Conseil constitutionnel, décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Traité sur l'Union européenne

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www.novlaw.fr · 12 février 2024

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Village Justice · 12 février 2024

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Sur la décision

Référence :
Cons. const., 2 sept. 1992, n° 92-312 DC
Décision n° 92-312 DC
Publication : Journal officiel du 3 septembre 1992, page 12095, Recueil, p. 76
Précédents jurisprudentiels : 92-308 DC du 9 avril 1992
Dispositif : Conformité
Identifiant Légifrance : CONSTEXT000017667385
Identifiant européen : ECLI:FR:CC:1992:92.312.DC
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 août 1992, par MM Charles Pasqua, Jean Chamant, Maurice Couve de Murville, Michel Poniatowski, Maurice Schumann, Bernard Barbier, Philippe de Gaulle, Christian de La Malène, Bernard Sellier, Christian Poncelet, Henri de Raincourt, Yves Guéna, Mme Hélène Missoffe, MM Michel Alloncle, Hubert d’Andigné, Honoré Bailet, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Gérard César, Michel Chauty, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Pierre Dumas, Marcel Fortier, Philippe François, François Gerbaud, Charles Ginesy, Mme Marie-Fanny Gournay, M Georges Gruillot, Mme Nicole de Hautecloque, MM Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Roger Husson, André Jarrot, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Lucien Neuwirth, Geoffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Paul d’Ornano, Joseph Osterman, Jacques Oudin, Sosefo Makapé Papilio, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Jean Simonin, Jacques Sourdille, Martial Taugourdeau, Jacques Valade, Serge Vinçon, André-Georges Voisin, sénateurs, en application de l’article 54 de la Constitution dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, à l’effet de « se prononcer sur la conformité du traité de Maastricht » à la Constitution ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18, alinéa 2, 19 et 20 ;
Vu le traité sur l’Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 ;
Vu la décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992 ;
Vu la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre : « Des communautés européennes et de l’Union européenne », notamment ses articles 2 et 5 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le traité sur l’Union européenne a été signé le 7 février 1992 à Maastricht par les plénipotentiaires de douze Etats ; que les représentants de la République française ont apposé leur signature au bas de ce traité ; qu’ont été également arrêtés des protocoles ainsi qu’un ensemble de déclarations ;
2. Considérant qu’à la date du 11 mars 1992 le Président de la République a, sur le fondement de l’article 54 de la Constitution, saisi le Conseil constitutionnel de la question de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, l’autorisation de ratifier le traité sur l’Union européenne devait être précédée d’une révision de la Constitution ;
3. Considérant que le Conseil constitutionnel a, par une décision motivée rendue le 9 avril 1992, jugé que l’autorisation de ratifier en vertu d’une loi le traité sur l’Union européenne ne pouvait intervenir qu’après révision de la Constitution ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article 62 in fine de la Constitution, « les décisions du Conseil constitutionnel… s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ; que l’autorité des décisions visées par cette disposition s’attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même ;
5. Considérant que lorsque le Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 54 de la Constitution, a décidé que l’autorisation de ratifier en vertu d’une loi un engagement international est subordonnée à une révision constitutionnelle, la procédure de contrôle de contrariété à la Constitution de cet engagement, instituée par l’article précité, ne peut être à nouveau mise en oeuvre, sauf à méconnaître l’autorité qui s’attache à la décision du Conseil constitutionnel conformément à l’article 62, que dans deux hypothèses ; d’une part, s’il apparaît que la Constitution, une fois révisée, demeure contraire à une ou plusieurs stipulations du traité ; d’autre part, s’il est inséré dans la Constitution une disposition nouvelle qui a pour effet de créer une incompatibilité avec une ou des stipulations du traité dont s’agit ;
6. Considérant que c’est au regard de ces principes qu’il y a lieu d’examiner l’argumentation des auteurs de la saisine ;
- SUR L’ARGUMENTATION SELON LAQUELLE LE TRAITÉ N’EST PAS EN ÉTAT D’ÊTRE RATIFIÉ :
7. Considérant que les auteurs de la saisine relèvent que, conformément à son article R, le traité sur l’Union européenne ne peut entrer en vigueur que si tous les cocontractants l’ont ratifié ; qu’au vu des résultats du référendum effectué le 2 juin 1992 dans un des États signataires, ils soutiennent que le traité signé le 7 février 1992 n’est pas, en l’état, susceptible d’être ratifié ; qu’ils invitent le Conseil constitutionnel à solliciter l’avis d’experts internationaux et des institutions communautaires sur les conséquences juridiques de cette situation ; qu’ils demandent que le Conseil se prononce sur les conditions dans lesquelles « le traité ratifié pourrait entrer en vigueur » ; que dans leurs dernières observations les saisissants déduisent de l’absence de sa ratification par un État signataire que le traité sur l’Union européenne ne peut être ratifié par la France sans que se trouvent méconnues les dispositions du quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui font obligation à la République française de se conformer « aux règles du droit public international » ;
8. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 52 de la Constitution, « le Président de la République négocie et ratifie les traités » ; qu’en vertu du second alinéa du même article, « il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification » ; que les traités qui sont énumérés au premier alinéa de l’article 53 de la Constitution « ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi » ; qu’il est spécifié au deuxième alinéa de l’article 53 que les engagements internationaux mentionnés à l’alinéa précédent « ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés » ;
9. Considérant que, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, l’article 54 de la Constitution dispose que : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution » ;
10. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’un engagement international peut être soumis au Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 54 de la Constitution dès lors qu’il a été signé au nom de la République française et avant que ne soit adopté, dans l’ordre juridique interne, le texte qui en autorise la ratification ou l’approbation ; que la recevabilité d’une saisine opérée en vertu de l’article 54 n’est en aucune façon tributaire du processus de ratification de l’engagement international en cause dans les autres États qui en sont signataires ; que cette recevabilité ne dépend pas davantage de la réalisation des conditions mises à l’entrée en vigueur d’un traité au plan international ;
11. Considérant qu’il est constant que le traité sur l’Union européenne a été signé au nom de la République française le 7 février 1992 ; qu’à la date de la présente décision n’a pas été adoptée la loi qui en autorise la ratification ; que les auteurs de la saisine sont par suite recevables à soumettre cet engagement international au Conseil constitutionnel par application de l’article 54 de la Constitution ;
12. Considérant que les arguments tirés par eux de l’état d’avancement du processus de ratification du traité dans d’autres pays ainsi que des conditions de son entrée en vigueur sont sans influence sur l’existence même de l’engagement international qu’ils défèrent au juge constitutionnel ; qu’en conséquence il revient au Conseil constitutionnel d’exercer, dans le respect de la chose jugée par sa décision du 9 avril 1992, son contrôle sur le point de savoir si l’autorisation de ratifier le traité sur l’Union européenne doit ou non être précédée, dans l’ordre juridique national, d’une révision de la Constitution ; que l’exercice par le Conseil constitutionnel d’un tel contrôle, destiné à produire effet dans l’ordre interne, ne contrevient nullement aux règles du droit public international ;
13. Considérant dès lors, et sans qu’il soit besoin pour le Conseil constitutionnel d’ordonner le supplément d’instruction sollicité, que le moyen tiré de ce que le traité sur l’Union européenne ne serait pas en état d’être ratifié ne peut qu’être écarté ;
- SUR LES STIPULATIONS DU TRAITÉ RELATIVES AU DROIT DE VOTE ET D’ÉLIGIBILITÉ AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES :
14. Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 8 B ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l’article G du traité sur l’Union européenne, "tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter avant le 31 décembre 1994 par le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient" ;
15. Considérant que par sa décision du 9 avril 1992 le Conseil constitutionnel a jugé que le quatrième alinéa de l’article 3 de la Constitution, rapproché tant du troisième alinéa du même article que des articles 24 et 72 de la Constitution, implique que seuls les « nationaux français » ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections en vue de la désignation de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale de la République et notamment de celle des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris ; qu’en l’état, l’article 8 B, paragraphe 1, ajouté au traité instituant la Communauté européenne a été déclaré contraire à la Constitution ;
16. Considérant que l’article 5 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a ajouté à la Constitution un article 88-3 ainsi rédigé : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article » ;
17. Considérant qu’il est soutenu par les auteurs de la saisine qu’en dépit de l’adjonction de l’article 88-3 à la Constitution, le traité sur l’Union européenne demeure contraire à celle-ci, faute pour le pouvoir constituant d’avoir modifié les articles 3 de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui affirment le principe de la souveraineté nationale ainsi que l’exercice exclusif par les nationaux français du droit de vote et d’éligibilité à une élection exprimant la souveraineté nationale ; qu’il est affirmé également que le traité reste contraire à l’article 24 de la Constitution relatif à la représentation des collectivités territoriales au Sénat ; qu’il y aurait enfin incompatibilité entre l’article 8 B du traité et l’article 88-3 de la Constitution dans la mesure où ce dernier prévoit à titre facultatif le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3 de la Déclaration de 1789 :
18. Considérant que dans sa décision du 9 avril 1992 le Conseil constitutionnel a jugé qu’il n’y avait pas de contrariété entre l’article 8 B, paragraphe 1, précédemment cité et les dispositions de l’article 3 de la Déclaration de 1789 ; que l’argumentation invoquée par les auteurs de la saisine se heurte à la chose jugée par le Conseil constitutionnel ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le traité n’est pas conforme à l’article 3 de la Constitution :
19. Considérant que sous réserve, d’une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie, qui résultent des articles 7, 16 et 89, alinéa 4, du texte constitutionnel et, d’autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l’article 89 en vertu desquelles « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision », le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi rien ne s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ; que cette dérogation peut être aussi bien expresse qu’implicite ;
20. Considérant qu’aux termes de la première phrase de l’article 88-3 de la Constitution, « sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France » ; qu’il ne saurait par suite être valablement soutenu que l’article 8 B, paragraphe 1, ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l’article G du traité sur l’Union européenne serait contraire à l’article 3 de la Constitution ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le traité demeure contraire à l’article 24 de la Constitution :
21. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que, la désignation des conseillers municipaux ayant une incidence sur l’élection des sénateurs, la reconnaissance du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales à des non nationaux nécessitait une modification préalable de l’article 24 de la Constitution ; que s’il est vrai qu’en vertu de la deuxième phrase de l’article 88-3 les ressortissants des autres États membres de l’Union européenne « ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs », il reste qu’ils peuvent élire les conseillers municipaux ; que leur participation à cette dernière élection a une incidence sur la désignation des sénateurs par le biais de la désignation des délégués sénatoriaux ;
22. Considérant sans doute qu’il découle des dispositions combinées des articles 3, 24 et 72 de la Constitution que le Sénat, élu au suffrage universel indirect, assure notamment la représentation des collectivités territoriales de la République, dont les organes délibérants sont eux-mêmes issus du suffrage universel ; qu’en conséquence, la désignation de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale est susceptible, dans le cadre d’un suffrage indirect à plusieurs degrés, d’avoir un effet sur l’élection des sénateurs ;
23. Mais considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la première phrase de l’article 88-3 de la Constitution prévoit la reconnaissance, pour les élections municipales, du droit de vote et d’éligibilité aux citoyens de l’Union européenne résidant en France, autres que les nationaux français, selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne ; qu’il est nécessairement dérogé aux dispositions combinées des articles 3, 24 et 72 de la Constitution avec lesquelles l’article 8 B, paragraphe 1, précité entrait en contradiction ; que les prescriptions de la deuxième phrase de l’article 88-3, en vertu desquelles les citoyens de l’Union européenne ne peuvent « participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs », impliquent que les ressortissants de l’Union autres que les nationaux français ne puissent pas, en leur qualité d’élus municipaux, participer aux phases ultérieures éventuelles du processus conduisant à l’élection des sénateurs au sens donné à cette dernière expression par l’article 59 de la Constitution ;
24. Considérant que, pour ces divers motifs, l’article 8 B, paragraphe 1, ne méconnaît en rien l’article 24 de la Constitution ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l’article 88-3 prévoit à titre facultatif le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales :
25. Considérant que les auteurs de la saisine relèvent qu’au cours des débats ayant précédé l’adoption de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, l’article 88-3 fut regardé par le Gouvernement comme contraire à l’article 8 B ajouté au traité instituant la Communauté européenne, dans la mesure où le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires n’y était prévu qu’à titre facultatif et non obligatoire ; qu’ils invitent le Conseil constitutionnel à examiner d’office toute incompatibilité entre l’article 8 B précité et l’article 88-3 de la Constitution ;
26. Considérant que les dispositions de la première phrase de l’article 88-3, en vertu desquelles, sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales « peut être accordé » aux seuls citoyens de l’Union résidant en France, ont pour effet de lever l’obstacle d’ordre constitutionnel qui existait à la reconnaissance de principe du droit dont s’agit ; qu’en se référant aux « modalités prévues par le traité sur l’Union européenne », le pouvoir constituant a entendu prendre en compte le fait qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 8 B ajouté au traité instituant la Communauté européenne, le droit de vote et d’éligibilité dans l’État membre de résidence des citoyens de l’Union, autres que les nationaux de cet État, sera exercé « sous réserve des modalités à arrêter avant le 31 décembre 1994 par le Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen » ;
27. Considérant, il est vrai, que la troisième phrase de l’article 88-3 énonce que : « Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article » ;
28. Mais considérant que le renvoi, pour la détermination des conditions d’application de l’article 88-3, à une loi organique postule que ce dernier texte soit lui-même conforme aux modalités d’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des ressortissants communautaires autres que les nationaux français, « prévues par le traité sur l’Union européenne » ; qu’ainsi, la loi organique devra respecter les prescriptions édictées à l’échelon de la Communauté européenne pour la mise en œuvre du droit reconnu par l’article 8 B, paragraphe 1 ;
29. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la mise en cause, au regard de la Constitution révisée, des stipulations du traité relatives au droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des citoyens de l’Union européenne résidant dans un État de l’Union sans en être ressortissant, ne peut qu’être écartée ;
- SUR L’ARGUMENTATION TIRÉE DE CE QUE DES STIPULATIONS DU TRAITÉ ONT POUR EFFET DE PRIVER LE PARLEMENT DE CERTAINES DE SES COMPÉTENCES EN VIOLATION DES ARTICLES 3 ET 34 DE LA CONSTITUTION :
30. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, de nombreuses stipulations du traité ont pour objet de priver le Parlement d’un certain nombre de ses compétences au profit des organes communautaires ; qu’il y a par là même atteinte aux prérogatives des représentants du peuple ; qu’ils en déduisent que les articles 3 et 34 de la Constitution auraient dû être modifiés afin qu’il y ait adéquation entre les stipulations du traité et les dispositions constitutionnelles ;
31. Considérant que cette analyse est développée à propos non seulement de la réalisation de la troisième phase de l’union économique et monétaire, mais aussi de plusieurs autres dispositions du traité ; que sont évoquées à cet égard les stipulations du traité « en matière de sécurité », l’article 104 C ajouté au traité instituant la Communauté européenne ainsi que l’article 171 nouveau de ce dernier traité, qui prévoit des sanctions infligées par la Cour de justice en cas de manquement d’un État membre aux obligations qui lui incombent en vertu dudit traité ;
.En ce qui concerne les dispositions concernant la troisième phase de l’union économique et monétaire :
32. Considérant que le Conseil constitutionnel a, par sa décision du 9 avril 1992, inféré des stipulations applicables à compter du début de la troisième phase de l’union économique et monétaire que la réalisation de cette union se traduira par la mise en œuvre d’une politique monétaire et de change uniques suivant des modalités telles qu’un État membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ; qu’il a jugé en conséquence que, dans leur état, les dispositions de la Constitution faisaient obstacle à ce que la France s’intègre à l’union économique et monétaire instituée par le traité ;
33. Considérant qu’il ressort de l’article 88-2 ajouté à la Constitution par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 que « sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne » ;
34. Considérant que, dans les limites précédemment indiquées, le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ;
35. Considérant que les dispositions précitées de l’article 88-2 ont pour effet de lever les obstacles d’ordre constitutionnel à l’intégration de la France au sein de l’union économique et monétaire instituée par le traité ; que relève du pouvoir d’appréciation du constituant le fait de choisir d’ajouter à la Constitution une disposition nouvelle, plutôt que d’apporter des modifications ou compléments à ses articles 3 et 34 relatifs aux compétences des représentants du peuple ; que l’argumentation fondée sur la violation de ces articles est par suite dénuée de pertinence ;
. En ce qui concerne les autres stipulations du traité présentées comme méconnaissant les articles 3 et 34 de la Constitution :
36. Considérant que, dans sa décision du 9 avril 1992 le Conseil constitutionnel, après avoir indiqué celles des stipulations du traité soumis à son examen qui étaient, en l’état, contraires à la Constitution, a estimé que tel n’était le cas d’aucune des autres dispositions de l’engagement international dont s’agit ; que l’autorité qui s’attache à la chose jugée par le Conseil constitutionnel s’oppose à ce que puissent être utilement mises en cause les stipulations du traité sur l’Union européenne « en matière de sécurité », non plus que l’article 104 C ajouté au traité instituant la Communauté européenne ou la nouvelle rédaction conférée à son article 171 ;
- SUR LES STIPULATIONS DU TRAITÉ RELATIVES A L’ENTRÉE ET A LA CIRCULATION DES PERSONNES :
37. Considérant qu’une argumentation tirée du défaut de modification des articles 3 et 34 de la Constitution, analogue à celle qui a été précédemment examinée, est présentée par la saisine au sujet des stipulations du traité relatives à l’entrée et à la circulation des personnes ; qu’il est soutenu en outre, que l’article 100 C ajouté au traité instituant la Communauté européenne est contraire à la Constitution, non seulement dans son paragraphe 3, mais également dans ses paragraphes 1, 4 et 5 ;
. En ce qui concerne l’absence de modification expresse des articles 3 et 34 de la Constitution :
38. Considérant que le Conseil constitutionnel a, par sa décision du 9 avril 1992, inféré des mesures relatives à l’entrée et à la circulation des personnes dans le marché intérieur, applicables à compter du 1er janvier 1996, que se trouvera affecté l’exercice par l’État de compétences qui relèvent des conditions essentielles de sa souveraineté ; qu’il a jugé qu’en l’état le paragraphe 3 de l’article 100 C, ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l’article G du traité sur l’Union européenne, était contraire à la Constitution ;
39. Considérant qu’il ressort de l’article 88-2 ajouté à la Constitution par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 que, sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires « à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne » ;
40. Considérant que dans le domaine qu’elles visent ces dispositions ont pour effet de lever les obstacles d’ordre constitutionnel relevés dans la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992 ; que ressortit exclusivement au pouvoir d’appréciation du constituant le choix consistant à ajouter à la Constitution une disposition nouvelle plutôt que d’apporter des modifications ou compléments à un ou plusieurs articles ; qu’ainsi les critiques formulées par les auteurs de la saisine sur les conditions d’adéquation entre les dispositions constitutionnelles et les stipulations du traité sont sans valeur ;
. En ce qui concerne les paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 100 C :
41. Considérant que par sa décision du 9 avril 1992 le Conseil constitutionnel, après avoir analysé le contenu des paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 100 C ajouté au traité instituant la Communauté européenne n’a soulevé à leur encontre aucune contrariété à la Constitution ; que les observations formulées par les auteurs de la saisine en ce qui concerne les paragraphes dont s’agit, qui mettent en cause la chose jugée par le Conseil constitutionnel, sont par suite dépourvues de tout fondement ;
- SUR LE MOYEN TIRÉ DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 20 DE LA CONSTITUTION :
42. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 20 de la Constitution, « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » ; que les auteurs de la saisine soutiennent que cet article aurait dû être modifié par le constituant pour tenir compte des stipulations du traité concernant la politique économique et monétaire, la politique étrangère et de sécurité commune ainsi que la coopération dans le domaine de la police et des affaires intérieures ;
43. Considérant que pour des motifs analogues à ceux qui ont été précédemment exposés à propos de l’absence de modification directe des articles 3 et 34 de la Constitution, le moyen tiré de la violation de l’article 20 de la Constitution ne peut être accueilli ; qu’en effet, s’agissant de la troisième phase de l’union économique et monétaire, ce moyen met en cause le pouvoir souverain d’appréciation du constituant ; que, pour le surplus, il se heurte à la chose jugée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1992 ;
- SUR L’ARGUMENTATION RELATIVE AUX « LIMITES D’UNE ADÉQUATION DE LA CONSTITUTION A LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE » :
44. Considérant que pour les auteurs de la saisine, dans la mesure où l’ordre juridique constitutionnel français est construit autour de l’idée centrale de souveraineté nationale, la question qui se trouve posée au Conseil constitutionnel est celle de savoir jusqu’où peuvent aller des révisions de la Constitution entérinant des atteintes successives aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté » ;
45. Considérant que l’article 54 de la Constitution, dans sa rédaction initiale comme dans son libellé issu de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, donne uniquement compétence au Conseil constitutionnel pour contrôler si un engagement international déterminé soumis à son examen comporte ou non une clause contraire à la Constitution ; que la question posée par les auteurs de la saisine ne vise nullement le point de savoir si le traité sur l’Union européenne comporte une stipulation qui serait contraire à la Constitution ; que l’argumentation en cause est par suite inopérante ;
- SUR L’ENSEMBLE DU TRAITÉ :
46. Considérant que le traité sur l’Union européenne ne comporte pas de clause contraire à la Constitution ; que l’autorisation de le ratifier peut ainsi intervenir sur le fondement d’une loi ;

Décide :
Article premier :
Le traité sur l’Union européenne, signé le 7 février 1992 à Maastricht, n’est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

SAISINE SENATEURS

Les soussignés ont estimé nécessaire de saisir le Conseil constitutionnel car trop d’incertitudes subsistent quant à la régularité juridique du processus de ratification du traité de Maastricht : dans la mesure où le nouvel article 54 permet désormais à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le juge constitutionnel, il a paru justifié d’utiliser cette procédure afin de faire vérifier si ledit traité ne comporte pas de clause contraire à la Constitution, dans l’état où celle-ci se trouve après la révision constitutionnelle du 26 juin 1992.

Ceci a semblé d’autant plus nécessaire que l’article 11 de la Constitution, que le Président de la République a choisi d’appliquer pour obtenir l’autorisation de ratifier le traité, précise que la procédure qu’il prévoit ne peut jouer qu’à la condition que le traité à ratifier ne soit pas « contraire à la Constitution ».

En outre, l’engagement international dont il s’agit est, en réalité, un ensemble comportant le traité proprement dit, dix-sept « protocoles » et enfin trente-trois « déclarations ». Cette masse considérable de dispositions a été examinée par le conseil à la demande du Président de la République et a conduit à une révision de la Constitution. Il paraît d’autant plus utile de reprendre cet examen que des débats parlementaires très riches ont eu lieu au cours de cette procédure de révision, et que le « contrôle à double détente » qui lui est ainsi proposé lui permettra de tenir compte des enseignements de ces travaux préparatoires afin de mieux apprécier si le traité est ou n’est pas en adéquation avec la Constitution révisée.

Enfin, on notera que, si la saisine intervient plus d’un mois après la révision constitutionnelle, c’est qu’il a fallu le temps d’apprécier la teneur et la portée de cette révision et d’attendre la parution des commentaires quasi officiels de la décision du conseil du 9 avril 1992 qui, faute de conclusions du commissaire du Gouvernement, sont les seuls moyens d’avoir des éclaircissements sur la manière dont le Conseil constitutionnel a procédé à l’examen des clauses du traité et à l’interprétation de la Constitution. Ces commentaires émanant d’éminents spécialistes ayant participé à l’élaboration de la décision (le secrétaire général du Conseil constitutionnel et le conseiller du président du Conseil constitutionnel) ne sont parus que fin juillet (B Genevois, Le Traité sur l’Union européenne et la Constitution. A propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 92-308 DC du 9 avril 1992, RFDA, 1992, p 373-403 ; F Luchaire, L’Union européenne et la Constitution, RDP, 1992, p 589-607).

Sur la procédure :

I : L’article 54 nouveau de la Constitution autorise désormais soixante députés ou soixante sénateurs à saisir le Conseil constitutionnel aux fins de faire vérifier si un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, avant que ne soit donnée l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international.

Comme l’affirme une doctrine particulièrement autorisée, « ni la Constitution, ni l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel n’enferment la saisine dans des délais précis. Le conseil peut donc être saisi à tout moment entre le jour de la signature de l’engagement et celui du vote définitif de la loi » (F Luchaire, Le Conseil constitutionnel, p 228 ; cf dans le même sens, P Gaia, Le Conseil constitutionnel et l’insertion des engagements internationaux dans l’ordre juridique interne, p 104). On notera d’ailleurs qu’en 1970 le Conseil constitutionnel a été saisi alors que le projet de loi autorisant la ratification avait été déposé devant le Parlement et même renvoyé en commission (CC, 19 juin 1970).

Les sénateurs requérants sont, par ailleurs, habilités à saisir le Conseil constitutionnel même si celui-ci a déjà statué par décision du 9 avril 1992 à la demande du Président de la République sur la conformité des accords de Maastricht à la Constitution : en effet, il s’agit, dans le présent recours, de confronter ces engagements internationaux à la Constitution révisée. Il ne saurait donc y avoir ici chose jugée, puisque le texte de référence auquel les normes internationales seront confrontées n’est pas le même. Ceci est d’ailleurs explicitement admis par le secrétaire général du Conseil constitutionnel (cf RFDA, 1992, p 374). Quant à M Luchaire, il va plus loin en soulignant que la déclaration de non-contrariété à la Constitution des clauses du traité, non expressément examinées, n’est pas incluse dans le dispositif de la décision (RDP, 1992, p 594).

II. : Le Conseil constitutionnel n’a pas de délai pour statuer : il n’est pas tenu de rendre sa décision dans le délai d’un mois et encore moins de respecter le délai d’urgence de huit jours à la demande du Gouvernement. Ceci résulte de ce que la fixation des délais d’un mois et de huit jours n’est faite que par l’article 61, alinéa 3, de la Constitution, et ce à propos du contrôle des seules lois ; ce qui est d’ailleurs confirmé par le renvoi fait par l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 au seul article 61, alinéa 3.

Le respect de ces délais ne s’impose donc pas au Conseil constitutionnel (cf en ce sens : F Luchaire, Le Conseil constitutionnel, p 229 ; RTDE, 1979, p 395 ; Favoreu et Philip, RDP, 1977, p 147 ; Gaia, op. cit, p 119). Comme le souligne M Luchaire (RDP, 1992, p 590), " le délai d’un mois se comprend quand le conseil est saisi d’une loi car la saisine suspend le délai de promulgation et la loi ne peut rester trop longtemps en attente ; cette même raison ne se retrouve pas quand le conseil est saisi d’un traité ".

Et ceci alors, surtout, que la plupart des pays de la Communauté n’envisagent de ratifier le traité de Maastricht qu’à l’automne prochain. Il n’y a pas véritablement urgence.

Sur le fond :

III. : La première question qui se pose est celle de l’existence même de l’engagement international : en effet, le Conseil constitutionnel se reconnaît compétent pour vérifier la régularité externe de l’engagement international et s’il existe bien en tant que tel (cf B Genevois, La Jurisprudence du Conseil constitutionnel, principes directeurs).

A : Le traité n’est pas, en l’état, ratifiable

ou susceptible d’entrer en vigueur

IV. : Est-il conforme à la Constitution de soumettre à ratification un engagement international qui n’est pas en état d’être ratifié tel qu’il est aujourd’hui rédigé ?

V : La « non-ratifiabilité » du traité signé le 7 février 1992 à Maastricht découle du refus opposé par le peuple danois à sa ratification par le référendum du 2 juin 1992.

Chacun s’accorde à reconnaître que, conformément à l’article R du traité, celui-ci ne peut entrer en vigueur que si tous les cocontractants l’ont ratifié. Et cela d’autant plus que, dans la mesure où il a pour objet essentiel de modifier et compléter le traité de Rome et l’Acte unique, ces modifications ne peuvent être opérées qu’à l’unanimité des douze membres (y compris donc le Danemark). Il n’existe aucune possibilité, comme dans d’autres traités, d’entrée en vigueur de l’engagement international dès lors qu’un certain nombre d’Etats l’ont ratifié : c’est tout ou rien.

Il ne peut être question d’exclure le Danemark de la Communauté européenne, comme semblaient l’envisager certains, car il n’y a pas de procédure prévue à cet effet, et le retrait du Danemark ne peut se faire que sur décision de ce pays. En toute hypothèse, le retrait conduirait à modifer le traité, qui ne serait plus le même que celui qui a été soumis au Conseil constitutionnel une première fois et en considération duquel a été opérée la révision constitutionnelle du 26 juin 1992.

Il en irait de même, évidemment, si le traité était modifié pour créer une union européenne à onze à côté d’une communauté à douze ou s’il était renégocié pour entraîner l’accord des électeurs danois lors d’un nouveau référendum.

En d’autres termes, l’engagement international que ratifiera le Président de la République, si le peuple lui en donne l’autorisation, ne sera pas le même que celui qui sera appliqué : sauf si le Danemark revient sur son refus : mais outre que cela semble politiquement très aléatoire, on peut se demander si c’est juridiquement possible car est-il concevable qu’un oui soit irrévocable tandis qu’un non serait toujours susceptible d’être remis en question ? En toute hypothèse, il serait peu conforme aux principes constitutionnels de subordonner la décision française à l’attitude des dirigeants ou des électeurs danois.

VI. : Il est demandé au Conseil constitutionnel, au cas où il s’estimerait insuffisamment informé sur les conséquences juridiques du refus danois, de provoquer une consultation d’experts internationaux et de recueillir l’avis des instances communautaires dans le cadre de la procédure d’instruction de l’affaire.

VII. : A supposer que le Conseil constitutionnel considère : par impossible : qu’il ne peut se prononcer sur la ratifiabilité du traité de Maastricht au regard du refus danois, il pourrait en toute hypothèse indiquer à quelles conditions le traité ratifié pourrait entrer en vigueur.

On ne peut concevoir, en effet, qu’il soit procédé à des transferts de compétences sans que soit vérifiée la réunion des deux conditions requises par les normes constitutionnelles et internationales :

: le traité ne peut entrer en vigueur que si les douze Etats signataires l’ont ratifié et sans qu’aucune obligation des cocontractants partenaires de la France soit modifiée ;

: le traité mis en application doit être le même que celui pour lequel les transferts de compétences ont été expressément consacrés par la révision constitutionnelle du 26 juin 1992 faute de quoi il y aurait violation de la Constitution.

B : Le traité n’est pas conforme à l’article 3 de la Constitution et à l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

VIII. : Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1992, a déclaré non conformes à la Constitution (et notamment à l’article 3), diverses stipulations du traité relatives au droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires, mais sans indiquer précisément la marche à suivre pour procéder aux modifications constitutionnelles nécessaires. On a pu se féliciter de cette attitude libérale laissant une assez grande marge d’initiative au constituant (V RDP, 1992, p 592) ; mais la contrepartie de ce libéralisme est que le constituant a mal interprété la décision du Conseil constitutionnel et n’a pas opéré toutes les modifications nécessaires à une mise en adéquation du traité et de la Constitution.

En effet, l’attribution du droit de vote et d’éligibilité aux ressortissants communautaires n’est pas conforme aux articles 3 de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (non modifiés à ce jour) qui affirment le principe de la souveraineté nationale et l’exercice exclusif du droit précité par les nationaux français. Il aurait donc fallu les modifier avant de ratifier le traité.

IX. : Le pouvoir exécutif n’a pas compris : ou n’a pas voulu comprendre : la signification et la portée de la décision du 9 avril 1992 et des décisions du 18 novembre 1982 et du 9 mai 1991 avec lesquelles elle forme un tout, lorsqu’il a élaboré et fait voter le projet de réforme constitutionnelle ayant abouti à la révision du 26 juin 1992.

X : La décision du 18 novembre 1982 établit l’homogénéité du corps électoral à travers la notion de citoyen ainsi que le lien entre souveraineté nationale et toute élection à laquelle participent les individus en tant que citoyens :

«  Considérant que du rapprochement de ces textes (art 3 de la Constitution et article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) il résulte que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu’il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers municipaux ".

La signification et la portée de cette décision ont été soulignées de manière indubitable par un commentaire dont l’autorité n’a été contestée par personne, à l’époque ni d’ailleurs aujourd’hui (J Boulouis, Ajda, 1983, p 80).

« La décision du Conseil constitutionnel se présente comme la consécration renouvelée de l’un des fondements du droit constitutionnel. Concept abstrait lié à l’existence du corps politique, le citoyen en est la composante élémentaire dont l’interchangeabilité garantit, avec la parfaite homogénéité de corps, l’indivisibilité de la souveraineté dont il est titulaire A la représentation politique dont Siéyès rappelait qu’elle se fonde non pas sur ce qui différencie mais sur ce qui est commun – l’appartenance au corps politique : s’oppose ainsi la » représentation des intérêts « qui, à l’inverse, se doit de traduire la diversité de ceux-ci à partir des catégories qu’elle engendre. De ce point de vue, il est tout à fait caractéristique que le Conseil constitutionnel ait pris le soin de déclarer les principes ainsi rappelés applicables à » tout suffrage politique « . »

Dès lors, la prise de position du Conseil constitutionnel a une portée considérable :

« Les implications d’une telle décision sont alors sans commune mesure avec la disposition qui l’a provoquée. On y trouve d’abord une définition du suffrage politique qui est celui auquel le citoyen est appelé à participer en cette qualité, de sorte que les élections municipales, comme le précise le conseil, sont bien des élections politiques au même titre que toutes celles qui répondent à cette définition. De là, en second lieu, une distinction entre le suffrage politique et toutes les autres applications du système électif auxquelles l’électeur participe en une autre qualité que celle de citoyen. »

De cette explication, en tout point convaincante quant au rappel des fondements de notre droit constitutionnel, il résulte clairement que le corps des citoyens ne peut comporter qu’une seule catégorie : celle des « nationaux français ».

XI. : Ceci est confirmé de manière éclatante par la décision du 9 mai 1991 relative au statut de la Corse, aux termes de laquelle (pour ne reprendre que le considérant essentiel) la Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Ce peuple français est celui auquel appartient la souveraineté et qui l’exerce par ses représentants, lesquels ne peuvent être élus que par « les nationaux français ».

XII. : On remarquera que la Cour constitutionnelle allemande, qui pourtant n’avait pas à sa disposition des textes constitutionnels aussi explicites, est arrivée à la même conclusion dans un arrêt du 30 octobre 1990. Ayant à statuer sur la conformité à la loi fondamentale de lois de Länder accordant le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales, la cour constitutionnelle a, à l’unanimité, déclaré l’inconstitutionnalité de ces lois pour des motifs qui ne peuvent que retenir l’attention, dans la mesure où il est affirmé dans l’arrêt que :

«  Le peuple, duquel la souveraineté émane en RFA, est, d’après la loi fondamentale, constitué des nationaux allemands.

L’appartenance au peuple politique est aussi fondamentalement conférée par la nationalité. La nationalité est la condition juridique du statut de l’égale citoyenneté qui fonde d’un côté des devoirs égaux et, d’un autre côté et en particulier, aussi des droits par lesquels l’exercice de la souveraineté dans la démocratie acquiert sa légitimation Si donc la qualité d’allemand, d’après la conception de la loi fondamentale, est le point d’ancrage de l’appartenance au peuple conçu comme titulaire de la souveraineté, alors, cette qualification est aussi une condition pour le droit de vote par lequel le peuple est chargé d’exercer la souveraineté qui lui incombe " (RFDA, 1992, p 415).

XIII. : Le Conseil constitutionnel a consacré cette conception selon laquelle toute élection à laquelle participent les « citoyens » est une élection politique, c’est-à-dire exprimant la souveraineté nationale. Certes, il a également fait mention de ce que les élections locales ont un lien avec la représentation au Sénat. Mais ceci n’était pas nécessaire, comme il vient d’être démontré, et cela ne vient que conforter une situation déjà acquise.

La meilleure preuve en est d’ailleurs que pour admettre le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen le Conseil constitutionnel (dans sa décision du 9 avril 1992, cons. 31) ne se réfère qu’à l’article 3 de la Constitution :

« Considérant qu’il ressort des dispositions combinées du quatrième alinéa de l’article 3 de la Constitution et des autres alinéas du même article que la règle constitutionnelle qui limite le droit de vote aux »nationaux français« ne s’impose que pour l’exercice du droit de suffrage »dans les conditions prévues par la Constitution".

« Considérant qu’il sort de là que la reconnaissance au profit de tout citoyen de l’union européenne ne contrevient pas à l’article 3 de la Constitution. »

Et l’on voit mal d’ailleurs comment il aurait pu en être autrement, car considérer que l’article 3 de la Constitution ne s’applique aux élections locales que parce que celles-ci ont un lien avec les élections sénatoriales, c’est opérer une dissociation totalement injustifiable entre les alinéas 3 et 4 de l’article 3. En effet, comme il a pu être très justement souligné (L Favoreu in Les Cahiers du CNFPT, 1991, n° 34, p 60, cité et approuvé par J Rideau, in Revue des affaires européennes, 1992, p 22), si l’article 3, alinéa 3, ne s’applique qu’aux élections nationales « il doit en aller ainsi également de l’alinéa 4 de ce même article, aux termes duquel »le suffrage est toujours universel, égal et secret".

Or ceux qui affirment que les élections locales ne sont pas des élections politiques n’ont jamais été jusqu’à soutenir que l’alinéa 3 ne s’appliquait pas de ce fait aux élections locales au même titre que l’alinéa 4 : ils ont toujours eu une attitude sélective, considérant que l’alinéa 4 n’était pas applicable mais que l’alinéa 3 l’était bien entendu (un tel raisonnement n’est pas défendable et montre bien le caractère non juridique de cette argumentation). "

XIV. : La conséquence de ce qui précède est que le Conseil constitutionnel ayant constaté qu'« en l’état, l’engagement international soumis au Conseil constitutionnel est contraire à la Constitution » et plus précisément à l’article 3, les modifications suivantes auraient dû être apportées, selon ce que préconisait le conseiller d’Etat Jean Massot (in Pouvoirs locaux, 1992, note p 105) :

«  L’article 3 de la Constitution deviendrait :

«  La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par l’élection du Président de la République et des membres du Parlement et par la voie du référendum.

« Pour les scrutins visés au premier alinéa, sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. »

Et M Jean Massot ajoute que cela devrait évidemment s’accompagner d’une réforme de l’article 24 de la Constitution pour supprimer la représentation des collectivités territoriales par le Sénat. « Il deviendrait alors possible, ajoute-t-il, de faire participer les citoyens aux élections municipales et de remplacer dans le collège électoral désignant les sénateurs les conseillers municipaux par des délégués élus en même temps que les conseillers municipaux, mais par les seuls électeurs français ».

On sait que telle n’a pas été la démarche du pouvoir exécutif qui a estimé n’avoir à modifier ni l’article 3 ni l’article 24 de la Constitution.

En conséquence, le traité est contraire à ces dispositions constitutionnelles et n’est pas ratifiable en l’état.

C : Le traité reste contraire à l’article 24 de la Constitution

XV. : Le pouvoir exécutif a également mal interprété la décision du Conseil constitutionnel quant à la représentation des collectivités territoriales au Sénat prévue par l’article 24 de la Constitution.

En effet, dans le 26e considérant, le Conseil constitutionnel a estimé de manière générale que « la désignation des conseillers municipaux a une incidence sur l’élection des sénateurs. »

Cela signifie, de manière évidente, que :

: le vote des électeurs qui désignent les conseillers municipaux a une incidence sur l’élection des sénateurs ;

: le vote des conseillers municipaux désignant les délégués sénatoriaux a une incidence sur l’élection des sénateurs.

En conséquence, les non-nationaux ne peuvent participer à l’élection des conseillers municipaux et ne peuvent être élus conseillers municipaux.

Les dispositions prévues dans l’article 88-III sont donc insuffisantes (pour rendre le traité compatible avec la Constitution) dans la mesure où les ressortissants communautaires « ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs », mais peuvent élire les conseillers municipaux et être élus conseillers municipaux.

XVI. : La seule manière de résoudre le problème de la double contrariété du traité aux articles 3 et 24 de la Constitution est de faire bénéficier la France des mesures dérogatoires « prévues par le traité à l’article 83 lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient ».

Ces dispositions dérogatoires sont expressément visées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril : au 23e considérant, il indique très clairement que ces « dispositions dérogatoires » pourraient rendre inutile son contrôle ; au 27e considérant, il confirme qu’il statue « en l’état » et par là même souligne qu’il ne peut que déclarer l’engagement international contraire à la Constitution faute de la précision des mesures dérogatoires.

D : Le traité est contraire aux articles 3 et 4 de la Constitution

XVII. : Le traité prive les représentants du peuple français d’un certain nombre d’attributions dont plusieurs touchant : selon le Conseil constitutionnel lui-même : aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ".

Selon l’article 3 de la Constitution, la « souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants » ; et, selon l’article 34, « la loi est votée par le Parlement » composé, bien évidemment, des représentants du peuple.

Or, de nombreuses stipulations du traité en matière monétaire, et en matière de sécurité notamment, ont pour objet de priver le Parlement d’un certain nombre de ses compétences au profit des organes communautaires. Il y a donc incontestablement atteinte aux prérogatives des représentants du peuple et, en conséquence, les articles 3 et 34 de la Constitution auraient dû être modifiés, préalablement à la ratification du traité, afin qu’il y ait adéquation entre les stipulations du traité et les dispositions constitutionnelles.

XVIII. : Le Conseil constitutionnel a constaté (43e considérant) qu’à partir de la troisième phase « la réalisation de l’union économique et monétaire se traduira par la mise en place d’une politique monétaire et de change unique suivant des modalités telles qu’un Etat membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ». Et, selon le commentaire autorisé du secrétaire général du Conseil constitutionnel, « l’énumération des articles jugés inconstitutionnels n’est pas limitative » (RFDA, 1992, p 397).

On y ajoutera en effet quelques autres dispositions : ainsi l’article 104 C qui impose, en cas de déficit budgétaire des Etats membres, des mesures coercitives incompatibles avec le respect de leur souveraineté ; l’article 171 nouveau qui prévoit des sanctions infligées par la cour de justice en cas de manquement d’un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu des traités relatifs aux communautés.

Ceci aurait dû conduire à des modifications des articles 3 et 34 de la Constitution. Comment, par exemple, considérer qu’est compatible avec le traité l’affirmation selon laquelle « la loi fixe les règles concernant le régime d’émission de la monnaie », alors que, selon le Conseil constitutionnel lui-même, « est posé par l’article 107 le principe de l’indépendance de la Banque centrale européenne », et que l’article 105 A dispose que « la Banque centrale européenne est seule habilitée à autoriser l’émission de billets de banque dans la Communauté » (J Rideau, La Constitution et l’Europe, p 80).

C’est pourquoi d’ailleurs le Conseil constitutionnel avait conclu son analyse en constatant « que, dans leur état, les dispositions de la Constitution font obstacle à ce que la France s’intègre à l’Union économique et monétaire instituée par le traité » (44e considérant).

Ce qui supposait évidemment que « les dispositions de la Constitution » (c’est-à-dire au moins les articles 3 et 34) fussent révisées. Or il n’en a rien été.

XIX. : S’agissant des mesures relatives à l’entrée et à la circulation des personnes, les mêmes remarques peuvent être formulées quant à leur compatibilité avec la Constitution révisée.

S’y ajoute un élément que ne semble pas avoir perçu le Conseil constitutionnel au cours de son premier examen. Il s’agit de l’impact réel des dispositions de l’article 100 C : en effet, le juge constitutionnel a considéré comme contraire à la Constitution le paragraphe 3 de cet article mais les paragraphes 1, 4 et 5 le sont tout autant (voir la démonstration incontestable faite par le professeur J Rideau, in Revue des affaires européennes, n° 3, 1992, p 28).

XX. : Il apparaît donc de manière indubitable qu’en l’état le traité reste incompatible dans beaucoup de ses stipulations avec les articles 3 et 34 de la Constitution.

Et si l’on récapitule ce qui a été exposé précédemment à propos du droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires, on s’étonne que le pouvoir exécutif n’ait pas proposé et fait voter la révision de l’article 3 alors surtout que le Président de la République lui-même avait estimé, dans son allocution télévisée du 15 décembre 1991, qu’une réforme de l’article 3 serait nécessaire.

E : Le traité est incompatible avec l’article 20

de la Constitution

XXI. : Selon l’article 20 de la Constitution, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».

Au vu de ce qui est prévu en matière de politique économique et monétaire, de politique étrangère et de sécurité commune (titre V), de coopération dans le domaine de la police et des affaires intérieures (titre VI), on se demande comment l’affirmation susvisée peut subsister en tant que telle. L’article 20 aurait dû être modifié pour tenir compte de tout ce qui précède.

F : Sur l’incompatibilité entre l’article 8 B du traité

et le nouvel article 88-III de la Constitution

XXII. : Pour s’opposer à l’amendement sénatorial qui est finalement devenu l’article 88-III, le Gouvernement fait valoir que les dispositions prévues étaient contraires à l’article 8 B du traité, dans la mesure où le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires n’était prévu qu’à titre facultatif et non obligatoire.

Si, comme l’affirme M Genevois (RFDA, 1992, p 378), le Conseil constitutionnel a l’obligation, lorsqu’il est saisi en vertu de l’article 54 de la Constitution, d’examiner d’office toute irrégularité ou non-conformité éventuelle, il va sans doute se prononcer sur la question susévoquée.

Mais, dans ce cas, une seule alternative s’ouvre au juge constitutionnel : soit il déclare l’article 8 B du traité non conforme à l’article 88-III de la Constitution, auquel cas le traité ne peut être ratifié sans une nouvelle révision préalable de la Constitution, soit il rejette l’objection d’incompatibilité sans ajouter ni au texte du traité ni à celui de la Constitution.

En effet, comme le souligne M Genevois (RFDA, 1992, p 378) le contrôle de constitutionnalité d’un traité ne peut donner lieu à une interprétation neutralisante « ou à une décision de conformité sous réserve ».

Cette technique ne peut être utilisée pour le traité lui-même « car par nature un engagement international se prête mal à une interprétation unilatérale émanant de l’une des parties » (RFDA, 1992, p 378).

Elle ne peut l’être non plus pour la Constitution car, si le Conseil constitutionnel en use fréquemment pour les lois ou les règlements parlementaires, il est inconcevable qu’il le fasse pour une loi constitutionnelle. Cela signifierait sinon qu’il s’engage dans le contrôle de régularité des lois constitutionnelles, ce qu’il n’aurait pu faire, en toute hypothèse : et à supposer qu’il se reconnaisse compétent à cet effet -, que s’il avait été saisi de la régularité de la loi constitutionnelle par la voie de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution entre le vote de celle-ci et la promulgation.

G : Les limites d’une adéquation de la Constitution

à la construction européenne

XXIII. : Parmi les douze pays de la Communauté, la France est celui qui est le plus attaché à l’identité et à l’unité nationales : sa Constitution, avec ses composantes de 1789, 1946 et 1958, affirme cet attachement, et nul ne peut contester que l’ordre juridique constitutionnel soit construit autour de l’idée centrale de souveraineté nationale.

La question essentielle qui est alors posée au Conseil constitutionnel est celle de savoir jusqu’où peuvent aller des révisions constitutionnelles entérinant des atteintes successives aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ». Quel est le seuil au-delà duquel les transferts dits de « compétence » touchant ou ne touchant pas à ces conditions essentielles et consentis pour favoriser la construction européenne conduiront à changer la nature de l’Etat ?

En d’autres termes, si la souveraineté n’est plus qu’une « addition de compétences » (selon un auteur qui dit cependant par ailleurs que la souveraineté est un « bloc » inaltérable, F Luchaire, RDP, 1992, p 606) et si on peut lui ôter successivement des compétences comme des feuilles à un artichaut, à partir de quel moment ou de quel degré la « souveraineté-artichaut » verra-t-elle son c ur atteint ?

Le Conseil constitutionnel devrait fixer un seuil au-delà duquel la révision constitutionnelle serait toujours possible, mais devrait avoir pour objet la réforme d’ensemble de l’Etat et le changement de nature de celui-ci. Il est impossible d’admettre que l’on puisse procéder, pour réviser la Constitution, comme l’a fait l’exécutif, c’est-à-dire en surchargeant l’édifice national sans se préoccuper de l’équilibre et de la cohérence de l’ensemble. Il ne peut y avoir deux constitutions : l’une correspondant à la conception traditionnelle de la souveraineté nationale et de son exercice indivisible par les représentants du peuple français et l’autre introduisant l’idée d’une souveraineté partagée et d’un Etat membre d’un ensemble plus vaste de type quasi fédéral (voir en ce sens les articles de L Favoreu, in Le Figaro du 21 avril 1992).

Le titulaire de la souveraineté, c’est-à-dire le peuple, agissant par ses représentants ou par la voie du référendum, doit être mis à même, lorsqu’il statue comme constituant, de choisir la forme d’Etat qu’il veut se donner : soit le maintien d’un Etat souverain au sens classique, soit l’évolution vers un Etat à la souveraineté amoindrie dans le cadre d’un ensemble plus vaste.

Cela aurait aussi pour avantage d’éviter que le traité soit conforme, dans une certaine mesure, aux articles 88-I à III nouveaux de la Constitution et contraire aux articles 3, 27 et 34 de la Constitution, comme aux dispositions de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

XXIV. : Et ce n’est pas le fait que ces articles nouveaux aient été rattachés de façon tout à fait étonnante (l’article 88 est dans un titre et les articles 88-I, II et III dans un autre !) à un article déjà existant qui peut de quelque manière justifier cette démarche.

En effet, quoi qu’on ait pu en dire, l’article 88 relatif aux accords d’association qu’auraient pu passer les Etats de la défunte Communauté (instituée entre la République et les peuples d’outre-mer) n’a rien à voir avec « l’association » entre les Etats européens au sein de la Communauté (européenne). Ne serait-ce que parce que le préambule de la Constitution, et toute la discussion, au cours de l’élaboration de la Constitution, ne vise ou n’a visé que le problème de l’ancienne Union française. C’est jouer sur les mots que de prétendre rapprocher les deux situations (voir cependant F Luchaire, RDP, 1991, p 1512), alors surtout que l’article 88 dispose que « la République (peut) conclure des accords avec les Etats qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations » !

La tentative qui a été faite d’assurer ainsi la cohérence de l’ensemble constitutionnel n’a donc aucun sens et laisse entier le problème de la coexistence de deux constitutions.

De ce fait, le traité n’est toujours pas en conformité avec la Constitution, même révisée, et c’est ce qu’il est demandé au Conseil constitutionnel de constater.

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Conseil constitutionnel, décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Traité sur l'Union européenne