Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 23 octobre 2014, n° 12101

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

A prescrit à une patiente une analyse de sérum sanguin en vue d’établir un «bilan protéique» lequel permettrait de déterminer, grâce à des tests donnant lieu à interprétation par l’ordinateur central d’un laboratoire, le CEIA, l’origine des dysfonctionnements de l’organisme du patient, ainsi qu’un traitement adapté à son état par des plantes, arômes, minéraux ou métaux. A également procédé à un interrogatoire de sa patiente en ayant recours à «l’analyse transgénérationelle» (Psycho-généalogie) consistant à rechercher à travers des dates précises les antécédents familiaux de celle-ci. Reconnaît pratiquer une médecine parallèle et admet que ses méthodes n’ont pas fait l’objet de validation scientifique. A ainsi mis en œuvre des procédés inefficaces et inutiles qui sont des procédés et techniques illusoires en violation des articles R. 4127-8, R. 4127-39 et R. 4127-32 CSP. Utilise ces méthodes sans les trouver critiquables.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 23 oct. 2014, n° 12101
Numéro(s) : 12101
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Réformation Révocation du sursis de 6 mois infligé pour des faits de même nature

Texte intégral

N° 12101
Dr Charlotte A
Audience du 10 septembre 2014
Décision rendue publique par affichage le 23 octobre 2014
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins les 27 septembre et 29 octobre 2013, la requête et le mémoire présentés pour le Dr Charlotte A, qualifiée en médecine générale et titulaire d’une capacité en addictologie clinique avec une orientation en homéopathie ; le Dr A demande à la chambre d’annuler la décision n°13.08.1660, en date du 27 août 2013, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins des Pays-de-la-Loire, sur la plainte du conseil départemental de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique, dont le siège est 8 rue du Cherche-Midi – B.P. 27504 à Nantes cedex 2 (44275), transmise sans s’y associer par le conseil départemental de l’ordre des médecins du Maine-et-Loire, a prononcé à son encontre la sanction de la radiation du tableau de l’ordre ;

Le Dr A soutient que la décision de la chambre de première instance est insuffisamment motivée ; que cette décision, en effet, n’a pas indiqué en quoi la prise de sang qu’elle a prescrite afin de réaliser un bilan protéique ni en quoi les questions qu’elle a posées sur la famille de Mme Laurence L… constituaient des procédés et techniques illusoires et non scientifiquement prouvés, alors même qu’elle a contesté avoir pratiqué, contrairement aux allégations de Mme L…, des actes de magnétisme ; qu’elle n’a pas reconnu les pratiques ainsi qualifiées par la décision attaquée ; que la décision n’expose pas en quoi ses patients sont exposés à des risques de nature à justifier la radiation ; que la prise de sang prescrite pour un bilan protéique n’est pas un procédé illusoire ni insuffisamment éprouvé ; qu’il permet d’aider le praticien à proposer un traitement adapté au patient ; qu’aucun remède n’a été administré car le bilan est resté sans suite ; que les questions posées sur l’entourage de Mme L… se rattachent au problème de sevrage médicamenteux rencontré par cette dernière ; qu’il était normal que la consultation déborde du cadre strictement médical ; qu’aucun autre patient ne s’est plaint de sa pratique ; que la sanction de la radiation est disproportionnée ; que la sanction précédente prononcée en 2008 ne repose pas sur des questions identiques ; qu’il s’agissait d’un traitement par lithothérapie, psycho-généalogie et magnétisme ; qu’aucun de ces procédés ne lui est imputé dans la présente affaire ; qu’il ne pouvait pas lui être reproché une prétendue récidive ; que seuls des actes dangereux peuvent justifier la radiation alors que les actes qui lui sont reprochés ne présentent pas de dangerosité ; que, pour cette autre raison, la sanction est disproportionnée ; que, si une sanction devait être prononcée, elle devrait se limiter à une interdiction temporaire d’exercer la médecine et non conduire à la radiation ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistrées comme ci-dessus le 9 juillet 2014, les observations présentées par Mme L… ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la décision n° 07.28.1419 de la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire, en date du 5 septembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment l’article L. 4124-6 et le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 septembre 2014 :

 – le rapport du Dr Blanc ;

 – les observations de Me Ghestin pour le Dr A et celle-ci en ses explications ;

 – les observations du Dr Maiche pour le conseil départemental de Loire-Atlantique ;

Le Dr A ayant été invitée à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 4127-8 du code de la santé publique : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. / Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. / Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. » ; qu’aux termes de l’article R. 4127-39 du même code : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. / Toute pratique de charlatanisme est interdite.» ; qu’aux termes de l’article R. 4127-32 du code précité : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » ; 2. Considérant que Mme L… a consulté le 6 juillet 2012 le Dr A ; que la patiente soutient qu’au cours de la consultation, qui n’a pu avoir lieu qu’après un délai d’environ une heure et demie en raison du retard du Dr A, cette dernière a pratiqué, sans l’en avertir, du magnétisme, a prescrit une analyse de sang non remboursée devant être effectuée auprès d’un laboratoire particulier (le CEIA), lui a demandé les dates de naissance, de mariage et de décès de membres de sa famille et a tenu des propos désobligeants sur ses proches ;

3. Considérant que, s’il n’est pas contesté que le Dr A est arrivée avec un retard de plus d’une heure et demie à sa consultation avec Mme L…, il n’est pas établi que le Dr A ait pratiqué sur cette dernière du magnétisme ; que, toutefois, le Dr A a exposé à l’audience, devant la chambre disciplinaire nationale, avoir prescrit à Mme L… une analyse de sérum sanguin en vue d’établir un « bilan protéique » lequel permettrait, selon elle, dans les cas médicaux difficiles tel que celui de Mme L…, de déterminer, grâce à des tests donnant lieu à interprétation par l’ordinateur central du laboratoire précité, l’origine des dysfonctionnements de l’organisme du patient, ainsi qu’un traitement adapté à son état par des plantes, arômes, minéraux ou métaux ; qu’elle reconnaît également avoir procédé à un interrogatoire de sa patiente en ayant recours à « l’analyse transgénérationelle » consistant à rechercher à travers des dates précises les antécédents familiaux de celle-ci ;

4. Considérant que, même si elle soutient que, du fait de sa compétence particulière en addictologie et du cas complexe de sa patiente, elle se devait d’avoir une approche globale de cette dernière et de faire appel à des techniques appropriées à son état, le Dr A, qui a reconnu pratiquer une médecine parallèle et admis que les méthodes utilisées n’avaient pas fait l’objet de validation scientifique, doit être regardée comme ayant mis en œuvre des procédés inefficaces et inutiles qui, de plus, sont des procédés et techniques illusoires ou non scientifiquement éprouvés en violation des articles R. 4127-8 et R. 4127-39 précités du code de la santé publique ; qu’il résulte également de sa pratique qu’elle n’a pas délivré à sa patiente des soins consciencieux et fondés sur les données acquises de la science, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 4127-32 du même code ;

5. Considérant que, si les manquements ci-dessus relevés qui sont reprochés au Dr A dans la présente instance justifient le prononcé d’une sanction, toutefois ils ne sont pas de nature à justifier la sanction de la radiation, qui est disproportionnée, prononcée à son encontre par la chambre disciplinaire de première instance ; que le Dr A est fondée à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire a prononcé à son encontre cette sanction ; que cette décision doit être réformée ;

6. Considérant qu’eu égard aux violations des dispositions précitées du code de la santé publique commises par le Dr A, qui reconnaît elle-même utiliser habituellement les méthodes ci-dessus décrites sans les trouver critiquables, il y a lieu de la condamner à l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de six mois ;

7. Considérant, en outre, que le Dr A a été condamnée, le 5 septembre 2008, aux termes d’une décision rendue par la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire devenue définitive, à la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant six mois avec le bénéfice du sursis pour des faits de même nature ; que, les nouveaux faits retenus à l’encontre du Dr A ayant eu lieu dans le délai de cinq ans suivant la notification de la décision du 5 septembre 2008, la chambre disciplinaire nationale décide qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de l’article L. 4124-6 du code de la santé publique, de prononcer le caractère exécutoire de cette peine assortie du sursis et d’infliger, en conséquence, au Dr A, la sanction de l’interdiction d’exercer pendant une durée supplémentaire de six mois ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : La peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant six mois est prononcée à l’encontre du Dr A.

Article 2 : La décision, en date du 5 septembre 2008, de la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire est rendue exécutoire pour la durée du sursis de six mois dont la sanction est assortie.

Article 3 : La peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un an au total, infligée au Dr A par la présente décision, prendra effet le 1er février 2015 et cessera de porter effet le 31 janvier 2016 à minuit.

Article 4 : La décision, en date du 27 août 2013, de la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr Charlotte A, au conseil départemental de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique, au conseil départemental de l’ordre des médecins de Maine-et-Loire, à la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire, au préfet du Maine-et-Loire, au directeur général de l’agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire, au procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Angers, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Laurent, conseiller d’Etat, président ; Mme le Dr Kahn-Bensaude, M. le Pr Zattara, MM. les Drs Blanc, Cerruti, Ducrohet, Fillol, membres.

Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale

Mme Dominique Laurent
Le greffier en chef


Isabelle Levard


La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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