Conseil constitutionnel, décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1983, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Jean Faure, André Fosset, Jean Francou, Jacques Genton, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Louis Jung, Bernard Laurent, Jean Lecanuet, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Georges Lombard, Jean Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Louis Mercier, Daniel Millaud, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, Roger Poudonson, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Michel Souplet, René Tinant, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Virapoullé, Frédéric Wirth, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Claude Huriet, Yves Le Cozannet, Philippe de Bourgoing, Bernard Barbier, Roland Ruet, Guy de La Verpillière, Michel Miroudot, Marcel Lucotte, Jean Delaneau, Pierre Louvot, Louis Boyer, Jean-Pierre Fourcade, Pierre Croze, René Travert, Jean-Pierre Tizon, Louis Lazuech, Hubert Martin, Jacques Thyraud, Jean-Paul Bataille, Henry Elby, Roland du Luart, Serge Mathieu, Jean-Marie Girault, Jacques Ménard, Jean Amelin, Henri Belcour, Amédée Bouquerel, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Charles Descours, Philippe François, Adrien Gouteyron, Paul Kauss, Paul Malassagne, Michel Maurice-Bokanowski, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d’Ornano, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Michel Rufin, Louis Souvet, Jacques Valade, Charles Beaupetit, Michel Durafour, Victor Robini, Jacques Pelletier, sénateurs. Et le 22 décembre 1983, par MM Claude Labbé, Jacques Chirac, Bernard Pons, Philippe Séguin, Serge Charles, René La Combe, Régis Perbet, Alain Peyrefitte, Jean-Paul de Rocca Serra, Michel Péricard, Pierre Bachelet, Gérard Chasseguet, Roger Corrèze, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Didier Julia, Roland Nungesser, Camille Petit, Yves Lancien, Pierre Messmer, Daniel Goulet, Pierre-Charles Krieg, Roland Vuillaume, Emmanuel Aubert, Marc Lauriol, Robert-André Vivien, Hyacinthe Santoni, Pierre Mauger, Pierre Bas, Jacques Toubon, Jacques Marette, Jean Foyer, Olivier Guichard, Gabriel Kaspereit, Maurice Couve de Murville, Georges Gorse, Jean de Lipkowski, Pierre Godefroy, Jean-Paul Charié, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Godfrain, Etienne Pinte, René André, Robert Galley, Pierre-Bernard Cousté, Claude-Gérard Marcus, Michel Debré, Jean-Claude Gaudin, Jean Bégault, Yves Sautier, Marcel Bigeard, Charles Deprez, Mme Louise Moreau, MM Bernard Stasi, Gilbert Mathieu, Francisque Perrut, Germain Gengenwin, Jacques Dominati, Pierre Micaux, Francis Geng, Georges Mesmin, Charles Fèvre, René Haby, Jean-Paul Fuchs, Jacques Fouchier, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Gilbert Gantier, François d’Aubert, Michel d’Ornano, Philippe Mestre, Emmanuel Hamel, Adrien Zeller, Maurice Ligot, Alain Madelin, Jean-Pierre Soisson, Pascal Clément, Jacques Blanc, Raymond Barre, Victor Sablé, François d’Harcourt, Jacques Barrot, Jean Brocard, Claude Wolff, Jean Briane, Loïc Bouvard, Edmond Alphandéry, Charles Million, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi sur l’enseignement supérieur.

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance : Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 30, 31, 39, 46, 68 et 70 de la loi qu’ils défèrent à l’examen du Conseil constitutionnel sont contraires à la Constitution et que ces articles étant inséparables du reste de la loi, celle-ci doit, dans son ensemble, être déclarée contraire à la Constitution ;
2. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que les articles 30, 39 et 60 de la loi qu’ils défèrent à l’examen du Conseil constitutionnel sont contraires à la Constitution et que, ces articles étant inséparables des autres articles 24 à 38, ces derniers doivent être également déclarés contraires à la Constitution ;
3. Considérant qu’il convient d’examiner, d’une part, les critiques formées contre des dispositions relatives à la composition des conseils intervenant dans l’administration des universités, d’autre part, les critiques dirigées contre d’autres dispositions de la loi ;
Sur les dispositions relatives à la composition des organes assurant l’administration des universités :
4. Considérant qu’aux termes de l’article 26 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, « le président d’université par ses décisions, le conseil d’administration par ses délibérations, le conseil scientifique ainsi que le conseil des études et de la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et leurs voeux, assurent l’administration des universités » ;
5. Considérant qu’en vertu de l’article 27, le président, chargé de la direction de l’université, est élu par l’ensemble des membres des trois conseils réunis en assemblée à la majorité absolue des membres en exercice de celle-ci ;
6. Considérant que les articles 28, 29, 30 et 31 fixent les attributions et la composition des divers conseils ; que chacun de ceux-ci comprend des représentants élus des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, des représentants élus des étudiants, des représentants élus des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service, ainsi que des personnalités extérieures ;
7. Considérant que le nombre des membres composant chacun des trois conseils ainsi que les proportions applicables à chacune des quatre catégories sus énoncées sont différents selon la nature et les attributions du conseil dont il s’agit ;
8. Considérant qu’aux termes de l’article 38, alinéa 2, de la loi, « L’élection s’effectue pour l’ensemble des personnels au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, panachage et possibilité de listes incomplètes » ;
9. Considérant qu’aux termes de l’article 39, alinéa 2, « Les enseignants-chercheurs et les personnels qui leur sont assimilés forment un collège électoral unique. Il en va de même pour les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et les personnels qui leur sont assimilés. La composition de chacun de ces collèges peut varier en fonction de la représentation à assurer au sein de chaque conseil. Pour l’élection du conseil scientifique, les personnels sont répartis en trois sections correspondant aux catégories énumérées au deuxième alinéa de l’article 30 de la présente loi, qui désignent séparément leurs représentants » ; qu’aux termes du même article 39, alinéa 3 : « Au sein de la représentation des enseignants-chercheurs et personnels assimilés de chaque conseil, le nombre des professeurs et personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels » ;
10. Considérant qu’aux termes de l’article 60, alinéa 2 : « Les personnels scientifiques des bibliothèques et des musées sont assimilés aux enseignants-chercheurs pour leur participation aux différents conseils et au fonctionnement de l’établissement » ;
En ce qui concerne les griefs élevés contre ces dispositions par les auteurs de l’une et l’autre saisine :
11. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 30 et 31 qui prévoient la présence de représentants des étudiants et de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service dans le conseil scientifique et dans le conseil des études et de la vie universitaire auraient pour but et pour effet, eu égard aux attributions de ces conseils, de priver les enseignants et notamment les professeurs d’une réelle indépendance dans l’enseignement et la recherche et, ainsi, de porter atteinte à la liberté de l’enseignement et à l’autonomie des universités qui, selon la saisine, en serait une conséquence nécessaire ;
12. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent également qu’en instituant, pour l’élection des représentants des enseignants-chercheurs aux divers conseils à l’exception du conseil scientifique, un collège électoral unique, toutes catégories confondues d’enseignants et de chercheurs, la loi porterait une grave atteinte à la liberté de l’enseignement ; qu’en effet elle remettrait la désignation des représentants des professeurs aux autres enseignants-chercheurs et, en fait à leurs organisations syndicales, privant ainsi le corps professoral de toute possibilité d’expression propre ;
13. Considérant que, outre le grief d’atteinte à la liberté de l’enseignement fait à l’article 39, alinéa 2, les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que ce texte méconnaît l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce qu’il ne tient pas compte, en ce qui concerne les professeurs, de l’égale admissibilité aux emplois publics et des nécessaires distinctions entre les capacités et entre les talents ;
14. Considérant que, toujours selon la même saisine, l’article 39 méconnaîtrait le principe constitutionnel de l’égalité devant le suffrage en privant le corps professoral d’une représentation spécifique alors que les autres catégories d’enseignants-chercheurs sont assurées, en raison de leur importance numérique, d’une telle représentation ;
15. Considérant qu’il est enfin fait grief à l’article 39 par les sénateurs auteurs de la première saisine de méconnaître l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » ; qu’en effet, le collège électoral unique aurait pour effet d’empêcher une représentation authentique des professeurs au sein du conseil d’administration et au sein du conseil des études et de la vie universitaire ;
16. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que les articles 30, 39 et 60 de la loi sont contraires à la Constitution en ce qu’ils méconnaissent « le principe fondamental de représentation consacré par les lois de la République et exprimé, pour la représentation politique, par les articles 3 de la Déclaration des droits de 1789 et 3 de la Constitution » ; qu’en effet, selon les auteurs de cette saisine, il serait de principe que, seules les personnes ou les catégories dont la représentation doit être assurée dans une assemblée élue participent à la désignation de leurs représentants ; que, dès lors, l’article 39, alinéa 3, de la loi assurant aux professeurs une représentation spécifique, le législateur ne pouvait en même temps faire désigner ces représentants par un collège électoral unique comprenant une forte majorité d’enseignants-chercheurs non professeurs et de membres du personnel scientifique des bibliothèques ; qu’ainsi les dispositions relatives au mode de désignation des représentants des enseignants-chercheurs et assimilés au sein du conseil d’administration sont contraires à la Constitution ainsi que, par voie de conséquence, l’ensemble des autres dispositions des articles 26 à 40 qui en sont inséparables ;
En ce qui concerne les principes applicables à l’examen des dispositions critiquées :
17. Considérant que les dispositions critiquées ne touchent pas à la liberté de l’enseignement mais sont relatives à l’organisation d’un service public et aux droits et obligations des enseignants et chercheurs chargés de l’exécution de ce service et associés à sa gestion et, comme tels, relevant d’un statut différent de celui des personnes privées ; que cependant ce statut ne saurait limiter le droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que dans la seule mesure des exigences du service public en cause ;
18. Considérant que, selon les termes de l’article 3 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel : "Le service public de l’enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique" ;
19. Considérant dès lors que, par leur nature même, les fonctions d’enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables ; que l’article 57 de la loi fait, dans leur principe, droit à ces exigences en disposant : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et dans leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions de la présente loi, les principes de tolérance et d’objectivité » ;
20. Considérant qu’en ce qui concerne les professeurs, auxquels l’article 55 de la loi confie des responsabilités particulières, la garantie de l’indépendance résulte en outre d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et notamment par les dispositions relatives à la réglementation des incompatibilités entre le mandat parlementaire et les fonctions publiques ;
21. Considérant que c’est à la lumière de ces principes que doivent être examinées les critiques adressées aux diverses dispositions mises en cause par l’une et l’autre saisine ;
En ce qui concerne la composition du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire (art 30 et 31 de la loi) :
22. Considérant que le conseil scientifique, eu égard à ses attributions, ne comporte pas de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et ne fait place, pour les étudiants, qu’à une représentation des étudiants de troisième cycle, et donc engagés dans la recherche, dans une proportion maximale de 12,5 p 100 ; qu’ainsi le grief manque en fait et que l’article 30 n’est pas contraire à la Constitution ;
23. Considérant que, si la composition du conseil des études et de la vie universitaire comporte une participation des étudiants dans une proportion maximale de 40 p 100 au regard d’une participation égale des enseignants-chercheurs et une participation maximale de 15 p 100 des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service, cette composition, eu égard à la nature et au caractère purement consultatif des attributions dudit conseil, n’est pas de nature à porter atteinte à la liberté et à l’indépendance des enseignants-chercheurs et notamment des professeurs ; qu’ainsi l’article 31 n’est pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l’article 39 (alinéa 2) de la loi :
24. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des alinéas 2 et 3 de l’article 39 que si, dans la représentation des enseignants-chercheurs, le nombre des professeurs doit être égal à celui des autres enseignants-chercheurs, la désignation de l’ensemble des représentants des enseignants-chercheurs se fait par un collège électoral unique, sous la seule réserve des règles particulières concernant le conseil scientifique ;
25. Considérant qu’il est constant que, en raison de la disproportion numérique existant entre le corps des professeurs et celui des autres corps d’enseignants-chercheurs, l’indépendance des professeurs serait menacée à divers points de vue par le système ainsi institué ; que, notamment, le libre exercice des responsabilités particulières qui leur sont attribuées par l’article 55, avant-dernier alinéa, en ce qui concerne la préparation des programmes, l’orientation des étudiants et la coordination des équipes pédagogiques et par leur participation obligatoire aux décisions individuelles concernant la carrière des autres enseignants-chercheurs prévue à l’article 56 (alinéa 2) serait altéré par l’existence d’un collège électoral unique ; que cette indépendance serait d’autant plus atteinte du fait qu’au sein de la juridiction disciplinaire prévue par l’article 29 de la loi, les professeurs devant composer la formation chargée de juger les professeurs seraient désignés par l’ensemble des représentants des enseignants-chercheurs eux-mêmes élus par l’ensemble des enseignants-chercheurs toutes catégories confondues, sans que, parmi leurs juges, les professeurs puissent compter des représentants émanant de leur propre vote ;
26. Considérant, d’autre part, que l’indépendance des enseignants-chercheurs autres que les professeurs et la sincérité de leur suffrage risquerait elle-même, compte tenu des articles 55, avant-dernier alinéa, et 56, alinéa 2, sus rappelés, d’être mise en cause dans le cadre d’un collège électoral unique ;
27. Considérant que l’indépendance des professeurs comme celle des enseignants-chercheurs ayant une autre qualité suppose, pour chacun de ces deux ensembles, une représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté universitaire ;
28. Considérant dès lors que, sans qu’il soit besoin d’examiner la portée que pourrait avoir un « principe de représentation » de caractère général, l’alinéa 2 de l’article 39 et l’alinéa 2 de l’article 29 ne sont pas conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne l’article 60 relatif au personnel des bibliothèques :
29. Considérant que l’article 60, alinéa 2, de la loi assimile les personnels scientifiques des bibliothèques et des musées aux enseignants-chercheurs pour la participation aux différents conseils et au fonctionnement de l’établissement ;
30. Considérant que ces dispositions qui concernent un personnel étroitement associé à l’enseignement et à la recherche ne sont contraires à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ;
Sur diverses dispositions de la loi critiquées par la première saisine :
En ce qui concerne l’article 46 relatif au contrôle administratif et financier :
31. Considérant que l’article 46 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel dispose : « Les décisions des présidents des universités et des présidents ou directeurs des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les délibérations des conseils entrent en vigueur, sous réserve des dispositions des troisièmes alinéas des articles 42 et 48, sans approbation préalable. Toutefois, les décisions et délibérations qui présentent un caractère réglementaire n’entrent en vigueur qu’après leur transmission au chancelier. Le chancelier peut saisir le tribunal administratif d’une demande tendant à l’annulation des décisions ou délibérations des autorités de ces établissements qui lui paraissent entachées d’illégalité. Le tribunal statue d’urgence. Au cas où l’exécution de la mesure attaquée serait de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement de l’établissement, le chancelier peut en suspendre l’application pour un délai de trois mois » ;
32. Considérant que, selon les sénateurs auteurs de la première saisine, ces dispositions, par les pouvoirs qu’elles confèrent au chancelier, sont contraires à l’autonomie de l’établissement et donc à la liberté d’enseigner ;
33. Considérant que ces dispositions tendent, en premier lieu, à consacrer le pouvoir du chancelier d’assurer le respect de la légalité par le recours à la juridiction administrative ; que, par suite, elles ne sauraient être contraires à la Constitution ;
34. Considérant que ces dispositions tendent, en second lieu, à prévenir l’exécution de décisions ou de délibérations arguées d’illégalité dans le cas où elles seraient de nature à compromettre gravement le fonctionnement de l’établissement ; que l’exercice du pouvoir ainsi conféré au chancelier est lui-même, de plein droit, soumis au contrôle du juge ; qu’il n’en résulte aucune atteinte à des règles ou principes de valeur constitutionnelle ;
En ce qui concerne l’article 68, avant-dernier alinéa, de la loi relatif aux aménagements à apporter à l’ordonnance du 30 décembre 1958 :
35. Considérant que l’avant-dernier alinéa de l’article 68 de la loi est ainsi conçu : « Les dispositions de l’ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 demeurent applicables sous réserve des aménagements nécessaires apportés par voie de décret en Conseil d’État » ;
36. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires à l’article 37, alinéa 2, de la Constitution, en ce qu’elles permettent la modification d’un texte de forme législative intervenu après l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958 sans décision de déclassement du Conseil constitutionnel ;
37. Considérant que cette critique est justifiée et qu’elle conduit à déclarer contraire à la Constitution le membre de phrase ainsi conçu : « apportés par voie de décret en Conseil d’État » ;
En ce qui concerne l’article 70 de la loi relatif aux territoires d’outre-mer :
38. Considérant qu’aux termes de l’article 70 de la loi : « Des dispositions dérogatoires seront prises, en tant que de besoin, par décrets en Conseil d’État, pour permettre l’application de la présente loi aux territoires d’outre-mer » ;
39. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires à l’article 74 de la Constitution, selon lequel l’organisation particulière des territoires d’outre-mer « est définie et modifiée par la loi après consultation de l’assemblée territoriale intéressée » ; qu’il est en effet constant qu’une telle consultation n’a pas eu lieu ;
40. Considérant que cette critique est justifiée ; qu’en effet, la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel intéresse l’organisation particulière des territoires d’outre-mer et que, dès lors, elle ne saurait être applicable dans ces territoires en vertu d’une disposition législative votée sans consultation préalable des assemblées territoriales intéressées ; que, dès lors, l’article 70 de la loi doit être déclaré non conforme à la Constitution ;
Sur l’alinéa 1er de l’article 68 de la loi abrogeant la loi du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur :
41. Considérant que l’article 68, alinéa 1er, de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est ainsi conçu : « La présente loi abroge la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur à l’exception des articles 46 à 62, ainsi que toutes les dispositions qui lui sont contraires, sous réserve des dispositions réglementaires qui restent en vigueur jusqu’à leur remplacement par les mesures d’application de la présente loi » ;
42. Considérant que, si l’abrogation des dispositions de la loi ancienne contraires aux dispositions de la loi nouvelle, ainsi que le maintien en vigueur de la réglementation ancienne jusqu’à son remplacement par une réglementation nouvelle n’appellent pas d’observations du point de vue de leur conformité à la Constitution, en revanche l’abrogation totale de la loi d’orientation du 12 novembre 1968 dont certaines dispositions donnaient aux enseignants des garanties conformes aux exigences constitutionnelles qui n’ont pas été remplacées dans la présente loi par des garanties équivalentes n’est pas conforme à la Constitution ; qu’ainsi l’alinéa 1er de l’article 68, d’ailleurs superfétatoire en ce qui regarde l’abrogation des dispositions anciennes contraires à la nouvelle loi et au maintien en vigueur de la réglementation ancienne jusqu’à l’entrée en vigueur de la réglementation nouvelle, n’est pas conforme à la Constitution ;
Sur le reste de la loi :
43. Considérant qu’en l’espèce, il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :
Article premier :
Sont déclarés non conformes à la Constitution le deuxième alinéa de l’article 29, le deuxième alinéa de l’article 39, le premier alinéa de l’article 68, le membre de phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 68 ainsi conçu : « apportés par voie de décret en Conseil d’Etat » et l’article 70 de la loi sur l’enseignement supérieur.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi sur l’enseignement supérieur sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

II : SAISINE DEPUTES :

Les soussignés, députés à l’Assemblée nationale, défèrent à la censure du Conseil constitutionnel la loi sur l’enseignement supérieur que l’Assemblée nationale a adoptée définitivement, selon la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, au cours de sa séance du 20 décembre 1983.

Ils concluent notamment que les articles 28, 37 et 59 de cette loi, ensemble les articles 24 à 38 déclarés inséparables des précédents, soient déclarés non conformes à la Constitution, par le moyen ci-dessous développé et par tout autre moyen que le Conseil constitutionnel jugera bon de soulever d’office.

Moyen pris de la violation du principe fondamental de représentation, consacré par les lois de la République et exprimé, pour la représentation politique, par les articles 3 de la Déclaration des droits de 1789 et 3 de la Constitution.

En ce que la loi de l’enseignement supérieur institue un collège électoral unique regroupant l’ensemble des personnels « enseignants-chercheurs » et assimilés (c’est-à-dire, en clair, les professeurs, maîtres-assistants, assistants, lecteurs, personnels de l’enseignement secondaire dans les universités, personnel des bibliothèques, etc) pour désigner les représentants des professeurs et assimilés dans les conseils dont sont dotées les universités, cette représentation spécifique des professeurs étant expressément consacrée par la loi (art 37, alinéas 2 et 3 de la loi).

Alors qu’il est de principe que seules les personnes ou catégories dont la représentation doit être assurée dans une assemblée élue participent à la désignation de leurs représentants ; que ce principe est consacré pour les élections politiques par l’article 3 de la Constitution et, implicitement mais nécessairement, par l’article 3 de la Déclaration des droits de 1789 ; qu’il se déduit d’autre part des lois de la République qui ont toujours réglé les scrutins en conformité avec ce principe que les représentés participent seuls à l’élection de leurs représentants ; qu’il est constant que dans toutes les élections administratives, professionnelles ou sociales et encore, tout récemment, dans la loi du 27 juillet 1983 « relative à la démocratisation du secteur public » pour l’élection des représentants des salariés aux conseils des établissements, les seuls salariés ayant la qualité de cadre ou assimilé participant à l’élection de leur représentant au conseil ; qu’au surplus ce principe est de l’essence même de la représentation, celle-ci interdisant que le représentant tienne son mandat de personnes ou catégories autres que celles qu’il a pour fonction de représenter.

DISCUSSION

1° L’article 37, alinéa 3, de la loi sur l’enseignement supérieur consacre une représentation spécifique des professeurs et assimilés au sein du conseil d’administration et du conseil des études institués dans chaque université. Cependant, le même article de la loi prévoit, dans son alinéa 1er, la désignation de ces représentants des professeurs par un « collège électoral unique » comprenant l’ensemble des personnels ayant une activité d’enseignement ou de recherche dans l’établissement ainsi que les personnels des bibliothèques.

Cela aboutit en fait, ni plus, ni moins, à faire désigner les représentants des professeurs (les moins nombreux dans ce collège unique) par d’autres que les professeurs. Combiné avec le scrutin de liste, le système fait redouter que la représentation ne soit en rien celle des professeurs, mais celle de solidarités politiques, syndicales ou catégorielles, dont la loi se défend pourtant de vouloir assurer la promotion dans l’Université.

En droit, ces dispositions de la loi méconnaissent le principe fondamental que toute représentation élective réserve le droit de suffrage aux seules personnes ou catégories qu’il s’agit de représenter. Ce principe est consacré par la Constitution et par des textes multiples et sur ce point invariables pour les élections politiques nationales. Si cette consécration formelle dans le texte constitutionnel n’existe pas pour les élections locales administratives, professionnelles ou sociales, c’est que tel n’est pas l’objet de la Constitution. Mais le législateur n’en est pas moins tenu au respect du même principe qui se déduit des lois de la République, qui est de l’essence même de la représentation et auquel il n’a jamais manqué jusqu’à la présente loi.

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs apprécié sur la base de ce principe la conformité à la Constitution des articles 15 et 16 de la loi du 26 juillet 1983 de « démocratisation du secteur public » (décision n° 86-162 DC des 19 et 20 juillet 1983, AJDA 1983, p 614), et les décrets d’application de cette loi, aujourd hui disponibles à l’état de projet, consacrent bien la désignation des représentants des cadres et assimilés par un collège électoral distinct constitué par cette catégorie de personnel exclusivement.

En outre, si, en tolérant l’atteinte que la loi ici déférée apporte au principe de représentation, le Conseil constitutionnel limitait le champ de celui-ci aux seules élections politiques nationales, le risque serait grand pour l’avenir, en dehors même de l’organisation des enseignements supérieurs, de voir des lois électorales de circonstance organiser des élections administratives, locales ou professionnelles sans égard pour les règles générales de la représentation. Imaginerait-on : pour prendre un exemple : que les représentants communaux soient désignés par un collège élargi au-delà des seuls électeurs de la commune ? On doit enfin souligner que le grief est encore aggravé, dans le cas de la présente loi, par les dispositions de l’article 59 de la loi, qui range les personnels des bibliothèques et des musées dans le collège électoral unique des « enseignants-chercheurs », alors qu’il s’agit de personnels qui : pour assurer une mission essentielle – n’ont pas d’activité d’enseignement ni de recherche.

2° En cours de discussion parlementaire, le Gouvernement a déposé un sous-amendement qui tendait à écarter le système du collège électoral unique pour les élections au seul conseil scientifique de l’université, conseil qui n’a eu au demeurant d’attributions que consultatives. Cet amendement a conduit à la rédaction actuelle de l’article 28 de la loi.

Si, par cette rédaction, les dangers considérables du système du collège unique signalés plus haut sont sans doute limités en fait pour le conseil scientifique, le texte final de la loi appelle en droit le même grief que celui fait au texte organisant les élections au conseil d’administration et au conseil des études : les représentants des professeurs n’y sont pas désignés par les seuls professeurs et assimilés, mais par un collège comprenant également les personnels « habilités à diriger des recherches » ; or la loi n’indique ni qui sont ces personnels « habilités » ni même comment l’habilitation en cause sera donnée. La catégorie des personnels « habilités » ne peut, dans ces conditions, être confondue avec celle des personnels « assimilés » aux professeurs, définie de façon distincte par la loi ; il semble bien plutôt que, par cette nouvelle rédaction, la loi laisse, sans dire le mot, la porte ouverte à un collège commun des professeurs et des maîtres-assistants pour les élections au conseil scientifique, solution qui encourt la critique générale de violation du principe fondamental de la représentation, exprimée ci-dessus (supra 1).

Les dispositions qui viennent d’être critiquées relatives à la composition et au mode de constitution des différents conseils des universités et au mode de désignation des représentants des professeurs au sein de ces conseils paraissent inséparables de l’ensemble des dispositions relatives à l’organisation et l’administration des universités, soit les articles 24 à 38 de la loi déférée.

Par ce moyen notamment et ceux qui ont été soulevés à plusieurs reprises au cours du débat parlementaire, et notamment par M Jean Foyer devant l’Assemblée nationale le 9 décembre 1983, les soussignés concluent qu’il plaise au Conseil constitutionnel : Déclarer la loi sur l’enseignement supérieur en ses articles 24 à 38 et notamment 28, 37 et 59 non conforme à la Constitution ;

Avec toutes conséquences de droit.

I : SAISINE SENATEURS :

La liberté de l’enseignement est une liberté fondamentale protégée par la Constitution et la jurisprudence de votre Haute Assemblée.

Pour l’enseignement supérieur, cette liberté suppose que soit préservée l’indépendance de l’enseignant et du chercheur que seule l’autonomie des universités peut garantir.

La liberté de l’enseignement, aux termes mêmes de votre décision du 23 novembre 1977, constitue « l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle ».

Ce principe s’applique à l’enseignement supérieur. Il suppose la reconnaissance de l’autonomie des institutions universitaires : les universités et les établissements assimilés doivent pouvoir s’organiser et s’administrer librement dans le respect des lois en vigueur, avec une indépendance suffisante à l’égard du pouvoir exécutif, des partis politiques, des organisations syndicales, comme de tous les groupes de pression.

Ce même principe suppose que le corps professoral bénéficie dans l’exercice de ses missions d’une réelle indépendance, car l’enseignement et la recherche impliquent la critique et l’innovation et aucune contrainte ne doit affecter le développement et la diffusion des connaissances.

Le projet de loi qui est soumis à votre examen porte atteinte, ainsi que cela est démontré ci-après, à la liberté des institutions chargées de l’enseignement supérieur et à celle du corps professoral.

Ainsi l’autonomie des universités est-elle menacée par des dispositions renforçant la tutelle de l’Etat sur ces établissements.

Ainsi le mode d’élection dans les organes dirigeants des établissements des représentants des différentes catégories de personnels méconnaît-il les principes d’égalité et de participation en confondant dans un même corps électoral des personnes placées dans des situations différentes par leur mode de recrutement, leur statut et leurs responsabilités.

Il est notable à cet égard que le corps professoral, qui est le dépositaire par vocation et le garant de par son statut de l’indépendance et de l’autonomie des institutions de l’enseignement supérieur, ne disposera pas d’une représentation équitable dans les organes dirigeants des universités lui permettant de remplir son rôle et d’assurer ses missions.

Pour ces motifs ci-après développés, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir déclarer non conformes à la Constitution les articles 37, 28, 29, 44, 67 et 68 de la loi susvisée, non détachables de l’ensemble du texte, et d’ainsi déclarer non conforme à la Constitution la loi sur l’enseignement supérieur définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le mardi 20 décembre 1983.

I L’article 37 de la loi est contraire au principe de la liberté de l’enseignement, à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à l’article 3 de la Constitution, et à l’alinéa 8 du préambule de la Constitution.

1 Violation du principe de liberté de l’enseignement, principe fondamental reconnu par les lois de la République.

L’article 37 de la présente loi minore l’influence des enseignants au sein des organes dirigeants. L’institution d’un collège unique pour l’élection aux différents conseils a pour conséquence de surestimer la représentation de certains organismes syndicaux surtout implantés chez les personnels de rang B et C, en instaurant un collège unique et l’élection directe des membres des conseils d’universités, et d’ainsi leur permettre de contrôler les organes dirigeants des universités : le conseil et la présidence, alors que, par leur mode de nomination et en vertu des règles de gestion de leur corps, les professeurs seuls bénéficient d’un statut de réelle indépendance.

La place importante réservée aux délégués étudiants et aux personnels non enseignants conduit dans la pratique à assurer la prééminence numérique de l’intersyndicale : SNESUP (enseignants), UNEF (étudiants) et CGT (PATOS) au sein des conseils d’universités.

Par ailleurs, la place et la désignation des personnalités dites extérieures sont organisées de telle sorte que l’on pourra éventuellement renforcer encore cette représentation syndicale.

Les organisations syndicales peuvent donc, grâce aux mécanismes mis en place, s’assurer sans peine le contrôle des universités.

Or, de même que Jules Ferry en 1880, lors de la discussion de la loi sur l’enseignement supérieur, proclamait la nécessité de maintenir les universités hors de l’emprise religieuse, de même en 1983 convient-il de maintenir l’enseignement supérieur hors de l’emprise de telle ou telle partie intéressée, et notamment des syndicats.

Il n’est pas envisageable que les pouvoirs en matière de promotions, de mutations, de distribution des moyens de recherche pour lesquels l’intervention des syndicats est déjà prévue au niveau national soient concentrés exclusivement entre les mains des organisations syndicales, au mépris de l’indépendance reconnue des corps intéressés.

Les seuls enseignants bénéficiant d’une complète indépendance à l’égard de tout groupe de pression sont les professeurs de rang A qui ne dépendent pour leur carrière que d’instances composées de leurs pairs.

Il n’en est pas de même des maîtres-assistants et assistants dont la promotion dépend du ministère chargé de l’enseignement supérieur qui crée, transforme, maintient ou supprime les postes budgétaires nécessaires.

En minorant le rôle et la place des professeurs, la loi qui vous est déférée porte atteinte au principe d’autonomie des universités et au principe de liberté de l’enseignement.

2 Violation de l’article 6 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.

L’article 6 de la DDHC de 1789 proclame que tous les citoyens étant égaux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Cela signifie, tout d’abord, qu’un mode d’élection qui fait dépendre l’élection des délégués des professeurs du vote des maîtres-assistants et assistants n’est pas conforme à l’article 6 précité car les professeurs ne sont pas alors également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics.

Cela signifie par ailleurs que le non-respect de la division des enseignants en catégories est contraire à ce même texte qui prévoit expressément une distinction selon la capacité, les vertus et les talents.

La société libérale consacrée par nos textes constitutionnels n’est pas une société uniformisatrice dans laquelle doivent être exclues toutes distinctions. Les distinctions prévues par l’article 6 de la DDH non seulement sont conformes à la Constitution mais doivent être observées sous peine de la méconnaître. C’est ce qu’il résulte notamment de la décision du Conseil constitutionnel du 14 janvier 1983 (3e voie d’accès à l’ENA) dans laquelle votre juridiction reconnaît la nécessité de respecter les distinctions fondées sur la capacité, les vertus et les talents.

En conséquence, toutes dispositions législatives systématiquement négatrices de ces distinctions sont contraires à la Constitution.

3 Violation du principe d’égalité devant le suffrage.

L’article 3 de la Constitution pose le principe de l’égalité du suffrage pour l’élection des représentants du peuple français.

Votre Haute juridiction a toujours veillé à ce que l’égalité devant le suffrage soit préservée en toute matière électorale.

Si dans un suffrage de caractère politique il doit être garanti à tous les citoyens un égal accès au vote sans qu’il soit possible d’établir de distinctions autres que celles exigées par la nécessité, il est clair, et tous les spécialistes s’accordent sur ce point (voir notamment la position de M Maurice Duverger dans Le Monde du 25 septembre 1983) « que dans un suffrage corporatif, chaque électeur de la communauté considérée doit avoir un poids égal à celui des autres » et « dans un suffrage destiné à faire coexister divers corps ou catégories dans une assemblée coiffant l’ensemble formé par leur collaboration, la démocratie exige que chacun soit représenté par des élus désignés par le vote de ses membres » (M Duverger op cit).

Tel n’est pas le cas de l’article 37 de la présente loi qui prévoit l’élection aux divers conseils par un collège électoral rassemblant les professeurs, les assistants et les maîtres assistants, ces deux dernières catégories, supérieures numériquement, fournissant l’essentiel des électeurs.

Le corps professoral perd ainsi le droit à une représentation spécifique et ses suffrages sont ainsi frappés dans la pratique d’une inégalité manifeste, ses représentants aux différents conseils pouvant ne pas être issus de ce corps.

4 Violation des dispositions de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946.

Selon l’alinéa 8, « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

Ce principe de participation a reçu valeur constitutionnelle dans trois décisions du Conseil constitutionnel (5 juillet 1977, emploi des jeunes, 20 juillet 1977 service fait, 18 janvier 1978 contre-visite médicale). Il a été reconnu applicable à la fonction publique par la décision du 20 juillet 1977 (service fait).

Ce principe est méconnu par l’article 37 du projet. En effet, chaque catégorie de salarié a le droit d’être représentée distinctement dans les instances de décision. Ce principe est appliqué généralement au sein du service public de l’éducation nationale où toutes les instances représentatives sont désignées ainsi. En l’espèce, les délégués des diverses catégories d’enseignants sont élus par un collège unique dans lequel les professeurs sont en très nette minorité par rapport aux autres catégories, en sorte que l’on ne peut dire que les professeurs soient vraiment représentés.

En conclusion, le principe de participation qui a une valeur toute particulière en matière universitaire, n’est pas respecté à l’égard des professeurs. Cela est d’autant plus grave que ceux-ci sont les garants de l’autonomie indispensable pour qu’existe la liberté de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Pour ces motifs, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l’article 37 non détachable de l’ensemble de la présente loi.

II L’article 28 de la loi est contraire au principe de la liberté de l’enseignement.

L’article 28 prévoit que les étudiants et les personnels dits PATOS participent à la définition des orientations de l’université en matière de recherche.

Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont reconnu le bien-fondé de cet argument puisqu’ils ont décidé en nouvelle lecture, sensibles à l’inconstitutionnalité de telles dispositions, de les amodier. Mais le principe demeure et l’inconstitutionnalité subsiste.

Pour les mêmes motifs que ceux développés ci-desssus en introduction et au I, les soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conformes au principe de la liberté d’enseignement ces dispositions.

III L’article 29 de la loi est contraire au principe de la liberté d’enseignement.

Il dispose en effet que : « Le conseil des études et de la vie universitaire propose au conseil d’administration les orientations des enseignants de formation initiale et continue ».

Pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus en introduction et au I, les soussignés demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir déclarer non conformes au principe de liberté d’enseignement ces dispositions.

IV L’article 44 de la présente loi est contraire au principe de la liberté d’enseignement.

En prévoyant que les décisions et délibérations des conseils d’universités présentant un caractère réglementaire n’entrent en vigueur qu’après leur transmission au recteur chancelier, et que par ailleurs ce dernier dispose du pouvoir de suspendre de manière discrétionnaire pour un délai de trois mois une délibération ou une décision desdits conseils (qui peut intéresser par exemple des questions aussi fondamentalement intégrées au principe d’autonomie que l’organisation des filières ou des examens), l’article 44 porte atteinte au principe de la liberté de l’enseignement ci-dessus développé.

V L’article 67 de la présente loi méconnaît les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution.

Cet article prévoit en effet la modification par voie réglementaire de certaines des dispositions de l’Ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958.

L’article 37 de la Constitution n’autorise cette possibilité que pour les textes de forme législative intervenus dans le domaine réglementaire avant l’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958 ou que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu’elles ont un caractère réglementaire en vertu de l’article 37, alinéa 1er, de la Constitution, ce qui n’est pas le cas puisqu’à l’évidence l’organisation des études médicales relève du domaine de la loi. Le Gouvernement et le Parlement l’ont explicitement reconnu, en présentant et adoptant la loi n° 82-1098 du 23 décembre 1982 relative aux études médicales et pharmaceutiques.

VI L’article 68 de la présente loi méconnaît les dispositions de l’article 74 de la Constitution.

En stipulant que « des dispositions dérogatoires seront prises en tant que de besoin pour permettre l’application de la présente loi aux territoires d’outre-mer pour les questions touchant à leur organisation », l’article 68 méconnaît les dispositions de l’article 74.

Cette consultation n’a pas été effectuée. Il est permis de s’interroger par ailleurs sur le caractère législatif ou réglementaire des « dispositions dérogatoires » prévues par l’article 68 de la loi.

Les soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conformes à l’article 74 de la Constitution ces dispositions qui méconnaissent le caractère législatif de l’organisation des TOM et ne peuvent par ailleurs être votées par le Parlement sans consultation des assemblées territoriales.

Pour ces motifs, et tous autres à soulever d’office, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi sur l’enseignement définitivement adoptée par l’Assemblée nationale.

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Conseil constitutionnel, décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur