Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 23 octobre 2014, n° 12298

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Résumé de la juridiction

Radié pour abus de faiblesse sur une patiente, qui lui a vendu en viager sa maison, a souscrit à son profit une assurance vie et lui a fourni une procuration sur ses comptes bancaires. N’a pas retiré immédiatement sa plaque professionnelle et a conservé la mention de son nom et de sa qualité de médecin sur le site internet d’un laboratoire pharmaceutique alors qu’il lui appartenait de les retirer en cas de cessation d’activité. Ayant obtenu en 2012 le DIU de «médecine manuelle-ostéopathie», s’est installé en tant qu’ostéopathe libéral alors qu’étant radié il ne pouvait faire un usage de son diplôme obtenu en qualité de médecin et n’était pas autorisé à exercer. N’a pas indiqué aux autorités universitaires qu’il était radié du tableau et n’a pas informé l’ARS de sa situation. S’il ne peut lui être reproché d’avoir exercé illégalement la médecine, a obtenu son inscription sur la liste des ostéopathes sans fournir des informations complètes sur sa situation.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 23 oct. 2014, n° 12298
Numéro(s) : 12298
Dispositif : Annulation Rejet de la demande de relèvement d'incapacité

Sur les parties

Texte intégral

N° 12298 _______________________
Dr Jean-François F _______________________
Audience du 11 septembre 2014
Décision rendue publique par affichage le 23 octobre 2014
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins les 16 avril, 2 juin et 5 septembre 2014, la requête, le procès-verbal de sa séance du 10 avril 2014 et les mémoires présentés par le conseil départemental de l’ordre des médecins du Loiret, dont le siège est 122 rue du Faubourg Saint Jean à Orléans (45000) ; le conseil départemental demande à la chambre disciplinaire nationale d’annuler la décision n° 246, en date du 19 mars 2014, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du Centre a, en application de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique, accueilli la demande du Dr Jean-François F, qualifié spécialiste en médecine générale et qualifié compétent en médecine appliquée aux sports, tendant à ce qu’il soit relevé de l’incapacité résultant de la décision de la chambre disciplinaire nationale n° 10547, en date du 4 mai 2010, lui infligeant la peine de la radiation du tableau de l’ordre ;

Le conseil départemental soutient, d’une part, que les faits qui sont à l’origine de la radiation du Dr F, consistant en l’abus de faiblesse d’une patiente âgée, Mme André C…, et une immixtion dans la vie privée et dans des affaires de famille sont particulièrement graves, et, d’autre part, que le comportement du Dr F après sa radiation ne permettent pas de lui faire confiance ; qu’il n’a en effet pas réglé complétement la situation comptable résultant de ses relations avec Mme C… ; qu’il s’est inscrit en octobre 2010 à un D.I.U de « médecine manuelle-ostéopathie » sans faire état de sa radiation et qu’il a exercé irrégulièrement la médecine ostéopathique ; que les premiers juges ont fait une appréciation erronée du comportement du Dr F, lequel ne mérite pas de bénéficier des dispositions de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique et d’être relevé de l’incapacité résultant de sa radiation ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 18 août 2014, le mémoire présenté pour le Dr F, tendant au rejet de la requête ;

Le Dr F soutient, en premier lieu, que c’est à juste titre que les premiers juges ont écarté les griefs formulés à son encontre par le conseil départemental et relatifs aux faits qu’il figurait sur la liste des candidats aux élections professionnelles des médecins libéraux organisée en septembre 2010, que son nom et l’adresse de son cabinet figuraient après sa radiation sur le site « internet » d’un laboratoire pharmaceutique et qu’il a retiré avec retard sa plaque professionnelle ; qu’il soutient, en deuxième lieu, que le litige existant avec la famille de Mme C… est désormais clos ; qu’il soutient, en troisième lieu, qu’il a obtenu le D.I.U. de « médecine manuelle-ostéopathie  » et qu’il n’a pas méconnu les dispositions du décret du 25 mars 2007 modifié relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie ; que, depuis octobre 2012, il a exercé l’ostéopathie et non la médecine ; qu’il n’a pas pratiqué d’actes médicaux et que sa plaque professionnelle actuelle mentionne seulement sa qualité d’ostéopathe ; que la décision de la chambre disciplinaire de première instance du Centre doit être confirmée ;

Vu la décision de la chambre disciplinaire nationale n° 10547, en date du 4 mai 2010 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment l’article L. 4124-8 et le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 modifié relatif aux actes et conditions d’exercice de l’ostéopathie ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 septembre 2014 :

 – Le rapport du Dr Fillol ;

 – Les observations des Drs Crossonneau et Puygrenier pour le conseil départemental du Loiret ;

 – Les observations de Me Carpe pour le Dr F et celui-ci en ses explications ;

Le Dr F ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant que, par une décision en date du 4 mai 2010 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, devenue définitive, le Dr F, médecin généraliste, a été radié du tableau de l’ordre des médecins à compter du 1er septembre 2010 ; qu’en octobre 2013, il a demandé à bénéficier des dispositions de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique qui permet de relever un médecin d’une incapacité le frappant trois ans après la décision définitive de radiation ; que, par une décision en date du 19 mars 2014, la chambre disciplinaire de première instance du Centre a relevé le Dr F de son incapacité ; que le conseil départemental du Loiret, au tableau duquel le Dr F était inscrit, fait appel de cette décision ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique : « Après qu’un intervalle de trois ans au moins s’est écoulé depuis une décision définitive de radiation du tableau, le médecin (…) frappé de cette peine peut être relevé de l’incapacité en résultant par une décision de la chambre disciplinaire qui a statué sur l’affaire en première instance. La demande est formée par une requête adressée au président de la chambre compétente. /Lorsque la demande a été rejetée par une décision devenue définitive, elle ne peut être représentée qu’après un délai de trois années à compter de l’enregistrement de la première requête à la chambre disciplinaire de première instance. » ;

3. Considérant que, pour accorder ou refuser le relèvement d’incapacité demandé, les juridictions ordinales sont en droit de tenir compte de la nature et de la gravité des fautes qui ont été à l’origine de la radiation initialement prononcée ; qu’il leur appartient également de prendre en considération le comportement général de l’intéressé postérieurement à sa radiation et notamment sa capacité à exercer à nouveau compte tenu des efforts qu’il a accomplis pour conserver et mettre à jour ses connaissances ;

4. Considérant, en premier lieu, que le Dr F a été sanctionné à la fois pour abus de faiblesse sur une patiente âgée qui lui a vendu en viager sa maison d’habitation et qui a souscrit à son profit un contrat d’assurance vie et pour une immixtion dans des affaires de famille en obtenant une procuration sur les comptes bancaires de sa patiente, en conservant et en archivant ses relevés bancaires et des documents relatifs à ses comptes malgré l’existence d’héritiers ; que, ces fautes sont d’une gravité certaine ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, si le conseil départemental reproche au Dr F d’avoir conservé par devers lui des documents comptables qu’il aurait dû remettre à la famille de sa patiente, il ressort des pièces du dossier que les héritiers de cette dernière ont fait savoir en mai 2014 que le litige était clos en ce qui les concernaient ; que, dans ces conditions, cette rétention de pièces ne saurait, à elle seule, constituer un motif suffisant justifiant un refus de relèvement ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le conseil départemental fait observer que le Dr F n’a pas retiré immédiatement sa plaque professionnelle et que celui-ci a admis avoir quelque peu tardé à déposer sa plaque de médecin généraliste ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que le conseil départemental reproche au Dr F d’avoir laissé figurer son nom sur les listes établies en vue des élections professionnelles du 29 septembre 2010 alors qu’il était radié ; que le Dr F a fait remarquer, à juste titre, que les listes ont été arrêtées le 1er mai 2010, date à laquelle la décision le radiant n’était pas encore rendue ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu’il est également reproché au Dr F d’avoir conservé la mention de son nom et de sa qualité de médecin sur un site internet dit « Docvadis » mis en place par un laboratoire pharmaceutique ; que le Dr F se borne à répondre qu’il ignorait l’existence de ce site, ceci alors que les conditions générales d’utilisation de « Docvadis », versées au dossier, précisent que le site est établi sous la responsabilité de l’utilisateur auquel il appartient notamment de le désactiver en cas de cessation d’activité professionnelle ;

9. Considérant, en sixième lieu, que le conseil départemental met en cause les conditions dans lesquelles le Dr F s’est installé en qualité d’ostéopathe libéral ; que cette critique du comportement du Dr F appelle les observations suivantes ;

10. Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 modifié relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie, dans sa version en vigueur : « L’usage professionnel du titre d’ostéopathie est réservé : /1° Aux médecins, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmiers autorisés à exercer, titulaires d’un diplôme universitaire ou inter-universitaire sanctionnant une formation suivie au sein d’une unité de formation et de recherche de médecine délivré par une université de médecine et reconnu par le Conseil national de l’ordre des médecins. /2° Aux titulaires d’un diplôme délivré par un établissement agréé dans les conditions prévues aux articles 5 à 9 du décret du 25 mars 2007 susvisé ; /3° Aux titulaires d’une autorisation d’exercice de l’ostéopathie ou d’user du titre d’ostéopathe délivrée par le directeur général de l’agence régionale de santé en application des articles 6 ou 16 du présent décret. » et qu’aux termes de l’article 5 du même décret : « L’autorisation de faire usage professionnel du titre d’ostéopathe est subordonnée à l’enregistrement sans frais des diplômes, certificats, titres ou autorisations de ces professionnels auprès du directeur général de l’agence régionale de santé de leur résidence professionnelle. En cas de changement de situation professionnelle, ils en informent cette autorité. /Lors de l’enregistrement, ils doivent préciser la nature des études suivies ou des diplômes leur permettant l’usage du titre d’ostéopathe et, s’ils sont professionnels de santé, les diplômes d’Etat, titres, certificats ou autorisations mentionnés au présent décret dont ils sont également titulaires. /Il est établi, pour chaque département, par le directeur général de l’agence régionale de santé, une liste des praticiens habilités à faire un usage de ces titres, portée à la connaissance du public. » ;

11. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr F a obtenu le 12 juillet 2012 le DIU de « médecine manuelle-ostéopathie » délivré par l’université de Tours au titre de l’année 2011-2012 ; que, le 4 septembre 2012, le directeur de l’agence régionale de santé du Centre enregistrait le diplôme du Dr F et lui indiquait qu’il l’inscrivait sur la liste départementale des ostéopathes ; que, le 1er octobre 2012, le Dr F commençait son activité d’ostéopathe libéral ;

12. Considérant, d’une part, qu’il résulte des dispositions précitées des articles 4 et 5 du décret du 25 mars 2007 que l’usage professionnel du titre d’ostéopathe est réservé aux médecins, titulaires d’un diplôme universitaire sanctionnant une formation en ostéopathie, qui sont autorisés à exercer ; que, dans ces conditions, le Dr F, s’il était en droit de suivre une formation universitaire en ostéopathie en vue d’obtenir le diplôme correspondant, ne pouvait, dès lors qu’il se plaçait dans le cadre de la procédure du 1° de l’article 4 du décret du 25 mars 2007 précité, faire un usage professionnel de son diplôme alors qu’étant radié il n’était pas autorisé à exercer ;

13. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr F n’a pas indiqué aux autorités universitaires qu’il était radié du tableau de l’ordre des médecins et qu’il n’établit pas avoir informé le directeur de l’agence régionale de santé de sa situation professionnelle, le Dr F s’étant borné à déclarer à la chambre disciplinaire nationale qu’il l’aurait averti verbalement ;

14. Considérant, dans ces conditions, que si l’on ne peut reprocher au Dr F d’avoir exercé illégalement la médecine, comme le soutient le conseil départemental, il n’en demeure pas moins qu’il a obtenu son inscription sur la liste des ostéopathes sans fournir des informations complètes sur sa situation professionnelle et que, pour le moins, il ne s’est pas assuré de la régularité de sa démarche auprès des autorités sanitaires compétentes ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le Dr F n’a pas tiré toutes les conséquences de sa radiation ce qui l’a conduit à des négligences relevées notamment aux points 6 et 8 et à adopter un comportement critiquable dans ses démarches en vue d’exercer la profession d’ostéopathe ; que cet ensemble de faits, rapproché de la gravité des fautes ayant entraîné sa radiation, ne permet pas aux autorités ordinales de lui faire la confiance nécessaire pour lui permettre de reprendre son activité de médecin en bénéficiant d’un relèvement d’incapacité, qui, dans les circonstances de l’affaire, paraît prématuré ; que, par suite, le conseil départemental du Loiret est fondé à demander l’annulation de la décision de la chambre disciplinaire de première instance du Centre, en date du 19 mars 2014, ayant relevé le Dr F de son incapacité ; qu’il y a lieu de rejeter la demande de ce dernier tendant à bénéficier des dispositions de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance du Centre, en date du 19 mars 2014, est annulée.

Article 2 : La demande du Dr F tendant à bénéficier des dispositions de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Jean-François F, au conseil départemental de l’ordre des médecins du Loiret, à la chambre disciplinaire de première instance du Centre, au préfet du Loiret, au directeur général de l’agence régionale de santé du Centre, au procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Orléans, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par : M. Franc, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; Mme le Dr Bohl, MM. les Drs Blanc, Emmery et Fillol, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins

Michel Franc
Le greffier en chef


Isabelle Levard

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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