INPI, CHAMBRE DE RECOURS TECHNIQUE DE L'OEB 3 4 1 DECISION T 964/99, 29 juin 2001

  • Dictionnaire, sens premier du terme methode de diagnostic·
  • Recours contre une décision de la division d'examen·
  • Article 123-2 convention sur le brevet européen·
  • Article 52-4 convention sur le brevet européen·
  • Precision des objectifs non therapeutiques·
  • Invention manifestement non brevetable·
  • Demande de brevet européen·
  • Application industrielle·
  • Revendications modifiees·
  • Brevet européen 766 577

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Article 106, article 107 et article 108 convention sur le brevet europeen et regle 64 convention sur le brevet europeen

empecher les entraves aux activites medicales et veterinaires qu’entrainent les droits decoulant de brevets

procede de diagnostic comportant au moins une etape essentielle pour l’elaboration du diagnostic, quelque soit le moyen technique utilise (oui)

en l’espece, etape d’echantillonnage d’une substance corporelle au moyen d’un courant iontophoretique, etape essentielle de diagnostic appliquee au corps humain (oui)

exclusion de la protection des methodes se rapportant a un diagnostic ou etant utile aux fins d’un diagnostic

methodes pouvant etre realisees par le patient lui-meme et mise en oeuvre de ces methodes n’ayant pas une action significative sur l’organisme et n’entrainant pas de risque serieux pour la sante

rejet du recours concernant la requete principale et les premieres et deuxiemes requetes subsidiaires

renvoi de l’affaire concernant la troisieme requete subsidiaire (revendications de dispositif) pour poursuite de l’examen

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Sur la décision

Référence :
INPI, 29 juin 2001
Publication : JO OEB 1-2002 P 4
Décision(s) liée(s) :
  • DIVISION D'EXAMEN DU 25 AOUT 1999
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP766577
Titre du brevet : DISPOSITIF POUR ECHANTILLONNER DES SUBSTANCES A L'AIDE D'UNE POLARITE ALTERNEE
Classification internationale des brevets : A61N
Référence INPI : B20010500
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE L’expression « méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal » figurant à l’article 52(4) CBE ou les expressions équivalentes « diagnostic methods practised on thé human or animal body » et « Diagnostizierverfahren, die am mensch-lichen oder tierischen Kôrper vorge-nommen werden », utilisées dans les deux autres langues officielles, ne doivent pas être considérées comme se rapportant à des méthodes qui comportent toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic médical.

- Conformément au principe généralement admis par la jurisprudence des chambres de recours, selon lequel la CBE doit être interprétée de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte (article 3T(V de la Convention de Vienne sur le droit des traités), l’article 52(4) CBE entend exclure de la protection par brevet toutes les méthodes appliquées au corps humain ou animal qui concernent un diagnostic ou sont utiles aux fins d’un diagnostic. Une étape d’échantillonnage iontophorétique d’une substance d’un corps humain ou animal vivant à des fins de diagnostic doit être considérée comme une méthode de diagnostic au sens de l’articie 52(4) CBE.

-La demande de brevet européen n° 95 924 591.1 (n° de publication 0 766 577) a été rejetée par décision de la division d’examen, envoyée le 25 août 1999, au motif que l’objet de la revendication 1 figurant à cette date dans le dossier était exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(4) CBE.

- Le 15 septembre 1999, le requérant a formé un recours contre cette décision en acquittant la taxe de recours prescrite. L’acte de recours contenait également le mémoire exposant les motifs du recours.

- Au cours de la procédure orale, tenue le 3 août 2000 à la demande du requérant, la pertinence de l’article 52(4) CBE au regard des revendications de méthode figurant dans le dossier et certains aspects concernant le défaut de clarté (article 84 CBE) ont été examinés. A l’issue de cette procédure, la possibilité a été donnée au requérant de produire de nouveaux arguments et de déposer de nouvelles requêtes, de façon à ce que, dans sa décision, la chambre puisse centrer ses réflexions sur les questions relevant de l’article 52(4) CBE.

- Lors d’une seconde procédure 'orale, tenue le 27 mars 2001, les discussions ont porté sur la question de savoir si l’objet des revendications de méthode constituait une méthode de diagnostic appliquée au corps humain ou animal ou bien un traitement chirurgical. A l’issue de cette procédure orale, les débats ont été clôturés.

- Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à la division d’examen pour qu’elle procède à son examen sur la base des documents suivants :

— Requête principale Revendications : 1 à 35 déposées le 5 octobre 2000 ; Description : pages 7 à 10, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 23 à 30 telles que publiées ; pages 16 et 22 déposées le 7 janvier 1997 ; pages 13, 19 et 21 déposées le 17 mai 1999 ; pages 1 à 4, 11 déposées le 4 juillet 2000 ; et page 6 déposée le 5 octobre 2000. La page 5 telle que publiée a été supprimée. Dessins : feuilles 1/11 à 11/11 telles que publiées.

- Première requête subsidiaire Revendications 1 à 35 déposées le 5 octobre 2000 avec la description et les figures selon la requête principale.

- Deuxième requête subsidiaire Revendications 1 à 27 déposées au cours de la procédure orale le 27 mars 2001, avec la description et les figures selon la requête principale.

- Troisième requête subsidiaire Revendications 1 à 15 déposées le 5 octobre 2000 selon la deuxième requête subsidiaire, avec la description et les figures selon la requête principale.

- La revendication indépendante 1 'de la requête principale est rédigée comme suit : "1. Méthode d’échantillonnage d’une substance ou d’un métabolite d’une substance d’un corps humain ou animal, et d’analyse de la concentration de la substance ou d’un métabolite de la substance, comprenant les étapes suivantes : a – mise en place d’au moins une chambre d’échantillonnage en un point de collecte sur un tissu superficiel du corps humain ou animal, b – extraction de la substance ou d’un métabolite de la substance à travers le tissu superficiel dans la chambre d’échantillonnage par conduction d’un courant électrique à travers le tissu entre deux électrodes (première polarité) en contact électrique avec le tissu superficiel, au moins une des deux électrodes étant en contact électrique avec le tissu superficiel sur le -ou adjacent au -point de collecte de la chambre d’échantillonnage, c – analyse de la concentration de la substance ou d’un métabolite de la substance dans la chambre d’échantillonnage.

d – inversion de la polarité pour appliquer un courant électrique entre les deux électrodes (seconde polarité) afin d’inverser les réactions provoquées par le courant électrique avec la première polarité, et e – répétition des étapes b) à d). Les revendications indépendantes 21 et 33 de la requête principale portent respectivement sur un dispositif d’échantillonnage iontophorétique et sur un appareil de contrôle de la substance. La revendication 1 de la première requête subsidiaire correspond à la revendication 1 de la requête principale et porte spécifiquement sur l’échantillonnage du glucose ou d’un métabolite du glucose par extraction du glucose ou d’un métabolite du glucose à travers la peau au moyen d’électrodes qui ne pénètrent pas dans ou sous la peau, et par analyse de la concentration du glucose ou d’un métabolite du glucose. La revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire est basée sur la revendication 1 de la première requête subsidiaire, l’étape c) de celle-ci, c’est-à-dire l’analyse de la concentration du glucose ou d’un métabolite du glucose dans la chambre d’échantillonnage étant supprimée. La troisième requête subsidiaire comprend uniquement des revendications de dispositif.

- Concernant la question de savoir /si les revendications de méthode de la requête principale et des première et deuxième requêtes subsidiaires doivent être considérées comme une méthode de diagnostic appliquée au corps humain ou animal au sens de l’article 52(4) CBE, les arguments du requérant peuvent être résumés comme suit : Une disposition dérogatoire telle que l’article 52(4), première phrase CBE doit être interprétée stricto sensu (cf. par exemple la décision T 385/86 (JO OEB 1988, 308), point III du sommaire et point 3. 2 des motifs). La jurisprudence est claire et constante sur ce qui peut être considéré comme une méthode de diagnostic. Une décision pertinente à cet égard a été rendue dans l’affaire T 385/86, qui a été largement acceptée et confirmée dans les décisions ultérieures T 83/87, T 400/87 et T-53O/93 (non publiées au JO OEB). Conformément à la décision T 385/86 (cf. points 3. 2, 3. 3 et 3. 4. 1 des motifs), « seules doivent être exclues de la brevetabilité, en tant que méthodes de diagnostic, les méthodes dont le résultat permet directement de prendre une décision au sujet d’un traitement médical. Pour savoir si une méthode constitue une méthode de diagnostic au sens de l’article 52(4), première phrase CBE, il y a donc lieu de vérifier si la méthode revendiquée comprend effectivement toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic médical. Les méthodes qui fournissent uniquement des résultats intermédiaires ne constituent pas encore des méthodes de diagnostic au sens de l’article 52(4), première phrase CBE, même si elles peuvent servir à poser un diagnostic ». Le diagnostic est considéré comme comprenant l’étape de lanamnèse, les étapes d’investigation et de recueil de

renseignements, l’étape de comparaison des données avec les valeurs normales, la constatation d’un écart significatif (symptôme) lors de cette comparaison, et, enfin, l’étape d’attribution de cet écart à un certain tableau clinique (phase de décision médicale déductive). La chambre saisie de l’affaire a considéré que si l’un au moins des trois derniers éléments fait défaut, il ne s’agit pas d’une méthode de diagnostic, mais tout au plus d’une méthode de détermination ou de traitement de données par exemple, qui peut être utilisée dans une méthode de diagnostic. Ainsi, ce qui importe c’est bien la question de savoir si la valeur d’un paramètre obtenue par l’examen corporel permet à elle seule d’identifier explicitement la maladie. La décision T 83/87 a confirmé ces conclusions, en particulier pour une méthode de détermination de la concentration du sucre sanguin dans un organisme vivant. Bien que les chambres de recours ne se soient pas penchées jusqu’à présent sur la question de l’échantillonnage de substances dans un organisme, les principes développés dans la décision T 385/86 et appliqués dans l’affaire T 83/87 ne se sont pas appuyés sur une évaluation des faits sur lesquels les chambres avaient à se prononcer dans ces affaires. Par conséquent, même si les faits de la présente espèce diffèrent dans une certaine mesure de ceux de la jurisprudence, il faut tenir compte des conclusions tirées dans la jurisprudence à propos de ce qui peut être considéré comme une méthode de diagnostic au sens de l’article 52(4) CBE. Il convient de faire une nette distinction entre une méthode de diagnostic répondant aux critères développés par la jurisprudence constante et une méthode de recueil de renseignements qui fournit tout au plus un résultat provisoire dans le cours d’un diagnostic. Dans la présente espèce, procéder d’une manière non invasive à l’échantillonnage d’une substance dans un organisme constitue simplement une méthode de recueil de renseignements et ne peut donc être considéré comme une méthode de diagnostic conformément aux principes développés dans la décision T 385/86. On peut en fait établir un parallèle entre la présente affaire et la décision T 83/87 qui concernait un mode opératoire d’un détecteur de glucose sanguin implanté, et à propos duquel la Chambre a estimé que la mesure d’une valeur représentative de la concentration de sucre, bien qu’utilisée dans le cadre d’un diagnostic, ne donne qu’un résultat intermédiaire qui ne peut fournir directement un diagnostic au sens de l’identification d’une pathologie. Il en va de même pour les méthodes revendiquées selon la requête principale et la première requête subsidiaire, lesquelles permettent de déterminer la concentration d’une substance souhaitée, par exemple le glucose, mais ne donnent pas suffisamment d’informations pour poser un diagnostic ou suggérer -directement et à elles-seules -un traitement. La connaissance de la concentration de glucose sanguin ne permet de diagnostiquer ni un diabète, ni une hypoglycémie ou hyperglycémie. Même pour un patient souffrant de façon notoire de diabète, le fait de lire une fois le seul niveau de glucose sanguin n’est pas suffisant pour décider d’un traitement à prescrire. Par conséquent, si la Chambre était tentée de considérer les revendications de méthode figurant dans le dossier comme portant sur une méthode de diagnostic qui doit être exclue de la protection par brevet, cette conclusion serait contraire à la jurisprudence. De surcroît, l’opération consistant à analyser la concentration de la substance extraite dans la chambre d’échantillonnage est réalisée par des moyens purement techniques à

l’extérieur de l’organisme. Les revendications de méthode de la deuxième requête subsidiaire ne comportent même pas une phase d’analyse de la concentration de glucose. Enfin, l’application d’électrodes sur la peau et le passage de courants faiblement iontophorétiques à travers la peau n’a aucun effet significatif ou durable sur l’organisme. En outre, la mise en oeuvre des procédés revendiqués n’entraîne aucun risque pour la santé de la personne traitée et ne nécessite aucune connaissance médicale. Par conséquent, les procédés revendiqués peuvent être exécutés par n’importe qui sans la participation d’un professionnel de la médecine.

DECISION Le recours satisfait aux conditions ' requises par les articles 106 à 108 et la règle 64 CEE ; il est donc recevable. Modifications
- Les modifications apportées aux revendications de méthode indépendantes de la requête principale et des première et deuxième requêtes subsidiaires visent à préciser les objectifs non thérapeutiques des étapes consistant à appliquer des courants électriques de polarité opposée. La Chambre est convaincue que les modifications se fondent sur les pièces de la demande telle que déposée initialement et qu’elles répondent ainsi aux conditions de l’article 123(2) CEE. Exclusion de la brevetabilité (article 52(4) CBE)
- L’article 52(4) CBE exclut de la 'protection par brevet les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal. En excluant ces méthodes, le principe est évidemment de garantir que les personnes qui les mettent en oeuvre dans le cadre du traitement médical des êtres humains ou du traitement vétérinaire des animaux ne soient pas entravées par l’existence de brevets (cf. décision T 116/85 (JO OEB 1989, 13), point 3. 7 des motifs).

- Les motifs de la présente décision s’appuient sur des considérations concernant uniquement l’exclusion de la brevetabilité des méthodes de diagnostic. La Chambre estime par conséquent qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ici les arguments avancé1 au cours de la procédure au sujet de ; méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal.

- Dans la décision T 385/86 mentionnée plus haut (cf. points 3. 2, 3. 3 et 3. 4. 1 des motifs), la chambre, après s’être penchée sur l’historique de l’exclusion prévue par l’article

52(4) CEE en ce qui concerne les méthodes de diagnostic à la lumière des travaux préparatoires à la Conférence diplomatique de Munich, a déclaré ce qui suit : "Il ressort de ce qui précède que l’article 52(4), première phrase CEE ne vise à exclure de la brevetabilité que les méthodes à finalité thérapeutique, afin que nul ne puisse être entravé dans l’exercice de la médecine par des droits découlant de brevets. A l’instar de toute disposition dérogatoire, l’article 52(4), première phrase CBE doit être interprété au sens strict, comme le souligne d’ailleurs la deuxième phrase de ce même paragraphe, où il est énoncé que l’exclusion de la brevetabilité ne s’applique pas aux produits utilisés pour la mise en oeuvre de ces méthodes. Aussi, la Chambre est-elle convaincue que seules doivent être exclues de la brevetabilité, en tant que méthodes de diagnostic, les méthodes dont le résultat permet directement de prendre une décision au sujet d’un traitement médical. Pour savoir si une méthode constitue une méthode de diagnostic au sens de l’article 52(4), première phrase CBE, il y a donc lieu de vérifier si la méthode revendiquée comprend effectivement toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic médical. Les méthodes qui fournissent uniquement des résultats intermédiaires ne constituent pas encore des méthodes de diagnostic au sens de l’article 52(4), première phrase CBE, même si elles peuvent servir à poser un diagnostic. L’énumération systématique dans la littérature médicale des temps successifs d’un diagnostic englobe l’anamnèse, l’inspection du malade, la palpation et l’auscultation, ainsi que les nombreuses explorations et analyses médico-techniques (phase d’investigation, recueil de renseignements), auxquels viennent s’ajouter la comparaison des résultats des examens avec les valeurs normales, la constatation d’un écart significatif (symptôme) lors de cette comparaison et, enfin, l’attribution de cet écart à un certain tableau clinique (phase de décision médicale déductive) ; cf. Brockhaus Enzyklopëdie, vol. 4, 1968, p. 684 ; New Encyclopaedia Britannica, Macropaedià, 1977, vol. 5, p. 684 ; Grande Encyclopédie Larousse, 1973, vol. 7, p. 3833. Si l’un au moins des trois derniers éléments fait défaut, il ne s’agit pas d’une méthode de diagnostic, mais tout au plus d’une méthode de détermination ou de traitement de données par exemple, qui peut être utilisée dans une méthode de diagnostic.« Dans une affaire où le résultat des mesures revendiquées représente une expression quantitative d’une variable physique isolée, la Chambre est arrivée à la conclusion que »ce qui importe c’est bien la question de savoir si cette valeur permet à elle seule d’identifier explicitement la maladie".

- Les arguments avancés dans la décision T 385/86 au sujet des méthodes de diagnostic s’appuient apparemment sur deux observations (cf. point 3. 2 des motifs) :

- l’article 52(4) CEE ne vise à exclure de la brevetabilité que les méthodes à finalité thérapeutique, afin que nul ne puisse être entravé dans l’exercice de la médecine par des droits découlant de brevets,
- étant une disposition dérogatoire, l’article 52(4), première phrase CBE est d’interprétation stricte, comme le souligne d’ailleurs la deuxième phrase de ce même

paragraphe, où il est énoncé que l’exclusion de la brevetabilité ne s’applique pas aux produits utilisés pour la mise en ouvre de ces méthodes. Pour toutes ces raisons, la chambre saisie de cette affaire est arrivée à la conclusion que seules doivent être exclues de la brevetabilité, en tant que méthodes de diagnostic, les méthodes dont le résultat permet directement de prendre une décision au sujet d’un traitement médical et que, par conséquent, une méthode constitue une méthode de diagnostic au sens de l’article 52(4), première phrase CBE, uniquement si elle comprend effectivement toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic médical (c’est la Chambre qui souligne).

- Dans son raisonnement, la chambre assimile le sens de l’expression « méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal » (cf. article 52(4) CBE) au sens classique du terme « diagnostic », ce qui laisse penser que les « méthodes de diagnostic couvrent des activités qui ne sont pas normalement pratiquées sur l’organisme mais impliquent essentiellement des activités intellectuelles, c’est-à-dire des activités de nature non technique exercées par une personne ayant des qualifications médicales, par exemple les étapes de comparaison des données avec les valeurs normales et de constatation de tout écart significatif lors de cette comparaison, et l’étape d’attribution de cet écart à un certain tableau clinique. Alors que l’interprétation ci-dessus du texte de l’article 52(4) CEE exclut de la brevetabilité les méthodes qui fournissent un diagnostic plus ou moins complet à l’aide d’appareils techniques fonctionnant de façon entièrement automatique, il découlerait d’une adoption stricte des principes énoncés dans la décision T 385/86 que des méthodes typiques de diagnostic appliquées au corps humain, par exemple la percussion, l’auscultation ou la palpation pourraient, en principe, être brevetées parce qu’elles n’établissent pas un diagnostic complet et ne s’inscrivent certainement pas dans le cadre des autres catégories médicales de traitement chirurgical et thérapeutique visées à l’article 52(4) CBE. La Chambre considère toutefois qu’il serait contraire à l’esprit de l’article 52(4) CBE d’interpréter ces dispositions de telle sorte que les »méthodes manuelles", qui sont appliquées par le médecin lors d’un examen physique et qui sont essentielles pour poser un diagnostic, ne constituent pas une exception à la brevetabilité.

- La Chambre note également que l’interprétation restrictive de l’exception à la brevetabilité pour les méthodes de diagnostic, telle qu’énoncée dans la décision T 385/86, revient à fixer pour les méthodes de diagnostic des critères différents de ceux qui sont établis pour les méthodes chirurgicales ou thérapeutiques, celles-ci étant exclues de la protection par brevet si elles ne comportent qu’une seule étape de nature chirurgicale ou thérapeutique (cf. par exemple la décision T 35/99 (JO OEB 2000, 447) et T 82/93 (JO OEB 1996, 274)). Il n’est donc pas surprenant que la littérature sur le droit des brevets considère que l’interprétation de la législation par la décision T 385/86 aboutit dans la pratique à une suppression de l’exclusion des méthodes de diagnostic telle que prévue par le législateur (cf. R. Moufang : « Mèthods of médical treatment under patentilaw », 24 IIC, n° 1, 1993, ; 18-49, 46 et 47).

— En outre, le point de vue du 'requérant, selon lequel la jurisprudence sur les méthodes de diagnostic a adopté invariablement l’interprétation restrictive donnée dans la décision T 385/86, est erroné. Dans la décision T 329/94 (JO OEB 1998, 241, cf. point 4 des motifs), l’extraction sanguine d’un organisme vivant a été considérée comme tombant sous le coup de l’exclusion visée à l’article 52(4) CBE si elle peut être considérée comme une étape de méthode de diagnostic, en vue par exemple d’analyser le sang afin de trouver la cause d’une maladie. Dans l’affaire T 655/92 (JO OEB 1998, 17, cf. sommaire II et III, et points 5. 2 et 5. 3 des motifs), la chambre a estimé qu’une méthode comprenant une étape d’administration parentérale d’un agent de contraste diagnostique était une méthode de diagnostic au sens de l’article 52(4) CBE. Elle est parvenue à cette conclusion en s’appuyant sur les différences qui existaient entre les faits de cette affaire et ceux de l’affaire T 385/86. Dans l’affaire T 655/92, la chambre a noté en particulier que « contrairement aux affaires antérieures, le présent procédé de diagnostic, considéré dans son ensemble, comporte donc au moins une étape essentielle pour l’obtention du résultat diagnostique désiré, qui ne peut pas être effectuée sous la responsabilité exclusive du technicien spécialisé en RMN. Bien que, dans le cas d’un procédé dont les étapes, considérées dans leur ensemble, ne sont pas médicales mais techniques, il soit légitime de ne pas déduire du fait qu’il vise finalement à l’établissement d’un diagnostic, qu’il s’agit d’un diagnostic in vivo, ceci ne s’applique pas à un procédé en vue d’établir un diagnostic dont les étapes essentielles doivent être exécutées par un personnel médical ou sous la responsabilité d’un médecin. Toute interprétation différente serait en contradiction flagrante avec l’esprit de l’article 52(4) CBE. »
- La Chambre ne conteste pas que 'toutes les étapes auxquelles s’est référé le requérant et qui sont citées au point 3. 3 des motifs de la décision T 385/86, y compris l’étape de constatation du symptôme et la phase de décision médicale déductive, sont nécessaires pour parvenir à un diagnostic médical. Cependant, pour toutes les raisons invoquées aux points 3. 5 et 3. 6 ci-dessus, elle considère que l’expression « méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal » figurant à l’article 52(4) CBE ou les expressions correspondantes « Diagnostizierverfahren, die am menschlichen odertierischen Kôrper vorgenommen werden » et « diagnostic methods practised on thé human or animal body », utilisées dans les deux autres langues officielles, ne doivent pas être considérées comme se rapportant à des méthodes qui comportent toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic médical.

- Selon le Oxford English dictionary second édition, Oxford University Press, 1999), le terme « diagnosis » signifie « détermination of thé nature of a diseased condition » ou « identification of a disease by careful investigation of its symptoms and history » et aussi « opinion resulting from such investigation », alors que « diagnostic » signifie « of or pertaining to diagnosis » ou « of value for the purposes of diagnosis ». Par conséquent, le premier sens de « méthodes de diagnostic » serait des « méthodes se rapportant à un diagnostic ou étant utiles aux fins d’un diagnostic ». Dans ce

sens, toute activité médicale concernant le recueil de renseignements au cours de l’établissement d’un diagnostic peut être considérée comme une méthode de diagnostic. Une différenciation analogue existe en allemand entre la signification du terme « Diagnose » et celle du mot « Diagnostik » (cf. Roche Lexikon Medizin, 3. Auflage, Verlag Urban & Schwarzenberg, 1993), celui-ci étant utilisé comme terme générique pour des activités médicales (« Diagnostizierverfahren ») concernant l’examen et le recueil de renseignements nécessaires à l’établissement d’un diagnostic. En français, le terme « diagnose » signifie « connaissance qui s’acquiert par l’observation des signes diagnostiques » et « diagnostic » signifie « action de déterminer une maladie d’après ses symptômes » (cf. Le P Robert, Dictionnaires Le Robert, 1990). Bien que le mot « diagnostic » en tant que tel puisse être interprété comme englobant toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement d’un diagnostic médical, il semble qu’il puisse aussi définir une étape particulière d’un examen diagnostique lorsqu’il est utilisé dans l’expression « méthodes de diagnostic ». Par conséquent, le texte français de l’article 52(4) CEE ne permet pas de privilégier une interprétation qui limite l’exception à la brevetabilité aux méthodes englobant toutes les étapes dont l’exécution est nécessaire à l’établissement à’un diagnostic médical. La médecine comprend une large gamme de méthodes de diagnostic appliquées par le médecin, qui vont de l’observation générale de l’aspect du patient avec des interventions purement manuelles, par exemple la palpation ou l’auscultation, jusqu’aux techniques de diagnostic faisant appel à des instruments physiques sophistiqués et à des outils chimiques ou biochimiques. Les méthodes de diagnostic peuvent être classées en deux catégories : celles qui sont appliquées sur l’organisme vivant et celles qui sont mises en oeuvre à l’extérieur du corps. Il découle du libellé de l’article 52(4) CBE que si le législateur souhaitait n’exclure de la protection par brevet que les méthodes « appliquées au corps humain ou animal », des tests extra-corporels effectués en laboratoire par exemple sont brevetables.

- Pour toutes ces raisons et en 'vertu du principe généralement admis par la jurisprudence des chambres de recours, selon lequel la CBE doit être interprétée « de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte » (article 31(1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, cf. G 6/83 (JO OEB 1985) 67, points 4 et 5), la Chambre considère que l’article 52(4) CBE entend exclure de la protection par brevet toutes les méthodes appliquées au corps. humain ou animal qui concernent un diagnostic ou sont utiles aux fins d’un diagnostic. Toutes les revendications de méthode figurant dans le dossier comportent une étape d’échantillonnage d’une substance d’un corps humain ou animal vivant. L’une des réalisations commerciales significatives et spécifiques des méthodes revendiquées est l’analyse du glucose sanguin, car il a été constaté que les niveaux de glucose sous la peau correspondent au niveau de glucose dans le sang. L’échantillonnage du glucose évite aux patients diabétiques, dont le niveau de glucose sanguin doit être contrôlé de manière plus ou moins continue, d’avoir à subir la méthode douloureuse consistant à piquer un doigt plusieurs fois par jour afin de prendre un échantillon de sang

qui servira à procéder aux analyses. Les autres applications envisagées sont l’optimisation du taux sanguin d’un médicament administré pendant une chimiothérapie (cf. page 12, lignes 18 à 20 de la description originale) et l’échantillonnage de métabolites introduits par une méthode thérapeutique, d’anesthésiques ou d’agents ayant une action psychothérapeutique (page 13, ligne 2 de la description). Tous ces exemples concernent des activités exercées au cours du traitement médical de patients et sont utilisés en particulier à des fins de diagnostic.

-De l’avis de la Chambre, l’échantillonnage d’une substance corporelle à des fins d’examen médical constitue une activité de diagnostic fondamentale, quel que soit le moyen technique utilisé, qu’il s’agisse d’une spatule pour faire un prélèvement ou un frottis, d’une seringue pour effectuer une prise de sang ou, comme dans la présente espèce, d’un courant iontophorétique pour faire passer une substance à travers la peau. Pour toutes ces raisons, l’étape d’échantillonnage d’une substance, telle que revendiquée, se rapporte à un diagnostic et constitue dans ce contexte une méthode de diagnostic essentielle, appliquée au corps humain ou animal vivant. Par conséquent, l’objet des revendications de méthode qui figurent dans le dossier doit être considéré comme une méthode de diagnostic au sens de l’article 52(4) CEE. Pour parvenir à cette conclusion, il importe peu que les méthodes revendiquées puissent être appliquées par le patient lui-même et que leur mise en oeuvre n’ait pas une action significative sur l’organisme et n’entraîne aucun risque sérieux pour la santé. Ce qui est décisif, c’est le fait que toutes les revendications de méthode figurant dans le dossier comportent l’étape d’échantillonnage d’une substance corporelle à des fins de diagnostic et que cette étape doit être considérée comme une activité essentielle se rapportant au diagnostic et appliquée à l’organisme vivant.

- A cet égard, les faits de la présente espèce se distinguent de ceux des décisions T 385/86, T 83/87, T 400/87 et T 530/93. Dans l’affaire T 83/87, la méthode revendiquée ne comporte pas de phase explicitement appliquée au corps humain ou animal. En fait, la méthode définit exclusivement des étapes du fonctionnement interne d’un détecteur électrocatalytique de glucose, lors de l’analyse d’un fluide organique, utilisant certaines électrodes exploitées avec une séquence spécifique de potentiels. Ces trois autres affaires portent sur des procédés de résonance magnétique nucléaire (RMN) qui, bien que mis en oeuvre sur un organisme vivant, ne définissent que des étapes qui concernent le fonctionnement technique de signaux de résonance d’excitation et de détection, et qui, en termes de conception et d’exploitation, relèvent ainsi de la compétence et de la responsabilité exclusives du technicien spécialisé en RMN. En fait, aucune des méthodes ayant fait l’objet des décisions précitées ne comporte une étape devant être considérée comme une activité médicale de base appliquée au corps humain ou animal. Par conséquent, bien que la présente décision n’adopte pas l’approche choisie dans les décisions T 385/86, T 83/87, T 400/87 et T 530/93, elle ne remet pas en question le fait qu’un procédé, dont les étapes revendiquées ne représentent rien d’autre

que le fonctionnement (interne) d’un dispositif technique et relèvent par conséquent, sans exception, de la compétence et du contrôle exclusif d’un technicien, peut être considéré comme brevetable, même s’il génère et détecte des signaux physiques sur un organisme vivant et si ses résultats peuvent être évalués à des fins de diagnostic. En fait, les revendications de méthode qui ont fait l’objet des décisions susmentionnées peuvent être considérées (et pourraient avoir été formulées) comme comportant uniquement des étapes qui concernent le contrôle et le fonctionnement interne d’un dispositif technique, en l’occurrence soit un appareil RMN tomographique, soit un détecteur électrocatalytique, si bien que l’on ne peut y voir aucune étape spécifique ayant valeur de diagnostic. En revanche, dans la présente espèce, l’étape consistant à extraire une substance corporelle à des fins de diagnostic est une étape essentielle ayant valeur de diagnostic, cette opération devant être considérée comme une activité de diagnostic élémentaire exercée sous la responsabilité finale d’un médecin.

- En conclusion, il ne peut être fait 'droit à la requête principale ainsi qu’aux première et deuxième requêtes subsidiaires, qui visent à obtenir une protection par brevet pour des méthodes de diagnostic au sens de l’article 52(4) CBE. Dispositif Par ces motifs, il est statué comme suit :

- La décision faisant l’objet du /recours est annulée. L’affaire est renvoyée à l’instance 'du premier degré pour poursuite de l’examen sur la base de la troisième requête subsidiaire (cf. point V supra).

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INPI, CHAMBRE DE RECOURS TECHNIQUE DE L'OEB 3 4 1 DECISION T 964/99, 29 juin 2001