Résumé de la juridiction
Généraliste a accepté d’assister un patient dans le cadre d’une expertise judiciaire en qualité de médecin conseil. Si le patient soutient que le praticien n’a pas communiqué à l’expert judiciaire la totalité des documents qu’il lui avait remis, il n’indique cependant pas quels sont ces documents et, de plus, il n’appartenait à l’évidence pas au médecin conseil de décider quelles pièces devaient être transmises à l’expert judiciaire. Une telle décision ne pouvant appartenir qu’au patient lui-même.
Le patient reproche au praticien d’avoir accordé un poids excessif à l’opinion du praticien missionné par l’assureur, alors qu’un autre expert avait conclu à l’imputabilité de la pathologie de la hanche à l’accident. Il ne saurait néanmoins reprocher au médecin conseil qu’il avait choisi de lui avoir fait part, soit directement soit par l’intermédiaire de son avocat, de l’opinion médicale qu’il avait forgée, loyalement et en conscience, à l’issue d’un examen des éléments du dossier dont rien, et notamment pas le fait que cette opinion n’était pas ce que le patient aurait souhaité qu’elle fût, ne permet d’estimer qu’il avait été insuffisamment approfondi ou entaché de parti-pris. Si le praticien n’a pas pris en compte les comptes rendus transmis par l’hôpital L, où le patient avait été admis après son accident, il soutient sans être utilement contredit, que ces documents n’ont pas été soumis à son examen.
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Sur la décision
| Référence : | CNOM, 22 juil. 2021, n° -- 13992 |
|---|---|
| Numéro(s) : | -- 13992 |
| Dispositif : | Rejet Rejet de la requête, Rejet de la plainte au fond |
Texte intégral
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17
N° 13992 __________________
Dr A __________________
Audience du 20 mai 2021
Décision rendue publique par affichage le 22 juillet 2021
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu la procédure suivante :
Par une plainte, enregistrée le 10 octobre 2016 à la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse de l’ordre des médecins, transmise par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l’ordre des médecins, qui ne s’y est pas associé, M. B a demandé à cette chambre de prononcer une sanction à l’encontre du Dr A, médecin généraliste.
Par une décision n° 5578 du 20 avril 2018, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté cette plainte.
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, M. B demande à la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins :
1° d’annuler cette décision ;
2° de faire droit à sa plainte ;
3° de condamner le Dr A à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- le Dr A a manqué à son devoir d’information et de conseil préalablement à l’expertise en ne communiquant pas à l’expert judiciaire l’ensemble des documents médicaux qui lui avaient été transmis ;
- le Dr A a accordé une importance excessive au rapport du Dr D, expert missionné par la compagnie d’assurances Axa France, et n’a pas suffisamment cherché à former sa propre opinion éclairée, alors que le Dr E dans son rapport du 7 mars 2016 a reconnu la pathologie de la hanche droite imputable à l’accident ;
- lors de l’expertise, le Dr A a adopté une attitude desservant ses intérêts, allant jusqu’à affirmer que l’ostéonécrose était préexistante à l’accident, ce qui est contraire aux constatations de l’hôpital L lors de son admission après l’accident ; cette attitude a considérablement influencé la rédaction du rapport d’expertise ;
- postérieurement à l’expertise, qu’il a décidé de contester, le Dr A s’est complètement désintéressé du dossier.
1 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17
Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2018, le Dr A conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés, et plus particulièrement que :
- un éventuel manquement à ses obligations contractuelles envers M. B en tant que médecin de recours n’est pas pour autant un manquement déontologique ;
- il n’a commis aucun manquement déontologique ;
- il a donné un avis loyal au conseil de M. B en estimant que la pathologie de la hanche ne pouvait être regardée comme imputable à l’accident ;
- il a recommandé, comme les autres médecins intervenant à l’expertise, que soit sollicité le Pr G, sommité en la matière, pour émettre son avis comme sapiteur ; l’avis du Pr G n’est toutefois pas allé dans le sens des prétentions de M. B ;
- il a pris en considération l’ensemble des documents médicaux que M. B a bien voulu lui fournir ; les comptes rendus médicaux relatifs à l’hospitalisation de l’intéressé à l’hôpital L après son accident ne lui ont pas été communiqués, ainsi qu’il l’écrivait le 30 octobre 2015 à Me Gobert.
Par des courriers du 30 mars 2021, les parties étaient informées que la décision qui serait prise dans cette affaire est susceptible d’être fondée sur un moyen, qui ne figure pas dans les mémoires et qui, étant d’ordre public, doit être relevé par le juge, tiré de l’irrecevabilité des conclusions de M. B tendant à la condamnation du Dr
A à lui verser des dommages et intérêts dès lors que la juridiction ordinale est incompétente pour en connaître.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de l’article 75.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 20 mai 2021 :
- le rapport du Dr Masson ;
- les observations de Me Laubier pour M. B, absent.
Considérant ce qui suit :
APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Il résulte de l’instruction que, le 7 juillet 2006, alors qu’il se rendait sur son lieu de travail, M. B a été victime d’un accident de la circulation qui a notamment occasionné une fracture de la malléole externe droite, traitée par immobilisation plâtrée jusqu’au 28 août 2006. Peu après, la survenue de vives douleurs au niveau de l’aine droite 2
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DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17 conduisait à des explorations complémentaires qui mettaient en évidence une ostéonécrose de la tête fémorale droite ainsi qu’une ostéonécrose débutante de la tête fémorale gauche. M. B a reçu des prothèses totales de la hanche droite en janvier 2008, et gauche en février 2011. Considérant que ces pathologies étaient en relation avec son accident du 7 juillet 2006, M. B en a recherché l’indemnisation. Le tribunal de grande instance de Marseille a désigné un expert, le Dr K, aux fins de déterminer l’étendue, la nature et l’origine de ses préjudices. M. B a demandé au Dr A de l’assister dans le cadre de cette expertise judiciaire, en qualité de médecin conseil.
Estimant avoir à se plaindre de la manière dont le Dr A s’est acquitté de cette mission, il a déposé plainte à son encontre devant la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse de l’ordre des médecins. Il fait appel de la décision du 20 avril 2018 par laquelle cette chambre a rejeté sa plainte.
Sur la plainte de M. B :
2. Aux termes de l’article R. 4127-3 du code de la santé publique : « Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ». Aux termes de l’article
R. 4127-28 du même code : « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ». Aux termes de l’article R. 4127-106 : « Lorsqu’il est investi d’une mission, le médecin expert doit se récuser s’il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu’elles l’exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent code ». Aux termes de l’article R. 4127-107 : « Le médecin expert doit, avant d’entreprendre toute opération d’expertise, informer la personne qu’il doit examiner de sa mission et du cadre juridique dans lequel son avis est demandé ».
Aux termes de l’article R. 4127-108 : « Dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées. Hors de ces limites, il doit taire tout ce qu’il a pu connaître à l’occasion de cette expertise. / Il doit attester qu’il a accompli personnellement sa mission ».
3. M. B soutient, en premier lieu, que le Dr A a manqué à ses obligations en ne communiquant pas à l’expert judiciaire la totalité des documents qu’il lui avait remis. Il n’indique cependant pas quels sont les documents qu’il reproche à l’expert d’avoir conservés par devers lui. Au demeurant, il n’appartenait à l’évidence pas au médecin conseil, qui n’avait d’ailleurs été destinataire que de copies, M. B conservant les originaux, de décider quelles pièces devaient être transmises à l’expert judiciaire, une telle décision ne pouvant appartenir qu’à M. B lui-même. Il suit de là que le grief doit être écarté.
4. M. B reproche, en deuxième lieu, au Dr A d’avoir accordé un poids excessif à l’opinion du Dr D, alors qu’un autre expert, le Dr E, avait conclu à l’imputabilité de la pathologie de la hanche à l’accident. Il ne saurait néanmoins reprocher au médecin conseil qu’il avait choisi de lui avoir fait part, soit directement soit par l’intermédiaire de son avocat, de l’opinion médicale qu’il avait forgée, loyalement et en conscience, à l’issue d’un examen des éléments du dossier dont rien, et notamment pas le fait que cette opinion n’était pas ce que M. B aurait souhaité qu’elle fût, ne permet d’estimer qu’il avait été insuffisamment approfondi ou entaché de parti-pris. Si le Dr A n’a pas pris en compte les comptes rendus transmis par l’hôpital L, où M. B avait été admis 3
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DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17 après son accident, il soutient sans être utilement contredit, que ces documents n’ont pas été soumis à son examen.
5. En troisième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que, dans le courant de l’expertise judiciaire, le Dr A aurait exprimé des points de vue contraires aux intérêts de M. B.
6. Enfin, si M. B reproche au Dr A de s’être désintéressé de son dossier après que l’expert judiciaire a remis ses conclusions, il n’établit pas que la mission contractuelle du médecin conseil devait se poursuivre au-delà de l’expertise judiciaire de sorte que ce grief, qui n’est au demeurant pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé, ne peut qu’être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision qu’il attaque.
Sur les conclusions tendant à l’octroi d’une indemnité :
8. La juridiction ordinale n’est pas compétente pour connaître des conclusions de M. B tendant à ce que le Dr A soit condamné à l’indemniser du préjudice qu’il estime avoir subi. En tout état de cause, la présente décision ne retenant aucun manquement déontologique à l’encontre du Dr A, ces conclusions, qui sont, en outre, nouvelles en cause d’appel, ne pourraient qu’être rejetées.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Les dispositions du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge du Dr A qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B la somme de 1 500 euros à verser au Dr A à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : M. B versera au Dr A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr A, à M. B, au conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse de l’ordre des médecins, au directeur général de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille, au conseil national de l’ordre des médecins et au ministre chargé de la santé.
4 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17
Ainsi fait et délibéré par : M. Seban, conseiller d’Etat, président ; Mmes les
Drs Bohl, Gros, Masson, M. le Dr Ducrohet, membres.
Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Alain Seban
Le greffier en chef
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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