Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 25 novembre 2013, n° 11570

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Résumé de la juridiction

Si le praticien, ophtalmologue, poursuivi a saisi le procureur de la République en lui demandant la mise sous tutelle de son père, avec lequel elle est en conflit d’intérêt à propos de la succesion de sa mère décédée, cette démarche, est étrangère à sa qualité de médecin et ne saurait constituer un manquement à la déontologie. A joint à la demande la lettre d’un neurologue et le certificat du médecin traitant de son père. A supposer qu’elle ait abusé de sa qualité de confrère pour faire pression sur ces praticiens en vue de l’obtention de ces documents, ce qui n’est pas établi, est étranger à sa qualité de médecin. La prescription d’Imovane pendant un mois à son père n’a pas fait courir de risque injustifié à celui-ci. Absence de manquement à la déontologie. Condamnation du requérant à 1 euro de DI en raison du caractère abusif de l’appel.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 25 nov. 2013, n° 11570
Numéro(s) : 11570
Dispositif : Rejet Rejet de la plainte 1 euro de DI

Texte intégral

N° 11570 _______________
Dr Jacqueline A _______________
Audience du 23 octobre 2013
Décision rendue publique par affichage le 25 novembre 2013
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins les 20 février et 22 mars 2012, la requête et le mémoire présentés pour M. Roger G…  ; M. G… demande à la chambre :
- d’annuler la décision n° C.2011-2805, en date du 19 janvier 2012, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a rejeté sa plainte, transmise par le conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne, à l’encontre du Dr Jacqueline A, qualifiée spécialiste en ophtalmologie, et l’a condamné à verser au Dr A une indemnité de 8000 euros pour procédure abusive ;
- de condamner le Dr A à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts :
M. G… soutient que le Dr A lui a prescrit, durant plusieurs semaines, de l’Imovane pour altérer ses facultés mentales au moment où il devait choisir le régime successoral applicable à la succession de son épouse décédée ; qu’elle a produit en justice des certificats de complaisance ; qu’il n’a plus consulté le Dr Philippe R depuis mai 2008 et a consulté un autre médecin, le Dr Cécile B, à partir de février 2009 ; qu’il n’a jamais refusé de suivre des soins ; que les deux médecins ont agi uniquement sur les dires du Dr A, sans vérification personnelle sur sa personne ; qu’elle s’est vu remettre, sciemment ou par tromperie, des certificats de complaisance afin d’appuyer sa demande abusive de mise sous tutelle ; qu’il ne présentait aucun symptôme justifiant sa mise sous tutelle ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 19 avril 2012, le mémoire présenté pour le Dr A, tendant au rejet de la requête et à la condamnation de M. G… à lui verser une indemnité de 40 000 euros en réparation des accusations portées à son encontre ;

Le Dr A soutient que M. G… multiplie les procédures à son encontre pour porter atteinte à sa réputation ; que les procédures successorales engagées sont indépendantes de la présente procédure disciplinaire ; que les certificats des Drs R et C ne sont pas des certificats de complaisance ; qu’il s’agit d’une lettre personnelle que lui a adressée le Dr C ; que le certificat établi par le Dr R se borne à indiquer que M. G… a été son patient de 1998 à 2008 et qu’il ne l’a plus revu en consultation depuis cette date, alors que son état de santé nécessitait un suivi médical ; qu’elle s’est bornée à renouveler épisodiquement la prescription d’un sédatif léger ordonné par le médecin traitant de son père à celui-ci ; qu’elle n’a nullement cherché à altérer ses facultés mentales ; qu’elle n’a jamais traité son père de « clochard » devant le juge des tutelles ; qu’elle a intégralement remboursé son père des prêts qu’il lui avait consentis pour l’achat de son cabinet ; qu’elle ne s’est livrée à aucune violence, physique ou morale, sur la personne de son père ; qu’il appartient à M. G… de saisir les tribunaux civils de ses problèmes familiaux et successoraux ; que la mesure de tutelle préconisée par elle avait pour but de protéger son père et non de le déposséder de ses biens et qu’elle n’a jamais sollicité d’être désignée elle-même comme tutrice ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus le 3 septembre 2012, le mémoire présenté pour M. G…, tendant aux mêmes fins que sa requête, selon les mêmes moyens ;
M. G… soutient, en outre, que la décision attaquée n’établit pas l’absence de faute commise par le Dr A ; que celle-ci lui a prescrit de l’Imovane entre juin et décembre 2008 ; que l’administration de ce médicament à fortes doses sur des périodes relativement longues peut occasionner une détérioration mentale ; que le Dr A a obtenu des certificats de complaisance ou, à tout le moins, a trompé deux collègues pour obtenir les certificats nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de mise sous tutelle ; qu’elle a usé, à cette fin, de sa qualité de médecin ; qu’elle a violé les dispositions des articles R. 4127-3, -5, -28, -51, -47, -109 et -110 du code de déontologie médicale ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus le 17 octobre 2013, le mémoire présenté pour M. G…, tendant aux mêmes fins que sa requête, selon les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l’ordonnance de non-publicité de l’audience établie par le président de la chambre disciplinaire nationale le 4 juin 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience non publique du 23 octobre 2013, les parties ayant été avisées des modifications intervenues dans la composition de la formation de jugement ;

 – Le rapport du Dr Blanc ;

 – Le témoignage du Dr R, convoqué comme témoin à la demande du Dr A ;

 – Le témoignage du Dr C, convoqué comme témoin à la demande du Dr A ;

 – Les observations de Me Kaplan pour le Dr A et celle-ci en ses explications ;

 – Les observations de Me Vega pour M. G… ;

Le Dr A ayant été invitée à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sans qu’il soit besoin de répondre dans la présente décision à la demande de renvoi présentée pour le Dr A ;

1. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. G…, âgé de 90 ans, d’une part et le Dr A, sa fille, médecin ophtalmologiste exerçant à Vitry-sur-Seine, d’autre part, sont en conflit d’intérêt à propos de la succession de Mme Odette D.…, respectivement leur épouse et mère, décédée le 30 juin 2008 ; que les litiges en matière de succession relèvent des tribunaux civils qui sont d’ailleurs saisis en l’espèce ; que la juridiction ordinale ne saurait connaître que des manquements à la déontologie médicale ;

2. Considérant que, si le Dr A a saisi le procureur de la République en lui demandant la mise sous tutelle de son père et sa propre nomination comme tuteur de celui-ci, cette démarche, sans qu’il y ait lieu d’examiner son bien-fondé, est parfaitement étrangère à sa qualité de médecin et ne saurait, par suite, en tout état de cause, constituer un manquement à la déontologie ;

3. Considérant qu’à supposer même que la lettre adressée le 12 mars 2009 par le Dr Luis C, neurologue consulté par M. G…, au Dr A et le certificat concernant M. G…, établi le 17 mars 2009 par le Dr R, médecin traitant de M. G…, constitueraient des documents de complaisance, ce qui d’ailleurs n’est pas établi, cette circonstance ne saurait être imputée à faute au Dr A qui n’en est pas l’auteur ; que le fait que celle-ci ait joint ces deux documents à la demande qu’elle avait adressée au procureur de la République, en vue de la mise sous tutelle de son père, est également étranger à sa qualité de médecin ; qu’il n’est pas établi qu’elle ait abusé de sa qualité de confrère pour faire pression sur les Drs C et R en vue de leur obtention ;

4. Considérant, enfin, que la circonstance que, bien qu’ophtalmologiste, le Dr A ait prescrit une unique fois, le 29 novembre 2008, à l’attention de son père qui souffrait alors de troubles du sommeil, de l’Imovane 7,5 mg pendant un mois n’a pas fait courir à celui-ci un risque injustifié et ne constitue donc pas un manquement à l’article R. 4127-40 du code de la santé publique ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le Dr A n’a commis, en l’espèce, aucun manquement à la déontologie et qu’il y a lieu de confirmer le rejet de la plainte de M. G… prononcé par les premiers juges de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France ;

6. Considérant que M. G… demande que le Dr A soit condamné à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu’il a subi ; que de telles conclusions, qui relèvent de la compétence du juge civil, sont irrecevables devant le juge disciplinaire ;

7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. G… à payer au Dr A la somme de un euro en réparation du préjudice moral que lui a causé son appel qui présente un caractère abusif ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : L’appel de M. G… est rejeté.

Article 2 : M. G… paiera au Dr A la somme de un euro en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de son appel.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Jacqueline A, à M. Roger G…, au conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet du Val-de-Marne, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil, au conseil national de l’ordre des médecins et au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. Chéramy, conseiller d’Etat honoraire, président ; Mme le Dr Rossant-Lumbroso, MM. les Drs Blanc, Cerruti, Emmery, Kennel, membres.

Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Bruno Chéramy


Le greffier en chef


Isabelle Levard


La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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