le cadre des soins qu’elle a pu apporter à M. O ; que, jusqu’à ce qu’elle apprenne la condamnation prononcée contre M. O, elle l’a toujours soutenu ; que c’est seulement après avoir appris cette condamnation, ainsi que l’interdiction d’exercer prononcée par la juridiction ordinale, qu’elle a conseillé à ses patients de s’adresser à un autre kinésithérapeute ; qu’elle n’a eu avec lui que des relations strictement professionnelles ; qu’aucun « complot » n’a été fomenté contre lui ; que les difficultés rencontrées par M. O sont le résultat de ses propres fautes et non des agissements prêtés au Dr K ; que les accusations de M. O contre le Dr K, dont il prétend qu’elle aurait agi contre lui par dépit amoureux, sont ridicules et démenties par les pièces du dossier qui attestent de l’excellente réputation du Dr K ; que les attestations produites par M. O sont suspectes ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 2 mai 2012, le mémoire en duplique présenté par M. O, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, selon les mêmes moyens ;

M. O soutient, en outre, que le Dr K a répandu à son encontre des propos calomnieux et diffamatoires sur des sujets qu’elle connaissait en sa qualité de médecin traitant ; que son déménagement a été motivé par les agissements du Dr K ; qu’elle poursuit son action de harcèlement à son égard ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 29 octobre 2012, le nouveau mémoire, présenté par M. O, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, selon les mêmes moyens ;

M. O expose, en outre, que c’est le Dr K qui vient d’acheter son ancien cabinet, ce qui l’amène à se demander si elle ne l’aurait pas poussé à la faillite pour racheter son local à bas prix ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 23 mai 2013, le nouveau mémoire présenté pour le Dr K, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

Le Dr K soutient, en outre, qu’elle a appris, par une affichette apposée sur la porte du cabinet de M. O, longtemps demeuré vacant, que celui-ci était à vendre ; qu’elle n’est en rien à l’origine de cette mise en vente et qu’on ne saurait lui reprocher d’avoir participé à la vente aux enchères et d’avoir remporté cette vente ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus le 24 mai 2013, les mémoires présentés pour M. O qui demande le renvoi de l’affaire et la réouverture des débats au motif de la production dans l’instance d’une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux, en date du 17 avril 2013, dont il n’a pu discuter ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 mai 2013 :

 – Le rapport du Dr Kennel ;

 – Les observations de Me Mandereau pour le Dr K et celle-ci en ses explications ;

Le Dr K ayant été invitée à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant qu’il résulte de l’instruction que le Dr K, dont le cabinet à Fos-sur-Mer était voisin de celui de M. O, masseur-kinésithérapeute, a entretenu pendant plusieurs années avec celui-ci des relations de bon voisinage, notamment en lui envoyant des patients ; qu’elle n’a pas changé d’attitude lorsque M. O, qui avait été poursuivi pour des faits de détention d’images pédo-pornographiques et d’agressions sexuelles, a été incarcéré, puis lorsqu’il a repris son activité après sa mise en liberté conditionnelle en septembre 2008 ; que c’est seulement au début de l’année 2009, après avoir constaté qu’il facturait à des patients qui étaient aussi les siens des actes qu’il n’avait pas exécutés, qu’elle a informé la caisse primaire d’assurance maladie du comportement de ce professionnel de santé puis, après avoir appris qu’il avait fait l’objet d’une interdiction d’exercer sa profession prononcée par la chambre disciplinaire de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes ; qu’elle a conseillé à ses patients de s’adresser à un autre kinésithérapeute ; qu’en agissant ainsi, le Dr K, dont aucun commencement de preuve n’est apporté de ce qu’elle aurait révélé à des tiers des faits concernant la « vie privée » de M. O ou aurait porté atteinte à ses biens, n’a commis aucun manquement déontologique et en particulier n’a pas méconnu l’article R. 4127-68 du code de la santé publique relatif aux bons rapports que les médecins doivent entretenir avec les membres des professions de santé ;

Considérant qu’il suit de là que le Dr K et le conseil départemental des Bouches-du-Rhône sont fondés à demander l’annulation de la décision de la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse infligeant à ce médecin une interdiction d’exercice de la médecine d’une durée de un mois ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. O le versement au Dr K de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, en date du 29 août 2011, infligeant une sanction disciplinaire au Dr K est annulée.

Article 2 : La plainte de M. O contre le Dr K est rejetée.

Article 3 : M. O versera au Dr K la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Laurence K, à M. Frédéric O, au conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, à la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, au préfet des Bouches-du-Rhône, au directeur général de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Tarascon, au conseil national de l’ordre des médecins et au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Aubin, président de section honoraire au conseil d’Etat, président ; MM. les Drs Blanc, Faroudja, Gicquel, Kennel, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Marie-Eve Aubin
Le greffier en chef


Isabelle Levard


La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 9 juillet 2013, n° 11422