Conseil constitutionnel, décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999, Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux

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Sur la décision

Référence :
Cons. const., 14 janv. 1999, n° 98-407 DC
Décision n° 98-407 DC
Loi déférée : Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux
Publication : Journal officiel du 20 janvier 1999, page 1028, Recueil, p. 21
Précédents jurisprudentiels : 82-146 DC du 18 novembre 1982
Dispositif : Non conformité partielle
Identifiant Légifrance : CONSTEXT000017667975
Identifiant européen : ECLI:FR:CC:1999:98.407.DC
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Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998, par MM Paul Girod, Nicolas About, Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, René Ballayer, Mme Janine Bardou, MM Michel Barnier, Bernard Barraux, Jean-Paul Bataille, Jacques Baudot, Georges Berchet, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Roger Besse, Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Paul Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Christian Bonnet, James Bordas, Jean Boyer, Louis Boyer, Joël Bourdin, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Gérard César, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Xavier Darcos, Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Robert Del Picchia, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Gérard Deriot, Charles Descours, Michel Doublet, Alain Dufaut, Xavier Dugoin, André Dulait, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Hubert Falco, Jean Faure, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Philippe François, Yves Fréville, Yann Gaillard, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, Alain Gérard, Francis Giraud, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Mme Anne Heinis, MM Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Jean-Paul Hugot, Jean-François Humbert, Claude Huriet, Roger Husson, Pierre Jarlier, Charles Jolibois, Bernard Joly, André Jourdain, Jean-Philippe Lachenaud, Lucien Lanier, Jacques Larché, Patrick Lassourd, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Jean-Louis Lorrain, Roland du Luart, Jacques Machet, Kléber Malécot, André Maman, Pierre Martin, Paul Masson, Serge Mathieu, Louis Mercier, Michel Mercier, Jean-Luc Miraux, Louis Moinard, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM Paul d’Ornano, Joseph Ostermann, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Jean Pépin, Alain Peyrefitte, Guy Poirieux, Ladislas Poniatowski, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Henri de Raincourt, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Philippe Richert, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Josselin de Rohan, Jean-Pierre Schosteck, Michel Souplet, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Henri Torre, René Trégouët, François Trucy, Jacques Valade, André Vallet, Xavier de Villepin et Serge Vinçon, sénateurs, et par MM Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré, José Rossi, Pierre Albertini, Pierre-Christophe Baguet, Jacques Barrot, Dominique Baudis, Jean-Louis Bernard, Claude Birraux, Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, MM Loïc Bouvard, Jean Briane, Dominique Caillaud, René Couanau, Charles de Courson, Yves Coussain, Marc-Philippe Daubresse, Léonce Deprez, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Foucher, Claude Gaillard, Germain Gengenwin, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Pierre Hériaud, Mmes Anne-Marie Idrac, Bernadette Isaac-Sibille, MM Jean-Jacques Jégou, Christian Kert, Edouard Landrain, Jacques Le Nay, Jean Leonetti, François Léotard, Roger Lestas, Maurice Ligot, François Loos, Christian Martin, Pierre Méhaignerie, Mme Louise Moreau, MM Jean-Marie Morisset, Arthur Paecht, Dominique Paillé, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, Marc Reymann, Gilles de Robien, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Michel Voisin, Jean-Jacques Weber, Pierre-André Wiltzer, René André, André Angot, Mme Martine Aurillac,
MM Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Henry Chabert, Jean-Marc Chavanne, Richard Cazenave, François Cornut-Gentille, Charles Cova, Arthur Dehaine, Patrick Delnatte, Nicolas Dupont-Aignan, Hervé Gaymard, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Christian Jacob, Jacques Kossowski, Lionnel Luca, Gilbert Meyer, Charles Miossec, Renaud Muselier, Patrick Ollier, Serge Poignant, André Schneider, Bernard Schreiner, Frantz Taittinger, Michel Terrot, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, François Vannson, Jean-Luc Warsmann, François d’Aubert, Jacques Blanc, Pierre Cardo, Pascal Clément, Francis Delattre, Franck Dhersin, Gilbert Gantier, Claude Goasguen, François Goulard et Guy Teissier, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution de la conformité à celle-ci de la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu le code électoral ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 8 janvier 1999 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers de l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, et notamment les articles 3, 4, 13, 20, 22, 23 et 27 ; que les sénateurs contestent pour leur part les articles 3, 4, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24 et 27 ;
- SUR LES SEUILS INSTITUES PAR LES ARTICLES 3 ET 4 :
2. Considérant qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 338 du code électoral, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la loi déférée : « Les listes qui n’ont pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges » ; qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 346 du même code, tel qu’il résulte de l’article 4 de la loi déférée : « Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d’autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d’une liste, le titre de la liste et l’ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés. » ;
3. Considérant que, selon les députés requérants, ces seuils dénaturent l’objectif du législateur qui est d’éviter la dispersion des suffrages et l’absence de majorité stable ; qu’à cette fin, le projet de loi prévoyait des seuils de 10 % des suffrages exprimés pour qu’une liste puisse se présenter au second tour et de 5 % pour qu’elle puisse fusionner avec une autre ; que, « dans une représentation proportionnelle à deux tours, comportant un correctif majoritaire, la fixation de seuils suffisamment élevés, comparables à ceux du scrutin municipal, était indispensable pour répondre à l’objectif affiché » ; que ceux qui ont été retenus sont « incompatibles avec la nécessité d’un choix clair » ; que les dispositions contestées violeraient de ce fait l'« objectif constitutionnel de clarté » qui s’impose au législateur ;
4. Considérant, en premier lieu, que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu’il ne lui appartient donc pas de rechercher si l’objectif que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, comme en l’espèce, manifestement inappropriées à l’objectif visé, qui est de favoriser la constitution d’une majorité dans les conseils régionaux tout en assurant une représentation des différentes composantes du corps électoral ;
5. Considérant, en second lieu, que les dispositions critiquées ont fixé sans ambiguïté les règles relatives au nouveau mode du scrutin régional ; que le législateur n’est pas resté, en les énonçant, en deçà de la compétence que lui confèrent les articles 34 et 72 de la Constitution s’agissant de la libre administration des collectivités territoriales ;
6. Considérant qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter les griefs sus-énoncés ;
- SUR LES CONSEQUENCES TIREES DE L’AGE DES CANDIDATS PAR LES ARTICLES 3 et 16 :
7. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 338 du code électoral, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la loi déférée : « Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur. En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l’application du quatrième alinéa ci-après. » ; qu’en vertu du sixième alinéa du même article : « Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus. » ; que l’article 16 applique la même priorité d’âge à l’élection de l’Assemblée de Corse ;
8. Considérant que, pour les sénateurs requérants, ces dispositions violeraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel, en cas d’égalité de suffrages, la « prime majoritaire » ou le dernier siège devrait bénéficier, respectivement, à la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée ou au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus ;
9. Considérant que, en tout état de cause, la règle invoquée ne revêt pas une importance telle qu’elle puisse être regardée comme figurant au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, par suite, le grief doit être rejeté ;
- SUR L’OBLIGATION D’ASSURER LA PARITE ENTRE CANDIDATS FEMININS ET MASCULINS ENONCEE PAR LES ARTICLES 4 ET 17 :
10. Considérant que le deuxième alinéa de l’article L. 346 du code électoral dans sa rédaction issue de l’article 4 de la loi déférée, dispose que : « Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins » ; que l’article 17 complète l’article L. 370 du même code afin d’étendre cette obligation aux élections à l’Assemblée de Corse ;
11. Considérant que les sénateurs requérants estiment ces dispositions contraires à l’article 3 de la Constitution, à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi qu’à la chose jugée par le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 18 novembre 1982 ;
12. Considérant que, en l’état, et pour les motifs énoncés dans la décision susvisée du 18 novembre 1982, la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont exclus ni pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ni pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu, sans que puisse être opérée aucune distinction entre électeurs ou éligibles en raison de leur sexe ; que, par suite, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
- SUR LA MODIFICATION DE LA COMPOSITION DU COLLEGE ELECTORAL SENATORIAL APPORTEE PAR LES ARTICLES 20 ET 21 :
13. Considérant que l’article 20 prévoit que le collège électoral sénatorial comprendra, à la place des « conseillers régionaux élus dans le département » mentionnés par le 2° de l’article L. 280 du code électoral dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi déférée, « des conseillers régionaux et des conseillers de l’Assemblée de Corse désignés dans les conditions prévues par le titre III bis du présent livre » ; qu’il modifie à cet effet les termes de l’article L. 280 ; que l’article 21 modifie pour sa part le titre III bis du livre deuxième du code électoral, tant pour les conseils régionaux que pour l’Assemblée de Corse, afin de fixer les règles de désignation des conseillers appelés à siéger dans les collèges électoraux sénatoriaux réunis dans chaque département ;
14. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en permettant la participation à l’élection des sénateurs de conseillers régionaux qui ne seraient pas élus dans le département dans lequel se déroule l’élection sénatoriale, mais dans un autre département de la région, les articles 20 et 21 contreviendraient à la règle de valeur organique fixée par l’article L.O. 274 du code électoral selon laquelle les sénateurs sont élus « dans les départements » ;
15. Considérant que l’article L.O. 274 du code électoral, aux termes duquel : « Le nombre de sénateurs élus dans les départements est de 304 », ne fait pas obstacle à ce que les dispositions législatives relatives au régime électoral du Sénat organisent la participation au collège électoral sénatorial de délégués de collectivités territoriales autres que ceux élus dans le département ; que le grief doit être en conséquence écarté ;
- SUR LA PROCEDURE DE « VOTE BLOQUE » INSTITUEE PAR LE 2° DE L’ARTICLE 22 :
16. Considérant qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 4311-1 du code général des collectivités territoriales, introduit par le 2° de l’article 22 : « A l’issue de l’examen du budget primitif, le président du conseil régional peut soumettre à un vote d’ensemble du conseil régional le projet de budget initial, qu’il peut modifier après accord du bureau par un ou plusieurs des amendements soutenus ou adoptés au cours de la discussion. Cette procédure peut également s’appliquer à deux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice hormis le compte administratif. » ; qu’en vertu de l’article 27, la portée de l’article 22 est transitoire ;
17. Considérant que les deux requêtes estiment la procédure instituée par le 2° de l’article 22 contraire aux exigences constitutionnelles, et notamment au principe de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu’elle aboutirait, selon les sénateurs requérants, à « un véritable dessaisissement de l’assemblée délibérante de son pouvoir de modifier, si elle le souhaite, les recettes ainsi que les crédits inscrits dans les chapitres ou les articles du projet de budget » ; que les sénateurs requérants soutiennent en outre que cette procédure, en permettant l’exécution d’un budget sans que les votes émis par l’organe délibérant au cours de la discussion aient été pris en compte, méconnaîtrait les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que les députés requérants estiment au surplus que le législateur serait resté en deçà de sa compétence en ne précisant pas davantage les cas et conditions dans lesquels le président du conseil régional pourrait mettre en oeuvre les dispositions contestées ;
18. Considérant que l’article 14 de la Déclaration de 1789 n’implique pas de règles particulières d’adoption, par l’organe délibérant d’une collectivité territoriale, des dispositions financières et fiscales ; que si, en vertu de l’article 72 de la Constitution, « les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus », c’est « dans les conditions prévues par la loi » ;
19. Considérant qu’il était loisible au législateur, afin de prendre en compte les difficultés actuelles de fonctionnement des conseils régionaux, d’instituer la procédure d’adoption du budget prévue à l’article 22 ; que, dès lors que le conseil régional est libre de rejeter le texte qui lui est soumis en application dudit article, le législateur n’a ni privé l’organe délibérant de la région d’attributions effectives, ni méconnu le principe du consentement des citoyens, par leurs représentants, aux charges publiques énoncé par l’article 14 de la Déclaration de 1789, ni contrevenu à celui de l’égale répartition de la contribution commune affirmé à l’article 13 du même texte ; qu’enfin le grief tiré de ce que le 2° de l’article 22 serait entaché d’une incompétence négative manque en fait ;
20. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à mettre en cause la constitutionnalité du 2° de l’article 22 ;
- SUR L’EXTENSION DE LA PROCEDURE INSTITUEE PAR L’ARTICLE L. 4311-1-1 DU CODE GENERAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES PREVUE PAR L’ARTICLE 23 :
21. Considérant que l’article 3 de la loi n° 98-135 du 7 mars 1998, relative au fonctionnement des conseils régionaux, a introduit dans le code général des collectivités territoriales un article L. 4311-1-1 ; que celui-ci prévoit que, si le budget n’a pas été adopté au 20 mars de l’exercice auquel il s’applique, ou au 30 avril de l’année de renouvellement des conseils régionaux, le président du conseil régional présente dans un délai de dix jours à compter de cette date ou du vote de rejet, si celui-ci est antérieur à cette date, un nouveau projet, intégrant, le cas échéant, un ou plusieurs amendements présentés lors de la discussion ; que ce projet de budget est réputé adopté, sauf si une motion de renvoi est votée par la majorité absolue des membres du conseil régional, la liste des signataires figurant sur la motion de renvoi ;
22. Considérant que l’article 23 de la loi déférée, lequel, en vertu de l’article 27, n’a qu’une portée transitoire, étend le champ d’application de cette procédure aux délibérations fixant le taux des taxes locales et à deux autres délibérations budgétaires, faisant l’objet d’un vote de rejet, hormis le compte administratif ; que, s’agissant du budget primitif et de la fixation du taux des taxes locales, l’article 23 prévoit en outre la mise en jeu de la responsabilité du président du conseil régional ; que de nouvelles précisions sont apportées quant aux conditions de mise en oeuvre de la procédure instituée par l’article L. 4311-1-1, notamment pour ce qui est des délais ;
23. Considérant que les deux requêtes adressent à l’article 23 les mêmes critiques qu’à l’article 22 ; qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter leurs griefs pour les motifs déjà exposés à propos de l’article 22 ;
- SUR L’ARTICLE 24 :
24. Considérant que l’article 24 de la loi déférée complète l’article L. 4133-4 du code général des collectivités territoriales par les deux alinéas suivants :
"Les séances de la commission permanente sont publiques.
Néanmoins sur la demande de cinq membres ou du président du conseil régional, la commission peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’elle se réunit à huis clos" ;
25. Considérant que, pour les sénateurs requérants, le législateur a ainsi entravé la libre administration des collectivités territoriales ; qu’il n’appartiendrait, selon eux, qu’à chaque conseil régional « lorsqu’il établit son règlement intérieur dans le mois qui suit son renouvellement, de décider s’il entend que les séances de sa commission permanente soient publiques ou non » ;
26. Considérant qu’en imposant aux débats de la commission permanente le principe de la publicité, plutôt que de laisser au règlement intérieur du conseil régional le soin de déterminer cette règle de fonctionnement, le législateur a restreint la libre administration d’une collectivité territoriale au point de méconnaître les dispositions de l’article 72 de la Constitution ; qu’il y a lieu, par suite, de déclarer l’article 24 non conforme à la Constitution ;
- SUR LES MODALITES D’ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI PREVUES PAR LES ARTICLES 13, 20 ET 27 :
27. Considérant que les articles 13 et 20 modifient respectivement les articles L. 363 et L. 280 du code électoral ; que, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi déférée, l’article L. 280 prévoit que le collège électoral sénatorial se compose « 2° Des conseillers régionaux élus dans le département » et l’article L. 363 qu'« en cas d’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans un département, il est procédé à de nouvelles élections dans ce département dans un délai de trois mois. » ; que, dans leur rédaction issue de la loi déférée, l’article L. 280 prévoit que le collège électoral sénatorial se compose « 2° Des conseillers régionaux et des conseillers de l’Assemblée de Corse désignés dans les conditions prévues par le titre III bis du présent livre » et l’article L. 363 qu'« en cas d’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans une région, il est procédé à de nouvelles élections dans cette région dans un délai de trois mois » ;
28. Considérant que les députés et sénateurs requérants estiment que, dans le silence des dispositions finales de la loi, les articles 13 et 20 sont d’application immédiate ; qu’ils en déduisent qu’en cas d’annulation des opérations électorales de 1998 dans un département, celui-ci serait privé de représentation au conseil régional jusqu’au prochain renouvellement général des conseils régionaux, et que les conseillers régionaux élus en 1998 dans les départements dans lesquels se dérouleront les élections sénatoriales de 2001 ne pourraient pas participer à ces élections ; qu’ils soutiennent que les situations ainsi créées sont contraires aux principes d’universalité du suffrage et d’égalité devant le suffrage ; qu’ils font par ailleurs valoir qu’en cas de dissolution d’un conseil régional avant le prochain renouvellement général des conseils régionaux, coexisteraient des conseils régionaux élus selon deux modes de scrutin différents, ce qui porterait selon eux atteinte au principe d’égalité ; qu’enfin, selon les deux requêtes, les dispositions finales de la loi, faute d’avoir réglé ces difficultés, seraient entachées d’incompétence négative ;
29. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte implicitement mais nécessairement de la loi que les articles L. 280 et L. 363, ainsi que les autres dispositions du code électoral, sont applicables, dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi déférée, tant qu’il n’a pas été procédé au renouvellement d’un conseil régional ; qu’ainsi, manquent en fait les griefs tirés de ce qu’en cas d’annulation des opérations électorales de 1998 dans un département, celui-ci se verrait privé de représentation au conseil régional et de ce que, dans certains départements, les conseillers régionaux ne pourraient participer aux élections sénatoriales de 2001 ;
30. Considérant, en deuxième lieu, que, si la dissolution d’un conseil régional était prononcée, en application de l’article L. 4132-3 du code général des collectivités territoriales, avant le prochain renouvellement général des conseils régionaux, l’élection du conseil régional consécutive à cette dissolution se ferait selon le nouveau mode de scrutin ; que la coexistence temporaire de conseils régionaux élus selon des modes de scrutin différents n’est pas contraire au principe d’égalité dès lors qu’elle résulte de modalités d’entrée en vigueur de la loi fondées, comme en l’espèce, sur des critères objectifs et rationnels ; que le grief invoqué doit ainsi être rejeté ;
31. Considérant, enfin, qu’il résulte de ce qui précède que les modalités d’entrée en vigueur de la loi déférée ne comportent pas de lacune ; que le grief tiré d’une méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence doit, dès lors, être rejeté ;
32. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Le troisième alinéa de l’article 4, l’article 17 et l’article 24 sont déclarés contraires à la Constitution.
Article 2 :
Les autres dispositions contestées sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 janvier 1999, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.
Le président,
Roland DUMAS


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux :

Lorsque les régions ont été transformées en collectivités territoriales, ce qui impliquait, conformément aux dispositions de l’article 72 de la Constitution, qu’elles s’administrent par des conseils élus, la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 a retenu un mécanisme de scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, dans le cadre de chacun des départements composant la région.

Il est assez rapidement apparu que les majorités dégagées par ce mode de scrutin étaient étroites, composites et souvent aléatoires, ce qui pouvait déboucher sur des situations de blocage, préjudiciables au bon fonctionnement de ces collectivités.

Pour pallier ces inconvénients, le Parlement a, dans un premier temps, adopté des dispositions permettant de limiter les cas d’intervention du préfet en l’absence d’adoption du budget dans les conditions de droit commun. L’article 3 de la loi n° 98-135 du 7 mars 1998 permet ainsi au président du conseil régional de présenter, dans certaines conditions, un budget qui sera adopté sans vote, sauf dépôt et adoption, par la majorité absolue des membres du conseil régional, d’une « motion de renvoi » comportant en annexe un budget alternatif.

La persistance des situations de blocage, à la suite des élections du 15 mars 1998, a conduit le Gouvernement à proposer au Parlement une réforme plus profonde, portant également sur le mode d’élection des conseillers régionaux. Il s’agit de retenir désormais un mode de scrutin de liste à deux tours, inspiré de celui en vigueur pour l’élection des conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants et combinant les règles de la représentation proportionnelle avec la finalité majoritaire.

Cette réforme ne pouvant produire ses effets qu’après le renouvellement des conseils régionaux, il a paru nécessaire de renforcer et de compléter, à titre transitoire, le dispositif issu de la loi du 7 mars 1998 en lui adjoignant notamment, s’agissant des délibérations les plus importantes pour la conduite des affaires régionales, un mécanisme inspiré de celui du « vote bloqué » prévu par l’article 44 de la Constitution.

Tel est l’objet de la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, adoptée le 22 décembre 1998.

Ce texte a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Les saisines contestent sept séries de dispositions, par des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

I : Sur l’attribution, en cas d’égalité de suffrages,

de la prime majoritaire et du dernier siège (art 3 et 16)

A : Les articles 3 et 16 de la loi déférée modifient le mode de scrutin applicable aux élections régionales et à l’Assemblée de Corse. Le premier de ces deux articles remplace le mode de scrutin, intégralement proportionnel, actuellement en vigueur aux élections régionales, par un mode de scrutin combinant la proportionnelle et des éléments de scrutin majoritaire. L’article 16 modifie, de manière marginale, le mode de scrutin applicable en Corse.

Dans le cas particulier d’une égalité des suffrages entre deux ou plusieurs listes en compétition, les articles déférés marquent une évolution dans notre système électoral. Ils disposent en effet que, lorsque des candidats ou des listes de candidats se trouvent à égalité de voix, la prime du quart des sièges, ou le dernier siège en cas d’égalité des suffrages, sont attribués à la liste ayant la moyenne d’âge la moins élevée ou au candidat le moins âgé, alors que les textes antérieurs avaient coutume de faire prévaloir la solution inverse.

Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions violeraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République, issu selon eux de la loi du 10 août 1871 et de celle du 5 avril 1884, qui prévoyaient, respectivement en matière d’élections cantonales et municipales, que l’élection est acquise, en cas d’égalité de suffrages, au candidat le plus âgé. Les sénateurs citent également, à l’appui de leur affirmation, l’article 27 de la Constitution du 24 juin 1793. Ils observent enfin que ce principe n’a jamais fait jusqu’alors l’objet d’une remise en cause.

B : Le Gouvernement estime pour sa part que si la continuité de la tradition républicaine ne fait aucun doute et a conduit, jusqu’à présent, à faire prévaloir la solution que les auteurs du recours défendent, elle n’a pas été pour autant consacrée par la Constitution, ni, en particulier, par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie celui de 1958.

Il faut en effet souligner que la jurisprudence a pris soin de distinguer la tradition républicaine des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ainsi, dans la décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, le Conseil constitutionnel souligne que « la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ». A défaut, la règle, rappelée notamment par la décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993, est « qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ».

Or il est clair qu’en l’espèce le pouvoir du législateur de revenir sur ses choix antérieurs ne peut se voir opposer aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République. Comme le rappelle en effet un auteur dans une étude récente (B Genevois, Une catégorie de principes de valeur constitutionnelle : les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, RFDA 1998, p 477), la reconnaissance de tels principes est subordonnée à la triple condition qu’ils touchent aux droits et libertés, qu’ils présentent un caractère essentiel et qu’ils aient reçu application avec une constance suffisante.

A l’évidence, la règle dont se prévalent les sénateurs requérants ne satisfait pas à l’ensemble de ces conditions.

D’une part, en effet, elle est étrangère à la matière des droits et libertés. D’autre part, elle ne présente pas le caractère essentiel requis par la jurisprudence (voir, par exemple, la décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979) : il s’agit en effet d’une règle supplétive, dont la portée ne peut que rester limitée, dès lors qu’elle vise seulement les situations marginales, dans lesquelles les règles électorales normales ne permettent pas de départager des candidats.

L’abandon d’une simple tradition législative ne saurait donc justifier une censure sur le plan constitutionnel.

II. : Sur les conditions permettant aux listes de candidats d’accéder au second tour de scrutin et de participer à la répartition des sièges (art 4)

A : Le projet initial du Gouvernement proposait de fixer le seuil prévu pour figurer au second tour des élections régionales à 10 % des suffrages exprimés au premier tour, le seuil pour pouvoir fusionner avec une autre liste en vue de second tour étant de 5 % des suffrages. La répartition des sièges était limitée aux listes ayant recueilli au moins 5 % des voix, tandis que la prime attribuée à la liste arrivée en tête à l’issue du scrutin était de 25 % des sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur.

Compte tenu des objections auxquelles le choix de ces seuils s’est heurté au cours des débats, un amendement du Gouvernement, adopté par le Parlement, a permis d’abaisser de 5 % à 3 % des suffrages exprimés le seuil autorisant la fusion de listes en vue du second tour, le seuil permettant d’accéder au second tour étant, quant à lui, ramené de 10 % à 5 % par un amendement parlementaire.

Pour contester le choix ainsi opéré par le législateur, les députés, auteurs de la première saisine, font valoir que l’abaissement de ces seuils contredit l’objectif, poursuivi par le législateur, de favoriser l’émergence de majorités stables au sein des conseils régionaux.

Les requérants ajoutent que ces dispositions violent un objectif constitutionnel de clarté, qui s’imposerait au législateur en matière de scrutins politiques. Ils soutiennent qu’un « impératif de transparence » doit inspirer le choix d’un mode de scrutin, auquel s’imposent notamment les caractères universel, égal et secret du suffrage prévus par l’article 3 de la Constitution.

B : Pour sa part, le Gouvernement considère que ces critiques ne sont pas de nature à remettre en cause la conformité de ces dispositions à la Constitution.

De manière générale, on relèvera d’abord que les critiques tenant à une prétendue contradiction entre l’objectif du projet initial et le texte voté sont dépourvues de portée utile sur le plan constitutionnel.

On observera ensuite que la loi adoptée reste, en tout état de cause, cohérente avec l’objectif poursuivi par le législateur qui est, certes, d’assurer une majorité dans les conseils régionaux, mais aussi de donner la représentation en sièges la plus fidèle possible du vote du corps électoral. Il convient en effet de souligner que le texte retient un mode de scrutin combinant les règles de la représentation proportionnelle avec la finalité majoritaire. Dans un scrutin de ce type, il n’est pas anormal que la représentation la plus large des courants politiques soit permise.

C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que la prime majoritaire a été limitée à un quart des sièges, alors qu’elle est de la moitié des sièges pour les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus.

Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le choix retenu ne remet pas en cause le souci d’efficacité qui était à l’origine du projet : quels que soient les seuils, la logique d’un scrutin à deux tours incite fortement au regroupement des listes entre les deux tours, d’autant que la prime majoritaire favorisera le camp qui saura s’unir. De plus, le réflexe de « vote utile » des électeurs au second tour devrait pénaliser des listes qui se maintiendraient, alors que la logique politique aurait dû les conduire à fusionner.

On notera en outre qu’en application du système de prime mis en place, il suffit à une liste d’obtenir un tiers des suffrages au second tour pour s’assurer de la majorité des sièges de l’assemblée régionale (25 % des sièges au titre de la prime auxquels s’ajouteraient 25 % représentant un tiers des 75 % des sièges restant à répartir à la représentation proportionnelle après attribution de la prime), quel que soit le niveau des seuils.

Même avec des seuils apparemment bas, le système reste donc efficace.

S’agissant enfin de l’objectif de « clarté » pour les électeurs, les députés, auteurs de la saisine, paraissent se référer à la jurisprudence dégagée, à propos d’une consultation organisée en application du troisième alinéa de l’article 53 de la Constitution, par la décision n° 87-226 DC du 2 juin 1987, qui énonce que la question posée aux populations intéressées, dans le cadre de ces dispositions, ne doit pas comporter d’équivoque. On peut se demander si une telle jurisprudence, relative aux conséquences à tirer de l’article 53 en tant qu’il exige, pour toute cession de territoire, « le consentement » des populations intéressées, est directement transposable à l’examen d’une loi fixant le régime électoral d’assemblées locales.

En tout état de cause, et en admettant même que ce souci légitime de clarté corresponde à une norme constitutionnelle, le texte contesté y satisfait pleinement. Il n’y a, en effet, aucune raison pour que les électeurs soient déroutés par un mode de scrutin dont ils ont pris l’habitude aux élections municipales dans les communes de 3 500 habitants ou plus. Au demeurant, la question de savoir si le seuil permettant un maintien au second tour est de 5 % ou de 10 % ne constitue pas un élément essentiel à la « lisibilité » du mode de scrutin.

III. : Sur l’obligation d’assurer la parité

entre les candidats féminins et masculins (art 4 et 17)

A : Les articles 4 et 17 de la loi déférée font obligation aux listes candidates aux élections régionales et à l’Assemblée de Corse d’assurer la parité entre les hommes et les femmes. Ces dispositions ont été introduites par un amendement d’origine parlementaire.

Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, estiment que les articles déférés méconnaissent les articles 3 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tels qu’interprétés par la jurisprudence.

B : L’état du droit en la matière résulte de la décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, qui a jugé contraire à la Constitution une disposition qui empêchait les listes de candidats de comporter plus de 75 % de personnes du même sexe.

En l’espèce, on peut relever que les dispositions déférées ne sont pas d’une nature strictement identique à celles en discussion en 1982. En effet, en adoptant les articles 4 et 17, le législateur a entendu non pas créer des catégories entre éligibles, mais poser les conditions d’une égalité plus réelle entre les femmes et les hommes.

Ce faisant, le législateur a entendu mettre en uvre le principe posé par le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui prévoit que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Le législateur a ainsi entendu donner, en matière politique, un contenu à un principe affirmé depuis plus de cinquante ans par le constituant, mais dont l’application est restée de peu d’effet, si l’on observe la proportion des mandats détenus respectivement par les hommes et par les femmes dans les assemblées politiques et les organes délibérants des collectivités locales. Il en ressort que la proportion des mandats exercés par des femmes est parmi les plus faibles de l’Union européenne.

En ce qui concerne plus particulièrement les élections régionales, on note que les femmes représentent, en 1998, moins de 37 % des candidatures, et à peine le quart des élus.

Il appartiendra au Conseil constitutionnel d’apprécier si cette initiative se heurte aux mêmes obstacles constitutionnels que le dispositif qui était en cause en 1982.

IV. : Sur la modification de la composition

du collège électoral sénatorial (art 20 et 21)

A : Les articles 20 et 21 de la loi modifient les articles L 280 et L 293-1 à L 293-3 du code électoral relatifs à l’élection des sénateurs, afin de tirer les conséquences du choix d’une circonscription régionale pour l’élection des membres des conseils régionaux.

Pour contester ces dispositions, les sénateurs, auteurs du second recours, soutiennent que l’article LO 274 du code électoral, qui précise que les sénateurs sont élus « dans les départements », serait méconnu par l’extension aux régions du système applicable dans la collectivité territoriale de Corse, depuis la promulgation de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991. Par là même, le législateur aurait méconnu le principe de hiérarchie des normes qui exige qu’une disposition de nature organique ne puisse être modifiée par la loi ordinaire.

Aux yeux des requérants, cette extension serait contestable pour le motif que des élus extérieurs à un département participeraient alors à la désignation des sénateurs représentant ce dernier.

B : Ces critiques reposent sur une interprétation inexacte des règles constitutionnelles régissant cette matière.

Il importe en effet de souligner que les dispositions contestées ont été élaborées en tenant compte de la jurisprudence issue de la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative à la Corse. Dans cette affaire, le conseil a écarté des moyens de même nature qui étaient opposés à des dispositions identiques. On rappellera à cet égard que la décision précitée a jugé qu’une disposition relative au mode de désignation des délégués au sein des collèges électoraux sénatoriaux « n’empiète pas sur la compétence réservée à la loi organique par la Constitution ».

En l’espèce, les articles 20 et 21 sont conçus sur le modèle des dispositions équivalentes de la loi de 1991. Ils ne modifient pas davantage les conditions d’élections des sénateurs, qui continuent à être désignés dans le cadre du département.

Pas plus que la loi relative à la Corse, la présente loi ne fait disparaître le département en tant que circonscription électorale pour l’élection des sénateurs. La décision n° 91-290 DC relève d’ailleurs que l’article LO 274 ne fait pas obstacle à ce que les dispositions législatives relatives au régime électoral du Sénat organisent la participation au collège électoral sénatorial de délégués de collectivités territoriales autres que le département, conformément à l’article 24 de la Constitution qui impose que les différentes collectivités territoriales soient représentées au Sénat.

Le Gouvernement considère que ces principes sont exactement transposables dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la conformité à la Constitution des dispositions identiques de la loi sur la Corse n’est en rien fondée sur le caractère de cette collectivité territoriale particulière. Au demeurant, son régime particulier n’implique nullement que les règles qui la régissaient soient nécessairement et fondamentalement différentes de celles applicables aux conseils régionaux. Tout au contraire, si l’article L 4421-1 du code général des collectivités territoriales (qui codifie l’article 2 de la loi du 13 mai 1991) dispose que la Corse constitue une collectivité territoriale de la République, ce même article lui rend applicable les dispositions de la première partie de ce code, communes à toutes ces collectivités, ainsi que celles de la quatrième partie, relative aux régions, en ce qu’elles ont de non contraires.

On voit ainsi mal pour quelles raisons des dispositions qui ne sont actuellement limitées à la Corse qu’en raison du mode de scrutin particulier applicable à l’élection à l’Assemblée de Corse ne pourraient être étendues aux régions dès lors que le mode de scrutin qui leur est désormais applicable s’inspire très directement de celui déjà appliqué en Corse.

V : Sur les conditions de vote des délibérations budgétaires

et fiscales des conseils régionaux

A : Le titre III de la loi déférée comporte des dispositions qui tendent, dans le prolongement des aménagements apportés par la loi du 7 mars 1998 à la procédure d’adoption des budgets régionaux, à renforcer, à titre transitoire, les mécanismes permettant de faire face à la situation complexe des régions dans lesquelles n’existe pas de majorité absolue. Le texte prévoit principalement, à cet égard, deux types de mesures :

: d’une part, l’article 22 dispose qu’à l’issue de l’examen du budget, voté conformément aux règles de droit commun par chapitre ou par article, le président du conseil régional peut soumettre à un vote d’ensemble le projet de budget initial, éventuellement modifié pour prendre en compte la discussion intervenue. Il s’agit, en substance, de transposer le mécanisme de « vote bloqué » défini au troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution ;

: d’autre part, l’article 23 permet l’application du mécanisme d’adoption sans vote défini par la loi du 7 mars 1998 aux délibérations relatives au vote des taux des impôts régionaux, ainsi qu’à deux décisions budgétaires modificatives.

Les parlementaires auteurs des deux saisines estiment inconstitutionnelles, tant la nouvelle procédure de vote bloqué (art 22 de la loi) que les aménagements apportés à la procédure d’adoption sans vote des budgets (art 23). Ces dispositions méconnaîtraient, d’après eux, le principe de libre administration des collectivités locales par des conseils élus énoncé par l’article 72 de la Constitution, ainsi que les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

B : Le Conseil constitutionnel ne saurait accueillir ces critiques, qui reposent à la fois sur une analyse inexacte du cadre juridique régissant la matière et sur une interprétation erronée des dispositions contestées.

1. S’agissant du cadre juridique, le Gouvernement entend formuler les deux séries d’observations suivantes :

a) En premier lieu, les requérants se méprennent sur la signification exacte du principe de libre administration des collectivités territoriales.

En effet, ce principe concerne essentiellement la question des rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales, d’une part, et celle de la répartition des attributions et des prérogatives entre ces différentes collectivités, d’autre part. C’est seulement dans la mesure où l’article 72 de la Constitution précise que ces collectivités s’administrent « par des conseils élus » que la question des rapports, au sein de la collectivité, entre l’exécutif et l’organe délibérant peut se poser sous un angle constitutionnel.

Mais la réponse que la jurisprudence y apporte est dépourvue d’ambiguïté : il appartient au législateur de déterminer les conditions dans lesquelles s’applique ce principe, sous la seule réserve de ne pas en dénaturer la portée et, notamment, de ne pas dépouiller l’organe délibérant de toute attribution effective (n° 85-196 DC du 8 août 1985 ; n° 87-241 DC du 19 janvier 1988).

b) En second lieu, il convient de souligner que les dispositions critiquées ont été élaborées à la lumière de la décision n° 98-397 DC du 6 mars 1998, qui a rejeté des contestations analogues soulevées à l’encontre de la procédure d’adoption du budget sans vote prévue par le texte promulgué le 7 mars 1998.

Ce faisant, le Conseil s’est en réalité borné à constater que la critique adressée au texte manquait en fait, le dispositif ayant pour objet de rendre plus effective la libre administration des régions.

Mais l’on ne peut inférer ni de cette décision, ni, de manière générale, de la jurisprudence, qu’un tel encadrement des mécanismes de décision au sein du conseil régional ne pourrait être admis que pour conjurer un péril menaçant la continuité des services assurés par cette collectivité ou pour prévenir son dessaisissement au profit de l’autorité de tutelle.

C’est dire que le Parlement ne fait qu’exercer le pouvoir d’appréciation que lui reconnaissent en la matière les articles 34 et 72 de la Constitution, lorsqu’il définit les conditions dans lesquelles peuvent être adoptées, ou réputées adoptées, des délibérations du conseil régional. Et il en résulte que rien n’interdit au législateur de prévoir que des modalités de « vote bloqué » peuvent être instituées pour garantir la cohérence des choix budgétaires opérés par le conseil régional. De telles dispositions contribuent en effet à poser les conditions d’une bonne administration des collectivités territoriales.

2. En outre, les requérants se méprennent sur la portée exacte des articles 22 et 23.

Contrairement, en effet, à ce qu’ils soutiennent, les articles 22 et 23 de la nouvelle loi ne dessaisissent pas l’assemblée régionale de sa compétence.

a) S’agissant de l’article 22, il a pour seul objet d’autoriser le président de la région à demander une seconde délibération pour que le conseil régional se prononce globalement, mais en toute connaissance de cause, sur le projet de budget établi par l’exécutif.

On soulignera d’abord, à cet égard, que ce vote bloqué ne peut intervenir qu’au terme de l’examen et du vote par chapitres et par articles du projet de budget dans les conditions de droit commun définies par l’article L 4311-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

En outre la loi, en ouvrant la possibilité de modifier le projet de budget initial par « un ou plusieurs des amendements soutenus ou adoptés au cours de la discussion », n’implique pas le rejet systématique de tous les amendements adoptés par le conseil régional pendant l’examen des chapitres et articles du projet de budget.

On observera ensuite que la loi n’ôte pas à l’assemblée le droit de refuser ce projet en se prononçant en ce sens à la majorité : le conseil régional demeure donc souverain dans l’exercice effectif de ses attributions.

En réalité, le mécanisme contesté a le mérite d’ouvrir une ultime possibilité de faire adopter le budget par un vote de l’assemblée, avant mise en uvre de la procédure d’adoption sans vote, plus dérogatoire au droit commun, mais dont la légitimité a été reconnue par la décision précitée du 6 mars 1998.

Le choix d’un mécanisme spécifique de vote se justifie par le caractère propre du budget, acte essentiel qui permet la mise en uvre de la politique régionale, telle que définie par la majorité du conseil et plus particulièrement son président, notamment à l’occasion de l’obligation désormais faite aux candidats à la présidence de remettre « une déclaration écrite présentant les grandes orientations politiques, économiques et sociales de son action pour la durée de son mandat » conformément aux dispositions de l’article L 4133-1 du CGCT issues de la loi du 7 mars 1998.

Ce budget ne saurait donc se résumer à une somme de chapitres et d’articles prévoyant et autorisant des montants de recettes et de dépenses. Il doit au contraire constituer un tout cohérent.

Cette nécessaire cohérence impose d’ouvrir au président la possibilité de demander un nouveau vote d’ensemble à la suite du vote de chacun des chapitres et articles du budget, qui vaut adoption du budget conformément aux dispositions du 1° de l’article 22 de la loi.

En effet, eu égard au droit d’amendement reconnu à l’assemblée délibérante, il n’existe aucune garantie que le budget ainsi adopté :

: d’une part, respecte les règles d’équilibre prévues par la loi aux articles L 1612-4 et suivants du CGCT ;

: d’autre part, soit conforme aux grandes orientations de politique générale définies par le président de la région.

Ce besoin de cohérence vaut également pour les décisions modificatives, dont il arrive qu’elles doivent être prises sous le sceau de l’urgence, par exemple pour la réalisation de travaux urgents, alors que les mêmes difficultés risquent d’exister pour dégager à cette occasion une majorité de gestion stable.

On rappellera, au surplus, que ce dispositif présente un caractère transitoire, l’article 27 de la loi prévoyant la disparition de cette procédure à l’occasion du prochain renouvellement des conseils régionaux, ou le cas échéant d’un conseil régional, une fois mis en uvre le nouveau mode de scrutin.

Pour autant, ce caractère transitoire : au demeurant absent dans le dispositif validé par la décision, déjà citée, du 6 mars 1998 : ne paraît pas constituer une condition nécessaire à la reconnaissance du caractère constitutionnel de mécanismes dérogatoires de vote. On peut d’ailleurs relever qu’il existe au moins un précédent législatif limitant le pouvoir de l’assemblée délibérante à l’adoption ou au rejet d’un projet de budget : le vote du budget annexe des sections de communes par les conseils municipaux, sur proposition de la commission syndicale, conformément aux dispositions de la loi du 9 janvier 1985, codifiées à l’article L 2412-1 du CGCT.

Enfin, il convient de considérer cette nouvelle procédure de vote bloqué comme constituant un tout avec la procédure d’adoption sans vote du budget. Comme l’avait relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 mars 1998, cette dernière vise à assurer la continuité des services publics et à éviter le dessaisissement des organes délibérants au profit du représentant de l’Etat dans des régions dépourvues de majorités stables eu égard à leur mode de scrutin, que la même loi réforme par ailleurs. Son caractère dérogatoire a conduit à limiter, dans la nouvelle loi (art 23), les possibilités d’y recourir aux cas de rejet explicite du budget. Il convient dès lors d’offrir au président de la région et à son assemblée une nouvelle chance d’adopter par un vote un budget cohérent, et ce dans les meilleurs délais, avant que le constat de l’absence de vote du budget au 30 mars (ou au 30 avril les années de renouvellement des assemblées délibérantes) n’entraîne la saisine par le préfet de la chambre régionale des comptes, dans les conditions prévues à l’article L 1612-2 du CGCT.

b) Les mêmes arguments valent en ce qui concerne la procédure d’adoption sans vote aménagée par l’article 23 de la nouvelle loi.

L’extension du champ de cette procédure est indispensable, eu égard au lien consubstantiel entre décisions de vote des taux et décision budgétaire. Celle-ci inclut en effet le vote des produits attendus de la fiscalité locale, c’est-à-dire du produit issu de l’application, à des bases notifiées par les services fiscaux, de taux d’imposition librement votés par la collectivité.

Comme le notent les requérants, ces deux décisions distinctes doivent logiquement être simultanées pour garantir la conformité entre produits votés dans le budget et recettes effectivement mises en recouvrement en application des taux fixés par la collectivité. A défaut, les recettes inscrites au budget seraient insincères, ce qui risquerait de remettre en cause l’équilibre même du budget entre dépenses et recettes.

Ces deux délibérations s’avérant indissociables, il est logique de donner à l’assemblée locale les moyens de voter des taux d’imposition conformes aux recettes inscrites dans le budget pour la mise en uvre des politiques régionales.

Ceci suppose d’associer les décisions fiscales à la délibération budgétaire pour garantir la conformité des décisions et donc la cohérence et la légalité du budget dans des assemblées dépourvues de majorité stable.

En outre, l’extension ainsi prévue de la procédure d’adoption sans vote aux décisions fiscales annuelles, loin de dessaisir l’assemblée délibérante de ses pouvoirs, contribue bien au contraire à les renforcer.

En effet, les mêmes causes qui ont empêché un vote positif du budget devraient logiquement entraîner le rejet des dispositions fiscales permettant d’assurer le financement de ce budget sur lequel elle n’a pu se mettre d’accord. Or, en l’absence de vote par le conseil régional, l’article 1639 A du code général des impôts dispose que sont reconduits les taux de l’année précédente.

L’exclusion des décisions fiscales annuelles de la procédure d’adoption sans vote du budget reviendrait alors vraisemblablement à interdire toute modification des taux de la fiscalité directe locale pendant toute la durée du mandat des conseillers régionaux. Cela vaudrait tant dans le cadre du projet du président de la région que dans celui de la contre-proposition budgétaire annexée à la motion de renvoi déposée par une majorité alternative au sein du conseil. Leur inclusion rend au contraire à l’assemblée délibérante la maîtrise de la fiscalité locale, première recette budgétaire en volume.

Il convient de noter également que l’extension ainsi opérée par le législateur se limite strictement aux décisions annuelles de vote des taux, à l’exclusion de toute décision pérenne telle que le vote d’exonérations pour certains contribuables.

Enfin, l’argumentation tirée des articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne peut qu’être écartée pour les raisons que le Conseil constitutionnel a retenues dans sa décision du 6 mars 1998 en réponse à une contestation analogue.

VI. : Sur la publicité

des séances de la commission permanente (art 24)

A : Issu d’un amendement parlementaire, l’article 24 de la loi soumet les séances de la commission permanente au même régime de publicité que les séances du conseil régional : réunions publiques avec possibilité de décider le huis clos à la majorité absolue des membres présents ou représentés, sur demande de cinq conseillers ou du président (art L 4132-10 du CGCT).

Pour contester le choix ainsi fait par le législateur, les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, font valoir qu’en vertu de l’article 72 de la Constitution, le conseil régional devrait demeurer libre d’en décider, dans le cadre de son règlement intérieur, sans que le législateur puisse le lui imposer.

B : Le Gouvernement considère, au contraire, que cette disposition ne peut se voir opposer aucun principe constitutionnel.

Comme le Conseil constitutionnel l’a récemment souligné à propos des ressources des collectivités locales, la compétence du législateur pour aménager les conditions d’exercice de leur libre administration ne rencontre de limites que dans la mesure où les dispositions qu’il adopte reviendraient à entraver cette libre administration (n° 98-405 DC du 29 décembre 1998).

Tel n’est évidemment pas le cas de dispositions relatives à la publicité des séances d’un organe délibérant de la région.

Le choix ainsi fait repose, au demeurant, sur de solides justifications. En effet, l’étendue des délégations dont peut bénéficier la commission permanente justifie que lui soit appliquée l’obligation de publicité qui régit les séances du conseil régional : en vertu de l’article L 4221-5 du CGCT, la commission permanente peut en effet recevoir de très larges délégations du conseil régional, à la seule exception des décisions de nature budgétaire.

Depuis la réforme opérée par la loi du 6 février 1992, la commission permanente est ainsi devenue une formation restreinte du conseil régional, c’est-à-dire un véritable organe délibérant, qui se distingue ainsi du bureau, ce dernier constituant quant à lui l’exécutif. Cette distinction est, davantage encore, mise en évidence par la modification apportée par l’article 25 de la présente loi à l’article L 4133-8 du CGCT, qui rend obligatoire l’existence d’un bureau dans toutes les régions.

Dans ces conditions, et alors que cette modification ne remet pas en cause le principe suivant lequel l’exécutif délibère en secret, le législateur a tiré les conséquences logiques du caractère d’organe délibérant de la commission permanente en lui appliquant la règle constante suivant laquelle les organes collégiaux auxquels les citoyens, en les élisant, ont confié un pouvoir de décision, délibèrent en public, afin que ces citoyens puissent contrôler l’action de leurs représentants élus.

L’extension des règles de publicité applicables aux séances du conseil régional est d’autant plus logique que rien, dans la loi actuelle, n’interdit que la commission permanente soit composée de la totalité des membres du conseil régional. La différence de régime permettrait, le cas échéant, de contourner l’obligation de publicité des séances du conseil régional.

On relèvera d’ailleurs que la question s’est posée, devant le Conseil d’Etat, de savoir si les dispositions issues de la loi précitée du 6 février 1992 ne devaient pas être d’ores et déjà interprétées, dès lors qu’elles dotaient la commission permanente d’importants pouvoirs, comme rendant applicable, à ce nouvel organe délibérant de la région, la règle de publicité régissant les séances du conseil régional. Le commissaire du Gouvernement avait proposé au Conseil d’Etat de répondre par l’affirmative, en se fondant notamment sur l’importance des pouvoirs qu’à la différence de l’ancien bureau, la commission permanente pouvait être conduite à exercer aux lieu et place du conseil régional, et sur l’idée que la publicité des séances est le corollaire de l’exercice d’un pouvoir délibérant (cf concl.

JH Stahl sur CE, As. 18 décembre 1996, région Centre, RFDA 1997, p 496). Si le Conseil d’Etat ne l’a pas suivi, ce n’est pas en raison d’un principe constitutionnel qui aurait fait obstacle à ce que la loi fût interprétée en ce sens, mais seulement parce qu’il a considéré qu’à défaut de l’avoir expressément prévu, elle ne pouvait être comprise comme l’impliquant nécessairement.

On soulignera enfin que l’obligation de publicité des séances ne constitue qu’une règle de fonctionnement des assemblées élues qui ne peut s’analyser comme une restriction à la liberté d’agir des collectivités territoriales et de leurs conseils élus. Cette règle introduit seulement de la transparence, vis-à-vis des citoyens, dans le fonctionnement d’un organe qui n’a cessé de prendre de l’importance dans l’organisation des régions.

La mesure contestée ne soumet pas pour autant les élus régionaux à une surveillance de tous les instants puisque la loi permet, comme pour les conseils régionaux, de décider le huis clos pour des affaires qui le justifient.

C’est donc à tort que les requérants y voient une violation de l’article 72 de la Constitution.

VII. : Sur l’entrée en vigueur de la loi

A : L’article 27 de la loi apporte plusieurs précisions sur les conditions d’entrée en vigueur de certaines de ses dispositions.

Sans critiquer directement la rédaction de cet article, les auteurs de la saisine reprochent au législateur de ne pas avoir prévu de dispositions spécifiques permettant d’éviter les inconvénients qui résulteraient, selon eux, du silence de la loi sur l’entrée en vigueur d’autres dispositions. Ils considèrent en particulier que l’application immédiate de la loi empêcherait, faute d’un cadre législatif approprié, l’organisation d’élections régionales consécutives à une éventuelle annulation des élections du 15 mars 1998 dans un seul département.

De surcroît, en cas de dissolution d’un conseil régional sur la base de l’article L 4132-3 du code général des collectivités territoriales, la loi méconnaîtrait l’égalité du suffrage en permettant la coexistence d’un conseil élu selon le nouveau mode de scrutin avec des assemblées élues suivant l’ancien système.

Le même principe d’égalité du suffrage serait en outre méconnu à l’occasion du renouvellement d’une série de sénateurs en 2001, celle-ci n’étant pas élue, contrairement aux deux autres séries, par des conseillers régionaux exclusivement issus du département.

L’insuffisance des mesures transitoires conduit enfin les sénateurs à considérer que le législateur n’aurait pas épuisé la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution.

B : Ces critiques ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conformité du texte à la Constitution.

1. En premier lieu, en évoquant l’absence de cadre législatif pour pourvoir au remplacement de conseillers régionaux dont l’élection serait invalidée, les requérants font implicitement référence aux contentieux qui restent actuellement pendants devant le Conseil d’Etat. On voit mal toutefois les motifs pour lesquels le législateur aurait méconnu des textes ou des principes de valeur constitutionnelle en ne prévoyant pas expressément une telle hypothèse.

Il est clair, en effet, que le législateur a entendu édicter de nouvelles règles permettant, ainsi qu’il en avait le loisir, d’élire un conseil régional qui serait intégralement renouvelé selon un mode de scrutin jugé meilleur, car plus à même de dégager des majorités.

Ce faisant, la loi n’a clairement entendu abroger la législation actuelle que pour autant que le renouvellement du conseil régional sera intégral. Il en résulte nécessairement que les anciennes dispositions restent en vigueur, tant que les conditions requises par le nouveau texte pour qu’il puisse s’appliquer ne sont pas réunies.

Toute autre lecture méconnaîtrait les principes les mieux établis en matière d’application de la loi dans le temps. Elle risquerait d’ailleurs de se heurter à des principes de valeur constitutionnelle, soit en mettant fin par anticipation au mandat des conseillers régionaux élus dans les autres départements, soit en privant les habitants d’une partie de la région de représentants au sein de la collectivité régionale.

Le moyen des requérants manque donc en fait, la loi ne pouvant avoir la portée qu’ils lui prêtent.

2. En deuxième lieu, il n’est pas contraire à l’égalité du suffrage qu’un conseil régional, dissous en application de l’article L 4132-3 du code général des collectivités territoriales, puisse être réélu suivant un mode de scrutin distinct de celui qui était antérieurement en vigueur lorsqu’ont été élus les autres conseils régionaux, comme le prévoit implicitement la loi, et comme l’implique d’ailleurs la rédaction du second alinéa du III de l’article 27.

Une telle situation n’est, là aussi, que la conséquence logique des principes les plus constants en matière d’entrée en vigueur d’une législation nouvelle.

En tout état de cause, il convient d’insister sur le caractère très hypothétique de la situation envisagée, puisque l’article L 4132-3 du code précité n’a pas encore trouvé matière à s’appliquer.

3. S’agissant, en troisième lieu, des modalités de désignation des sénateurs appartenant à la série renouvelée en 2001, elles ne sauraient être jugées contraires au principe d’égalité du suffrage.

Le mode de scrutin applicable à cette désignation n’est pas modifié, non plus que le nombre de sièges à renouveler. De même, le nombre de conseillers régionaux membres du collège électoral sénatorial demeure celui prévu par le tableau n° 7 annexé au code électoral, issu de la loi n° 91-1384 du 31 décembre 1991. En outre, la représentation des conseillers généraux dans le collège électoral reste inchangée.

Là encore, la situation transitoire dans laquelle les requérants voient une difficulté n’est que la conséquence inévitable du caractère nécessairement progressif : eu égard au mode de renouvellement des sénateurs : des répercussions de la présente réforme sur la composition des collèges électoraux.

On notera d’ailleurs que coexistent actuellement deux modes de scrutin applicables à la désignation des membres du Sénat, selon le nombre d’élus par département, sans que cela ait été regardé comme contraire à l’égalité du suffrage. De même peut-on observer qu’au sein des collèges électoraux figurent des délégués des conseils municipaux élus selon des règles différentes selon la taille des communes.

Il convient enfin de rappeler que par une décision n° 66-30 DC du 8 juillet 1966, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la loi n° 66-504 du 12 juillet 1966, qui prévoyait l’augmentation du nombre de sièges de sénateurs du fait de la création de nouveaux départements. Ce texte, applicable au renouvellement triennal de 1968, introduisait pourtant une modification substantielle dans la composition d’une des trois séries constituant le Sénat.

Les sénateurs soussignés ont l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, notamment ses articles 3 et 16, prévoyant, en cas d’égalité de suffrages, l’attribution de la prime majoritaire à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la moins élevée et l’attribution du dernier siège au moins âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus, les articles 4 et 17 imposant que chaque liste assure la parité des candidats féminins et masculins, les articles 20 et 21 modifiant la composition du collège électoral des sénateurs, l’article 22 établissant au profit de l’exécutif régional une procédure de vote bloqué pour l’adoption du budget, l’article 23 étendant la procédure d’adoption sans vote du budget de la région aux délibérations à caractère fiscal et à deux autres délibérations budgétaires, l’article 24 rendant obligatoirement publiques les réunions des commissions permanentes des conseils régionaux, l’article 27 fixant les conditions d’entrée en vigueur de la loi.

I : Sur l’attribution, en cas d’égalité de suffrages, de la prime majoritaire à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la moins élevée et sur l’attribution du dernier siège au moins âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus

Les articles 3 et 16 de la loi déférée ont notamment pour effet d’accorder au deuxième tour, lorsque les deux listes arrivées en tête ont obtenu le même nombre de suffrages, une prime égale au quart des sièges arrondi à l’entier supérieur à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la moins élevée.

Ces articles ont aussi pour effet d’attribuer le dernier siège à pourvoir, en cas d’égalité de moyenne et de suffrages entre listes, au moins âgé des candidats susceptibles d’être élu.

Le troisième alinéa de l’article L 338 du code électoral résultant de l’article 3 serait en effet ainsi rédigé :

« Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur. En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l’application du quatrième alinéa ci-après. »

Le sixième alinéa de l’article L 338 du code électoral résultant de l’article 3 serait ainsi rédigé :

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus. »

L’article 16 de la loi est ainsi rédigé :

«  L’article L 366 du code électoral est ainsi modifié :

« 1° Dans l’avant-dernière phrase du deuxième alinéa, le mot : »plus« est remplacé par le mot : »moins" ;

«  2° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

«  Les listes qui n’ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges ;

« Les dispositions des deux derniers alinéas de l’article L 338 sont applicables à l’élection des conseillers à l’Assemblée de Corse. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que les dispositions précitées sont contraires aux règles et aux principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

L’attribution du bénéfice de l’âge au plus âgé des candidats, en cas d’égalité de suffrages, figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Le Préambule de la Constitution de 1958 a donné une valeur constitutionnelle « aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ».

Dans son premier alinéa, le Préambule de la Constitution de 1946 « réaffirme solennellement les droits et les libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

Au nombre des lois de la République ayant fondé ces principes fondamentaux figurent sans aucun doute la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, qui a fixé leur élection au scrutin uninominal à deux tours dans le cadre du canton et la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale, qui a décidé de l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste à deux tours.

L’article 14 (2°) de la loi du 10 août 1871 tout comme l’article 30 de la loi du 5 avril 1884 prévoient, dans les mêmes termes, que « si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l’élection est acquise au plus âgé ».

Ce faisant, les lois de 1871 et de 1884 précitées se bornaient à reprendre un principe non contredit depuis plus de deux siècles, puisque la Constitution du 24 juin 1793 énonce, dans son article 27 concernant l’élection des députés, que « en cas d’égalité des voix, le plus âgé a la préférence, soit pour être ballotté, soit pour être élu. En cas d’égalité d’âge, le sort décide ».

Les nombreuses modifications subies par le code électoral n’ont jamais remis en cause, à aucun moment, ce principe fondamental et qui concerne aussi bien les mandats électoraux que les fonctions électives.

Les dispositions contestées de l’article 3 et de l’article 16 méconnaissent donc un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

II. : Sur l’obligation pour chaque liste d’assurer

la parité entre les candidats féminins et masculins

Les articles 4 et 17 de la loi déférée font obligation à chaque liste de candidats à l’élection au conseil régional ou à l’Assemblée de Corse d’assurer la parité entre candidats féminins et masculins.

En effet, aux termes du troisième alinéa de l’article 4, le deuxième alinéa de l’article L 346 du code électoral relatif aux conditions de recevabilité des candidatures pour l’élection des conseillers régionaux serait ainsi rédigé :

« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »

L’article 17 complète l’article L 370 du code électoral, concernant les conditions de recevabilité des candidatures pour l’élection des conseillers à l’Assemblée de Corse, par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que le troisième alinéa de l’article 4 et l’article 17 sont contraires aux règles et principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Dans votre décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, vous avez considéré « que la règle qui, pour l’établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe (était) contraire aux principes constitutionnels », que vous avez constatés à partir du rapprochement de l’article 3 de la Constitution et de la dernière phrase de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

L’article 3 de la Constitution est ainsi rédigé :

«  La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ;

«  Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ;

«  Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ;

« Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »

La dernière phrase de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est ainsi rédigée :

« Tous les citoyens étant égaux (aux yeux de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Dans votre décision précitée, vous en avez conclu que " la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu’il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers municipaux ".

Les principes constitutionnels s’opposant à une distinction entre candidats en raison de leur sexe n’ont en rien été modifiés depuis votre décision du 18 novembre 1982 précitée.

Ils sont applicables à l’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse, comme vous les avez appliqués à celle des conseillers municipaux.

Les dispositions contestées de l’article 4 et l’article 17 de la loi violent donc l’article 3 de la Constitution et l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

III. : Sur la modification de la composition

du collège électoral sénatorial

Les articles 20 et 21 de la loi déférée ont pour effet de prévoir la participation au collège électoral des sénateurs, de conseillers régionaux désignés par le conseil régional, à la place des conseillers régionaux élus dans le département, et d’en fixer les modalités de désignation.

Aux termes de l’article 20, l’article L 280 du code électoral serait ainsi modifié :

«  1° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Des conseillers régionaux et des conseillers de l’Assemblée de Corse désignés dans les conditions prévues par le titre III bis du présent livre » ;

« 2° Le deuxième alinéa est supprimé. »

Aux termes de l’article 21, le titre III bis du livre II du code électoral serait ainsi rédigé :

«  Art L 293-1 -

Dans le mois qui suit leur élection, les conseils régionaux et l’Assemblée de Corse procèdent à la répartition de leurs membres entre les collèges chargés de l’élection des sénateurs dans les départements compris dans les limites de la région ou de la collectivité territoriale de Corse.

«  Le nombre de membres de chaque conseil régional à désigner pour faire partie de chaque collège électoral sénatorial est fixé par le tableau n° 7 annexé au présent code.

«  Le nombre de membres de l’Assemblée de Corse à désigner pour faire partie des collèges électoraux sénatoriaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse est respectivement de 24 et de 27.

«  Art L 293-2 -

Le conseil régional ou l’Assemblée de Corse désigne d’abord ses membres appelés à représenter la région ou la collectivité territoriale au sein du collège électoral du département le moins peuplé.

«  Chaque conseiller ou groupe de conseillers peut présenter avec l’accord des intéressés une liste de candidats en nombre au plus égal à celui des sièges à pourvoir.

«  L’élection a lieu au scrutin de liste sans rature ni panachage.

Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne.

«  Il est ensuite procédé de même pour désigner les conseillers appelés à faire partie du collège électoral des autres départements, dans l’ordre croissant de la population de ces derniers : aucun conseiller déjà désigné pour faire partie du collège électoral d’un département ne peut être désigné pour faire partie d’un autre.

«  Lorsque les opérations prévues aux alinéas précédents ont été achevées pour tous les départements sauf un, il n’y a pas lieu de procéder à une dernière élection : les conseillers non encore désignés font de droit partie du collège électoral sénatorial du département le plus peuplé.

«  Celui qui devient membre du conseil régional ou de l’Assemblée de Corse entre deux renouvellements est réputé être désigné pour faire partie du collège électoral sénatorial du même département que le conseiller qu’il remplace.

«  Art L 293-3 -

Le représentant de l’Etat dans la région ou dans la collectivité territoriale de Corse notifie au représentant de l’Etat dans chaque département de la région ou de la collectivité territoriale les noms des conseillers désignés pour son département en vue de l’établissement du tableau des électeurs sénatoriaux mentionné à l’article L 292. "

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que les articles 20 et 21 précités sont contraires aux règles et aux principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Les dispositions en vigueur du titre III bis du livre II du code électoral (art L 293-1 à L 293-3) prévoient des modalités de désignation particulières des délégués de l’Assemblée de Corse au collège électoral sénatorial, les membres de l’Assemblée de Corse étant élus dans la collectivité territoriale de Corse et non dans les deux départements de Corse.

L’article 21 étendrait, sous réserve de quelques adaptations, ces modalités à la désignation des délégués des conseils régionaux, que l’article 20 aurait fait figurer dans le collège électoral sénatorial.

Certes, vous avez estimé que les articles L 293-1 à L 293-3 du code électoral, issus de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, n’étaient pas contraires à la Constitution (décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991).

Selon l’article 72 de la Constitution, « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d’outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi ».

L’article L 4421-1 du code général des collectivités territoriales énonce que « la Corse constitue une collectivité territoriale de la République au sens de l’article 72 de la Constitution ».

La collectivité de Corse est régie par des règles spécifiques, aussi bien pour son organisation et son fonctionnement, le régime juridique de ses actes, ses compétences ou son régime financier, faisant l’objet du titre II du livre IV de la quatrième partie du code précité.

Le mode de scrutin pour l’élection des conseillers à l’Assemblée de Corse est organisé selon des dispositions distinctes de celles applicables à l’élection des conseillers régionaux (titre II du livre IV du code électoral).

Il n’est donc pas contestable que la Corse constitue une collectivité territoriale dont le statut particulier ne peut être assimilé à celui d’une région.

Les principes applicables à sa représentation dans les collèges électoraux sénatoriaux des départements de Corse ne valent donc pas pour les régions.

De la sorte, votre décision précitée du 9 mai 1991 ne saurait trouver matière à s’appliquer dans les régions.

L’article LO 274 du code électoral implique que, sous réserve d’exceptions prévues par d’autres textes de valeur organique, les sénateurs soient élus dans le cadre du département et, donc, que leurs électeurs soient eux-mêmes élus dans le département dans lequel se déroule l’élection.

Les articles 20 et 21 de la loi contestée auraient pour conséquence de faire participer à l’élection des sénateurs certains conseillers régionaux qui ne seraient pas élus dans le département dans lequel se déroule l’élection des sénateurs, mais dans un autre département de la région, contrairement à la disposition de valeur organique précitée.

Seule une loi organique aurait pu apporter une exception à la règle fixée par l’article LO 274 du code précité, que les articles 20 et 21 de la loi méconnaissent donc.

IV. : Sur l’établissement au profit de l’exécutif régional

d’une procédure de vote bloqué pour l’adoption du budget

Le 2° de l’article 22 de la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux établit au profit de l’exécutif régional une procédure de « vote bloqué » du budget de la région.

En effet, aux termes du 2° de l’article 22, l’avant-dernier alinéa de l’article L 4311-1 du code général des collectivités territoriales serait ainsi rédigé :

« A l’issue de l’examen du budget primitif, le président du conseil régional peut soumettre à un vote d’ensemble du conseil régional le projet de budget initial, qu’il peut modifier après accord du bureau par un ou plusieurs des amendements soutenus ou adoptés au cours de la discussion. Cette procédure peut également s’appliquer à deux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice hormis le compte administratif. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que le 2° de l’article 22 est contraire aux règles et principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Sont, en conséquence, également contraires aux mêmes règles et principes les dispositions du 1° de l’article 22 qui prévoient que l’adoption de l’ensemble des chapitres ou des articles vaut adoption du budget, sauf si le président du conseil régional met en oeuvre la procédure de « vote bloqué ».

1. Aboutissant à un véritable dessaisissement de l’assemblée délibérante de son pouvoir de modifier, si elle le souhaite, les recettes ainsi que les crédits inscrits dans les chapitres ou les articles du projet de budget, le 2° de l’article 22 de la loi méconnaît l’article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus.

S’il appartient au législateur, sur le fondement de l’article 72 de la Constitution, de définir les conditions de mise en oeuvre du principe de libre administration, les règles qu’il édicte ne sauraient aboutir à entraver la libre administration des collectivités locales.

Le Conseil constitutionnel a veillé à ce que de telles entraves ne puissent être édictées (par exemple, dans vos décisions n° 90-274 DC du 29 mai 1990 et n° 90-277 DC du 25 juillet 1990). Le principe de libre administration implique, en particulier, que l’organe délibérant soit doté d’attributions effectives (décision n° 85-196 DC du 8 août 1985).

Le vote par l’organe délibérant du budget de la région constitue une attribution essentielle qui exprime dans toute sa plénitude la libre administration de la région par un conseil élu. Dans l’exercice de cette attribution majeure, l’organe délibérant doit pouvoir modifier, s’il le souhaite, les chapitres et articles du projet de budget qui lui est soumis.

Or l’article 22 précité aboutirait à ce que, quand bien même l’organe délibérant aurait adopté l’ensemble des chapitres et articles du projet soumis à sa délibération : ce qui, en vertu du 1° de l’article 22 précité, vaudra désormais adoption de l’ensemble du budget -, l’exécutif régional pourrait lui demander de se prononcer par un vote unique sans prendre en compte les amendements adoptés par l’organe délibérant au cours de la discussion budgétaire. Il pourrait également lui demander de se prononcer par un vote unique en prenant en compte des amendements expressément rejetés par l’assemblée délibérante au cours de l’examen du budget, l’article 22 autorisant le président du conseil régional à modifier le projet de budget initial par des amendements qui auraient été simplement « soutenus » au cours de la discussion budgétaire.

Cette procédure exorbitante du droit commun permettrait à l’exécutif de s’opposer aux options retenues par la majorité des conseillers régionaux dans l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés par les dispositions du code général des collectivités territoriales, lesquelles ne font que traduire au plan législatif le principe de libre administration de la région par un conseil élu.

Elle serait applicable non seulement à l’adoption du budget primitif mais aussi à celle de deux autres délibérations budgétaires (hormis le compte administratif) en fonction d’une décision prise par l’exécutif seul. Or, celui-ci, conformément au principe de libre administration, ne peut avoir pour mission que de préparer et d’exécuter les décisions de l’organe délibérant et non de lui imposer son propre point de vue.

En conséquence, les attributions de l’organe délibérant en matière budgétaire pourraient, selon le choix du seul exécutif, se limiter à voter ou à rejeter par un seul vote le projet de budget qui lui est présenté.

Dessaisissant l’organe délibérant de ses attributions essentielles en matière budgétaire, l’article 22 de la loi n’a en aucune façon pour objet d’assurer le respect du principe de continuité des services publics ou d’éviter un quelconque dessaisissement des organes délibérants de la région au profit du représentant de l’Etat, circonstances qui ont fondé au plan constitutionnel la procédure d’adoption sans vote du budget de la région issue de la loi n° 98-135 du 7 mars 1998 (décision n° 98-397 DC du 6 mars 1998), dont seul le défaut d’utilisation peut désormais entraîner le règlement du budget de la région par le représentant de l’Etat.

La procédure qu’il institue n’a donc nullement pour objet de remédier à une situation de blocage résultant du rejet du projet de budget ou d’un quelconque obstacle à son adoption avant la date du 20 mars ou du 30 avril, les années de renouvellement des conseils régionaux. Sa mise en oeuvre ne serait fondée que sur la seule volonté de l’exécutif de faire prévaloir son point de vue sur celui librement exprimé par l’organe délibérant au cours de l’examen des chapitres ou articles.

Au surplus, s’agissant des deux autres délibérations budgétaires auxquelles la procédure pourrait être appliquée, la continuité des services publics et l’éventuel dessaisissement de l’organe délibérant au profit du représentant de l’Etat ne sauraient être en cause puisqu’il s’agit de décisions modificatives. Or, seul le défaut d’adoption du budget primitif avant la date du 20 mars ou du 30 avril, les années de renouvellement des conseils régionaux, peut entraîner le règlement du budget de la région par le représentant de l’Etat et seulement si le dispositif dérogatoire issu de la loi du 7 mars 1998 n’est pas mis en oeuvre par le président du conseil régional.

Le principe de continuité des services publics n’est pas non plus en cause dès lors que ces délibérations ont pour objet de modifier le budget primitif dont les dispositions demeurent applicables tant qu’elles n’ont pas été modifiées.

2. En permettant l’exécution d’un budget sans que les votes émis par l’organe délibérant au cours de la discussion aient été pris en compte, le 2° de l’article 22 méconnaît les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789.

La procédure instituée par le 2° de l’article 22 de la loi aboutirait, en effet, à priver les citoyens du « droit de constater () par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement () et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

En effet, toutes les modifications votées librement par l’organe délibérant au cours de la discussion pourraient être ignorées de l’exécutif, le vote d’ensemble pouvant porter sur le projet initial, le cas échéant modifié par des amendements qui auraient été expressément rejetés par l’assemblée délibérante au cours de l’examen du budget.

Or une telle procédure exorbitante du droit commun ne peut se fonder sur aucune autre règle ou principe de valeur constitutionnelle. Par l’article 44 de la Constitution, le constituant doit, en effet, être regardé come ayant entendu réserver aux rapports entre le Gouvernement et le Parlement la procédure permettant l’adoption par un seul vote de tout ou partie d’un texte en ne retenant que certains amendements présentés au cours de la discussion.

La loi ordinaire ne peut donc pas : sans par là même priver les citoyens du « droit de constater () par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement () et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » : définir une procédure permettant l’exécution d’un budget sans que les votes émis au cours de la discussion aient été pris en considération.

Etablissant une telle procédure, le 2° de l’article 22 de la loi viole également l’article 13 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel la contribution commune indispensable pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses de l’administration « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette égale répartition ne pourra, en effet, être assurée dès lors que l’organe délibérant sera privé de tout pouvoir de modifier le projet de budget préparé par l’exécutif.

V : Sur l’extension de la procédure d’adoption sans vote du budget de la région aux délibérations relatives aux taux de certaines taxes locales et à deux autres délibérations budgétaires (hormis le compte administratif)

L’article 23 de la loi étend le champ d’application de la procédure d’adoption sans vote du budget de la région : issue de la loi n° 98-135 du 7 mars 1998 : aux délibérations à caractère fiscal et à deux autres délibérations budgétaires (hormis le compte administratif).

Aux termes de l’article 23 de la loi, l’article L 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales serait ainsi rédigé :

«  Art L 4311-1-1 -

Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article L 1612-2, si le budget a été rejeté au 20 mars de l’exercice auquel il s’applique ou au 30 avril de l’année de renouvellement des conseils régionaux, le président du conseil régional communique aux membres du conseil régional, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau projet sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion. Ce projet est accompagné de projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1° du a de l’article L 4331-2 et au 1° de l’article L 4414-2 ainsi que, le cas échéant, des taxes visées aux 2°, 3° et 4° du a de l’article L 4331-2 Le nouveau projet et les projets de délibérations ne peuvent être communiqués aux membres du conseil régional que s’ils ont été approuvés par son bureau au cours du délai de dix jours susmentionné.

«  Ce projet de budget et les projets de délibérations relatives aux taux sont considérés comme adoptés à moins qu’une motion de renvoi, présentée par la majorité absolue des membres du conseil régional, ne soit adoptée à la même majorité. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.

«  La motion est déposée dans un délai de cinq jours à compter de la communication du nouveau projet du président aux membres du conseil régional et comporte un projet de budget et des projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1° du a de l’article L 4331-2 et au 1° de l’article L 4414-2 ainsi que, le cas échéant, des taxes visées aux 2°, 3° et 4° du a de l’article L 4331-2, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du candidat aux fonctions de président et comporte la déclaration écrite prévue par le dernier alinéa de l’article L 4133-1.

«  Le projet de budget annexé à la motion est établi conformément aux dispositions des articles L 4311-1 à 4311-3 Il est transmis, un jour franc après le dépôt de la motion de renvoi, par le président du conseil régional au conseil économique et social régional, qui émet un avis sur ses orientations générales dans un délai de sept jours à compter de sa saisine. Le même jour, et par dérogation aux dispositions de l’article L 4132-18, le président convoque le conseil régional pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable suivant. La convocation adressée aux conseillers régionaux est assortie de la mention de renvoi déposée et du projet de budget ainsi que des projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1° du a de l’article L 4331-2 et au 1° de l’article L 4414-2 et, le cas échéant, des taxes visées aux 2°, 3° et 4° du a de l’article L 4331-2, qui lui sont annexés.

«  Le vote sur la motion a lieu par scrutin secret au cours de la réunion prévue au quatrième alinéa.

«  Si la motion est adoptée, le projet de budget et les projets de délibérations relatives aux taux sont considérés comme adoptés. Le candidat aux fonctions de président entre immédiatement en fonction et la commission permanente est renouvelée dans les conditions fixées par l’article L 4133-5.

«  Le budget est transmis au représentant de l’Etat au plus tard cinq jours après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté conformément au deuxième alinéa ou de la date de l’adoption ou du rejet de la motion de renvoi. A défaut, il est fait application des dispositions de l’article L 1612-2.

«  Les dispositions du présent article, à l’exception de celles de la dernière phrase des troisième, sixième et septième alinéas, sont également applicables à deux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, qui font l’objet d’un vote de rejet par le conseil régional, hormis le compte administratif. Dans ce cas, le président du conseil régional peut alors communiquer un nouveau projet de budget aux membres du conseil régional, dans un délai de dix jours, sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements présentés ou adoptés lors de la discussion sur les propositions nouvelles ; ce projet ne peut être soumis au conseil régional que s’il a été approuvé par son bureau au cours du délai de dix jours susmentionné.

« Les dispositions du présent article ne sont applicables à la collectivité territoriale de Corse. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que l’article 23 précité est contraire aux règles et aux principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

1. En étendant aux délibérations relatives aux taux des taxes locales la procédure d’adoption sans vote du budget de la région, l’article 23 de la loi méconnaît l’article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus ainsi que les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789.

S’il appartient au législateur, sur le fondement de l’article 72 de la Constitution, de définir les conditions de mise en oeuvre du principe de libre administration, les règles qu’il édicte ne sauraient aboutir à entraver la libre administration des collectivités locales.

Le Conseil constitutionnel a veillé à ce que de telles entraves ne puissent être édictées (par exemple, dans vos décisions n° 90-274 DC du 29 mai 1990 et n° 90-277 DC du 25 juillet 1990). Le principe de libre administration implique, en particulier, que l’organe délibérant soit doté d’attributions effectives (décision n° 85-196 DC du 8 août 1985).

Or, dessaisissant l’organe délibérant de ses attributions essentielles en matière fiscale, l’extension de la procédure d’adoption sans vote aux délibérations relatives au vote du taux des taxes locales prévue par l’article 23 de la loi n’a en aucune façon pour objet d’assurer le respect du principe de continuité des services publics ou d’éviter un quelconque dessaisissement des organes délibérants de la région au profit du représentant de l’Etat, circonstances qui ont fondé au plan constitutionnel la procédure d’adoption sans vote du budget de la région issue de la loi 98-135 du 7 mars 1998 (décision n° 98-397 DC du 6 mars 1998).

En effet, les délibérations relatives aux taux des taxes locales ne sont pas nécessairement adoptées avec le budget de la région. Seul le défaut d’adoption de la délibération budgétaire stricto sensu avant la date du 20 mars ou du 30 avril, les années de renouvellement des conseils régionaux, peut entraîner le règlement du budget de la région par le représentant de l’Etat.

En conséquence, l’extension proposée par l’article 23 de la loi n’a nullement pour objet d’éviter le dessaisissement de l’organe délibérant de la région au profit du représentant de l’Etat. Elle n’a pas non plus pour objet d’assurer le respect du principe de continuité des services publics. En effet, l’équilibre de la section de fonctionnement et de la section d’investissement doit être nécessairement établi dans le cadre de la délibération budgétaire, laquelle doit ainsi assurer le respect du principe de continuité des services publics. Il revient à l’assemblée délibérante d’en tirer les conséquences lors de la fixation des taux des taxes locales, soit directement dans la délibération budgétaire elle-même, soit ultérieurement. Cette circonstance ne saurait suffire à fonder le dessaisissement automatique de l’assemblée délibérante de son pouvoir de décision en matière fiscale dès lors que la procédure d’adoption sans vote du budget de la région serait mise en oeuvre.

Pour ces motifs, en étendant aux délibérations relatives aux taux des taxes locales la procédure d’adoption sans vote du budget de la région, l’article 23 de la loi méconnaît l’article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus.

Il méconnaît également l’article 14 de la Déclaration de 1789 qui reconnaît aux citoyens le « droit de constater () par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement () et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

Enfin, il viole l’article 13 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel la contribution commune indispensable pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses de l’administration « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette égale répartition ne pourra, en effet, être assurée dès lors que l’organe délibérant sera privé de tout pouvoir de modifier les projets de délibérations à caractère fiscal préparés par l’exécutif.

2. En étendant la procédure d’adoption sans vote du budget de la région à deux autres délibérations budgétaires (hormis le compte administratif), l’article 23 de la loi méconnaît l’article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus ainsi que les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789.

Le souci d’assurer le respect du principe de continuité des services publics ou d’éviter le dessaisissement des organes délibérants de la région au profit du représentant de l’Etat ne saurait davantage fonder l’extension de la procédure d’adoption sans vote du budget de la région à deux autres délibérations budgétaires (hormis le compte administratif).

Seul le défaut d’adoption du budget primitif avant la date du 20 mars ou du 30 avril, les années de renouvellement des conseils régionaux, peut entraîner le règlement du budget de la région par le représentant de l’Etat.

Le respect du principe de continuité des services publics n’est pas en cause dès lors que ces délibérations ont pour objet de modifier le budget primitif dont les dispositions demeurent applicables tant qu’elles n’ont pas été modifiées.

Pour ces motifs, en étendant à deux autres délibérations budgétaires (hormis le compte administratif) la procédure d’adoption sans vote du budget de la région, l’article 23 de la loi méconnaît l’article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus.

En outre, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l’article 23 de la loi, par une telle extension, méconnaît également les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789 précités.

VI. : Sur l’obligation d’un déroulement public des séances

de la commission permanente du conseil régional

L’article 24 de la loi prévoit que les séances de la commission permanente du conseil régional seront obligatoirement publiques, certaines dérogations étant néanmoins admises.

Aux termes de l’article 24 de la loi, l’article L 4133-4 du code général des collectivités territoriales serait ainsi rédigé :

«  Les séances de la commission permanente sont publiques.

« Néanmoins, sur la demande de cinq membres ou du président du conseil régional, la commission peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’elle se réunit à huis clos. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que l’article 24 précité est contraire aux règles et aux principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

S’il appartient au législateur, sur le fondement de l’article 72 de la Constitution, de définir les conditions de mise en oeuvre du principe de libre administration, les règles qu’il édicte ne sauraient aboutir à entraver la libre administration des collectivités locales.

Le Conseil constitutionnel a veillé à ce que de telles entraves ne puissent être édictées (par exemple, dans vos décisions n° 90-274 DC du 29 mai 1990 et n° 90-277 DC du 25 juillet 1990). Le principe de libre administration implique, en particulier, que l’organe délibérant soit doté d’attributions effectives (décision n° 85-196 DC du 8 août 1985).

Or le principe de libre administration des collectivités locales emporte notamment pour conséquence que les régions doivent pouvoir fixer librement les modalités de fonctionnement de leur commission permanente, en fonction des choix de l’assemblée délibérante et des circonstances locales. Il appartient ainsi à chaque conseil régional, lorsqu’il établit son règlement intérieur dans le mois qui a suit son renouvellement, de décider s’il entend que les séances de sa commission permanente soient publiques ou non.

Cette solution, qui donne toute sa portée au principe de libre administration, n’est en aucune façon en contradiction avec le principe qui inspire l’article 15 de la Déclaration de 1789 selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Comme l’a fait observer le Conseil d’Etat dans son rapport public de 1995, ce principe ne saurait être interprété comme « condamnant les responsables publics à une surveillance de tous les instants et au renoncement à l’indépendance d’esprit et à la liberté de manoeuvre qui sont au nombre des conditions d’exercice de la fonction ».

(Conseil d’Etat, rapport public 1995, p 138-139, La Documentation française)

Depuis la grande loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux dont les dispositions ont été ultérieurement étendues aux conseils régionaux, il a été admis de manière constante que la commission départementale de même que les structures qui lui ont succédé, à savoir le bureau puis la commission permanente, étant des émanations de l’assemblée délibérante ne devaient compte de leurs décisions qu’à cette dernière.

Revenant sur cette solution ancrée dans notre dispositif légal depuis 1871, l’article 24 de la loi déférée méconnaît l’article 72 de la Constitution selon lequel les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus.

VII. : Sur l’entrée en vigueur de la loi

L’article 27 de la loi déférée comportant des dispositions relatives à l’application dans le temps de plusieurs de ses dispositions a notamment pour effet, dans le silence du texte sur la date d’entrée en vigueur du nouveau mode d’élection des conseillers régionaux et celle de la modification de la composition du collège électoral sénatorial, de rendre ces dernières dispositions applicables à la date de publication de la loi.

L’article 27 est ainsi rédigé :

«  I : Les dispositions de l’article 1er de la présente loi entreront en vigueur pour le premier renouvellement général des conseils régionaux qui suivra sa publication.

«  II. : L’article 22 de la présente loi sera abrogé à compter de la date du prochain renouvellement général des conseils régionaux.

Il cesse également d’être applicable à tout conseil régional renouvelé avant cette date. Il n’est pas applicable à la collectivité territoriale de Corse.

«  III. : Les dispositions de l’article L 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables dans les régions dont le budget ne peut être considéré comme adopté à la date de promulgation de la présente loi soit en application des deux premiers alinéas de l’article L 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction initiale, soit en application des quatre alinéas suivants.

«  L’article L 4311-1-1 du même code sera abrogé à compter de la date du prochain renouvellement général des conseils régionaux.

Il cesse également d’être applicable à tout conseil régional renouvelé avant cette date. "

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que l’article 27 précité est contraire aux règles et aux principes de valeur constitutionnelle tels qu’ils résultent de la Constitution, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et que, par suite, les articles 2 à 14, l’article 26 et le titre II de la loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux sont contraires à ces principes de valeur constitutionnelle.

1. L’entrée en vigueur immédiate du nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers régionaux porterait atteinte au caractère universel et égal du suffrage, en cas d’annulation des opérations électorales dans un département avant le prochain renouvellement général.

L’annulation éventuelle des opérations électorales de mars 1998 dans un département après la promulgation de la loi priverait ce département de toute représentation au conseil régional.

En effet, les dispositions de l’article L 363 en vigueur du code électoral prévoyant que « en cas d’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans un département, il est procédé à de nouvelles élections dans ce département, dans un délai de trois mois » seraient remplacées par une nouvelle rédaction de ce texte résultant de l’article 13 de la loi, applicable immédiatement, ne prévoyant de nouvelles élections qu’en « cas d’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans une région. »

Au surplus, le nouveau scrutin ne pourrait plus être organisé dans le département dont l’élection aurait été annulée puisque l’article 3 de la loi, immédiatement applicable, établit une nouvelle rédaction de l’article L 338 du code électoral selon laquelle « les conseillers régionaux sont élus dans chaque région. »

Il n’y aurait donc plus de cadre législatif pour l’élection de conseillers régionaux dans une circonscription départementale.

L’absence totale de représentation d’un département au conseil régional serait donc manifestement contraire aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage, établis par l’article 3 de la Constitution, puisqu’elle ne s’appliquerait pas à des situations différentes, ne serait pas motivée par des raisons d’intérêt général et ne serait pas en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit.

2. L’entrée en vigueur immédiate du nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers régionaux porterait atteinte au caractère égal du suffrage, en cas de dissolution d’un conseil régional avant le prochain renouvellement général.

L’article L 4132-3 du code général des collectivités territoriales permet la dissolution d’un conseil régional par décret en conseil des ministres.

Si un conseil régional était dissout avant le prochain renouvellement général des conseils régionaux, des élections se dérouleraient dans cette région selon le nouveau mode de scrutin, les dispositions de la loi relatives à ce mode de scrutin étant d’application immédiate.

Cette région se trouverait alors dotée d’un conseil régional élu selon un mode de scrutin différent de celui appliqué dans les autres régions lors du dernier renouvellement général.

Dès lors, coexisteraient au même moment plusieurs conseils régionaux élus selon des règles différentes.

La situation ainsi permise par l’application immédiate du mode de scrutin prévu par la loi serait contraire au principe d’égalité du suffrage, établi par l’article 3 de la Constitution, puisqu’elle ne s’appliquerait pas à des situations différentes, ne serait pas motivée par l’intérêt général et ne serait pas en rapport avec la loi qui l’établit.

3. L’entrée en vigueur immédiate de la modification de la composition du collège électoral sénatorial porterait atteinte au principe d’égalité.

Conformément à l’article LO 276 du code électoral, le Sénat est renouvelable par tiers. Son prochain renouvellement triennal interviendra en 2001.

Les conseillers régionaux élus en 1998 pour un mandat de six ans, selon l’article L 336 du code électoral, feront l’objet d’un renouvellement général en 2004.

Les conseillers régionaux élus dans les départements dans lesquels se dérouleront des élections sénatoriales en 2001 ne seront plus membres de droit du collège électoral sénatorial, puisque l’article L 280 (2°) du code électoral aurait été modifié par l’article 20 de la loi, qui serait d’application immédiate.

L’application de l’article 21 de la loi dès le prochain renouvellement sénatorial supposerait toutefois que sa première phrase selon laquelle les conseils régionaux procèdent à la répartition de leurs membres entre les collèges électoraux sénatoriaux du département « dans le mois qui suit leur élection » soit interprétée, pour ce qui concerne les conseils régionaux en fonction à la date de publication de la loi, comme devant s’effectuer « dans le mois qui suit la publication de la loi ».

Seraient, dans cette hypothèse, désormais membres du collège électoral sénatorial les conseillers régionaux désignés par le conseil régional dans les conditions fixées par les articles L 293-1 à L 293-3 du code électoral, dans leur rédaction qui résulterait de l’article 21 de la loi.

Rien n’empêcherait donc qu’un conseiller régional élu dans un département en 1998 soit délégué du conseil régional dans le collège d’un autre département de la région, en méconnaissance de l’article LO 274 du code électoral impliquant que les délégués sénatoriaux soient élus dans le département concerné.

Des délégués du conseil régional dans les collèges départementaux concernés par les élections sénatoriales de 2001 pourraient donc ne pas avoir été élus dans le département concerné, alors que dans les autres départements, non soumis au renouvellement sénatorial de 2001, les sénateurs ont tous été élus par un collège comprenant des conseillers régionaux nécessairement élus dans le département.

Ceci induirait une différence injustifiée dans le mode d’élection des sénateurs, suivant qu’ils appartiennent à la série renouvelable en 2001 ou à une autre série.

La situation ainsi permise par l’application immédiate de la modification de la composition du collège électoral sénatorial prévue par la loi serait contraire au principe d’égalité du suffrage, établi par l’article 3 de la Constitution, puisqu’elle ne s’appliquerait pas à des situations différentes, ne serait pas motivée par l’intérêt général et ne serait pas en rapport avec la loi qui l’établit.

Au surplus, dans l’hypothèse de la dissolution d’un conseil régional dans une région comprenant des départements concernés par le renouvellement sénatorial de 2001, l’inégalité serait plus flagrante encore puisque, l’élection régionale consécutive à cette annulation ayant eu lieu dans une circonscription régionale, le nombre de conseillers régionaux membres du collège sénatorial sans avoir été élus dans le département concerné serait probablement plus élevé.

4. En ne prévoyant pas de dispositions transitoires suffisamment précises et complètes pour permettre l’application du nouveau régime électoral dans de strictes conditions d’égalité sur l’ensemble du territoire, le législateur n’a pas épuisé la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution.

L’abstention du législateur ne permettrait donc pas aux dispositions sur le mode d’élection des conseillers régionaux (art 2 à 14 et art 26) et à celles sur le collège électoral sénatorial (titre II) de recevoir une application conforme au principe constitutionnel d’égalité.

Les députés soussignés ont l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, notamment ses articles :

3 et 4 établissant les seuils permettant aux listes de candidats de se présenter au second tour et de fusionner ;

22 et 23 modifiant et étendant la procédure de vote bloqué et d’adoption sans vote du budget et d’autres délibérations de caractère fiscal et budgétaire ;

27 fixant les conditions d’entrée en vigueur de la loi.

I : Sur l’établissement de seuils permettant aux listes

de se présenter au second tour ou de fusionner

La loi adoptée en dernière lecture par l’Assemblée nationale le 22 décembre 1998 prétend remédier aux dysfonctionnements des conseils régionaux élus sous l’empire de la loi du 10 juillet 1985. Pour éviter la dispersion des suffrages et l’absence de majorité stable constatées notamment depuis les dernières élections, elle établit une représentation proportionnelle à deux tours avec un correctif majoritaire, inspiré du scrutin municipal applicable aux communes de plus de 3 500 habitants.

Or cet objectif visant à concilier représentation démocratique et efficacité de gestion a été dénaturé, au cours de la discussion parlementaire, par l’adoption d’amendements.

Le texte initial prévoyait, en effet, un seuil de 10 % de suffrages exprimés pour se présenter au second tour et de 5 % pour fusionner. A l’issue de l’examen parlementaire, ces seuils ont été abaissés respectivement à 5 % et à 3 % des suffrages exprimés, selon les dispositions de l’article 4, alinéa 4 :

« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre suffisant de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d’autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. »

Ce mécanisme apparaît contraire, sous deux aspects, aux principes constitutionnels devant régir les modes de scrutin.

1. D’une part, l’abaissement des seuils inhérents à tout scrutin à deux tours porte atteinte aux objectifs poursuivis par le législateur qui est de favoriser l’émergence de majorités stables. Cette proposition de réforme résulte, en effet, du constat que le mode de scrutin régional, institué en 1985, favorise l’émiettement. Ainsi, le législateur, dans ce domaine, a souhaité prendre en compte des impératifs d’intérêt général (décision CC 86-208, 1er et 2 juillet 1986) :

: les conditions dans lesquelles sera attribuée la prime majoritaire aux diverses listes seront sensiblement différentes selon son application au premier ou au second tour. Or cette question est d’importance puisqu’elle concerne, selon la loi contestée, un « nombre de sièges égal au quart du nombre de sièges à pourvoir, arrondi à l’entier supérieur » ;

: au second tour la présence de nombreuses listes, encouragée par l’abaissement à 5 % des suffrages exprimés du seuil de présentation, donnera au correctif majoritaire du premier tour un sens profondément différent. Selon toute vraisemblance, la dispersion des suffrages sur trois, quatre, voire cinq listes aboutira, dans la plupart des régions, à faire bénéficier d’un quart des sièges supplémentaires des listes, très en deçà de la majorité absolue requise au premier tour ;

: en favorisant la présence au second tour de nombreuses listes, la loi déférée crée elle-même des conditions de répartition des sièges différentes de l’objectif poursuivi par le législateur. Sur cette question, le Gouvernement a pourtant déclaré lors des débats parlementaires : « La liste doit avoir obtenu 10 % des suffrages pour être présentée au deuxième tour. Elle peut fusionner avec des listes qui ont recueilli jusqu’à 3 % des suffrages, mais il faut 10 % pour aller au deuxième tour, nous sommes bien d’accord sur ce point. Si nous abaissons le seuil, par exemple à 5 %, nous nous trouvons dans un système proportionnel et nous ne sommes plus dans une logique qui permet de dégager des majorités. Nous sommes dans la logique qui conduit à l’émiettement, au fractionnement des forces politiques. »

2. D’autre part, les dispositions contestées de la loi déférée violent manifestement l’objectif constitutionnel de clarté s’imposant au législateur en matière de scrutins politiques. En effet, ceux-ci permettent l’expression non seulement du suffrage, mais aussi de la souveraineté nationale, fondement de notre République.

Cet objectif se déduit de la combinaison de nos textes fondamentaux (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, Préambule des constitutions de 1946 et 1958, article 3 de la Constitution de 1958). Il implique que l’opération électorale, quelles que soient ses modalités, permette aux électeurs d’en comprendre la portée et les enjeux. S’il appartient aux partis politiques de structurer les comportements électoraux, il appartient au législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, d’aménager la formulation d’un choix libre et éclairé.

A l’évidence, plusieurs procédés, d’inspiration différente, peuvent être mis en oeuvre, dans le respect d’un suffrage « direct ou indirect », mais « toujours universel, égal et secret » (art 3, alinéa 3, de la Constitution de 1958). Mais, quelle qu’en soit la logique, chacun d’eux doit répondre à un impératif de transparence.

Ce n’est pas le cas de la loi contestée.

Construite sur l’exigence d’une majorité absolue impliquant un effet de simplification et de regroupement au second tour, elle en contredit en réalité l’apparence, en organisant elle-même l’atomisation de la représentation politique. Les effets conjugués de l’abaissement des seuils de présentation (5 %) et de fusion (3 %) aboutiront à un résultat inverse de celui escompté par le législateur. Ni la cohérence ni la stabilité des majorités régionales ne s’en trouveront renforcées. Dans une représentation proportionnelle à deux tours, comportant un correctif majoritaire, la fixation de seuils suffisamment élevés, comparables à ceux du scrutin municipal, était indispensable pour répondre à l’objectif affiché initialement : ceux qui ont été retenus à l’Assemblée nationale sont incompatibles avec la nécessité d’un choix clair. En passant de 10 à 5 % et de 5 à 3 %, soit à un niveau inférieur à celui du remboursement des frais de campagne, le législateur a changé de nature le dispositif électoral et contredit l’objectif constitutionnel qu’il doit respecter.

II. : Sur la procédure de vote bloqué et d’adoption sans vote du budget et d’autres délibérations de caractère fiscal et budgétaire

1. L’article 22 (2°) de la loi déférée organise, à titre transitoire, une procédure de vote bloqué pour l’adoption du budget.

Or, aboutissant à dessaisir l’assemblée délibérante de son pouvoir de modification des dépenses et des recettes, il méconnaît le principe de libre administration des collectivités locales tel que l’article 72 de la Constitution de 1958 le consacre :

« Les collectivités territoriales de la République () s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. »

Le Conseil constitutionnel a tenu à se référer à ce principe dont il a défini, à plusieurs reprises, la portée (décisions n°s 82-137 DC et 82-138 DC du 25 février 1982, n° 90-274 DC du 29 mai 1990 notamment). Le vote du budget par l’organe délibérant de la collectivité constitue, traditionnellement, une de ses attributions majeures. Or, l’article précité, en permettant au président du conseil régional d’imposer un vote d’ensemble, établit à son profit une prérogative exorbitante dont l’usage doit être strictement défini par le législateur.

Ce qui n’est nullement le cas dans le dispositif adopté par l’Assemblée nationale :

: d’une part, cette procédure exceptionnelle peut s’appliquer non seulement au budget, mais encore à deux autres délibérations budgétaires, au cours du même exercice, à l’exception du compte administratif, ce qui pourrait priver, presque totalement, l’assemblée délibérante de son pouvoir de correction ;

: d’autre part, elle n’est nullement liée à une situation de blocage qui pourrait en justifier l’utilisation au nom de la continuité nécessaire des services publics.

En ne précisant pas les conditions dans lesquelles cette procédure exorbitante du droit commun pourrait être utilisée, le législateur a donc méconnu les compétences qu’il tient de la Constitution. En effet, en précisant que la « loi détermine les principes fondamentaux () de la libre administration des collectivités locales de leurs compétences et de leurs ressources », l’article 34 fait obligation au législateur d’exercer son pouvoir pour concilier les principes de liberté, de légalité et de continuité des services publics.

En laissant le président du conseil régional seul maître du recours à un tel mécanisme, sans consultation préalable du conseil ou de la commission permanente, le législateur a violé les articles 72 et 34 de la Constitution.

2. L’article 23 de la loi déférée étend le champ d’application de la procédure d’adoption sans vote du budget de la région, issue de la loi du 7 mars 1998, aux délibérations de caractère fiscal et à deux autres délibérations de caractère budgétaire, hormis le compte administratif.

Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les députés signataires considèrent que de telles dispositions, en privant l’assemblée délibérante de tout pouvoir d’appréciation, méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales (art 72 de la Constitution) et de la compétence législative exclusive (art 34 de la Constitution).

En effet, en permettant au président de faire adopter sans vote non seulement le budget, mais encore les délibérations relatives aux taux des taxes locales et deux autres délibérations à caractère budgétaire, le législateur enlève, une nouvelle fois, toute portée aux principes d’examen et de vote qui légitiment l’existence de conseils élus. En même temps, il restreint sensiblement le champ du « contrôle administratif et du respect des lois » que la Constitution attribue aux préfets et que les lois de décentralisation ont mis en oeuvre.

III. : Sur les modalités de mise en oeuvre de la loi

La loi déférée comporte, en ses articles 13 et 27, une série de dispositions régissant son application dans le temps. Cependant, celles-ci ne permettent pas de définir, avec précision, la date d’entrée en vigueur du nouveau mode d’élection des conseils régionaux.

En effet, en cas d’annulation des opérations électorales du printemps dernier, dans un département, l’article L 363 du code électoral en vigueur à ce jour prévoit :

« En cas d’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans un département, il est procédé à de nouvelles élections dans ce département dans un délai de trois mois. »

Or, l’article 13 de la loi déférée contient une rédaction nouvelle de ce même article L 363 ne prenant en compte que l’annulation des opérations électorales dans une « région » :

« En cas d’annulation de l’ensemble des opérations électorales dans une région, il est procédé à de nouvelles élections dans cette région dans un délai de trois mois. »

Comment gérer cette contradiction si une annulation des opérations électorales dans un département était prononcée après l’entrée en vigueur de la loi contestée dont l’article 13 est immédiatement applicable ? Le changement du cadre géographique : du département à la région : priverait un département de l’absence totale de représentation, ce qui serait contraire aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage. Ou bien le juge administratif devrait-il annuler, pour éviter cet inconvénient, l’ensemble de l’opération électorale, même dans les départements où aucune irrégularité n’a été relevée ? Dans les deux cas, la solution n’est guère satisfaisante !

De même, en cas de dissolution d’un conseil régional, conformément à l’article L 4132-3 du code général des collectivités territoriales, l’application immédiate du nouveau mode de scrutin aboutirait à la coexistence de conseils régionaux élus selon des modes de scrutin profondément différents, ce qui n’est guère acceptable.

Ainsi, en ne prévoyant pas lui-même toutes les dispositions permettant de faire face à l’ensemble des situations transitoires, le législateur n’a pas exercé les compétences qu’il tient de l’article 34 de la Constitution.

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Conseil constitutionnel, décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999, Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux