Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 27 octobre 2016, n° 12835

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Résumé de la juridiction

Généraliste a vendu à un patient, pour remédier à ces problèmes de troubles de l’érection, un produit dénommé «Virilis », produit dont l’absorption aurait entraîné chez lui des troubles de natures diverses. Même si le généraliste n’a pas réalisé de profit sur la vente de ce produit, il a méconnu les dispositions combinées des articles R. 4127-19 et R. 4127-21 du CSP qui stipulent qu’est interdite au médecin, non seulement la vente à un patient de tout médicament, mais aussi celle de tout remède ou produit présenté comme ayant un intérêt pour la santé.

A méconnu également les dispositions précitées des articles R. 4127-39 et -40 CSP en prescrivant un produit qui à la date des faits n’avait pas fait l’objet d’études établissant, avec des garanties suffisantes, ses effets sur la santé.

En revanche, il n’est pas prouvé que les affections dont souffre le plaignant ( choroïdite et de troubles de l’érection) soient le résultât des prescriptions du médecin.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 27 oct. 2016, n° 12835
Numéro(s) : 12835
Dispositif : Annulation Blâme

Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 180 boulevard Haussmann – 75008 PARIS
N° 12835 __________________
Dr Jacques B __________________
Audience du 28 septembre 2016
Décision rendue publique par affichage le 27 octobre 2016
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 15 juillet 2015, la requête présentée par M. François F ; M. F demande à la chambre disciplinaire nationale :
– d’annuler la décision n° 269 en date du 18 juin 2015 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du Centre-Val-de-Loire, a rejeté sa plainte, transmise, sans s’y associer, par le conseil départemental de l’Indre de l’ordre des médecins, et formée à l’encontre du Dr Jacques B ;
– de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre du Dr B ; M. F soutient que c’est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce que le « Virilis » n’était pas un médicament pour rejeter le grief tiré de la vente de ce produit ; que l’article 21 du code de déontologie médicale interdit de distribuer à des fins lucratives, non seulement des médicaments, mais aussi tout remède ou produit présenté comme ayant un intérêt pour la santé ; qu’en lui vendant le produit litigieux, le Dr B a manqué à ses devoirs déontologiques et lui a, notamment, fait courir des risques injustifiés dès lors qu’étaient inconnus la composition, et les effets, du produit dont s’agit ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 5 novembre 2015, le mémoire présenté pour le Dr B, qualifié spécialiste en médecine générale, titulaire d’une capacité en addictologie clinique ; celui-ci conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. F à tous les dépens d’appel et de première instance ;
Le Dr B soutient qu’il n’a jamais conseillé à M. F d’appliquer de la glace sur son pénis ; qu’ainsi que l’ont déclaré les premiers juges, le « Virilis » n’est pas un médicament, mais un complément alimentaire ; qu’il n’a retiré aucun bénéfice de la vente de ce produit ;
que le produit en cause est un aphrodisiaque naturel ; qu’avant de prescrire ce produit aux effets placebo, il s’était assuré de l’ancienneté et du sérieux du laboratoire qui le vendait ;
qu’il s’était également assuré de la parfaite innocuité du produit ; qu’il ne propose plus la délivrance de ce complément à l’efficacité pharmacologique plus que discutée depuis 2012 ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 7 décembre 2015, le mémoire présenté pour M. F ; celui-ci reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et conclut, en outre, à la condamnation du Dr B à verser à Me Pire une somme de 1500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; M. F soutient, en outre, que les premiers juges ont commis une erreur de droit en restreignant le champ d’application du premier alinéa de l’article R. 4127-21 aux seuls 1 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 180 boulevard Haussmann – 75008 PARIS médicaments ; que le « Virilis » n’était pas autorisé à la vente sur le marché français et, qu’en particulier, il ne figure pas sur la base de données de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; que la choroïdite dont il souffre est consécutive à la prise de « Cialis » combinée avec la prise de « Virilis » ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 janvier 2016, le mémoire présenté pour le
Dr B ; celui-ci reprend les conclusions de son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Le Dr B soutient, en outre, que la choroïdite dont le requérant fait état, ne saurait résulter de la consommation de l’unique boîte de « Virilis » qu’il a procurée à M. F ; qu’il est devenu, pour ce dernier, un objet obsessionnel, ainsi que l’atteste l’agression qui s’est produite le 30 novembre 2013 ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 7 juin 2016, le mémoire présenté pour M. F ;
celui-ci reprend les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires ; M. F soutient, en outre, qu’ainsi qu’il ressort d’une analyse à laquelle a procédé la DGCCRF, le « Virilis » contient du sildénafil, qui n’est pas autorisé dans les compléments alimentaires et qui constitue le principe actif entrant dans la composition du « Viagra » ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 4 juillet 2016, le mémoire présenté pour le Dr
B ; celui-ci reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Le Dr B soutient, en outre, que, s’agissant de la composition alléguée du « Virilis », il aurait lui-même été trompé par la société commercialisant ce produit ; qu’en tout état de cause, la dose de sildénafil contenue dans une gélule de « Virilis » est insuffisante pour reproduire un effet vasodilatateur ; que rien ne permet d’imputer la choroïdite, diagnostiquée 10 ans après la prise de « Virilis », à cette dernière prise ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 12 juillet 2016, le mémoire présenté pour M. F ; celui-ci reprend les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires ; M. F soutient, en outre, que le Dr B lui a prescrit quatre à six gélules de « Virilis » par prise et, qu’avec une telle posologie, le « Virilis » produisait un effet vasodilatateur ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 24 août 2016, le mémoire présenté pour le Dr
B ; celui-ci reprend les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires ;
Le Dr B soutient, en outre, qu’il a prescrit la prise d’une seule gélule de « Virilis » par jour et qu’il n’a jamais procédé à une prescription conjointe de « Virilis » et de « Cialis » ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
Vu la loi n°2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment son article 37 ;

2 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 180 boulevard Haussmann – 75008 PARIS
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 septembre 2016 :
- Le rapport du Dr Blanc ;
- Les observations de Me Pire pour M. F ;
- Les observations du Dr B ;
Le Dr B ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant, qu’à l’appui de sa plainte formée contre le Dr Jacques B, M. F a invoqué, d’une part, le grief tiré de ce que le Dr B lui aurait, lors d’une consultation donnée en 1988, conseillé, pour remédier à des troubles de l’érection, d’appliquer de la glace sur son pénis, d’autre part, le grief tiré de ce que le Dr B lui a vendu un produit dénommé «
Virilis », produit dont l’absorption aurait entraîné chez lui des troubles de natures diverses ;
que M. F fait appel de la décision de la chambre disciplinaire de première instance ayant rejeté sa plainte ;
Sur le grief tiré du conseil qu’aurait donné le Dr B à M. F lors d’une consultation donnée en 1988 :
2. Considérant que le conseil, qu’aurait donné, en 1988, le Dr B à M. F, d’appliquer de la glace sur son pénis, ne serait, à le supposer intervenu, contraire, ni à l’honneur, ni à la probité, ni aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, et en tout état cause, ce fait reproché doit être regardé comme amnistié en vertu de l’article 11 de la loi d’amnistie du 6 août 2002 ; qu’au reste, ce bénéfice de l’amnistie, retenu par les premiers juges, n’est pas contesté, en appel, par M. F ;
Sur le grief tiré de la vente du « Virilis » :
3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce » ; qu’aux termes de l’article R. 4127-21 du même code : « Il est interdit aux médecins, sauf dérogations accordées dans les conditions prévues par la loi, de distribuer à des fins lucratives des remèdes, appareils ou produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé » ; qu’aux termes de l’article R. 4127-39 du même code : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé » ; qu’aux termes de l’article R. 4127-40 du même code : « le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié » ;
4. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles R. 4127-19 et -21, qu’est interdite au médecin, non seulement la vente à un patient de tout médicament, mais aussi celle de tout remède ou produit présenté comme ayant un intérêt pour la santé ; qu’ainsi, et contrairement à ce qu’ont déclaré les premiers juges, la circonstance que le « Virilis » ne pourrait être regardé comme un médicament, et présenterait le caractère d’un complément alimentaire, n’est 3 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 180 boulevard Haussmann – 75008 PARIS pas de nature, par elle-même, à faire regarder comme non fondé le grief tiré de la vente de ce produit ;
5. Considérant, en second lieu, que le Dr B reconnaît avoir vendu à M. F une boîte de « Virilis », produit qu’il avait acquis sur le site internet du laboratoire américain V3C
Nutrition Foods et qui était présenté comme remédiant aux troubles de l’érection ;
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la vente se serait réalisée sans profit pour le Dr B, que ce dernier, en procédant à la vente de « Virilis » a méconnu les dispositions combinées des articles
R. 4127-19 et R. 4127-21 du code de la santé publique ;
7. Considérant, en outre, qu’il résulte de l’instruction que le « Virilis », à la date à laquelle il a été prescrit, et vendu, par le Dr B, n’avait pas fait l’objet d’études établissant, avec des garanties suffisantes, ses effets sur la santé ; qu’ainsi, en prescrivant ce produit, le Dr B a méconnu les dispositions précitées des articles R. 4127-39 et -40 du code de la santé publique ;
8. Considérant, en revanche, que, si M. F soutient que le comportement professionnel à son égard du Dr B, et notamment les prescriptions de ce dernier, seraient à l’origine d’affections dont il souffre, particulièrement d’une choroïdite et de troubles de l’érection, ces allégations ne sont, en tout état de cause, assorties d’aucune précision permettant de les regarder comme fondées ;
Sur la sanction :
9. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le Dr B, en prescrivant, et en vendant, à M. F du « Virilis », a méconnu les dispositions précitées des articles R. 4127-19,
-21, -39 et -40 du code de la santé publique ; qu’il sera fait une juste appréciation de la gravité de ces manquements en infligeant au Dr B la sanction du blâme ;
Sur l’application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, de condamner le Dr B, partie perdante, non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat de M. F, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, Me Pire, la somme de 1500 euros ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance du Centre-Val-deLoire, en date du 18 juin 2015, est annulée.

Article 2 : Il est infligé au Dr B la sanction du blâme.
Article 3 : le Dr B est condamné à verser à Me Pire la somme de 1500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

4 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 180 boulevard Haussmann – 75008 PARIS
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Jacques B, à M. François F, à Me
Emmanuel Pire, au conseil départemental de l’Indre de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance du Centre, au préfet de l’Indre, au directeur général de l’agence régionale de santé du Centre, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Châteauroux, au conseil national de l’ordre des médecins et au ministre chargé de la santé.
Ainsi fait et délibéré par : M. Lévis, conseiller d’Etat honoraire, président ; Mme le
Dr Kahn-Bensaude, MM. les Drs Blanc, Bouvard, Ducrohet, Emmery, Fillol, membres.

Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Daniel Lévis
Le greffier en chef
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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