Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 6 mars 2020, n° 14113

  • Ordre des médecins·
  • Sanction·
  • Consultation·
  • León·
  • Interdiction·
  • Santé publique·
  • Médecine générale·
  • Instance·
  • Radiation·
  • Déontologie

Résumé de la juridiction

Généraliste a reçu une patiente en raison de fièvre, de toux et d’une cystite supposée. Le praticien a fait valoir qu’en massant le buste dénudé et le pubis de la patiente, après lui avoir demandé de retirer son soutien-gorge, il a pratiqué sur elle des gestes de thérapie manuelle pour lever les contractures qu’il avait constatées. Toutefois, la patiente ne lui avait pas fait part de douleurs dorsales ou cervicales et il ne disposait d’aucune qualification en matière de massage, comme l’a relevé l’arrêt de la cour d’appel. Le praticien qui reconnait avoir introduit des doigts dans le vagin de la patiente et soutient l’avoir fait dans le cadre d’un examen gynécologique classique destiné à confirmer un diagnostic de vulvo-vaginite, n’a toutefois effectué à cette occasion aucun prélèvement, ni relevé la température de la patiente alors que ces éléments auraient été utiles au diagnostic. Les agissements du praticien lors de la consultation, qui ne correspondent pas à celles d’un médecin généraliste sollicité pour des symptômes de toux et de démangeaisons vaginales, constituent une violation grave des règles de déontologie médicale, notamment des dispositions de l’article R. 4127-2 du code de la santé publique.

Chercher les extraits similaires

Sur la décision

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
N° 14113
Dr A
Audience du 23 octobre 2019
Décision rendue publique par affichage le 6 mars 2020
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu la procédure suivante :
Par une plainte, enregistrée le 11 septembre 2014 à la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire de l’ordre des médecins, transmise par le conseil départemental de la Mayenne de l’ordre des médecins, qui s’y est associé, Mme B a demandé à cette chambre de prononcer une sanction à l’encontre du Dr A, qualifié spécialiste en médecine générale.
Par une décision n° 14.18.1704 du 12 juillet 2018, la chambre disciplinaire de première instance a prononcé la sanction de la radiation du tableau de l’ordre des médecins à l’encontre du Dr A.
Par une requête enregistrée le 6 août 2018, le Dr A demande à la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins :
1° d’annuler cette décision ;
2° de rejeter la plainte de Mme B.
Il soutient que :
- le jugement du 26 octobre 2017, par lequel le tribunal correctionnel de Laval l’a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés, l’a condamné, à titre principal à un emprisonnement délictuel de trois ans assorti d’un sursis de deux ans avec mise à l’épreuve et, à titre de peine complémentaire à l’interdiction définitive d’exercer une activité médicale entraînant un contact physique avec les patients, a été frappé d’appel ; par suite il y a lieu pour la chambre disciplinaire nationale de surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive du juge pénal ;
- il existe un doute sérieux sur le contenu des allégations de Madame B contre lui comme sur ses intentions au cours de la consultation du 17 mars 2014, par suite les motifs de la décision de première instance ne sont pas de nature à justifier la sanction de radiation ;
- la contradiction, relevée par la décision de première instance, entre ses premières déclarations au juge d’instruction, à un moment où il ne se souvenait pas de la consultation de Mme B du 17 mars 2014, et la précision de son récit ultérieur était liée à l’état de choc qui résultait de l’annonce de sa mise en examen ;
- la décision de première instance n’a pas pris en compte sa personnalité et son parcours professionnel.
Par une ordonnance du 22 juillet 2019, le président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a décidé qu’il serait statué sur cette affaire en audience non publique.

1 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
Par une lettre, enregistrée le 31 juillet 2019, le Dr A transmet l’arrêt en date du 4 juin 2019 par lequel la cour d’appel d’Angers confirme le jugement de première instance, ensemble le pourvoi en cassation du Dr A.
Par un mémoire, enregistré le 1er août 2019, Mme B transmet également l’arrêt en date du 4 juin 2019 par lequel la cour d’appel d’Angers confirme le jugement de première instance ; elle reprend les termes du mémoire complémentaire présenté devant la chambre disciplinaire de première instance, par lequel elle demandait le prononcé d’une sanction au motif que les gestes du Dr A étaient ceux d’un agresseur sexuel et non ceux d’un praticien.
Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2019, le Dr A conclut, à titre liminaire, à ce que la chambre disciplinaire nationale sursoie à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de cassation, à titre principal au rejet de la plainte de Mme B et à titre subsidiaire à ce que la sanction soit ramenée à de plus justes proportions.
Il soutient que :
- la sanction prononcée en première instance est particulièrement lourde, au regard de la matérialité des faits qui lui sont reprochés, alors que la motivation de la sanction ne repose que sur la parole de trois patientes ;
- il n’appartient pas au juge disciplinaire d’apprécier les choix techniques effectués par le praticien ;
- le fait d’avoir oublié de demander à la patiente le règlement de la consultation et de lui remettre une ordonnance, qui n’a été dû qu’à sa fatigue et à sa surcharge de travail, ne manifeste pas sa culpabilité ;
- la variation dans ses déclarations relatives à la consultation ne constitue pas un motif justifiant la sanction de la radiation, alors que Mme B a fait une interprétation erronée des gestes pratiqués ;
- de nombreuses décisions disciplinaires concernant des médecins condamnés pénalement pour des faits similaires à ceux allégués par Mme B ont prononcé des sanctions d’interdiction temporaire d’exercer la médecine n’excédant pas 18 mois ; en outre le juge pénal n’a pas prononcé sa radiation du tableau, mais seulement une interdiction définitive d’exercer une activité médicale entraînant un contact physique avec les patients.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience non publique du 23 octobre 2019 :
- le rapport du Dr Ducrohet ;
- les observations de Me Fillion et de Me Benhaïm pour le Dr A et celui-ci en ses explications ;
- les observations du Dr Ollivier pour le conseil départemental de la Mayenne de l’ordre des médecins.
Le Dr A a été invité à reprendre la parole en dernier.

2 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
Considérant ce qui suit :

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Aux termes de l’article R. 4127-2 du code de la santé publique : « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité ».
2. Il résulte de l’instruction que Mme B, qui s’est présentée à la consultation de médecine générale du Dr A le 17 mars 2014 en raison de fièvre, de toux et d’une cystite supposée, affirme avoir été, à cette occasion, victime, de la part du Dr A, de gestes constitutifs d’une agression sexuelle, caractérisée par des massages sur son buste dénudé et son pubis et par l’introduction de ses doigts dans son vagin. Le Dr A nie toute connotation sexuelle à ces gestes, qui relèveraient d’un examen clinique normal.
Sur les conclusions à fin de sursis à statuer présentées par le Dr A :
3. Les conclusions tendant à ce qu’il soit sursis à statuer jusqu’à l’intervention de la décision définitive du juge pénal sont devenues sans objet depuis l’intervention de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers en date du 4 juin 2019, dont les constatations s’imposent indépendamment du pourvoi en cassation du Dr A.
Au fond :
4. Si le Dr A fait valoir qu’en massant le buste dénudé et le pubis de Mme B, après lui avoir demandé de retirer son soutien-gorge, il a pratiqué sur elle des gestes de thérapie manuelle pour lever les contractures qu’il avait constatées, toutefois Mme B ne lui avait pas fait part de douleurs dorsales ou cervicales et il ne disposait d’aucune qualification en matière de massage, comme l’a relevé l’arrêt de la cour d’appel d’Angers. En outre, le Dr A, qui reconnaît avoir introduit des doigts dans le vagin de Mme B et soutient l’avoir fait dans le cadre d’un examen gynécologique classique destiné à confirmer un diagnostic de vulvovaginite, n’a toutefois effectué à cette occasion aucun prélèvement, ni relevé la température de Mme B alors que ces éléments auraient été utiles au diagnostic. Les pratiques du Dr A lors de la consultation de Mme B, qui ne correspondent pas à celles d’un médecin généraliste sollicité pour des symptômes de toux et de démangeaisons vaginales, constituent une violation grave des règles de déontologie médicale, notamment des dispositions de l’article R. 4127-2 du code de la santé publique.
5. Il résulte de ce qui précède que le Dr A, qui au surplus avait varié dans ses différentes déclarations sur la consultation, a demandé à Mme B, à l’issue de la consultation, de prendre un nouveau rendez-vous quelques jours plus tard en fin de consultation, et n’a pas demandé de règlement à sa patiente, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la chambre disciplinaire de première instance lui a infligé une sanction.
Toutefois, il sera fait une exacte appréciation de la faute commise en l’espèce par le Dr A en prononçant une peine d’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de trois ans.
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
er
Article 1 : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de trois ans est prononcée à l’encontre du Dr A.

3 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS CEDEX 17
Article 2 : La décision de la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire de l’ordre des médecins du 12 juillet 2018 est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois ans infligé par la er présente décision prendra effet le 1 juin 2020 à 0 h 00 et cessera de porter effet le 31 mai 2023 à minuit.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr A, à Mme B, au conseil départemental de la Mayenne de l’ordre des médecins, au conseil départemental de la Manche de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance des Pays-de-la-Loire de l’ordre des médecins, au directeur général de l’agence régionale de santé de Normandie, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Cherbourg, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par : M. Méda, conseiller d’Etat, président ; Mme le
Dr Parrenin, MM. les Drs Blanc, Bouvard, Ducrohet, membres.
Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Maurice Méda
Le greffier en chef
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

4

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de la santé publique
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 6 mars 2020, n° 14113