Conseil constitutionnel, décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail

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Sur la décision

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 28 juin 1979 par MM Georges Fillioud, Pierre Joxe, Alain Richard, André Delehedde, Jean-Pierre Cot, Louis Besson, Edmond Vacant, Jean Auroux, André Cellard, Henri Emmanuelli, Robert Aumont, Bernard Derosier, Michel Crépeau, François Massot, Raoul Bayou, Pierre Mauroy, Pierre Prouvost, Alex Raymond, Maurice Faure, Raymond Julien, Roger Duroure, Marcel Garrouste, Dominique Dupilet, Henri Darras, René Gaillard, Hubert Dubedout, Gérard Bapt, Jacques Santrot, Jacques Antoine Gau, Louis Darinot, Joseph Franceschi, Yvon Tondon, Mme Marie Jacq, MM Rodolphe Pesce, Christian Laurissergues, Alain Vivien, Roland Huguet, Jean Laborde, Jacques Lavédrine, Alain Chénard, Pierre Lagorce, Pierre Jagoret, Raymond Forni, Martin Malvy, Paul Quilès, Mme Edwige Avice, MM Roland Beix, Maurice Brugnon, Georges Lemoine, André Billardon, François Autain, Alain Hautecoeur, Claude Evin, Henri Lavielle, André Saint-Paul, Lucien Pignion, Louis le Pensec, Claude Michel, François Abadie, Paul Duraffour, Guy Bêche, Maurice Andrieu, Charles Pistre, Christian Pierret, Dominique Taddéi, députés à l’Assemblée nationale et le 6 juillet 1979 par MM Marcel Champeix, Maxime Javelly, Georges Dagonia, Marcel Mathy, Maurice Vérillon, Roger Quilliot, Raymond Courrière, Pierre Noé, Philippe Machefer, André Méric, Jacques Carat, Gilbert Belin, Emile Durieux, Jean Nayrou, Louis Perrein, Franck Sérusclat, Noël Berrier, Edgar Tailhades, Robert Schwint, Robert Pontillon, Robert Guillaume, Gérard Minvielle, Bernard Parmantier, Roland Grimaldi, Jean Geoffroy, Georges Spénale, Marcel Brégégère, Léon Eeckhoutte, Félix Ciccolini, Charles Alliès, Maurice Janetti, Michel Moreigne, Roger Rinchet, René Chazelle, André Barroux, Edgard Pisani, Mlle Irma Rapuzzi, MM Michel Darras, Robert Laucournet, Guy Durbec, Claude Fuzier, Jean Péridier, Albert Pen, Henri Tournan, Louis Longequeue, Antoine Andrieux, Marcel Debarge, Henri Duffaut, Jacques Bialski, Tony Larue, Mme Cécile Goldet, MM Paul Mistral, Jean Varlet, Bernard Chochoy, Maurice Pic, Edouard Soldani, Marcel Souquet, Emile Vivier, Robert Lacoste, France Lechenault, Josy Moinet, Jean Filippi, Jean Béranger, Sénateurs dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, telle qu’elle a été adoptée par le Parlement.

Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de cette ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant qu’aux termes du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 : « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; qu’en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ; que ces limitations peuvent aller jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ;
2. Considérant que les dispositions contenues au paragraphe I de l’article 26 de la loi du 7 août 1974, tel qu’il est modifié par la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, se bornent à réglementer les conditions dans lesquelles doit être déposé le préavis de grève ; que ce texte n’est contraire à aucune disposition de la Constitution ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
3. Considérant qu’il en va de même des dispositions du paragraphe II du même article qui, après avoir indiqué les conditions dans lesquelles doivent être assurées la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision, prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application de ces conditions, conformément à la répartition des compétences opérée entre le domaine de la loi et celui du règlement par les articles 21, 34 et 37 de la Constitution ;
4. Considérant que si, dans ce même paragraphe II de l’article unique de la loi, le législateur fait usage du terme « requérir », s’agissant des appels qui peuvent être éventuellement adressés aux catégories de personnels dont le concours peut être indispensable pour l’exécution de la mission ci-dessus rappelée des sociétés de programme et de l’établissement public de diffusion, il résulte clairement des débats parlementaires et des déclarations faites à cette occasion par le ministre de la culture et de la communication qu’en usant de ce terme la loi ne se réfère pas au droit de réquisition tel qu’il résulte de l’ordonnance du 6 janvier 1959 et des autres textes qui régissent ce droit ; que le paragraphe II ne peut donc, de ce fait, être entaché de non conformité à la Constitution ;
5. Mais, Considérant qu’en prévoyant dans la première phrase du paragraphe III de la loi que : « lorsque les personnels des sociétés nationales de programme de télévision sont en nombre insuffisant pour assurer le service normal, le président de chaque société peut, si la situation l’exige, requérir les catégories de personnels ou les agents qui doivent demeurer en fonctions pour assurer la continuité des éléments du service nécessaires à l’accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10 », le législateur permet aux présidents des sociétés, lorsqu’une cessation concertée du travail empêche l’exécution du service normal et afin de garantir que soit cependant assurée la généralité des missions dont il assigne l’accomplissement à ces sociétés, de faire obstacle à l’exercice du droit de grève dans des cas où son interdiction n’apparaît pas justifiée au regard des principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; que, dès lors, les dispositions contenues dans cette phrase doivent être regardées comme non conformes à ces principes en tant qu’elles font référence, d’une part, à l’exécution d’un service normal, d’autre part à l’accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10 de la loi du 7 août 1974 ;
6. Considérant en conséquence que les termes suivants du paragraphe III de l’article 26 de la loi du 7 août 1974, tel qu’il est modifié par l’article unique de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel : « pour assurer le service normal » et « nécessaires à l’accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10 » doivent être regardés comme ayant été adoptés en méconnaissance de ces principes ;
7. Considérant qu’il ne résulte ni des dispositions précitées ni les débats auxquels l’examen de la proposition de loi a donné lieu devant le Parlement que lesdites dispositions soient inséparables de l’ensemble du texte de la loi déférée au Conseil constitutionnel,

Décide :
Article premier :
Sont déclarés non conformes à la constitution les termes suivants du paragraphe III de l’article 26 de la loi du 7 août 1974 tel qu’il a été modifié par la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel : « pour assurer le service normal » et « nécessaires à l’accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10 ».
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel sont déclarées conformes à la Constitution.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

II : SAISINE SENATEURS Conformément à l’article 61, alinéa 2 de la Constitution, nous avons l’honneur de saisir le Conseil Constitutionnel du texte de loi tendant à modifier les dispositions de la loi n 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision, en cas de cessation concertée du travail.

Les sénateurs soussignés,  : Vu le texte de loi tendant à modifier les dispositions de la loi n 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision, en cas de cessation concertée du travail ;

: Vu les dispositions de l’article 61, alinéa 2 de la Constitution ;

: Vu le préambule de la Constitution de 1946 confirmé par la Constitution de 1958, dans l’alinéa qui dispose que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ;

: Considérant que le texte proposé pour l’article 26 de la loi n 74-696 du 7 août 1974 tend, dans son premier paragraphe, à interdire le droit de grève aux personnels de l’établissement public de diffusion et des sociétés de programmes, en les contraignant à l’obligation constante d’assurer la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision ;

: Considérant que l’interdiction du droit de grève n’a été retenue jusqu’à présent qu’afin d’assurer l’ordre et la sécurité publics ;

: Considérant qu’en l’espèce la grève du service public de la radio et de la télévision ne met en cause ni l’ordre public ni la sécurité publique ;

: Considérant que le législateur remet entre les mains des responsables des sociétés privées de télévision le soin d’exercer le pouvoir de réquisition, traditionnellement accordé aux seules autorités de tutelle ;

: Considérant qu’en son paragraphe 2, le texte de loi, en réservant aux responsables des sociétés de programmes le soin de déterminer les conditions de la mise en oeuvre du service minimum, peut entraîner l’interruption totale du service public ;

: Considérant qu’une telle délégation ne permet pas d’assurer la continuité du service public et dénature en même temps le droit de grève des personnels de radio et de télévision ;

: Demandent en conséquence au Conseil Constitutionnel de déclarer contraires aux principes posés par la Constitution de 1958 les dispositions de ce texte de loi.

I : SAISINE DEPUTES Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi tendant à modifier les dispositions de la loi n 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, telle qu’elle a été définitivement adoptée par le Parlement le 27 juin 1979.

Nous estimons que plusieurs dispositions de l’article unique de cette loi ne sont pas conformes à la Constitution, pour les motifs suivants.

I : Le préambule de la Constitution de 1946, repris et confirmé par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, et auquel une valeur constitutionnelle a été reconnue à plusieurs reprise, proclame comme particulièrement nécessaire à notre temps le principe selon lequel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Cette solennelle proclamation contient trois éléments distincts :  : d’une part, la consécration du droit de grève ;

: d’autre part, le fait que la loi ne peut qu’en réglementer l’exercice ;

: enfin, la compétence du Parlement, qui vote la loi, en cette matière.

Or, le texte qui vous est déféré méconnait l’ensemble de ces dispositions constitutionnelles.

Concernant tout d’abord les deux premières, il convient de rappeler que la grève se définit comme une cessation concertée du travail interrompant la production : quelle qu’en soit la nature : afin d’atteindre un objectif préalablement déterminé.

La grève n’a donc de sens que pour autant qu’elle constitue un moyen de pression et elle ne peut être un tel moyen que pour autant qu’elle entrave le cours normal de la production.

Or, le texte qui vous est soumis impose aux travailleurs de la radio-télévision d’assurer « le service normal » pour « la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision ».

De ce fait, si cette nouvelle loi n’interdit pas formellement la grève, elle en supprime en fait tous les effets qui s’y rattachent. C’est ainsi qu’un télespectateur ou un auditeur pourra fort bien ignorer qu’une grève est en cours dans la société dont il continuera à suivre les émissions sans aucune perturbation ou sans perturbation notable.

Il s’agit là, sans doute, d’une innovation justifiée par le principe de la continuité du service public.

Mais, à l’inverse du droit de grève, ce principe n’a jamais été consacré par une disposition de valeur constitutionnelle et en le faisant prévaloir, le législateur crée un précédent qui permettra d’adopter des mesures analogues pour l’ensemble des services publics. Ainsi, de proche en proche, le droit de grève se trouvera supprimé dans les faits dans tout le secteur public.

Il est difficile d’admettre qu’un principe non constitutionnel l’emporte sur un principe constitutionnel et conduise, contrairement à la volonté des constituants de 1946, de faire du droit de grève une exception, l’interdiction généralisée devenant la règle dans tout le secteur public.

Bien plus, on peut estimer que la réglementation prévue par la Constitution de 1946 visait essentiellement les services publics indispensables à la vie de la Nation et à sa sécurité intérieure et extérieure. On peut difficilement considérer que la vie de la Nation dépend de la continuité des programmes distractifs de la radio-télévision.

II : D’autre part, le même préambule de la Constitution de 1946 réserve expressément et exclusivement à la loi le pouvoir de réglementer l’exercice du droit de grève.

Or, le second alinéa du I de l’article unique de la loi qui vous est déférée attribue à un décret en Conseil d’Etat une très large délégation du pouvoir législatif pour déterminer les modalités d’application des dispositions du premier alinéa du même I.

C’est donc et contrairement aux dispositions de l’article 38 de la Constitution, une autorité incompétente : le pouvoir exécutif exerçant le pouvoir réglementaire qui définira les « services ou catégories de personnels strictement indispensables » et qui réglementera ainsi l’exercice du droit de grève. Les attributions conférées ainsi au pouvoir réglementaire permettront au Gouvernement d’intervenir très largement dans une réglementation qui n’appartient qu’au domaine législatif, puisque la loi se borne à énoncer un principe très général susceptible de multiples interprétations ou modalités d’application.

Cette disposition méconnait incontestablement le principe selon lequel seule la loi peut réglementer le droit de grève.

C’est en vain qu’on peut objecter que le préambule de la Constitution de 1946 a été adopté à une époque où la distinction opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution n’existait pas encore et que, par suite, le terme de « loi » peut être interprété non comme l’acte émanant du Parlement mais comme la norme générale et absolue prise par l’autorité constitutionnellement compétente.

Une telle argumentation se heurte à de nombreux obstacles.

En premier lieu, et contrairement à la Déclaration de 1789 qui y fait constamment référence, le terme de « loi » n’est utilisé, dans le Préambule de 1946, que dans deux cas (égalité des sexes et droit de grève). Ceci démontre que les rédacteurs de la Constitution de 1946, beaucoup plus circonspects que leurs devanciers de 1789, n’ont expressément utilisé le terme de « loi » que lorsqu’il n’existait aucun doute sur l’origine : le Parlement – de la norme envisagée.

En second lieu, le Conseil constitutionnel lui-même, dans une décision du 28 novembre 1973, n’a admis la compétence du pouvoir réglementaire pour la détermination des contraventions et des peines applicables que lorsque ces dernières ne comportent pas de mesure privative de liberté. Ceci signifie, à l’évidence, que votre Conseil interprète strictement les dispositions du Préambule (en l’occurence l’article 7 de la Déclaration de 1789) réservant certaines compétences à la loi votée par le Parlement.

Enfin, il convient de souligner la position prise en 1963 par M René CAPITANT, éminent spécialiste du droit constitutionnel, qui déclarait, à propos de l’intervention du législateur dans la réglementation de la grève dans le secteur public : « ce qu’il nous reste à faire, c’est de mettre fin aux errements déplorables et inconstitutionnels que nous avons hérités de la IVème République et qui consistent, pour le Parlement, à abandonner au pouvoir réglementaire une mission qui lui appartient en propre. » (JO, débats Assemblée Nationale, 17 juillet 1963, page 4196).

Ainsi qu’il s’agisse de la lettre ou de l’esprit du préambule et de son interprétation jurisprudentielle, tout conduit à écarter la possibilité pour un décret en Conseil d’Etat de déterminer des modalités d’application qui constituent, en fait, une véritable réglementation de l’exercice du droit de grève.

Les considérations qui précèdent conduisent donc à déclarer contraires à la Constitution les dispositions du second alinéa du I de la loi qui vous est soumise.

III : Enfin, selon un principe fondamental de notre droit public, c’est au Gouvernement qu’il appartient d’assurer le bon fonctionnement des services publics.

Ce principe a été reconnu à plusieurs reprises par le juge administratif (cf notamment Conseil d’Etat, Dehaene, 7 janvier 1950) et s’est trouvé renforcé par l’article 37 de la Constitution.

Il découle donc de la Constitution que l’organisation et le fonctionnement des services publics font partie intégrante du domaine règlementaire. Le pouvoir de « requérir » les services et leurs personnels figure donc également au nombre des matières visées à l’article 37.

On ne saurait confondre, en effet, les réquisitions militaires, celles prévues par les lois pénales ou celles que peuvent prononcer les autorités locales : qui s’inspirent toutes du principe « salus populi, suprema lex » avec les réquisitions dont la mise en oeuvre fait échec au droit de grève reconnu par la Constitution. Dans le premier cas, il s’agit de faire face à une situation inattendue, voire urgente, tandis que dans l’autre cas il s’agit seulement de rétablir une situation normale.

Or, le fait que les mesures de réquisition découlent du pouvoir réglementaire en réserve l’usage au seul Gouvernement ou, à tout le moins et conformément à l’article 21 de la Constitution, au détenteur ordinaire de ce pouvoir, et donc au Premier ministre ou, en vertu des délégations qu’il peut donner, aux ministres.

Malgré ces dispositions constitutionnelles, la loi qui vous est déférée attribue un pouvoir de réquisition aux présidents des organismes créés par la loi du 7 août 1974.

On peut tout d’abord s’étonner que les dirigeants de ces organismes qui, bien que chargés d’une mission de service public, ne sont pas moins de droit privé, soient investis d’un pouvoir exorbitant qui appartient, par nature, au chef de l’administration.

Mais on soulignera surtout que le législateur subdélègue un pouvoir qui ne lui appartient pas. Or, interdite en vertu du principe « delegata non potest delegari », la subdélégation est d’autant moins conforme à la Constitution qu’elle se trouve opérée par la loi dans un domaine qui ressortit à la compétence exclusive du titulaire du pouvoir réglementaire.

On rappelera, à cet égard, que le législateur de 1974 avait soigneusement pris la précaution de respecter rigoureusement les compétences constitutionnellement dévolues au Premier ministre : l’article 14 de la loi du 7 août 1974 place les organismes chargés d’assurer le service public de la radio-télévision sous l’autorité du Premier ministre ou du ministre qu’il délègue à cet effet. Le chef du Gouvernement ou son délégué est chargé « de veiller au respect des obligations de service public ». Quant à l’article 26 de la même loi, qui concerne le « service minimum », il ne donne aux présidents des organismes que le pouvoir de désigner quelles sont les catégories de personnels ou d’agents susceptibles d’être astreints à une mesure de réquisition qui ne peut être prise que par le Gouvernement.

On ne manquera pas d’être frappé par le fait que la loi du 7 août 1974 n’a pas jugé utile de préciser que les personnels peuvent être requis dans le cadre du « service minimum » puisqu’il n’est pas nécessaire de rappeler que le Premier ministre dispose, par nature, de tous les pouvoirs pour assurer le fonctionnement du service public et qu’au nombre de ses pouvoirs figure la réquisition.

En revanche, le nouvel article 26, tel qu’il résulte de la loi qui vous est déférée, attribue un pouvoir de réquisition à des responsables d’organismes publics qui ne font pas partie des pouvoirs publics constitionnels et qui ne sauraient donc exercer dans l’Etat des attributions que la Constitution réserve au seul Premier ministre ou à son délégué membre du Gouvernement.

Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir déclarer non conformes à la Constitution celles des dispositions de l’article unique de la loi qui vous est déférée qui suppriment le droit de grève pour les personnels de la radio-télévision, qui attribuent un pouvoir de réquisition aux présidents des organismes institués par la loi du 7 août 1974 et qui laissent à un décret en Conseil d’Etat le soin de réglementer, aux lieu et place de la loi, les conditions d’exercice du droit de grève à la radio-télévision.

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