Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 27 juin 2016, n° 12705

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Résumé de la juridiction

Plainte d’une infirmière contre un médecin urgentiste en soutenant que des déclarations mensongères de sa part au sujet de la prise en charge d’une patiente à son arrivée au service des urgences étaient à l’origine des poursuites disciplinaires dont elle a fait l’objet de la part de la direction de l’établissement.

Aucune pièce du dossier ni aucune des déclarations faites par les parties à l’audience ne permettant de trancher entre les deux versions contradictoires des événements survenus, qui sont demeurés sans conséquence préjudiciable pour la patiente en cause, il n’y a pas lieu d’infliger une sanction au praticien

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 27 juin 2016, n° 12705
Numéro(s) : 12705
Dispositif : Rejet de la plainte Annulation

Texte intégral

N° 12705 ______________________
Dr Mohammed B ______________________
Audience du 26 mai 2016
Décision rendue publique par affichage le 27 juin 2016
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, 1°/, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale les 10 et 14 avril 2015, la requête présentée pour Mme Annick M ; Mme M demande à la chambre :
- de réformer la décision n° C.2014-3641, en date du 18 mars 2015, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur sa plainte formée contre le Dr Mohammed B, transmise par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, a infligé à ce médecin la sanction du blâme ;
- qu’une sanction plus sévère lui soit infligée ;

Mme M soutient qu’alors qu’elle était infirmière au service des urgences de l’hôpital privé Paul d’Egine (HPPE) à Champigny-sur-Marne (94500), elle a fait l’objet d’une sanction disciplinaire (mise à pied de six jours avec retenue sur salaire) au motif qu’un médecin remplaçant se serait plaint de n’avoir été prévenu qu’à une heure du matin, dans la nuit du 29 au 30 juillet 2013, de l’arrivée, à 20h31, d’une patiente présentant une troponine à 5,35 et, alors qu’elle aurait pris la patiente en charge immédiatement et fait un électrocardiogramme (ECG), de l’avoir renvoyée à l’accueil sans prévenir le médecin ; que la relation des faits à l’origine de la sanction qui lui a été infligée a été faite par l’infirmière responsable des urgences, sur la base d’une relation mensongère de ces faits par le Dr B ; que ce comportement du médecin est à l’origine de sa plainte disciplinaire ; qu’au cours de la réunion de conciliation tenue devant le conseil départemental des Hauts-de-Seine, le médecin a confirmé avoir bien été informé de l’arrivée de la patiente à 20h40 mais n’avoir reçu les résultats de l’ECG qu’après 23h20 ; que la chambre disciplinaire de première instance, pour sa part, a entièrement admis sa version des faits ; qu’elle a considéré que le médecin avait disposé, dès 20h40, des résultats de l’ECG et avait donc donné à l’établissement une version des faits travestie, qui a conduit à sa mise à pied ; que, sur la base de ces faits, la chambre disciplinaire de première instance ne pouvait se limiter à une sanction aussi légère que le blâme ; que la défaillance dont le Dr B l’a faussement accusée, à un moment où il ignorait comment se portait la patiente, aurait pu lui être préjudiciable et que ce serait alors elle qui en aurait été jugée responsable ; que le Dr B a maintenu sa version mensongère des faits à une date où il savait pourtant que la patiente avait été traitée avec succès et malgré sa demande expresse de rétablir la vérité ; que le Dr B est coutumier des approximations ; que, lors de la réunion de conciliation du 11 décembre 2013, il a d’abord affirmé n’avoir été prévenu que tardivement de l’arrivée de la patiente ; qu’il a menti en déclarant être en situation régulière de remplacement pendant la nuit du 29 au 30 juillet 2013 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, 2°/, enregistrée comme ci-dessus le 17 avril 2015, la requête présentée pour le Dr Mohammed B, qualifié spécialiste en médecine générale, titulaire de la capacité de médecine d’urgence, élisant domicile 48 rue des Frères François à Conflans-Sainte-Honorine (78700) ; le Dr B demande à la chambre :
- d’annuler la même décision n° C.2014-3641, en date du 18 mars 2015, de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France ;
- de rejeter la plainte de Mme M ;
- de la condamner à une amende pour plainte abusive ;

Le Dr B soutient que l’incident survenu dans la nuit du 29 au 30 juillet 2013 n’a eu aucune conséquence sur le plan médical ; que Mme M n’a pas été licenciée de son emploi et n’a pas exécuté la sanction prononcée contre elle, s’étant immédiatement mise en arrêt de travail et n’ayant pas, depuis, repris ses fonctions ; que Mme M instrumentalise les instances disciplinaires et cherche à appuyer une action prud’homale et une demande d’indemnités à son employeur ; qu’il maintient ne pas être à l’origine du signalement de l’incident ; que c’est seulement le 4 août 2013 qu’il a remis à la direction de l’hôpital un compte rendu d’incident ; que les pièces versées par Mme M ont été soustraites du dossier médical de la patiente ; qu’il n’a jamais contesté avoir été informé de l’arrivée de la patiente et que c’est donc de façon orientée que la décision mentionne que le Dr B « admet avoir été prévenu de [cette] arrivée » ; que la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a fait une confusion entre le compte rendu d’incident qu’il a établi et le prétendu rapport d’une infirmière chef ; qu’il ne saurait être engagé par les termes d’un document qui n’a pas été produit mais seulement relaté « en substance » par la plaignante elle-même ; que son compte rendu d’incident est postérieur à la convocation de Mme M pour un entretien préalable devant son employeur et ne saurait donc être à l’origine de la sanction infligée à celle-ci ; que le seul document qui accrédite les allégations de Mme M est un document dont elle est elle-même l’auteur ; que le seul fait qu’il a reproché à Mme M est de ne pas lui avoir montré le tracé d’un ECG « franchement pathologique » qu’il a découvert, sans l’avoir lui-même prescrit, dans le dossier de la patiente ; que l’affaire doit être recentrée sur ce seul fait ; que si Mme M était en droit de réaliser un ECG sans prescription médicale, elle ne pouvait se contenter de classer au dossier un ECG franchement pathologique sans alerter le médecin ; que l’ECG versé aux débats par Mme M devant la chambre disciplinaire de première instance confirme en tous points ce qu’il a toujours dit ; que le tracé a été réalisé le 29 juillet 2013 à 20h21 et vu par le Dr B qui y a apposé sa signature à 1h00 ; que, malgré cette confirmation, la chambre disciplinaire de première instance n’en a pas moins considéré qu’il avait « travesti » les faits ; que Mme M, qui semble pourtant avoir un accès facile aux dossiers des patients, n’apporte aucun élément au soutien de ses propres allégations ; qu’au regard des preuves qui lui ont été apportées, les conclusions de la chambre disciplinaire de première instance sont stupéfiantes ; que, lorsqu’il a prescrit une radio des poumons en début de soirée, il était persuadé que l’ECG qui ne lui avait pas été montré était normal ; que la chambre disciplinaire de première instance n’avait pas à se prononcer sur son comportement vis-à-vis de la patiente, mais seulement sur le point de savoir s’il avait « travesti » les faits faisant l’objet de l’incident ; qu’il n’a commis aucun manquement déontologique ; que le rapport qu’il a rédigé n’est pas un rapport de complaisance ; que les termes employés dans ce rapport ne méconnaissent pas l’article R. 4127-68 du code de la santé publique relatif aux rapports des médecins avec le personnel médical ; que Mme M fait preuve d’une malveillance caractérisée à son égard en demandant une aggravation de la sanction prononcée contre lui ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 24 avril 2015, le mémoire présenté pour Mme M, tendant au rejet de la requête du Dr B ;

Mme M soutient, en outre, que le mail du 4 août 2013 du Dr B à l’infirmière chef des urgences ne prouve pas que ce n’est pas lui qui l’a dénoncée dès le 30 juillet 2013 ; que la seule question est de savoir si le Dr B a ou non menti dans le compte rendu d’incident qu’il a fait ; que la mention figurant sur l’ECG : « vu à 1h10 » a pu être ajoutée à n’importe quelle heure ; qu’elle est incompatible avec la prescription d’une radio pulmonaire à 20h35 ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 14 décembre 2015, le mémoire présenté pour Mme M, qui persiste dans ses précédentes conclusions et demande, en outre, que soit mis à la charge du Dr B le versement de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et qu’il soit condamné à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Mme M, qui produit le jugement du conseil de prud’hommes du 30 avril 2015 condamnant son employeur, l’HPPE, soutient, en outre, que le grave préjudice qu’elle a subi est imputable aux déclarations mensongères du Dr B ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 15 janvier 2016, le mémoire présenté pour le Dr B, tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

Le Dr B soutient, en outre, que les conclusions à fin de dommages-intérêts présentées par Mme M démontrent son acharnement ; que le jugement du conseil de prud’hommes dont se prévaut Mme M ne démontre nullement qu’il aurait menti ; que le conseil a écarté le signalement du médecin et censuré l’usage qui en a été fait ;

Vu les lettres du greffe de la chambre disciplinaire nationale, en date du 22 février 2016, indiquant qu’à l’audience sera notamment examinée la question de la recevabilité des conclusions du Dr B tendant à la condamnation de Mme M au paiement d’une amende spécifique pour plainte abusive, dès lors que la condamnation à une telle amende est un pouvoir propre au juge ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 26 février 2016, le mémoire présenté pour Mme M tendant aux mêmes fins que sa requête selon les mêmes moyens ;

Mme M soutient, en outre, que les conclusions du Dr B aux fins d’amende pour appel abusif ne sont pas recevables ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de son article 75 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 mai 2016 :

 – Le rapport du Dr Fillol ;

 – Les observations de Me Lemoyne de Forges pour Mme M et celle-ci en ses explications ;

 – Les observations de Me Arebalo-Camus pour le Dr B et celui-ci en ses explications ;

Le Dr B ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant que Mme M, infirmière au service des urgences de l’hôpital privé Paul d’Egine à Champigny-sur-Marne (94500), a porté plainte contre le Dr B, médecin urgentiste remplaçant dans cet établissement au cours de la nuit du 29 au 30 juillet 2013, en soutenant que des déclarations mensongères de sa part au sujet de la prise en charge d’une patiente, cette nuit-là, étaient à l’origine des poursuites disciplinaires dont elle a fait l’objet de la part de la direction de l’établissement ; que la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a fait droit à cette plainte et prononcé contre le Dr B la sanction du blâme ; qu’en appel, le Dr B demande l’annulation de cette sanction et Mme M son aggravation ;

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à l’arrivée au service des urgences, le 29 juillet 2013 à 20h21, d’une patiente présentant un taux de troponine à 5,35, Mme M l’a prise en charge et a effectué un ECG ; que, si le Dr B ne conteste pas avoir été aussitôt informé de l’arrivée de cette patiente, il soutient n’avoir eu connaissance des résultats de l’ECG hautement pathologique qu’à une heure du matin, heure à laquelle il a apposé son visa sur le document graphique de l’examen alors que Mme M affirme de son côté avoir immédiatement informé le Dr B des résultats de l’ECG et qu’aucun retard ne pouvait lui être imputé ;

3. Considérant qu’aucune pièce du dossier ni aucune des déclarations faites par les parties à l’audience ne permet de trancher entre ces deux versions contradictoires des événements survenus cette nuit-là, demeurés sans conséquence préjudiciable pour la patiente en cause ; qu’en particulier, la prescription d’une radio pulmonaire par le Dr B, à 20h40, n’est pas la preuve qu’il avait, dès ce moment-là, pris connaissance des résultats de l’ECG ; que, dans ces conditions, ne peut être regardé comme établi le caractère mensonger de son courriel du 4 août 2013 dans lequel il énonce que : « (…) vers 23 h j’ai demandé un nouveau dosage de troponine et suite à l’appel du labo, vers 00h donnant une tropo à 7, j’ai demandé à l’IDE d’installer la patiente en box, malgré la présence encore de nombreux patients arrivés entre 18h et 20h. J’ai à ce moment regardé l’ECG de cette patiente, ECG franchement pathologique (…) J’ai demandé à l’IDE pourquoi elle ne m’a pas montré l’ECG dès sa réalisation (…) elle me dit que l’ECG était dans le dossier et que je l’ai vu. Je lui dis que personnellement je signe les ECG vus. Et ce n’était pas le cas (…) » ; qu’aucune sanction ne peut, dès lors, lui être infligée ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Dr B est fondé à demander l’annulation de la décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France lui infligeant la sanction du blâme et que Mme M n’est, en conséquence, pas fondée à demander l’aggravation de cette sanction ;

Sur les autres conclusions :

5. Considérant que si le juge ordinal peut, en application de l’article R. 741-12 du code de justice administrative, prendre l’initiative d’infliger une amende à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive, cette faculté constitue un pouvoir propre du juge dont les parties ne sont pas recevables à demander qu’il soit fait usage ; que les conclusions du Dr B tendant à ce qu’une amende soit infligée à Mme M ne peuvent, dès lors et en tout état de cause, qu’être rejetées ;

6. Considérant que l’appel du Dr B, auquel la présente décision fait droit, ne présente aucun caractère abusif ; qu’il s’ensuit que les conclusions de Mme M tendant à obtenir des dommages-intérêts ne peuvent qu’être rejetées ; que ne peuvent, de même, qu’être rejetées ses conclusions tendant à obtenir le versement d’une somme au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, en date du 18 mars 2015, est annulée.

Article 2 : La requête et la plainte de Mme M sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du Dr B est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Mohammed B, à Mme Annick M, au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet des Hauts-de-Seine, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, au conseil national de l’ordre des médecins et au ministre chargé de la santé.

Article 5 : Le conseil départemental du Pas-de-Calais de l’ordre des médecins recevra copie, pour information, de la présente décision.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Aubin, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; Mme le Dr Parrenin, M. le Pr Zattara, MM. les Drs Emmery, Fillol, Mozziconacci, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Marie-Eve Aubin
Le greffier en chef
François-Patrice Battais

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