Conseil constitutionnel, décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication

  • Commission nationale·
  • Communication audiovisuelle·
  • Télévision·
  • Constitution·
  • Liberté·
  • Service·
  • Secteur privé·
  • Autorisation·
  • Public·
  • Conseil des ministres

Commentaires65

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Conseil Constitutionnel · Conseil constitutionnel · 21 décembre 2023

Commentaire Décision n° 2023-860 DC du 21 décembre 2023 Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 avait été définitivement adoptée le 4 décembre 2023. Le Conseil constitutionnel en avait été saisi par deux recours. Le premier, enregistré le 4 décembre 2023, émanait de plus de soixante députés des groupes « La France insoumise – NUPES », « Écologiste – NUPES », « Gauche démocrate et républicaine – NUPES » et « Socialistes et apparentés », qui contestaient, outre la sincérité des articles 2 et 105 de la loi déférée, la …

 

Roseline Letteron · Liberté, Libertés chéries · 8 décembre 2023

Beaucoup d'internautes ont découvert sur les réseaux sociaux l'image du Grand-Rabbin de France allumant la bougie d'Hanouka, sous les ors de l'Elysée, en présence évidemment du Président de la République. La scène a d'abord suscité l'incrédulité, puis la surprise, et enfin la polémique. Elle se développe surtout au niveau politique. La Première Ministre, se déclare satisfaite que le Président de la République ait donné une satisfaction symbolique à une communauté juive déçue de ne pas l'avoir vu à la marche contre l'antisémitisme. Le président du Crif Yonathan Arfi l'analyse comme "une …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC
Décision n° 86-217 DC
Loi déférée : Loi relative à la liberté de communication
Publication : Journal officiel du 19 septembre 1986, page 11294, Recueil, p. 141
Dispositif : Non conformité partielle
Identifiant Légifrance : CONSTEXT000017667436
Identifiant européen : ECLI:FR:CC:1986:86.217.DC
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 août 1986, par MM. Pierre Joxe, Lionel Jospin, Jean-Jack Queyranne, Bernard Schreiner, Dominique Strauss-Kahn, Charles Hernu, Mme Ginette Leroux, MM. André Lejeune, Jean Lacombe, Jean Beaufils, Paul Dhaille, Jean Laurain, Raymond Douyère, Jean-Michel Belorgey, Jean Anciant, Jean-Hugues Colonna, Mme Catherine Lalumière, MM. Alain Barrau, Robert Chapuis, Job Durupt, Jean-Claude Portheault, André Clert, Mme Yvette Roudy, MM. Christian Laurissergues, Jean Oehler, Mme Martine Frachon, M André Ledran, Mme Gisèle Stievenard, M Jean Auroux, Mmes Jacqueline Osselin, Marie-France Lecuir, MM. Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), Philippe Bassinet, André Bellon, Alain Richard, Jean Proveux, Roland Carraz, Mme Odile Sicard, MM. André Laignel, Bernard Derosier, Louis Mexandeau, Guy Bêche, Guy Malandain, Alain Vivien, Claude Bartolone, Michel Sapin, Roger-Gérard Schwartzenberg, Alain Calmat, Marcel Wacheux, Maurice Adevah-P uf, Michel Pezet, Jean Le Garrec, Jean Giovannelli, Jacques Guyard, André Labarrère, Roland Dumas, Mmes Edith Cresson, Véronique Neiertz, Catherine Trautmann, MM. Jean-Pierre Sueur, Pierre Bourguignon, Jean-Claude Chupin, Henri Fiszbin, Henri Emmanuelli, Gilbert Bonnemaison, Jack Lang, Olivier Stirn, Joseph Franceschi, Guy-Michel Chauveau, André Billardon, Philippe Puaud, Michel Berson, Jean-Pierre Worms, Guy Chanfrault, Jacques Maheas, Henri Prat, Augustin Bonrepaux, Jean-Claude Dessein, Georges Le Baill et Henri Nallet, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la liberté de communication ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine contestent la conformité à la Constitution de la loi relative à la liberté de communication en faisant porter l’essentiel de leurs griefs sur quatre aspects fondamentaux de la loi qui intéressent respectivement le remplacement de la Haute autorité de la communication audiovisuelle par la Commission nationale de la communication et des libertés, le régime des autorisations d’utilisation des fréquences hertziennes, le pluralisme de la communication et le transfert au secteur privé de la société T.F.1. ; qu’ils critiquent également un certain nombre de dispositions particulières de la loi ;
- SUR LE REMPLACEMENT DE LA HAUTE AUTORITE DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE PAR LA COMMISSION NATIONALE DE LA COMMUNICATION ET DES LIBERTES :
2. Considérant que la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel énonce, dans son article 1er, alinéa 1, que « L’établissement et l’emploi des installations de télécommunication, l’exploitation et l’utilisation des services de télécommunication sont libres » et précise, dans le deuxième alinéa du même article, que « Cette liberté ne peut être limitée, dans le respect de l’égalité de traitement, que dans la mesure requise par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public ainsi que par la sauvegarde de l’ordre public, de la liberté et de la propriété d’autrui et de l’expression pluraliste des courants d’opinion » ; qu’aux termes de l’article 3 « Il est institué une Commission nationale de la communication et des libertés qui a pour mission de veiller au respect des principes définis à l’article 1er.- La commission veille à assurer l’égalité de traitement et à favoriser la libre concurrence et l’expression pluraliste des courants d’opinion.- Elle garantit aux citoyens l’accès à une communication libre.- Elle veille à la défense et à l’illustration de la langue française. » ; que le titre I détermine le statut de la Commission nationale de la communication et des libertés et précise ses attributions ; que le titre VIII de la loi consacré aux « Dispositions transitoires et finales » dispose notamment que la Commission nationale de la communication et des libertés prendra la suite, à compter de sa date d’installation, de la Haute autorité de la communication audiovisuelle ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que « la mise en oeuvre moderne de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 suppose l’existence d’une instance indépendante » chargée de veiller au respect des principes constitutionnels en matière de communication audiovisuelle ; que l’indépendance d’un tel organisme implique que le législateur lui-même ne puisse mettre fin de façon anticipée au mandat de ses membres ; que, faute d’avoir prévu le maintien en fonction des membres composant la Haute autorité de la communication audiovisuelle jusqu’à l’expiration de leur mandat, les articles 96 et 99 de la loi méconnaissent des exigences de valeur constitutionnelle ;
4. Considérant qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; qu’il ne lui est pas moins loisible d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions législatives qu’il estime inutiles ; que, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
5. Considérant que la substitution à la Haute autorité de la communication audiovisuelle, créée par l’article 12 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, de la Commission nationale de la communication et des libertés n’a pas, à elle seule, pour effet de priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que, dès lors, le législateur pouvait, sans méconnaître aucune règle non plus qu’aucun principe de valeur constitutionnelle, décider de mettre fin, au moment de cette substitution choisi par lui, au mandat des membres de la Haute autorité de la communication audiovisuelle ; que le moyen invoqué ne peut qu’être écarté ;
- SUR LE REGIME JURIDIQUE D’UTILISATION DES FREQUENCES HERTZIENNES :
6. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, la rareté des fréquences hertziennes jointe au fait que le développement de la télévision par voie hertzienne intéresse au plus haut point l’exercice des libertés publiques, fait que l’espace hertzien appartient au domaine public et que ce mode de communication constitue un service public par nature, qui répond à des exigences constitutionnelles ; qu’ils en déduisent que les articles 25, 27, 28, 30 et 31 de la loi, qui permettent la création de chaînes de télévision par voie hertzienne dans le cadre d’un régime d’autorisation administrative, exclusif de l’application des règles du service public, sont, pour ce seul motif, contraires à la Constitution ; qu’il est soutenu également que les exigences d’intérêt général ne pouvaient être satisfaites que dans le cadre de la concession de service public ;
7. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi." ;
8. Considérant qu’il appartient au législateur, compétent en vertu de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, de concilier, en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de la liberté de communication telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme, avec, d’une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ;
9. Considérant que, pour la réalisation ou la conciliation de ces objectifs, le législateur n’est pas tenu de soumettre l’ensemble de la télévision par voie hertzienne au régime juridique applicable aux services publics ni d’adopter un régime de concession ; qu’en effet, ce mode de communication ne constitue pas une activité de service public ayant son fondement dans des dispositions de nature constitutionnelle ; que, par suite et quelle que soit la nature juridique de l’espace hertzien, il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative, sous réserve d’assurer la garantie des objectifs de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; que le moyen invoqué ne peut donc être retenu ;
- SUR LE PLURALISME DANS LES SERVICES DE COMMUNICATION DIFFUSES PAR VOIE HERTZIENNE TERRESTRE OU PAR SATELLITE :
10. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de la loi destinées à garantir le pluralisme de la communication audiovisuelle et plus généralement le pluralisme de la communication sont imprécises quant à leur contenu et plus encore insuffisantes quant à leur domaine d’intervention ; que le fait pour le législateur de ne pas édicter de règles visant à limiter la « concentration multimédia » est d’autant plus grave qu’il s’agit là de la préservation d’un objectif de valeur constitutionnelle et qu’il serait difficile, en la matière, de remettre en cause dans l’avenir des situations existantes intéressant une liberté publique qui auraient été légalement acquises ; qu’en outre, les dispositions relatives au pluralisme dans le domaine de la communication audiovisuelle sont insuffisantes ou inopérantes ; qu’il en va ainsi de l’article 39 qui n’édicte de limitation en matière de participation au capital d’une société privée titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne qu’au sein d’une même société et qui ne fait pas obstacle à ce qu’une même personne puisse devenir actionnaire, à concurrence de 25 pour cent, dans de nombreuses sociétés ; que l’article 41 est tout aussi inopérant car il permet à un même opérateur, à la condition de créer ou d’acquérir des chaînes de télévision dans des zones différentes, de disposer en fait d’une couverture nationale ; que, par ailleurs, le pluralisme est menacé par le transfert de la société nationale de programme T.F.1. au secteur privé ;
11. Considérant que le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractères différents dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information ; qu’en définitive, l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché ;
12. Considérant que l’article 1er de la loi, qui dispose que la liberté de l’exploitation et de l’utilisation des services de télécommunication peut être limitée dans la mesure requise par la sauvegarde de l’expression pluraliste des courants d’opinion, de même que l’article 3, qui institue une Commission nationale de la communication et des libertés chargée en particulier de favoriser l’expression pluraliste des courants d’opinion, sont conformes à la Constitution ; qu’il convient d’examiner si les modalités de mise en oeuvre des principes énoncés par les articles 1er et 3 de la loi le sont également ; que cette mise en oeuvre repose, pour partie, sur des règles posées par la loi et qui sont directement applicables, pour partie, sur des règles qui seront précisées par décret et dont l’application effective dépendra de l’intervention de la Commission nationale de la communication et des libertés, selon des modalités qui diffèrent suivant qu’il s’agit du secteur public ou du secteur privé ;
. En ce qui concerne le pluralisme dans le secteur public :
13. Considérant que, pour le secteur public, le législateur a fixé lui-même certaines règles destinées à garantir le pluralisme des courants de pensée socioculturels ; qu’au nombre de ces règles, il y a lieu de mentionner l’article 16, alinéa 1, de la loi qui, combiné avec les dispositions de l’article L. 167-1 du code électoral qui demeurent en vigueur, assure aux groupements politiques le libre accès au service public de la radiodiffusion télévision pendant les campagnes électorales ; que, de même, si l’article 54 de la loi prévoit que le Gouvernement peut à tout moment faire diffuser par les sociétés nationales de programme toutes les déclarations ou communications qu’il juge nécessaires, il est prévu que les émissions annoncées à ce titre peuvent donner lieu à un droit de réplique ; que le premier alinéa de l’article 55 de la loi place sous le contrôle du bureau de chaque assemblée la retransmission des débats des assemblées parlementaires ; que le second alinéa du même article prévoit qu'« un temps d’émission est accordé aux formations politiques représentées par un groupe dans l’une ou l’autre des assemblées du Parlement ainsi qu’aux organisations syndicales et professionnelles représentatives à l’échelle nationale » ; que, dans son article 56, la loi fait obligation à la société nationale de programme visée au 2° de l’article 44, de programmer le dimanche matin des émissions à caractère religieux consacrées aux principaux cultes pratiqués en France ;
14. Considérant qu’en sus des règles ainsi énoncées, l’article 13 de la loi dispose, dans son premier alinéa, que « La Commission nationale de la communication et des libertés veille par ses recommandations au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des sociétés nationales de programme et notamment pour les émissions d’information politique » ; que ces dispositions impliquent que la commission est tenue d’exercer la mission qui lui est confiée par la loi et que les recommandations qu’elle prend à cet effet revêtent un caractère obligatoire et peuvent, tout comme d’ailleurs le refus par la commission de faire usage des pouvoirs qu’elle tient de la loi, être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir ;
15. Considérant enfin, que les obligations imposées aux sociétés et à l’établissement public composant le secteur public de la communication audiovisuelle sont précisées dans des cahiers des charges fixés par décret, qui doivent être préalablement soumis à la Commission nationale de la communication et des libertés, dont l’avis motivé est rendu public ; que ces cahiers des charges doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public et notamment au principe d’égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service ;
16. Considérant que ces diverses dispositions permettent d’assurer le respect de l’objectif de pluralisme dans le secteur public de la communication audiovisuelle ;
. En ce qui concerne le pluralisme dans le secteur privé :
17. Considérant qu’afin de prendre en compte, dans le secteur privé, l’objectif de préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels, la loi a adopté, dans ses articles 28 à 31, des dispositions dont la mise en oeuvre est confiée, cas par cas, à la Commission nationale de la communication et des libertés, et, dans ses articles 38, 39 et 41, des dispositions destinées à réglementer la possibilité pour une même personne d’être titulaire de plusieurs autorisations ou d’exercer une influence prépondérante au sein d’une société titulaire d’une autorisation ; qu’enfin, en vertu du deuxième alinéa de l’article 16 : « Pour la durée des campagnes électorales, la commission adresse des recommandations aux exploitants des services de communication audiovisuelle autorisés en vertu de la présente loi. » ;
- Quant à l’étendue des pouvoirs de la Commission nationale de la communication et des libertés :
18. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 28 de la loi, l’exploitation des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite autres que ceux assurés par le secteur public, est subordonnée « au respect d’obligations particulières définies par la commission et souscrites par le titulaire, compte tenu de l’étendue de la zone desservie, du respect de l’égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d’eux » ; qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 28 "Ces obligations portent sur un ou plusieurs des points suivants : 1° une durée minimale de programmes propres ; 2° l’honnêteté et le pluralisme de l’information et des programmes ; 3° un temps minimal consacré à la diffusion d’oeuvres d’expression originale française en première diffusion en France ; 4° une contribution minimale à des actions culturelles, éducatives ou de défense des consommateurs ; 5° une contribution minimale à la diffusion d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer ; 6° une contribution minimale à la diffusion à l’étranger d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision ; 7° le temps maximum consacré à la publicité" ;
19. Considérant que l’article 29 de la loi, qui définit les conditions d’octroi des autorisations d’usage des fréquences pour la diffusion des services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne, dispose dans son huitième alinéa que "La commission accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, compte tenu notamment : 1° de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, 2° du financement et des perspectives d’exploitation du service ; 3° de la nécessité de diversifier les opérateurs et d’assurer le pluralisme des idées et des opinions ; 4° des engagements du candidat quant à la diffusion d’oeuvres d’expression originale française en première diffusion en France ; 5° de la nécessité d’éviter les abus de position dominante et les pratiques entravant la concurrence en matière de communication ; 6° du partage des ressources publicitaires entre la presse écrite et les services de communication audiovisuelle" ;
20. Considérant que l’article 30 de la loi, qui définit les conditions d’octroi des autorisations d’usage des fréquences pour la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre, dispose dans son quatrième alinéa que "la commission accorde l’autorisation en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, compte tenu notamment des critères figurant aux six derniers alinéas de l’article 29 et des engagements que le candidat souscrit dans l’un ou plusieurs des domaines suivants : 1° diffusion des programmes éducatifs et culturels ; 2° actions culturelles ou éducatives ; 3° contribution à la diffusion d’émissions de télévision dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer ; 4° contribution à la diffusion à l’étranger d’émissions de télévision ; 5° concours complémentaire au soutien financier de l’industrie cinématographique et de l’industrie de programmes audiovisuels dans les conditions d’affectation fixées par la loi de finances" ;
21. Considérant que l’article 31 de la loi, qui est relatif à l’usage des fréquences de diffusion affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par satellite, dispose dans son second alinéa que « La commission accorde l’autorisation en fonction des critères mentionnés aux six derniers alinéas de l’article 29 et des engagements figurant aux cinq derniers alinéas de l’article 30 » ;
22. Considérant que les dispositions des articles 28 à 31 doivent être interprétées à la lumière des principes posés par la loi en ses articles 1er et 3 qui font obligation à la Commission nationale de la communication et des libertés de préserver, par priorité, « l’expression pluraliste des courants d’opinion » ; qu’en particulier, dans l’hypothèse où il n’existe qu’une seule fréquence dans une zone donnée, il appartiendra à la commission d’imposer au bénéficiaire de l’autorisation des obligations destinées à assurer une expression libre et pluraliste des idées et des courants d’opinion ; que les mêmes obligations devront être prescrites dans le cas où l’existence de plusieurs fréquences, bien que relevant d’opérateurs différents, ne suffirait pas à garantir le pluralisme ; que toute autre interprétation qui conduirait à conférer à la commission un pouvoir discrétionnaire pour l’application des articles 28 à 31 de la loi, sans la soumettre au respect du cadre impérativement défini par les articles 1er et 3, serait contraire à la Constitution ;
23. Considérant au surplus, que, dans l’exercice de ses compétences, la Commission nationale de la communication et des libertés sera, à l’instar de toute autorité administrative, soumise à un contrôle de légalité qui pourra être mis en oeuvre tant par le Gouvernement, qui est responsable devant le Parlement de l’activité des administrations de l’État, que par toute personne qui y aurait intérêt ;
24. Considérant dès lors, que les articles 28 à 31 de la loi ne sont pas, par eux-mêmes, contraires à la Constitution ;
- Quant au contrôle des concentrations :
25. Considérant que, dans le domaine du contrôle des concentrations, la loi déférée confie, en son article 17, une mission générale de proposition et de surveillance à la Commission nationale de la communication et des libertés et, par ses articles 38, 39 et 41, règlemente la possibilité pour une même personne d’être titulaire de plusieurs autorisations relatives à un service de communication audiovisuelle ou d’exercer une influence prépondérante au sein d’une société titulaire d’une autorisation ;
26. Considérant que l’article 17 de la loi dispose : « La Commission nationale de la communication et des libertés adresse des recommandations au Gouvernement pour le développement de la concurrence dans les activités de communication audiovisuelle.- Elle est habilitée à saisir les autorités administratives ou judiciaires pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques. Ces mêmes autorités peuvent la saisir pour avis. » ;
27. Considérant que l’article 38 fait obligation à toute personne physique ou morale qui vient à détenir toute fraction supérieure ou égale à 20 pour cent du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle d’en informer la Commission nationale de la communication et des libertés dans le délai d’un mois à compter du franchissement de ces seuils ; que le non-respect de ces prescriptions est passible d’une amende de 6 000 F. à 120 000 F., comme le prévoit l’article 75 de la loi ;
28. Considérant que l’article 39 de la loi dispose : « Une même personne ne peut acquérir une participation ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, sa part à plus de 25 pour cent du capital d’une société privée titulaire d’une autorisation relative à un service de télévision par voie hertzienne, dès lors que ce service dessert l’ensemble du territoire métropolitain de la France » ; que la méconnaissance de ces dispositions est, conformément à l’article 77 de la loi, passible d’une amende de 100 000 F. à un million de francs ;
29. Considérant que, selon le premier alinéa de l’article 41 de la loi, une personne qui dispose déjà d’un réseau de diffusion en modulation de fréquence desservant l’ensemble du territoire national ne peut devenir titulaire d’une ou plusieurs autorisations d’usage de fréquences pour la diffusion en modulation de fréquence de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre que dans la mesure où la population recensée dans les zones qu’elle dessert sur le fondement des nouvelles autorisations est inférieure ou égale à quinze millions d’habitants ; que le deuxième alinéa du même article dispose qu’une personne titulaire d’un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dans une zone déterminée ne peut devenir titulaire d’une autorisation relative à un service de même nature diffusé en tout ou en partie dans la même zone ; que les limitations ainsi énoncées visent, comme il est précisé au troisième alinéa de l’article 41, aussi bien la personne titulaire de l’autorisation que celle qui contrôle, directement ou indirectement, le titulaire ; que ces diverses règles s’appliquent sous réserve des dispositions de la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes ; que le non-respect des prescriptions de l’article 41 est passible des sanctions administratives visées à l’article 42, et, le cas échéant, des sanctions pénales prévues à l’article 78 de la loi.
30. Considérant enfin, que les dispositions susanalysées sont destinées, comme cela ressort des abrogations prononcées par l’article 110 (2°) de la loi, à se substituer à la législation ayant pour objet de limiter les concentrations et d’assurer le respect du pluralisme dans le domaine de la communication et, en particulier, aux dispositions des articles 80 et 82 modifiés de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 ;
31. Considérant que l’article 39 de la loi n’interdit nullement à une même personne d’être titulaire d’une participation pouvant aller jusqu’à 25 pour cent du capital de plusieurs sociétés privées titulaires chacune d’entre elles d’une autorisation relative à un service de télévision par voie hertzienne desservant l’ensemble du territoire métropolitain ; que cet article n’édicte aucune limitation quant à la participation d’une même personne au capital de sociétés titulaires d’autorisations de service de télévision par voie hertzienne sur des parties du territoire ;
32. Considérant que ni l’article 39, ni aucune autre disposition de la loi n’édictent de limitation à l’octroi à une même personne d’autorisations concernant la radiotélévision par câble ;
33. Considérant que l’article 41 ne prend pas en compte, dans les limitations qu’il édicte, la situation des personnes titulaires d’autorisations de radiodiffusion sur les grandes ondes ; qu’il ne limite pas davantage la possibilité pour une même personne d’être titulaire simultanément, d’autorisations d’usage de fréquences pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre, et d’autorisations pour l’exploitation de services de télévision diffusés par voie hertzienne ; qu’en ce qui concerne les services de télévision par voie hertzienne, le deuxième alinéa de l’article 41 se borne à prohiber le cumul par une même personne de deux autorisations dans une même zone géographique, sans faire obstacle à ce qu’une même personne puisse éventuellement se voir accorder, dans le même temps, une ou plusieurs autres autorisations permettant la desserte de l’ensemble du territoire, soit au titre d’un service national, soit par le biais d’un réseau de services locaux ;
34. Considérant que, si les dispositions de l’article 17 de la loi, de même que celles de l’article 41 permettent de lutter contre l’abus de position dominante dans le domaine de la communication, cette circonstance ne saurait, à elle seule, assurer le respect de l’objectif constitutionnel de pluralisme ;
35. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant : … les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » ; qu’en raison de l’insuffisance des règles énoncées par les articles 39 et 41 de la loi pour limiter les concentrations susceptibles de porter atteinte au pluralisme, le législateur a méconnu sa compétence au regard de l’article 34 de la Constitution ; qu’au demeurant, du fait des lacunes de la loi, risquent de se développer, en particulier dans une même zone géographique, des situations caractérisées par des concentrations, non seulement dans le domaine de l’audiovisuel, mais également au regard de l’ensemble des moyens de communication dont l’audiovisuel est une des composantes essentielles ;
36. Considérant qu’en l’état, les dispositions des articles 39 et 41 de la loi ne satisfont pas, à elles seules, à l’exigence constitutionnelle de préservation du pluralisme, ni dans le secteur de la communication audiovisuelle, ni dans celui de la communication en général ; que par suite, les articles 39 et 41 de la loi doivent être déclarés non conformes à la Constitution ; que, par voie de conséquence, doit être supprimée dans le texte de l’article 77 la mention de l’article 39 ;
37. Considérant en outre, que du fait des insuffisances des dispositions de la loi relatives au contrôle des concentrations, la Commission nationale de la communication et des libertés ne serait pas à même, dans l’exercice des compétences qu’elle tient des articles 28 à 31 de la loi, de faire pleinement droit à l’exigence constitutionnelle de limitation des concentrations afin d’assurer le respect du pluralisme ; qu’il suit de là, que les articles 28 à 31 de la loi doivent être regardés comme inséparables des articles 39 et 41 qui ne sont pas conformes à la Constitution ; que sont également inséparables de ces articles, dans le texte de l’article 10, la mention de l’article 31, dans le texte des articles 70 et 71, la mention des articles 30 et 31, dans le texte de l’article 90-III et dans celui de l’article 94, la référence aux articles 29 et 30 ; qu’enfin, compte tenu de ce qui précède, le deuxième alinéa de l’article 105 de la loi, qui se réfère aux articles 29 et 30 pour fixer la durée de validité d’autorisations précédemment délivrées ne peut être maintenu ;
- SUR LE TRANSFERT AU SECTEUR PRIVE DE LA SOCIETE NATIONALE DE PROGRAMME « TELEVISION FRANCAISE 1 » :
38. Considérant que le titre IV de la loi, intitulé « De la cession de la société nationale de programme »Télévision française 1"", prévoit le transfert au secteur privé du capital de cette société ; que, selon les auteurs de la saisine, ce transfert est critiquable à un quadruple point de vue ; qu’en effet, la privatisation de la chaîne de télévision nationale par voie hertzienne T.F.1. ne peut se faire que dans le cadre du régime de la concession de service public ; que la cession de 50 pour cent du capital de la société d’État à un groupe unique d’acquéreurs est contraire aux exigences du pluralisme ; qu’elle contredit également les principes constitutionnels relatifs à la concurrence ; qu’enfin, les conditions de la vente sont contraires au principe d’égalité ;
. En ce qui concerne la non-application du régime de la concession de service public :
39. Considérant que, ainsi qu’il a été dit précédemment, il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative ; que, de même, le législateur pouvait soumettre la société nationale de programme « Télévision française 1 », une fois transférée du secteur public au secteur privé, à un régime d’autorisation administrative, sans être tenu d’avoir recours à un régime de concession de service public ;
. En ce qui concerne la situation, au regard du pluralisme, de la société T.F.1. :
40. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu’est contraire aux exigences du pluralisme l’acquisition de T.F.1., première chaîne française de télévision, par un unique groupe d’acquéreurs ; qu’en effet, avec la loi adoptée, ce serait 40 pour cent de l’audience actuelle de la télévision qui d’un seul coup se trouverait entre les mains d’un unique groupe de repreneurs ; que la seule solution constitutionnellement acceptable aurait consisté à prescrire une diffusion des actions de T.F.1. plus large que celle qui en remet 50 pour cent à un seul groupe ;
41. Considérant que, dans son article 58, la loi prévoit que le transfert au secteur privé du capital de la société nationale de programme « Télévision française 1 » s’effectuera d’abord par la cession de 50 pour cent du capital à un groupe d’acquéreurs désigné par la Commission nationale de la communication et des libertés dans les conditions fixées par les articles 62 à 64 ; qu’il est précisé, par l’article 58, qu’un groupe d’acquéreurs s’entend de deux ou plusieurs personnes physiques ou morales, agissant conjointement mais non pas indivisément et prenant des engagements solidaires ; que, s’il s’agit de personnes morales, aucune d’entre elles ne doit contrôler, directement ou indirectement, une autre personne morale agissant conjointement avec elle ; qu’ensuite, 10 pour cent du capital de la société T.F.1. sont proposés aux salariés de l’entreprise et 40 pour cent du capital font l’objet d’un appel public à l’épargne ;
42. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 62 et 64 de la loi que la procédure de désignation du groupe d’acquéreurs revêt un caractère public ; que les groupes d’acquéreurs dont les candidatures ont été admises doivent présenter un projet d’exploitation du service qui comprend notamment les obligations inscrites à un cahier des charges établi par décret en conseil d’État ; que le cahier des charges doit, aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la loi, contenir des obligations minimales touchant les « règles générales de programmation, notamment l’honnêteté et le pluralisme de l’information et des programmes » ; qu’il s’ensuit nécessairement que le respect du pluralisme revêt, pour le groupe d’acquéreurs, un caractère impératif ; qu’au surplus, la désignation par la Commission nationale de la communication et des libertés du groupe cessionnaire devra tenir compte, ainsi qu’il est dit au deuxième alinéa de l’article 64 de la loi, de la triple nécessité de diversifier les opérateurs, d’assurer le pluralisme des opinions et d’éviter les abus de position dominante ; que la commission devra, sans préjudice de toutes autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, assurer la limitation de la concentration dans l’ensemble du secteur de la communication, lors du choix du groupe d’acquéreurs ;
43. Considérant qu’en raison des règles ainsi fixées, tant pour la désignation du groupe d’acquéreurs que pour la définition de ses obligations au regard du pluralisme, les dispositions de l’article 58 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne le respect des règles de la concurrence :
44. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que la reprise de T.F.1. par un groupe unique d’acquéreurs porte atteinte au « principe de concurrence entre les activités privées » qui se déduit implicitement mais nécessairement du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité » ; qu’en effet, la société T.F.1., une fois privatisée, sera avantagée, tant vis-à-vis des services de télévision par voie hertzienne du secteur public qui doivent supporter des obligations de service public que vis-à-vis des services analogues du secteur privé qui ne disposeront pas d’une audience comparable à celle de la société T.F.1. ;
45. Considérant que, si le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 fait obstacle à ce qu’une loi confère un monopole à l’échelon national à une entreprise privée, tel n’est pas l’objet des dispositions de la loi déférée, qui ne transfèrent au secteur privé qu’une seule société nationale de programme en matière de télévision hertzienne parmi celles composant le secteur public et qui, combinées en tant que de raison avec les dispositions de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 qui demeureront en vigueur, laissent ouverte la possibilité de création d’autres services de télévision par voie hertzienne terrestre ; qu’ainsi le moyen doit être écarté ;
. En ce qui concerne la fixation de la valeur de la société nationale de programme « Télévision française 1 » :
46. Considérant que les auteurs de la saisine font grief aux règles retenues par l’article 59 de la loi pour la détermination de la valeur de la société T.F.1. d’être contraires au principe d’égalité devant les charges publiques ; qu’en effet, le groupe de repreneurs bénéficiera d’un privilège exorbitant puisque, en ne versant que 50 pour cent du prix du capital de la société, il sera assuré de bénéficier de 100 pour cent du pouvoir au sein de celle-ci ; qu’au surplus, si la mise sur le marché de 40 pour cent des actions ne remportait pas le succès escompté, l’État serait contraint de conserver les actions invendues tout en ayant perdu tout pouvoir dans la société une fois celle-ci privatisée ;
47. Considérant que la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur ; que cette règle découle du principe d’égalité ; qu’elle ne trouve pas moins un fondement dans les dispositions de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 relatives au droit de propriété et à la protection qui lui est due ; que cette protection ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l’État et des autres personnes publiques ;
48. Considérant, d’une part, que, dans son premier alinéa, l’article 59 de la loi énonce que « La société nationale de programme »Télévision française 1« ne peut être cédée qu’à un prix au moins égal à la valeur de ladite société » ; que la détermination de la valeur est, en vertu de l’alinéa 2 du même article, réalisée par la commission de la privatisation créée par la loi n° 86-912 du 6 août 1986, c’est-à-dire par un collège d’experts indépendants ; que cette évaluation doit, conformément au quatrième alinéa de l’article 59, être conduite selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d’actifs de sociétés en tenant compte du cahier des charges servant de base à la cession, de l’actif net et des élément incorporels, des perspectives de bénéfices de la société, de la valeur de ses filiales ainsi que de tous éléments de nature à contribuer à sa valorisation boursière ; que l’énoncé même de ces règles implique que le prix d’acquisition d’un ensemble d’actions donnant à un groupe d’acquéreurs le contrôle de la société soit fixé en tenant compte de cet avantage spécifique ;
49. Considérant, d’autre part, que dans l’éventualité où l’État resterait propriétaire d’une fraction minoritaire du capital de la société T.F.1. à la suite d’un appel public à l’épargne qui s’avérerait en tout ou partie infructueux, il n’en résulterait pas nécessairement une atteinte à ses intérêts patrimoniaux dans la mesure où la valeur des actions majoritaires cédées à un groupe d’acquéreurs aurait été fixée conformément aux conditions énoncées ci-dessus ; qu’à cet égard, il était loisible au législateur, comme le fait l’article 66 de la loi présentement examinée, d’écarter l’application, une fois opérée la cession de la moitié du capital à un groupe d’acquéreurs, des dispositions de l’article 12 de la loi n° 49-985 du 25 juillet 1949 qui garantissent à l’État, au sein des conseils d’administration des sociétés dans lesquelles il détient 10 pour cent du capital, un nombre de sièges proportionnel à sa participation ;
50. Considérant que, dans ces conditions, manque en fait le moyen tiré de ce que les règles de cession du capital de la société T.F.1. à un groupe d’acquéreurs seraient contraires au principe d’égalité ;
- SUR LES AUTRES MOYENS INVOQUES PAR LES AUTEURS DE LA SAISINE :
. En ce qui concerne l’article 5 :
51. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 5 de la loi : « Les fonctions de membre de la Commission nationale de la communication et des libertés sont incompatibles avec tout mandat électif, tout emploi public et toute activité professionnelle. » ;
52. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, ces dispositions, en tant qu’elles édictent une incompatibilité applicable aux parlementaires, sont contraires aux dispositions de l’article 25 de la Constitution qui réservent à la loi organique le soin de fixer le régime des incompatibilités applicables aux membres du Parlement ; qu’en outre, seule la Constitution pouvait prévoir une incompatibilité à l’égard des membres du Gouvernement ;
53. Considérant, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L.O. 142 du code électoral « l’exercice des fonctions publiques non électives est incompatible avec le mandat de député », sous les exceptions énumérées au deuxième alinéa du même article qui concernent respectivement les professeurs de l’enseignement supérieur et, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les ministres des cultes et les délégués du Gouvernement dans l’administration des cultes ; que les mêmes dispositions sont applicables au mandat de sénateur en vertu de l’article L.O. 297 du code électoral ; qu’il en résulte que les fonctions de membre de la Commission nationale de la communication et des libertés, qui constituent des fonctions publiques non électives, sont incompatibles avec tout mandat parlementaire ; que, dans ces conditions, le rappel par la loi ordinaire d’une règle antérieurement fixée par la loi organique ne constitue pas une violation de l’article 25 de la Constitution ;
54. Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 23 de la Constitution les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec « tout emploi public » ; que, dès lors, le fait que l’incompatibilité édictée par l’article 5 de la loi soit applicable aux membres du Gouvernement, loin de méconnaître l’article 23 de la Constitution, en constitue, au contraire, une exacte application ;
. En ce qui concerne l’attribution à la Commission nationale de la communication et des libertés d’un pouvoir réglementaire :
55. Considérant qu’en vertu du premier alinéa de l’article 6 de la loi, celles des décisions de la Commission nationale de la communication et des libertés, mentionnées aux articles 22, 27 et au deuxième alinéa de l’article 34 « qui présentent un caractère réglementaire », sont transmises au Premier ministre qui peut, dans les quinze jours, demander à la commission une nouvelle délibération ;
56. Considérant qu’il est soutenu par les auteurs de la saisine que la dévolution du pouvoir réglementaire à la commission méconnaît les dispositions de l’article 21 de la Constitution qui attribuent au Premier ministre le pouvoir réglementaire sous réserve des dispositions de l’article 13 concernant la compétence du Président de la République pour les décrets et ordonnances délibérés en Conseil des Ministres ;
57. Considérant que les deux premiers alinéas de l’article 21 de la Constitution sont ainsi conçus : « Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.- Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. » ;
58. Considérant que ces dispositions confèrent au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République, l’exercice du pouvoir réglementaire à l’échelon national ; qu’elles ne font cependant pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’État autre que le Premier ministre, le soin de fixer, dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par les lois et règlements, des normes permettant de mettre en oeuvre une loi ;
59. Considérant que l’article 62 de la loi renvoie, dans la première phrase de son deuxième alinéa, à un décret en Conseil d’État le soin de fixer le cahier des charges servant de base à la cession de la société nationale de programme T.F.1. ; que l’article 62 précise que : « Ce cahier des charges, qui reprend les règles générales fixées selon les modalités prévues à l’article 27 pour les services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, contient des obligations minimales » portant sur divers points ; que l’article 27-II de la loi, auquel il est ainsi fait référence, dispose que la Commission nationale de la communication et des libertés fixe, pour l’exploitation de chaque catégorie de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite autres que ceux assurés par les sociétés nationales de programme, les règles générales de programmation et les conditions générales de production des oeuvres diffusées ;
60. Considérant qu’en prévoyant que les normes édictées par le Gouvernement, agissant par décret en Conseil d’État, pour assurer l’exécution de l’article 62 de la loi, seront subordonnées aux règles générales fixées par la Commission nationale de la communication et des libertés en application de l’article 27-II, le législateur a méconnu les dispositions de l’article 21 de la Constitution ; que, par suite, sans que soit mise en cause l’étendue des obligations devant figurer au cahier des charges conformément aux articles 27 et 62, sont contraires à la Constitution, dans le texte du deuxième alinéa de l’article 62 de la loi, les mots « qui reprend les règles générales fixées selon les modalités prévues à l’article 27 pour les services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre » ;
61. Considérant, en revanche, que les autres attributions conférées par les articles 22, 27 et 34 de la loi à la Commission nationale de la communication et des libertés ne méconnaissent pas les dispositions de l’article 21 de la Constitution ;
. En ce qui concerne l’article 13 :
62. Considérant que les auteurs de la saisine estiment que la compétence conférée par l’article 13 de la loi à la Commission nationale de la communication et des libertés pour veiller, par ses recommandations, au respect du pluralisme dans le secteur public, doit être étendue au secteur privé ; que la critique ainsi faite à la loi ne vise pas l’article 13 en lui-même, mais est, en réalité, dirigée contre les articles 28, 29, 30 et 31 de la loi, dont la constitutionnalité a été examinée plus haut ;
. En ce qui concerne l’article 14 :
63. Considérant que l’article 14 de la loi est ainsi rédigé : « La Commission nationale de la communication et des libertés exerce un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les sociétés nationales de programme et par les titulaires des autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelle en vertu de la présente loi.- Les émissions publicitaires à caractère politique ne peuvent être diffusées qu’en dehors des campagnes électorales.- Toute infraction aux dispositions de l’alinéa ci-dessus est passible des peines prévues à l’article L. 90-1 du code électoral » ;
64. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu’en ouvrant aux partis politiques la possibilité de diffuser des messages publicitaires à caractère politique sur les ondes, ces dispositions créeront entre les partis une inégalité tenant à la disparité de leurs ressources financières qui sera par là-même contraire tant au principe d’égalité affirmé par l’article 2 de la Constitution qu’aux dispositions de son article 4 selon lesquelles « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage » et « se forment et exercent leur activité librement » ;
65. Considérant que l’article 14 de la loi n’entrave pas le libre exercice par les partis et groupements politiques de leur activité ; qu’il n’est, par suite, pas contraire à l’article 4 de la Constitution ;
66. Considérant que la loi a, en sus des règles posées en son article 14, confié, par son article 27-I, à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de la communication et des libertés, le soin de fixer les règles applicables à la publicité et au parrainage, en ce qui concerne les catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite autres que ceux assurés par les sociétés nationales de programme ;
67. Considérant qu’il ressort des dispositions combinées des articles 14 et 27-I qu’en donnant à la Commission nationale de la communication et des libertés la mission d’exercer un contrôle « par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires » diffusées par les sociétés nationales de programme et par les titulaires d’autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelle, le législateur a nécessairement invité cette commission à fixer, dans le respect des dispositions du décret en Conseil d’État prévu à l’article 27-I, des règles garantissant l’expression démocratique des divers courants d’idées et d’opinions ; que, conformément aux principes posés par les articles 1er et 3 de la loi, le respect de cet impératif fait obstacle à ce que les émissions publicitaires à caractère politique puissent privilégier quiconque en raison, notamment, des moyens financiers dont il dispose ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du principe d’égalité ne peut être retenu ;
. En ce qui concerne l’article 26
68. Considérant que, dans son troisième alinéa, l’article 26 de la loi prévoit que la Commission nationale de la communication et des libertés peut retirer aux sociétés nationales de programme « celles des fréquences qui ne sont plus nécessaires à l’accomplissement des missions définies par leurs cahiers des charges » ;
69. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que ces dispositions confèrent à la commission le pouvoir de supprimer un service public, au mépris des compétences du législateur en la matière ;
70. Considérant que l’article 26 de la loi n’a pas la portée que lui donnent les auteurs de la saisine ; qu’il se borne à charger la Commission nationale de la communication et des libertés de vérifier d’un point de vue technique l’adéquation entre les fréquences assignées aux sociétés nationales de programme et les nécessités du service public résultant des cahiers des charges établis par le Gouvernement sur le fondement de l’article 13, alinéa 2, de la loi, pour chacune des sociétés nationales de programme instituées par l’article 44 de la loi ; qu’il ne saurait en résulter une quelconque atteinte aux compétences du Parlement ou à celles du Gouvernement ; qu’ainsi le moyen invoqué ne peut qu’être écarté ;
. En ce qui concerne l’article 28 :
71. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu’en laissant à la Commission nationale de la communication et des libertés la faculté de n’imposer qu’une partie seulement des obligations mentionnées aux 1° à 7° de l’article 28, la loi déférée méconnaît les dispositions de l’article 34 de la Constitution qui confient au législateur le soin de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ;
72. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, lors de l’examen des dispositions régissant le pluralisme dans les services de communication diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, l’article 28, qui doit être interprété à la lumière des principes posés par la loi dans ses articles 1er et 3, n’est pas, en lui-même, contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne les dispositions réservant l’octroi d’autorisations aux sociétés :
73. Considérant que les articles 31 et 34 de la loi prévoient que les autorisations en matière de radiodiffusion sonore et de télévision par satellite, ainsi que de réseaux câblés, ne peuvent être accordées qu’à des sociétés, à l’instar d’ailleurs de ce qui est prévu par l’article 30 pour les autorisations en matière de télévision par voie hertzienne terrestre ;
74. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir qu’en tant qu’ils réservent à des sociétés la possibilité de bénéficier des autorisations, les articles 31 et 34 de la loi sont contraires au principe d’égalité ;
75. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce qu’à des situations différentes puissent être appliquées des règles différentes ; que le législateur, en ouvrant aux seules sociétés la possibilité d’obtenir des autorisations en matière de radiodiffusion sonore et de télévision par satellite, de télévision par voie hertzienne terrestre et de réseaux câblés, n’a fait qu’imposer aux personnes désireuses d’émettre par ces procédés l’obligation de se regrouper dans un cadre juridique qui offre des garanties sur le plan de la transparence financière ; que la condition d’ordre juridique ainsi exigée, qui peut être aisément remplie par tous les intéressés, n’est pas contraire au principe d’égalité ;
. En ce qui concerne l’article 57 :
76. Considérant que le paragraphe II de l’article 57 de la loi est ainsi rédigé : "En cas de cessation concertée du travail dans les sociétés nationales de programme ou à la société prévue à l’article 51, la continuité du service est assurée dans les conditions suivantes : – le préavis de grève doit parvenir au président des organismes visés à l’alinéa précédent dans un délai de cinq jours francs avant le déclenchement de la grève. Il doit fixer le lieu, la date et l’heure du début ainsi que la durée, limitée ou non, de la grève envisagée ; – un nouveau préavis ne peut être déposé par la même organisation syndicale qu’à l’issue du délai de préavis initial et, éventuellement, de la grève qui a suivi ce dernier ; – la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision doivent être assurées par les services ou les personnels des sociétés de programme et de la société prévue à l’article 51 qui en sont chargés ; – un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de l’alinéa ci-dessus. Il définit notamment les services et les catégories de personnels strictement indispensables à l’exécution de cette mission, et que les présidents de sociétés concernées peuvent requérir." ; que le paragraphe III du même article dispose : « Nonobstant les dispositions du paragraphe II ci-dessus, le président de chaque société est tenu de prendre les mesures nécessaires à l’exécution du service que le nombre et les catégories de personnels présents permettent d’assurer. » ;
77. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que, du fait de l’absence dans le texte de cet article de toute référence à la notion de « service minimum », le service exigé des personnels en cas de grève pourrait être un service normal, ce qui constituerait alors une atteinte au droit de grève, qui est un droit constitutionnellement garanti ;
78. Considérant qu’aux termes du septième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; qu’en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment, en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ; que ces limitations peuvent aller jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ;
79. Considérant que les dispositions contenues au paragraphe II de l’article 57, qui réglementent les modalités de dépôt du préavis de grève, qui indiquent les conditions dans lesquelles doivent être assurées la création, la transmission et l’émission des signaux de radio et de télévision par des sociétés chargées de l’exécution d’une mission de service public, et qui prévoient qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de ces conditions, n’autorisent nullement à ce que, par l’institution d’un service normal et non d’un service minimum, il puisse être fait obstacle à l’exercice du droit de grève dans des cas où sa limitation ou son interdiction n’apparaissent pas justifiées au regard des principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; qu’il en va de même du paragraphe III qui n’a pas d’autre objet que de préciser les responsabilités propres des présidents de chaque société ; qu’ainsi le moyen invoqué, qui tend à conférer aux dispositions critiquées une portée qu’elles n’ont pas, doit être écarté ;
. En ce qui concerne l’article 102 :
80. Considérant que le premier alinéa de l’article 102 de la loi dispose : « Les conseils d’administration des sociétés nationales de programme et de l’Institut national de la communication audiovisuelle créés en vertu de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée, auxquels succèdent les organismes mentionnés aux articles 44 et 49, demeurent en fonctions jusqu’à la date de nomination des administrateurs désignés en application du titre III. Cette désignation interviendra au plus tard six mois après la date de publication de la présente loi. » ;
81. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions, qui ont pour objet de mettre fin prématurément au mandat des actuels administrateurs des sociétés nationales de programme, sont contraires aux exigences constitutionnelles concernant l’exercice des libertés publiques ;
82. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il est loisible au législateur de modifier des textes législatifs antérieurs ou d’abroger ceux-ci dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
83. Considérant que la modification des règles juridiques concernant la composition des conseils d’administration des sociétés nationales de programme et de l’Institut national de l’audiovisuel, qui résulte des articles 47 et 50 de la loi, n’a pas pour effet de priver de garanties légales des exigences de valeur constitutionnelle ; que, dès lors, le législateur pouvait, sans méconnaître aucune règle non plus qu’aucun principe de valeur constitutionnelle, décider de mettre fin, comme le fait l’article 102 de la loi, au mandat des administrateurs des sociétés nationales de programme et de l’Institut national de la communication audiovisuelle qui avaient été précédemment désignés sous l’empire de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 ;
. En ce qui concerne l’article 103 :
84. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 103 de la loi : « Le président, le directeur général et les membres du conseil d’administration de l’établissement public de diffusion prévu à l’article 34 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée demeurent en fonctions jusqu’à la constitution de la société prévue à l’article 51 de la présente loi » ; que le deuxième alinéa de l’article 103 précise que : « Jusqu’à la date à laquelle l’État aura cédé 10 pour cent au moins du capital de la société visée au premier alinéa du présent article, la composition du conseil d’administration de la société sera régie par les mêmes règles que celles qui s’appliquent à l’Institut national de l’audiovisuel en vertu de l’article 50 de la présente loi. Le président sera nommé par décret en Conseil des ministres. » ; que selon le cinquième alinéa de l’article 103 les biens incorporés au domaine public de l’établissement public de diffusion « seront déclassés et transférés au patrimoine de la société » ;
85. Considérant que les auteurs de la saisine font grief, d’une part, aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 103 d’empiéter sur le domaine de la compétence de la loi organique en prévoyant l’intervention d’un décret « en Conseil des ministres » pour la nomination à un emploi public et, d’autre part, à celles du cinquième alinéa, de méconnaître tant le principe d’inaliénabilité du domaine public que le principe d’égalité ;
- Quant à la compétence de la loi organique :
86. Considérant qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République nomme aux emplois civils et militaires de l’État ; que le quatrième alinéa du même article réserve à une loi organique le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le Président de la République peut déléguer son pouvoir de nomination ainsi que ceux des emplois civils et militaires de l’État, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa de l’article 13, auxquels il est pourvu en Conseil des ministres ; que l’ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État prévoit, dans son article 1er, qu’outre les emplois visés à l’article 13, alinéa 3, de la Constitution, il est pourvu en Conseil des ministres : « … aux emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie inscription sur une liste dressée par décret en Conseil des ministres » ainsi qu'« aux emplois pour lesquels cette procédure est actuellement prévue par une disposition législative ou réglementaire particulière » ;
87. Considérant que, si le décret n° 85-834 du 6 août 1985, pris en Conseil des ministres, sur le fondement de l’article 1er de l’ordonnance organique n° 58-1136 du 28 novembre 1958, a fait figurer l’emploi de président-directeur général de Télédiffusion de France sur la liste des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres, cette inscription concerne l’établissement public de diffusion créé par les articles 34 à 36 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et ne saurait viser la société créée par l’article 51 de la loi présentement examinée ; que, dans ces conditions, en prévoyant que le président de cette nouvelle société serait nommé « en Conseil des ministres », la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 103 de la loi a empiété sur le domaine réservé à la loi organique par l’article 13, alinéa 4, de la Constitution et est, dans cette mesure, contraire à la Constitution ;
- Quant à la méconnaissance du principe d’inaliénabilité du domaine public :
88. Considérant que, sans qu’il soit besoin de rechercher si le principe d’inaliénabilité du domaine public a valeur constitutionnelle, il suffit d’observer qu’il s’oppose seulement à ce que des biens qui constituent ce domaine soient aliénés sans qu’ils aient été au préalable déclassés et, qu’en l’espèce, le cinquième alinéa de l’article 103 de la loi ne prévoit de transfert à la nouvelle société des biens incorporés au domaine public de « Télédiffusion de France », qu’après leur déclassement ;
- Quant à la violation du principe d’égalité :
89. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, en ne fixant pas de délai à la réalisation du transfert des biens de « Télédiffusion de France » à la nouvelle société, le cinquième alinéa de l’article 103 permet que le transfert intervienne une fois qu’une partie du capital de cet établissement public aura elle-même été cédée au secteur privé ; que, de ce fait, ceux qui auront acquis des actions dont le prix aura été calculé sans que les biens affectés au domaine public de l’établissement soient pris en compte bénéficieront d’un enrichissement sans cause, rompant l’égalité entre les citoyens, au moment où les biens en question seront incorporés au patrimoine de la société, renchérissant ainsi la valeur des actions qu’ils détiennent ;
90. Considérant qu’aucune disposition de l’article 103 de la loi n’autorise, ni n’implique que la fixation de la valeur des actions représentatives du capital de « Télédiffusion de France » ne prenne pas en compte les biens affectés à cet établissement ; qu’ainsi le moyen tiré de la violation du principe d’égalité ne peut qu’être écarté ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l’article 74 de la Constitution :
91. Considérant que les auteurs de la saisine invitent le Conseil constitutionnel à vérifier si la loi déférée qui, en vertu de son article 108 est applicable aux territoires d’outre-mer, sous les exceptions énumérées par ledit article, a été adoptée dans le respect de l’article 74 de la Constitution ;
92. Considérant qu’aux termes de l’article 74 de la Constitution l’organisation des territoires d’outre-mer « est définie et modifiée par la loi après consultation de l’assemblée territoriale intéressée » ; qu’il résulte de cette disposition que l’avis émis en temps utile par l’assemblée territoriale, consultée avec un préavis suffisant, doit être porté à la connaissance des parlementaires, pour lesquels il constitue un élément d’appréciation nécessaire, avant l’adoption en première lecture du projet de loi par l’assemblée dont ils font partie, mais qu’aucune disposition de valeur constitutionnelle n’exige que cet avis soit demandé avant le dépôt du projet de loi devant le Parlement ;
93. Considérant que le projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat le 11 juin 1986 et que les assemblées territoriales de Nouvelle-Calédonie et dépendances et de Polynésie française, qui en ont été saisies, pour la première, le 2 juin 1986 et, pour la seconde, le 10 juin 1986, ont émis leur avis sur ce projet respectivement les 14 juin et 26 juin 1986 ; que ces avis ont été portés à la connaissance de l’Assemblée nationale et du Sénat le 4 juillet 1986, c’est-à-dire avant le 24 juillet 1986, date de l’adoption du projet de loi en première lecture par le Sénat ; qu’il s’ensuit que l’article 74 de la Constitution n’a pas été méconnu ;
- SUR L’ARTICLE 4 :
94. Considérant que le premier alinéa de l’article 4 de la loi est ainsi rédigé : "La Commission nationale de la communication et des libertés est une autorité administrative indépendante qui comprend treize membres nommés par décret en Conseil des ministres : 1° Deux membres désignés par le Président de la République, deux membres désignés par le Président de l’Assemblée nationale, deux membres désignés par le Président du Sénat ; 2° Un membre ou un membre honoraire du Conseil d’État élu par les membres du Conseil d’État ayant au moins atteint 1e grade de conseiller d’État ; 3° Un magistrat ou un magistrat honoraire du siège ou du ministère public de la Cour de cassation élu par les membres de la Cour de cassation ayant au moins atteint le grade de conseiller ou d’avocat général ; 4° Un magistrat ou un magistrat honoraire de la Cour des comptes élu par les membres de la Cour des comptes ayant au moins atteint le grade de conseiller maître ; 5° Un membre de l’Académie française élu par celle-ci ; 6° Une personnalité qualifiée dans le secteur de la création audiovisuelle, une personnalité qualifiée dans le secteur des télécommunications et une personnalité qualifiée dans le secteur de la presse écrite, cooptées par les dix membres prévus ci-dessus" ;
95. Considérant, d’une part, que pour les motifs énoncés ci-dessus à propos de l’article 103, alinéa 2, de la loi, les mots « en Conseil des ministres », dans le texte de l’article 4 de la loi, sont contraires à l’article 13, alinéa 4, de la Constitution ;
96. Considérant, d’autre part, que la Commission nationale de la communication et des libertés est une « autorité administrative indépendante » ; que l’indépendance ainsi conférée à cet organisme, qui est, dans son principe, conforme à la conciliation à opérer entre la libre communication des pensées et des opinions et les objectifs de valeur constitutionnelle touchant notamment à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels implique, dans l’intention même du législateur, que ceux des membres de la commission désignés par le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, soient élus uniquement par ceux des membres de ces institutions qui sont, à la date de l’élection, en service dans leur corps ;
- SUR L’ABROGATION DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI N° 82-652 DU 29 JUILLET 1982 :
97. Considérant que l’article 110 de la loi dispose notamment que « Sont abrogés : … 2° la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée, à l’exception des articles 6, 13, 14, 18, 19, 20, 22, 26, 73, 89, 90, 92, 93, 93-2, 93-3, 94, 95 et 96 » ; que, de son côté, l’article 111 de la loi présentement examinée dispose que « Sont abrogés, à compter de la date d’installation de la Commission nationale de la communication et des libertés, les articles 13, 14, 18, 19, 20, 22 et 26 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée » ;
98. Considérant qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de déterminer dans quelle mesure le législateur aurait entendu prononcer de telles abrogations au vu de la déclaration de non-conformité à la Constitution des articles 39 et 41 de la loi présentement examinée ; qu’ainsi, les dispositions du 2° de l’article 110 et celles de l’article 111 doivent être regardées comme inséparables des dispositions déclarées contraires à la Constitution ;
- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI :
99. Considérant qu’en l’espèce il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :
Article premier :
Ne sont pas conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la liberté de communication :
- dans le texte du premier alinéa de l’article 4, les mots « en Conseil des ministres » ;
- les article 39 et 41 ;
- dans le texte de l’article 62 de la loi, le membre de phrase ainsi conçu : « qui reprend les règles générales fixées selon les modalités prévues à l’article 27 pour les services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre » ;
- dans le texte du deuxième alinéa, in fine de l’article 103, les mots « en Conseil des ministres » ;
Article 2 :
Sont inséparables des articles 39 et 41 les dispositions suivantes de la loi :
- les articles 28 à 31 ;
- dans le texte de l’article 10, la mention de l’article 31 ;
- dans le texte des articles 70 et 71, la mention des articles 30 et 31 de la loi ;
- dans le texte de l’article 77, la mention de l’article 39 ;
- dans le texte de l’article 90-III et dans celui de l’article 94, la référence aux articles 29 et 30 ;
- le deuxième alinéa de l’article 105 ;
- le 2° de l’article 110 et l’article 111.
Article 3 :
Les autres dispositions de la loi ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 4. – La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 17 et 18 septembre 1986.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

Monsieur le président,

Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi relative à la liberté de communication tel qu’il a été définitivement adopté par le Parlement.

Ce texte, qui comporte plus d’une centaine d’articles, pose un nombre considérable de problèmes dont tous n’ont ni la même portée ni la même difficulté. C’est la raison pour laquelle, afin de donner à l’argumentation la clarté nécessaire, la présente saisine portera en premier lieu sur quatre aspects fondamentaux de la loi, Commission nationale de la communication et des libertés, autorisations en matière audiovisuelle, transfert de TF 1 au secteur privé, pluralisme de la communication, avant d’envisager isolément un certain nombre de dispositions particulières (1).

(1) Les articles mentionnés dans la saisine le seront sous le numéro qu’ils portaient lors de leur adoption en première lecture par le Sénat.

I : Sur la Commission nationale de la communication et des libertés

Dans sa décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, le Conseil constitutionnel a relevé, à propos de la communication audiovisuelle, qu’il « appartient au législateur de concilier l’exercice de la liberté de communication avec les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels auquel ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ».

Pour respecter ces principes et les mettre en uvre, il ne fait guère de doute que les personnes physiques et morales intervenant dans la communication audiovisuelle ne doivent pas être soumises aux pressions que le pouvoir politique pourrait être tenté d’exercer sur elles à des fins partisanes.

De là est née l’idée d’une instance impartiale dont l’indépendance même garantirait celle des acteurs de la communication audiovisuelle.

Ainsi, l’évolution des sciences et des techniques, l’influence considérable des moyens de communication audiovisuelle, les errements passés de gouvernements les utilisant à des fins de propagande conduisent à considérer que la mise en uvre moderne de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 suppose l’existence d’une instance indépendante à laquelle est confiée la mission de veiller constamment au respect des principes constitutionnels et de prendre les décisions nécessaires.

Aussi n’est-il pas excessif de considérer comme résultant d’une exigence constitutionnelle non seulement l’existence d’une telle institution, mais également son indépendance.

Or, si la loi déférée maintient une telle instance, elle porte gravement atteinte à son indépendance.

Il ne s’agit nullement de contester le droit qu’a le législateur de modifier la dénomination de cette instance, de changer sa composition ou encore de redéfinir ses attributions. Le Parlement, sur tous ces points, a fait ses choix et ils ne sont pas constitutionnellement discutables dans leur principe.

Il n’en va pas de même, en revanche, de la fin prématurée du mandat des membres de la Haute Autorité.

Quelle serait en effet l’indépendance réelle de toute institution dont les membres, nonobstant la durée que la loi donne à leur mandat, sont remplacés en vertu d’une loi nouvelle dont l’adoption fait suite à l’alternance politique ?

Quelle peut être l’indépendance d’une instance dont, ainsi, le sort des membres est lié à la stabilité d’une coalition électorale ?

Il est clair que cette indépendance est en fait réduite à néant, quelles que puissent être les qualités personnelles des membres appelés à siéger dans l’instance renouvelée.

Cela ne signifie nullement l’impossibilité pour le législateur de modifier les règles de composition d’un tel organisme, d’en porter les membres de neuf à treize ou de confier à d’autres le soin de les désigner. Aussi bien n’est-ce pas l’article 4 qui est ici contesté mais plutôt les articles 92 et 94.

Cela signifie seulement que le législateur, dès lors que l’instance concernée joue un rôle éminent dans le domaine des libertés publiques, doit prévoir un mécanisme permettant aux membres nommés d’achever normalement leur mandat. Ainsi, en l’espèce, la loi pouvait-elle décider que quatre membres supplémentaires seraient immédiatement adjoints à ceux qui composent la Haute Autorité et que les autres membres seraient nommés, par les nouvelles instances compétentes, au fur et à mesure que seraient venus à leur terme les mandats des membres actuels.

Mais elle ne pouvait, sans méconnaître une exigence de valeur constitutionnelle, créer un précédent grave en abrégeant le mandat de personnalités dont la vocation principale doit être l’indépendance, s’agissant d’une instance dont l’activité touche à l’exercice des libertés publiques. C’est d’ailleurs ce que le Conseil constitutionnel, sur un autre sujet, a admis implicitement mais clairement dans sa décision des 25 et 26 juin 1986.

Les dispositions relatives à la Commission encourent donc la censure, sauf à ce que le Conseil constitutionnel, ce qui permettrait de ne pas faire obstacle au nouveau système, décide de ne déclarer non conformes que l’article 92, les deux premiers alinéas de l’article 94 et, dans le troisième alinéa, les termes « auxquels correspond un mandat de cinq ans ensuite. » II. : Sur les autorisations d’utilisation des fréquences hertziennes

Les fréquences hertziennes disponibles sont un bien limité. C’est à ce titre que leur utilisation ne peut être purement et simplement laissée à la volonté de qui s’en saisit.

S’agissant de la radiodiffusion, l’espace nécessaire à l’émission, joint au caractère local que la loi a donné aux autorisations, permet qu’existent de très nombreuses radios privées locales.

Tout autre est le problème posé par la télévision hertzienne.

Son impact, en premier lieu, est sans commune mesure avec celui de la radio. Le seuil de rentabilité des équipements nécessaires, infiniment plus coûteux que dans le cas de la radio, est beaucoup plus élevé, ce qui, en deuxième lieu, suppose que l’audience potentielle soit plus large et que soit réduit d’autant le nombre des autorisations susceptibles d’être consenties.

C’est à ce double titre au moins que le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée du 27 juillet 1982, a reconnu que la télévision, faute de l’encadrement législatif approprié, pouvait être de nature à porter atteinte à des principes de valeur constitutionnelle.

C’est à ce double titre aussi que les auteurs du projet qui allait devenir la loi du 29 juillet 1982 avaient entendu formaliser le caractère particulier de ce bien en créant un domaine public hertzien.

Il ne s’agissait là, ni plus ni moins, que d’adapter au développement des sciences et des techniques les solutions les plus éprouvées par l’histoire. Le domaine public terrestre et fluvial était apparu avec la double volonté de limiter la propriété féodale et d’assurer les moyens de ce qui devait devenir la liberté d’aller et de venir. Ce domaine public est ensuite devenu maritime et aérien, au fur et à mesure que s’opérait la conquête des mers et de l’air, pour éviter que leur appropriation privée ne les livrât aux mains de ceux qui s’en empareraient les premiers. A bien y réfléchir, la comparaison n’aurait rien d’abusif entre routes hertziennes et routes terrestres.

Dès 1982, avec la renonciation au monopole public qui avait jusqu’alors évité que le problème fût posé, l’idée de domaine public hertzien s’est imposée d’elle-même. Toutefois, au cours de la discussion parlementaire, les difficultés pratiques et juridiques consécutives à ce choix sont apparues telles que le législateur a finalement décidé d’y renoncer.

Mais il ne l’a fait que parce qu’il existait une autre solution jugée meilleure et plus facilement utilisable : celle de la concession de service public.

Au nom de celle-ci, la télévision hertzienne pouvait être confiée à des entreprises privées, et l’a effectivement été, sans pour autant que soient méconnues les exigences particulières qui s’attachent à la nature même de ce mode de communication.

La concession permet, en effet, tout en substituant la notion de service public à celle de domaine public, de maintenir l’impératif d’intérêt général. De plus, elle offrait la possibilité que soient créées des chaînes privées, dans le cadre d’un contrat définissant clairement leurs obligations, au nombre desquelles figure, par nature même, le respect des principes de continuité, de mutabilité et d’égalité qui caractérisent le service public.

De la sorte, ce système était, par essence, respectueux du pluralisme dont aucun concessionnaire ne pouvait s’affranchir sans méconnaître ses obligations de service public. Il ne présentait en revanche aucune incompatibilité de principe avec les objectifs légitimes de transparence et de compétition entre candidats à la concession. Ainsi étaient concurremment poursuivis et atteints les objectifs de développement de la télévision et de défense de l’intérêt général.

Il n’en va pas de même, il s’en faut de beaucoup, avec la loi déférée.

Celle-ci non seulement ne recourt pas à la notion de domaine public, mais supprime celle actuellement en vigueur de service public.

De ce fait, les fréquences hertziennes utilisables pour la télévision sont traitées exactement comme le serait n’importe quel autre moyen de communication. De deux choses l’une pourtant : ou bien la télévision hertzienne constitue effectivement un moyen de communication comme un autre, et l’autorisation préalable ne se justifie pas plus pour lui que pour la presse écrite, ou bien la télévision n’est pas un moyen de communication comme les autres, du fait du caractère limité des fréquences, et le traitement particulier qu’elle appelle doit tenir compte de ses éléments propres.

Dès lors que les fréquences hertziennes constituent un bien fini et limité, dès lors que l’usage de ce bien fini et limité intéresse au plus haut point l’exercice des libertés publiques, il en résulte soit que ce bien appartient au domaine public, soit que la télévision constitue un service public national dont la nécessité découle de principes et de règles de valeur constitutionnelle.

Cela bien sûr ne signifie nullement, ni dans un cas ni dans l’autre, que le législateur serait dans l’incapacité de décider souverainement de confier une partie de ce service à des entreprises privées. Cela ne fait pas même obstacle forcément à ce qu’une entreprise publique fasse l’objet d’un transfert au secteur privé.

Cela signifie seulement que l’activité concernée, elle, ne peut pas être transférée au secteur privé.

On en veut d’ailleurs pour preuve que, dans la loi de 1982 comme dans l’absolu, ce qui vaut pour la télévision hertzienne ne vaut pas pour la télévision par câble.

Le recours à cette dernière technique n’est en effet ni fini ni limité. La création de réseaux ne dépend, comme pour le téléphone, que de l’installation des câbles et des prises de branchement. De ce fait, et n’était-ce la nécessité pour ces câbles d’emprunter le domaine public, il n’y aurait rien d’anormal à ce que la télévision par câble soit soumise au même type de traitement que celui qui s’applique à la presse écrite : liberté absolue sous réserve de répondre des abus de cette liberté dans les cas prévus par la loi et de respecter les nécessités du pluralisme.

C’est pour la même raison, le caractère fini et limité dans un cas et son absence dans les autres, que la télévision hertzienne est un service public national quand la télévision câblée et la presse écrite n’en sont pas.

Aussi est-ce pour avoir méconnu cette évidence, pour avoir permis que ce qui appartient par nature au service public cesse d’être assujetti à l’intérêt général, que les articles 27, 31, 32, 34 et 35 de la loi déférée, ainsi que ceux qui en sont la conséquence nécessaire, ne pourront, sur ce point aussi, qu’être déclarés non conformes à la Constitution.

III. : Sur le transfert au secteur privé de la Société TF 1

En ce qui concerne le principe d’un tel transfert, une société nationale peut faire l’objet d’un transfert au secteur privé comme l’a expressément prévu l’article 34 de la Constitution. Mais cette possibilité ne concerne pas toute société, pas plus qu’elle ne peut intervenir dans n’importe quelles conditions.

Le préambule de la Constitution de 1946, en premier lieu, exige que devienne la propriété de la collectivité, et a fortiori le demeure, tout bien ou entreprise dont l’exploitation a les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait.

Le Conseil constitutionnel n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler dans sa décision précitée des 25 et 26 juin 1986. Dans la même décision, cependant, le Conseil a considéré que cela « laisse au législateur l’appréciation de l’opportunité des transferts du secteur public au secteur privé des biens ou des entreprises sur lesquels ces transferts doivent porter ».

Il en résulte donc que le législateur est fondé à décider un tel transfert à la seule condition que ce soit dans le « respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle qui s’imposent à tous les organes de l’Etat ».

Ces règles et ces principes ont été méconnus.

En premier lieu, les remarques qui précèdent concernant la concession de service public valent également pour la privatisation de TF 1

Si l’on peut admettre que le législateur dispose du droit de transférer une société nationale de télévision au secteur privé, encore faut-il que continuent de s’appliquer à la chaîne les impératifs d’intérêt général dont on a démontré qu’ils étaient consubstantiels à la notion même de télévision hertzienne. Les règles qui doivent s’appliquer à toute télévision privée doivent s’appliquer tout autant à une télévision privatisée.

C’est pourquoi la privatisation de TF 1, opérée hors le cadre de la concession de service public, doit, à ce titre, être déclarée non conforme à la Constitution, à tout le moins par voie de conséquence.

En deuxième lieu, on ne peut admettre, au regard des exigences du pluralisme, l’acquisition de TF 1 par un unique groupe d’acquéreurs.

Première chaîne française de télévision, TF 1 a acquis dans son histoire une expérience, un savoir faire et des moyens, qui lui donnent une audience considérable. Elle dispose en outre d’un réseau couvrant l’ensemble du territoire national et bénéficie de son ancrage profond dans les habitudes des Français.

A priori on pourrait considérer que tous ces éléments ont pour seule conséquence, à condition de pouvoir les quantifier, de renchérir le prix auquel la cession pourrait être opérée. Et ce serait vrai s’il s’agissait d’une entreprise industrielle ou commerciale comme une autre. Tel n’est manifestement pas le cas.

Parce qu’elle opère dans le domaine télévisuel, qui intéresse au plus haut point les libertés publiques, parce qu’elle appartient au secteur de la communication, qui exige le pluralisme, elle ne peut être considérée comme le serait une autre entreprise.

Or, au regard de l’exigence du pluralisme, il importe de rappeler qu’en matière de presse écrite le législateur de 1984 a limité à 25 p 100 de la diffusion le plafond maximum de la concentration entre les mêmes mains. Il a été proposé de porter ce seuil à 30 p 100 dans un article de loi que le Conseil constitutionnel, pour d’autres raisons, a déclaré non conforme à la Constitution.

Pourtant, avec la loi adoptée, ce serait 40 p 100 de l’audience actuelle de la télévision qui d’un seul coup se trouveraient, par décision de la loi, remis entre les mains d’un unique groupe de repreneurs.

Il est pourtant manifeste que l’audience est à la télévision ce que la diffusion est la presse écrite, avec cela d’aggravant que nul ne conteste l’impact accru qu’a le premier mode de communication sur le second.

Comment justifier alors que le niveau de concentration jugé inacceptable pour la presse écrite soit considéré comme tolérable pour la télévision, alors surtout que cette audience ne procède en rien du mérite ou du talent des repreneurs mais seulement d’une position acquise.

On pourrait certes objecter qu’entrer dans cette logique aurait pour conséquence soit d’interdire le transfert d’une chaîne publique au secteur privé, soit d’obliger à la démanteler au préalable. Mais une telle conclusion serait erronée. L’exigence du pluralisme a pour seule conséquence en l’occurrence d’interdire que l’ensemble de la chaîne soit cédé à un groupe unique.

Quant à l’idée selon laquelle le fait qu’il s’agisse justement d’un groupe, et non d’une seule personne physique ou morale, suffirait à assurer le pluralisme, elle mérite à peine qu’on s’y arrête, tant il est certain que l’existence de deux partenaires ne saurait suffire à garantir le pluralisme.

La seule solution constitutionnellement acceptable consistait donc à prescrire une plus large diffusion des actions de TF 1 que celle qui en remet 50 p 100 à un seul groupe.

Il en va d’autant plus ainsi, par ailleurs, qu’en admettant même que la seule logique des seuils de concentration ne suffise pas à disqualifier le système retenu, il est une autre raison de le censurer.

En troisième lieu, c’est au regard des principes relatifs à la concurrence qu’on ne peut non plus admettre la reprise de TF 1 par un groupe unique.

Le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 a pour objet implicite mais nécessaire de donner valeur constitutionnelle au principe de concurrence entre les activités privées. Seule, d’une part, la collectivité peut détenir des monopoles, et si, d’autre part, obligation lui est faite de devenir propriétaire de ceux qui se créeraient, c’est bien pour éviter que puissent exister dans le secteur privé des domaines échappant à la concurrence.

C’est d’ailleurs à ce titre que le législateur, s’il n’entend évidemment pas interdire les positions dominantes, en sanctionne les abus.

Sans doute est-ce un fait sans précédent que celui consistant pour la loi non pas à limiter mais à créer une position dominante. C’est ce que fait le texte déféré.

TF 1 privatisée se trouvera certes en concurrence avec Antenne 2 et FR 3 d’un côté, avec les autres sociétés privées de l’autre.

Mais en ce qui concerne les premières, la concurrence sera naturellement faussée par le fait que pèsent sur elles les obligations et sujétions particulières liées à leur caractère public.

Certes, elles bénéficient en contrepartie des produits de la redevance, mais il est loin d’être acquis que celle-ci suffise à compenser les recettes publicitaires auxquelles leurs obligations les conduisent à renoncer et dont le montant, en outre, est désormais plafonné plus rigoureusement.

Quant aux autres sociétés privées, plusieurs ont vocation à être des chaînes nationales. Mais il ne s’agit là que d’une vocation.

Outre qu’elles ne peuvent pas encore techniquement couvrir tout le territoire, elles risquent de ne le pas pouvoir commercialement non plus compte tenu notament de la situation qui serait créée par l’entrée en vigueur de la loi.

Une chose est de partir à la conquête d’un secteur demeuré totalement vierge, celui des télévisions privées ; autre chose est d’engager cette même conquête lorsque le terrain se trouve massivement occupé par une télévision existante, puissante, diffusant sur l’ensemble du territoire dans d’excellentes conditions.

Les télévisions publiques ont la puissance et les contraintes. Les télévisions privées ont nettement moins de contraintes et nettement moins de puissance. TF 1 privatisée aura seule à la fois la puissance et l’absence de contraintes, et cela, répétons-le, au profit d’un seul groupe de repreneurs.

En quatrième lieu les conditions de vente appellent également la critique.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision des 25 et 26 juin 1986, a considéré que le droit de propriété concernait la propriété publique autant que la propriété privée et en a légitimement déduit qu’une entreprise publique ne pouvait être cédée à un prix inférieur à sa valeur.

On ne fera pas à la loi le procès de brader les intérêts financiers de l’Etat. Mais il convient d’observer que dans la dicision précitée le Conseil a considéré que les droits patrimoniaux de l’Etat avaient une double source : l’article 17 de la Déclaration de 1789, mais aussi le principe d’égalité.

Au regard du premier, le dispositif, sous réserve qu’il soit correctement appliqué, n’est pas contesté. Il n’en va pas de même au regard du second.

En effet, le prix a une double signification : reçu par l’Etat, il doit être la contrevaleur de ce qu’il cède ; versé par l’acheteur il doit être la représentation de ce qu’il acquiert.

L’Etat, ici, devrait normalement recevoir de l’ensemble des acquéreurs ce qui doit lui revenir.

Le groupe de repreneurs, en revanche, obtiendra infiniment plus que ce pour quoi il aura payé. Sous couleur de « rendre TF 1 » au public, c’est en réalité un somptueux cadeau qui sera fait aux acquéreurs puisque ceux-ci, en ne versant que 50 p 100 du prix de la société, sont assurés de bénéficier de 100 p 100 du pouvoir au sein de celle-ci.

Les actions réservées aux salariés peuvent se justifier par la notion d’intéressement, laquelle peut être considérée comme découlant du principe constitutionnel de participation.

Mais sous cette réserve, en réalité, l’opération qui consiste à céder 50 p 100 de la société au groupe de repreneurs et 40 p 100 au public serait plus justement qualifiée en considérant que, sous réserve qu’il soit procédé à une augmentation de capital les conduisant à renoncer à la moitié des bénéfices, les acquéreurs peuvent acheter TF 1 à moitié prix. Car c’est bien à cela que revient l’opération envisagée. Or, il est certain que les bénéfices futurs ne sont certainement pas le seul attrait qu’il y a à s’emparer d’une telle société.

Une fois acquise dans ces conditions la propriété de 50 p 100 du capital, ceux qui les détiendraient seraient dans une situation inexpugnable. Seuls réellement investis de tous les pouvoirs, nul ne pourrait les leur contester, nul n’en pourrait créer ou acquérir d’équivalents, nul ne pourrait les contraindre à la vente.

Quels que soient donc ceux qui seraient choisis pour cette reprise, ils bénéficieraient d’un privilège exorbitant non seulement au regard du pluralisme, non seulement au regard de la concurrence, mais également, et ce n’est pas le moins surprenant, au regard du prix effectivement payé pour obtenir tout cela.

Ainsi l’égalité entre les citoyens sera-t-elle rompue, et définitivement, au profit de ceux qui seront choisis comme repreneurs.

A cela on pourrait être tenté d’objecter qu’il peut en aller ainsi pour tout transfert au secteur privé, que celui qui acquiert suffisamment d’actions peut disposer seul de la totalité du pouvoir.

Mais une telle objection ne serait pas fondée.

D’une part celui qui, dans une autre entreprise, est le plus gros porteur de parts ou même acquiert une minorité de blocage, peut toujours craindre qu’un autre, par des voies diverses, devienne plus gros porteur, voir actionnaire majoritaire. Contre ce risque les repreneurs de TF 1 seraient législativement prémunis.

D’autre part et surtout, l’acquisition d’une fraction importante du capital d’une entreprise privatisée résultera en principe d’une compétition ouverte, dont les résultats sont susceptibles d’être à tout moment remis en cause, et pour des entreprises qui ne concernent en rien les libertés publiques.

C’est exactement le contraire en l’espèce. Les libertés publiques sont en cause. La décision rapide d’une commission, quelle que puisse être la qualité de ceux qui la composeront, tiendra lieu de compétition ouverte. Son choix sera irrévocable en fait.

Ce sont là quelques-unes des raisons pour lesquelles la comparaison entre le cas de TF 1 et celui des autres sociétés dont vient d’être décidé le transfert au secteur privé serait sans pertinence.

Enfin, il n’est pas indifférent de relever que la chronologie des opérations pourrait même conduire à ce que l’Etat soit lésé dans ses droits.

Si, en effet, la mise sur le marché de 40 p 100 des actions ne remportait pas le succès escompté, pour quelque raison que ce soit, l’Etat serait contraint de conserver les actions invendues. De la sorte, il disposerait certes des droits proportionnels à dividendes, mais la collectivité aurait perdu tout pouvoir dans la société, sans pour autant recevoir l’intégralité du prix que légitime une telle cession.

A tous égards donc, et de quelque côté qu’on aborde la question, le transfert au secteur privé de la propriété de TF 1 ne peut constitutionnellement être opéré dans les conditions décidées par la loi.

Il n’eût été possible que si, à tout le moins, il avait respecté les règles spécifiques qui s’imposent à la télévision hertzienne, avait fait l’objet d’un appel au marché ou à une pluralité de repreneurs, avait porté sur la quasi-totalité du capital.

Faute d’en avoir décidé ainsi, la loi, pour cet autre motif, devra être déclarée non conforme à la Constitution.

IV. : Sur le pluralisme de la communication

Celui-ci est menacé, pour les raisons précédemment développées, par le transfert de TF1 au secteur privé. On n’y reviendra donc pas.

Au-delà, il n’existe pas actuellement, le problème étant nouveau en France, de définition constitutionnelle précise de ce que le respect du pluralisme permet ou de ce qu’il interdit.

Une première remarque s’impose. Lors du débat parlementaire sur la loi relative à la presse écrite, aux souhaits formulés par les orateurs de l’opposition que soit mis en place un dispositif limitant la concentration, il était systématiquement répondu, tant par les rapporteurs que par le Gouvernement, que la loi relative à la communication audiovisuelle prévoierait une limite à la concentration de caractère multimédia.

Aussi n’est-ce pas sans surprise qu’on peut lire, à la page 299 du rapport de M Péricard, que « l’élaboration d’une législation multimédia est prématurée, et la teneur du projet de loi sur la communication conduit à reporter à un texte spécifique les dispositions sur la presse écrite rendues nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet ».

Cette manière de procéder, qui semble mettre à l’honneur un nouveau genre que l’on pourrait appeler « ping-pong législatif », ne laisse pas d’inquiéter.

Elle doit être analysée à la lumière de trois éléments. Le premier réside dans le rappel légitimement fait par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 juillet qui, en envisageant le « pluralisme de la presse et, plus généralement, des moyens de communication dont la presse est une composante », donne à penser que la limitation multimédia de la concentration est un objectif de valeur constitutionnelle.

Le deuxième élément se trouve dans la décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984 d’où il résulte que la constitutionnalité de dispositions limitant les concentrations était subordonnée à ce que leur application ne concernât que des situations apparues postérieurement à la publication de la loi.

Le troisième élément, enfin, résulte de la loi elle-même qui serait naturellement applicable dès sa publication.

Conjuguées, ces trois considérations conduisent à la conclusion selon laquelle, lors même que la Constitution exige un dispositif multimédia de protection du pluralisme, il n’interviendrait qu’après qu’auront pu être opérées des concentrations, éventuellement très excessives qui, cependant, ne pourront être ni empêchées a priori, ni remises en cause a posteriori.

Les conséquences de cette abstention du législateur sont donc susceptibles d’être extrêmement graves, de ruiner durablement toute possibilité réelle de défense du pluralisme de la communication, sans qu’il soit besoin pour cela ni de violer les termes de la loi ni même d’en méconnaître l’esprit.

On ne saurait en effet se satisfaire, sur un sujet aussi important, des recommandations particulièrement imprécises faites à la commission compétente de veiller aux conditions de concurrence et de lutter contre les abus de positions dominantes ni de celles, à peine plus précises, du 5° de l’article 33.

La loi déférée pèche donc par omission, mais certains de ses articles, en principe consacrés au même sujet, le font aussi par commission.

En ce qui concerne l’article 43

Cet article ne plafonne à 25 p 100 les prises de participation, directes ou indirectes, qu’au sein d’une même société. Ainsi permet-il qu’une personne atteigne ce seuil, qui peut faire d’elle l’actionnaire principal, dans une multitude de sociétés, voire toutes les sociétés desservant l’ensemble du territoire.

Cela est d’autant plus vrai que, s’appliquant à une hypothèse distincte, l’article 45 ne pourrait faire obstacle à une telle prise de contrôle.

En ce qui concerne l’article 45

Revenant sur le texte adopté par le Sénat, l’Assemblée nationale a supprimé le plafond d’audience au-delà duquel le titulaire d’une autorisation pour la télévision hertzienne ne pouvait en obtenir une autre.

Cela résulte du texte de l’article 45. Si une ambiguïté pouvait subsister quant à la portée des termes « sous la même réserve », elle a été levée par les travaux préparatoires. Cette réserve ne concerne que la loi du 19 juillet 1977 et non le plafond de 15 millions d’habitants.

Ainsi sera-t-il possible à un opérateur, à condition de créer (ou surtout d’acquérir) des chaînes dans des zones différentes, de disposer en fait d’une couverture nationale.

De plus, le réseau national de fait ainsi mis en place ou acquis ne pouvant, juridiquement, entrer dans le champ d’application de l’article 43, il pourra avoir un propriétaire unique, ce qui réduit à néant, dans ce cas, le plafond prévu par cet article.

Outre que l’on peut s’interroger sur la cohérence qu’il y a à disposer une limite à l’article 43, quand l’article 45 permet d’y échapper, il importe de relever que la personne qui souhaiterait atteindre le résultat ainsi décrit, disposer seule d’un réseau national (ce qui d’ailleurs ne lui interdirait pas, comme on l’a démontré, d’être par ailleurs détentrice de 25 p 100 du capital de toutes les autres sociétés desservant l’ensemble du territoire), n’aurait aucune autorisation d’aucune sorte à demander à qui que ce soit, de même qu’aucune autorité ne disposerait du pouvoir de faire obstacle à une telle opération.

Ainsi, les dispositions qui figurent dans la loi sont-elles tantôt insuffisantes, tantôt inopérantes. Non seulement elles n’apportent , à la concentration au sein du secteur audiovisuel, que des limites notoirement inappropriées à l’objectif constitutionnel de pluralisme, mais encore elles laissent le champ libre aux concentrations les plus abusives de caractère multimédia, dont les risques sont d’ailleurs d’autant plus grands qu’elles ne mettent rigoureusement aucun obstacle à ce que se constituent des monopoles régionaux absolus.

Dans ces conditions, les dispositions des articles en cause seront déclarées non conformes à la Constitution. Aussi appartiendra-t-il au Conseil constitutionnel de décider si elles sont inséparables de la loi elle-même ou si leur déclaration de non-conformité doit seulement conduire à déclarer non conforme par voie de conséquence l’abrogation des dispositions existantes de la loi du 29 juillet 1982.

V : Sur les autres dispositions de la loi

Indépendamment des quatre séries de questions précédemment posées, la loi contient d’autres dispositions qui, pour être moins fondamentales, n’en sont pas moins inconstitutionnelles.

En ce qui concerne l’article 5

Le premier alinéa de cet article dispose que les fonctions de membre de la commission sont incompatibles notamment avec tout mandat électif et tout emploi public.

Le principe de ces incompatibilités, s’il est sain au fond, méconnaît cependant une exigence que le Conseil constitutionnel a rappelé à deux occasions au moins, dans les termes les plus nets, par ses décisions n° 71-46 DC du 20 janvier 1972 et n° 84-177 DC du 30 août 1984 : exigence selon laquelle les incompatibilités applicables aux ministres et parlementaires résultent de la Constitution ou d’une loi organique, mais non d’une loi ordinaire.

Dans ces conditions, sans qu’il s’agisse ici de mettre en cause le principe d’incompatibilités si évidentes qu’il est probable que les autorités de nomination ne pourront que les respecter spontanément, les termes « tout mandat électif » au moins, tels qu’ils figurent dans le premier alinéa de l’article 5, devront être déclarés non conformes à la Constitution.

Il devra en aller de même de la mention des mandats électifs au quatrième alinéa de l’article.

En ce qui concerne l’article 6

Le premier alinéa de cet article, qui fait référence aux articles 24 et 38, attribue un caractère réglementaire à certaines décisions de la commission. Or, l’article 21 de la Constitution, sous la seule réserve de son article 13, confie au Premier ministre le monopole du pouvoir réglementaire.

Le système mis en place par la disposition contestée a pour effet de ne donner au Premier ministre que le pouvoir de demander une seconde délibération sur des décisions que la loi qualifie de réglementaires.

Certes, on peut supposer que le législateur, par ce qualificatif, a seulement entendu opposer des décisions de portée générale à d’autres décisions qui n’ont qu’un caractère individuel. Mais il reste, ce faisant, que cela crée un précédent extrêmement dangereux au regard des attributions que la Constitution confie au Premier ministre.

Il n’est d’ailleurs pas indifférent de noter que le législateur de 1982, plus circonspect, s’était borné à évoquer les actes, décisions et recommandations de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle sans jamais tenter de leur attribuer un caractère réglementaire.

Et cela est d’autant moins explicable ici qu’il eût suffi de ne mentionner que le deuxième alinéa de l’article 24, avec le deuxième alinéa de l’article 38, sans qu’il soit besoin de faire référence aux caractères de ces décisions.

De deux choses l’une alors : ou bien les décisions en question appartiennent effectivement au pouvoir réglementaire et le Premier ministre ne peut en être privé, et ce sont les articles 6, alinéa 1, 24, 31 et 38, alinéa 2, qui doivent être déclarés non conformes pour des raisons de compétence ; ou bien il en va autrement et ce sont les termes « qui présentent un caractère réglementaire » qui devraient l’être pour des raisons de forme, car, hormis les hypothèses particulières de l’article 13 de la Constitution, ne peuvent être considérées comme ayant un tel caractère des décisions prises par une autorité autre que le chef du Gouvernement.

Il reste, si cette seconde solution devait être retenue, que la déclaration de non-conformité qui ne toucherait que les termes « qui présentent un caractère réglementaire » aurait pour effet de permettre au Premier ministre de demander aussi une nouvelle délibération sur les autorisations d’usage des fréquences (art 24, alinéa 1), ce qui n’était certainement pas dans les intentions du législateur.

En ce qui concerne l’article 12

Le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion est un impératif dont le caractère constitutionnel ne saurait être mis en doute, surtout s’agissant de supports techniques dont, pour reprendre les termes mêmes du Conseil constitutionnel, l’influence est considérable.

Dans ces conditions, l’article 12 qui limite cette obligation aux seules sociétés nationales de programme méconnaît une exigence de caractère constitutionnel. Certes, on pourrait admettre que le pluralisme ne soit pas imposé avec la même rigueur à tous les titulaires d’une autorisation, quelle soit télévisuelle ou radiophonique. Mais il importe de relever que là où le respect du pluralisme des courants de pensée est une obligation légale pour les sociétés nationales, ce qui est bien normal, il dépend de la seule volonté de la commission, conformément à l’article 32, de l’imposer aux autres sociétés, ce qui est nettement moins normal.

De ce fait, le respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion ne pourrait être assuré en toute hypothèse si la loi n’en faisait une obligation que pour les seules sociétés nationales.

C’est la raison pour laquelle l’adjectif « nationales », qui figure au premier alinéa de l’article 12, ne peut qu’être déclaré non conforme à la Constitution.

En ce qui concerne l’article 13

Le paragraphe II de cet article introduit la publicité émanant des partis et groupements politiques. Ce faisant, il méconnaît gravement les articles 2 et 4 de la Constitution. En effet, les partis et groupements politiques ayant vocation à concourir à l’expression du suffrage doivent le faire dans des conditions d’égalité.

La possibilité de recourir à la publicité télévisée introduit entre eux une inégalité tenant à leur prospérité financière. Or, s’il est vrai que ce type de publicité existe dans de nombreux pays démocratiques, il faut relever qu’il y est légitimé par le fait que ceux-ci ont adopté des règles législatives strictes concernant le financement des organisations politiques (soit par la déclaration et le plafonnement comme aux Etats-Unis, soit par la subvention comme en Espagne), ce qui n’est nullement le cas en France.

Quant à l’argument selon lequel il n’y aurait pas d’inconvénient à étendre à l’audiovisuel ce qui est actuellement autorisé pour la publicité dans la presse écrite, il méconnaîtrait cette évidence qui rend incomparables les coûts d’une publicité imprimée et télévisée.

En ce qui concerne l’article 28

Sous une apparence anodine, le troisième alinéa de cet article est en réalité susceptible d’avoir les plus lourdes conséquences.

En effet, Radio-France dispose actuellement d’un certain nombre de stations décentralisées, fonctionnant dans le cadre du service public, conformément à l’article 50 de la loi du 29 juillet 1982. Ce sont principalement ces stations qu’une décision de la commission pourrait supprimer dès lors qu’elle ne les jugerait plus nécessaires à l’exécution des missions de service public de Radio-France, telles qu’elles sont définies par le cahier des charges.

On relèvera que l’article 50, relatif au cahier des charges, est d’une extrême imprécision et que la loi, ne donnant aucun critère sérieux de la définition des obligations de service public, laisse au Gouvernement le soin d’apprécier discrétionnairement ce qu’elles doivent être.

En outre, et à supposer même que le Gouvernement s’acquitte de cette tâche dans les meilleures conditions, l’appréciation ultime quant à la nécessité de l’existence d’une station publique sera ainsi laissée à la commission. De ce fait, à défaut d’avoir les moyens de les créer, la commission aura effectivement le pouvoir de supprimer des stations publiques décentralisées, c’est-à-dire de mettre fin à un service public.

Or, il ne semble pas qu’il puisse être de la compétence d’une autorité autre que celle de la collectivité publique, nationale ou locale, qui lui a donné naissance, de supprimer un service public. La loi seule pourrait éventuellement le faire. Elle ne saurait en revanche déléguer ce privilège.

C’est pour n’en avoir pas tenu compte que devra être déclaré non conforme à la Constitution le troisième alinéa de l’article 28 de la loi déférée.

En ce qui concerne l’article 32

Dès lors qu’est choisie la voie de l’autorisation, à tout le moins la loi doit-elle déterminer elle-même et avec précision les conditions auxquelles cette autorisation devrait être subordonnée.

Or, les termes de l’article 32, par leur imprécision, aboutissent à une véritable subdélégation à la commission des pouvoirs du Parlement, dans un domaine, celui des libertés publiques, où ils sont pourtant essentiels.

En effet, en laissant à la commission la possibilité de n’imposer que « tout ou partie » des obligations évoquées, le législateur non seulement ne fixe pas véritablement « les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », mais encore il permet que celles-ci soient méconnues.

Ainsi, par exemple, est-ce l’obligation faite à la Haute Autorité par l’article 14 de la loi du 29 juillet 1982 de veiller au respect du pluralisme et de l’équilibre dans les programmes de tous les services audiovisuels qui lui a permis d’introduire une règle aussi nécessaire que celle dite des trois tiers (un tiers Gouvernement, un tiers majorité, un tiers opposition), qui garantit un minimum réel de pluralisme des temps d’intervention.

Avec la rédaction de l’article 32, une prescription de ce type pourrait ne pas seulement être atténuée ou remplacée ; elle pourrait disparaître.

Dans ces conditions, l’imprécision en la forme et le laxisme au fond qui caractérisent l’article 32 ne permettent pas de le regarder comme conforme ni aux termes de l’article 34 de la Constitution ni aux impérieuses exigences du pluralisme de la communication.

En ce qui concerne les articles 35 et 38

La dernière phrase du premier alinéa de l’article 35 et la première phrase du cinquième alinéa de l’article 38 disposent que les autorisations mentionnées par ces dispositions ne peuvent être délivrées qu’à des sociétés.

Sont de ce fait exclues et les personnes physiques et, surtout, les associations à but non lucratif régies par la loi de 1901. Non seulement cette discrimination est contraire au principe d’égalité mais encore elle écarte, dans un domaine pourtant primordial des libertés publiques, tout but non lucratif.

Ce résultat, choquant en matière de télévision par satellite, est totalement inadmissible en matière de radiodiffusion et de télévision par câbles, qui sont justement ceux où la vocation des associations est la plus certaine.

Ces deux dispositions devront donc être déclarées non conformes à la Constitution.

En ce qui concerne l’article 60

On est ici en présence d’un intéressant exemple d’entêtement dans l’erreur. A l’initiative d’un parlementaire de la majorité d’alors, une proposition de loi avait été votée, concernant la grève à la radio-télévision et faisant aux agents obligation d’assurer un service normal. Ainsi était créée une catégorie nouvelle, celle de la grève platonique.

Très logiquement, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, avait déclaré non conforme à la Constitution le recours à la notion de service normal, ce qui avait eu pour effet de revenir, implicitement d’abord, explicitement ensuite, à celle, plus conforme au caractère constitutionnel du droit de grève, de service minimum.

L’article 60 du projet de loi reprenait la notion de service minimum. L’amendement 734 de la commission saisie au fond précisait un certain nombre d’éléments tout en conservant la mention du service minimum. L’amendement 960 corrigé de la commission des finances, préféré par le Gouvernement lors de l’engagement de sa responsabilité, est à peu près identique à celui de l’amendement 734, à ce seul détail près qu’a disparu l’adjectif « minimum » accolé au service.

D’une part, l’absence n’a pas la même signification que la suppression. Si l’adjectif « minimum » n’avait jamais été employé, on aurait pu s’interroger sur le service à assurer. Mais puisque cet adjectif figurait et qu’il est supprimé, sans que quiconque songe à juger cette disparition fortuite, cela ne peut que signifier la nécessité d’un service normal.

D’autre part, il importe de savoir, en ce qui concerne les personnels techniques (qui représentent 70 p 100 des effectifs) et les rédactions (dont les programmes d’information font partie du service minimum), que le nombre d’agents dont la présence et le travail sont nécessaires pour assurer la diffusion d’un programme minimum est rigoureusement le même que pour assurer un programme normal.

Il en résulte que la seule matérialité de leur droit de grève se traduit non dans l’absence ou dans la cessation du travail, mais justement dans le fait que n’est diffusé qu’un programme minimum, commun aux diverses chaînes publiques. Supprimer celui-ci revient donc non pas à faire peser sur les personnels des obligations supplémentaires, mais à priver leur droit de grève de toute effectivité et à les priver donc du droit de grève lui-même.

Dès lors, l’article 60 ainsi rédigé encourt exactement les mêmes critiques, aggravées par l’expérience, que celles qui avaient conduit à la non-conformité partielle de 1979. Il encourt donc la même sanction.

En ce qui concerne l’article 85

Pour cet article, comme pour les autres dispositions éventuellement applicables aux territoires d’outre-mer, les députés soussignés n’ont pas eu connaissance de la consultation des assemblées territoriales exigée par l’article 74 de la Constitution.

Aussi appartiendra-t-il au Conseil constitutionnel de rechercher si cette consultation a été opérée dans les délais, formes et conditions requis.

En ce qui concerne l’article 97

Cet article appelle les mêmes critiques que celles formulées à l’encontre de la remise en cause du mandat des membres actuels de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Mais ces critiques se trouvent encore aggravées par le fait que le jeu combiné des articles 48, 49 et 51 permet qu’il soit prématurément mis fin aux fonctions des présidents et des administrateurs des sociétés nationales, lors même que, pour reprendre les termes employés par le Conseil constitutionnel dans sa décision des 25 et 26 juin 1986, il s’agit indiscutablement d’entreprises dont l’activité touche à l’exercice des libertés publiques.

En ce qui concerne l’article 98

Cet article prévoit les modalités de transformation de Télédiffusion de France en société dont la majorité du capital est détenue par l’Etat et les statuts approuvés par décret.

Au nombre de ces modalités, il en est deux qui appellent la critique constitutionnelle.

La première porte sur la compétence de la loi pour décider qu’une nomination interviendrait par décret en conseil des ministres et l’on se bornera sur ce point à renvoyer à l’argumentation développée sur l’article 49.

La seconde concerne le cinquième alinéa de l’article. D’une part, celui-ci porte expressément atteinte au principe d’inaliénabilité du domaine public. D’autre part, en ne fixant pas de délai à cette opération douteuse, il permet qu’elle intervienne après qu’une partie du capital de la société aura été transférée au secteur privé. De ce fait, ceux qui auront acquis des actions dont le prix aura été calculé sans que ces biens soient pris en compte, ou seulement à titre potentiel, bénéficieront ensuite d’un enrichissement sans cause, rompant l’égalité entre les citoyens, au moment où les biens en question seront incorporés au patrimoine de la société, renchérissant ainsi la valeur des actions qu’ils détiennent.

A ce double titre, les dispositions contestées de l’article 98 seront également déclarées contraires à la Constitution.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l’honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci la loi qui vous est déférée.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l’expression de notre haute considération.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil constitutionnel, décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication