Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 9 décembre 2010, n° 1841

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Résumé de la juridiction

Régularité de la décision attaquée – Décision suffisamment motivée – Rejet de la demande de mesures d’instruction – Article L.4124-2 du code de la santé publique – Plainte recevable contre un chirurgien-dentiste conseil dès lors qu’elle est transmise par un procureur de la République même s’il a agi par délégation et sans motiver cette transmission – Faute commise par le chirurgien-dentiste conseil en portant auprès des patients une appréciation sur le chirurgien-dentiste contrôlé.

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Sur la décision

Référence :
ONCD, ch. disciplinaire nationale, 9 déc. 2010, n° 1841
Numéro(s) : 1841
Dispositif : Rejet de la requête (décision de 1ère instance = Interdiction d'exercer pendant trois mois dont deux mois avec sursis)
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Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
JFV/CB
Audience publique du 21 octobre 2010
Décision rendue publique par affichage le 9 décembre 2010
Affaire : Docteur E. N.
Chirurgien-dentiste conseil
Dos. n° 1841
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES,
Vu la requête, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes le 20 novembre 2009, présentée pour le Docteur E. N., chirurgien-dentiste conseil près la caisse primaire d’assurance maladie de (…), et tendant à l’annulation de la décision, en date du 12 octobre 2009, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiensdentistes de la région Rhône-Alpes, statuant sur la plainte formée à son encontre par le Docteur Z. P, chirurgien-dentiste, transmise par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de
Rouen, lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant trois mois, dont deux mois avec sursis, par les motifs que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas retenu le moyen tiré de l’irrecevabilité manifeste de la saisine de la juridiction disciplinaire à l’initiative du ministère public et ont considéré comme suffisamment motivée la simple transmission, par le ministère public, à l’instance disciplinaire compétente d’une plainte simple, fut-ce après avoir sollicité de la plaignante des pièces visées dans sa plainte ; que les premiers juges n’ont pas répondu aux réserves formulées par le Docteur N.
sur l’authenticité d’un certain nombre de pièces et n’ont pas pris en compte l’affirmation selon laquelle les auteurs de certaines de ces attestations n’avaient pas fait l’objet d’un examen médical du Docteur E.
N. ; que la sanction prononcée est manifestement disproportionnée ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2010, présenté pour le Docteur Z. P, et tendant au rejet de la requête par les moyens que le ministère public ne s’est pas contenté de transmettre à la juridiction ordinale la plainte du Docteur P mais a examiné les griefs invoqués par celle-ci au vu des pièces et témoignages qu’elle mentionnait ; que le procureur a confirmé à la juridiction qu’il ne s’agissait pas d’une simple transmission mais d’une saisine eu égard à la pertinence des faits exposés dans la plainte ; que le travail du Docteur P a été systématiquement dénigré auprès de ses patients par le chirurgien-dentiste conseil pourtant assujetti à un devoir de réserve et que les contrôles ont été d’une ampleur injustifiée, que ce soit dans leur nombre et dans le temps ; que le Docteur N. a fait état de décisions d’interdiction d’exercer concernant le Docteur P alors que ces décisions étaient frappées d’appel ; que les attestations produites établissent la réalité des agissements du Docteur N. ; que celle-ci s’est immiscée dans les rapports du Docteur P avec ses patients, formulant devant eux une appréciation sur le traitement en cours ; que le Docteur N. a manqué à l’égard du Docteur P à son devoir de confraternité, a procédé à des détournements de patientèle, et n’a pas respecté la charte d’engagement de l’assurance-maladie ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2010, présenté pour le Docteur N. et tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que la saisine de la juridiction disciplinaire n’a pas été faite par le procureur de la République mais par le procureur adjoint ; que la simple transmission, sans motivation, d’une plainte par le procureur de la République n’est pas recevable ; que rien n’établit que le ministère public a procédé à un quelconque examen de la plainte et des pièces communiquées ; que la motivation d’un acte de saisine ne peut résulter d’un document postérieur à celui-ci de deux années ; que les témoignages produits par le Docteur P sont contestables ;
qu’il convient d’inviter le procureur de la République à régulariser la communication, en original, des pièces annexées à la plainte transmise par ses soins ;

1.

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
Vu les observations, enregistrées le 6 mai 2010, présentées par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rouen et par lesquelles celui-ci indique qu’en vertu du principe de l’indivisibilité du Parquet, chaque magistrat qui en fait partie agit au nom et pour le compte du procureur de la République ; que le procureur de la République n’a transmis la plainte du Docteur P qu’après avoir demandé et étudié ses justificatifs et a transmis cette plainte « aux fins de saisine du conseil statuant en matière disciplinaire » ; que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Docteur N. doit être écartée ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2010, présenté pour le Docteur P et tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs qu’aucun texte n’imposait au procureur de la République de rédiger un réquisitoire motivé ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2010, présenté pour le Docteur N. et tendant aux mêmes fins que sa requête et que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 août 2010, présenté pour le Docteur P et tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2010, présenté pour le Docteur N. et tendant aux mêmes fins que sa requête et que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2007-434 du 25 mars 2007 relatif au fonctionnement et à la procédure disciplinaire des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu, en audience publique, le rapport du Docteur JOURDES, les observations du Docteur
E. N., assistée de Maître Xavier FLECHEUX, avocat, et les observations du Docteur Z. P, auteur de la plainte, assistée de Maître Pascale H. BADINA ;
- le conseil départemental de l’Ordre de Seine-Maritime, dûment convoqué, ne s’étant pas fait représenter ;
- le Docteur N. ayant pu reprendre la parole en dernier ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant que les premiers juges, en indiquant que les témoignages de patients dont ils citaient les noms, produits par le Docteur Z. P, étaient « clairs et circonstanciés », que leur « authenticité (n’était) pas sérieusement contestée » et que les témoignages émanaient de personnes ayant rencontré le Docteur
E. N., chirurgien-dentiste conseil, à l’occasion du contrôle exercé par elle sur l’activité du Docteur P, ont suffisamment répondu aux « réserves formulées (par le Docteur N.) sur l’authenticité d’un certain nombre de ces pièces » et à l’argument selon lequel « les auteurs de certaines de ces attestations n’avaient pas fait l’objet d’un examen médical du Docteur N. » ; que celle-ci n’est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation ;

Sur les mesures d’instruction sollicitées :
Considérant que les pièces figurant au dossier permettent à la juridiction de fonder son appréciation sur les faits et moyens qui lui sont soumis sans qu’il soit nécessaire de procéder à des mesures d’instruction ;
Sur la recevabilité de la plainte formée par le Docteur P à l’encontre du Docteur N. :
2.

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
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Considérant qu’aux termes de l’article L.4124-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’Ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministère chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le procureur de la République ou, lorsque lesdits actes ont été réalisés dans un établissement public de santé, le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation » ;
Considérant que la plainte formée par le Docteur P à l’encontre du Docteur N. a été transmise le 4 décembre 2007 par une lettre du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rouen adressée au président du conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes « aux fins de saisine du conseil statuant en matière disciplinaire » ; qu’ainsi la juridiction disciplinaire doit être regardée comme ayant été régulièrement saisie de cette plainte au regard des exigences posées par les dispositions précitées, nonobstant la double circonstance que le signataire de la lettre du 4 décembre 2007 ait agi par délégation et que ladite lettre n’ait pas comporté de motivation :
Au fond :
Considérant qu’aux termes de l’article R.4127-254 du code de la santé publique : « Le chirurgien-dentiste exerçant un contrôle (…) doit être très circonspect dans ses propos et s’interdire toute appréciation auprès du malade » ;
Considérant qu’il résulte des témoignages émanant de Madame L., de Mademoiselle P. et de Monsieur K.
et qui ont un caractère probant qu’à l’occasion du contrôle de l’activité du Docteur P dont ils étaient les patients, le Docteur N. a indiqué aux intéressés que le Docteur P devait interrompre son activité en raison d’une sanction d’interdiction d’exercer dont elle était frappée ; que, selon Mademoiselle P., le Docteur N.
a précisé, en réponse à sa question, que cette sanction était justifiée par les actes fictifs facturés par le
Docteur P ; qu’il résulte aussi des témoignages de Mesdames C., G., M. et M., qui doivent également être regardés comme probants, que le Docteur N., lors du même contrôle, a tenu à ces patientes du Docteur P sur la pratique professionnelle de celle-ci des propos à caractère désobligeant ; qu’enfin, selon les témoignages également probants de deux autres patientes du Docteur P, Mademoiselle F. et Madame M., le Docteur N. a orienté Mademoiselle F. vers un établissement de soins mutualiste et a recommandé à Madame M. un établissement de même nature pour les soins qu’il convenait de donner à sa fille ; que le
Docteur N. a ainsi méconnu, de manière répétée, l’obligation à laquelle, en tant que chirurgien-dentiste conseil chargé d’un contrôle, elle était tenue comme le rappellent les dispositions précitées ; qu’en revanche il n’est pas établi par les témoignages produits que le Docteur N. se serait immiscée dans les traitements mis en œuvre par le Docteur P ;
Considérant qu’eu égard à l’importance de la règle qui interdit aux chirurgiens-dentistes conseils d’émettre toute appréciation sur le professionnel contrôlé auprès de ses patients et à la nécessité de son strict respect, les premiers juges n’ont pas fait une excessive appréciation de la gravité des fautes commises à cet égard par le Docteur N. en infligeant à celle-ci la sanction de l’interdiction du droit d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant trois mois, assortie du sursis pour la période excédant un mois ; qu’il y a lieu, par suite, de rejeter la requête ;

3.

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DÉCIDE :
Article 1er :

La requête du Docteur E. N. est rejetée.

Article 2 :

La fraction qui n’est pas assortie du sursis de la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant trois mois, dont deux mois avec sursis, qui a été infligée au Docteur E. N. par la décision, en date du 12 octobre 2009, de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région
Rhône-Alpes, sera exécutée pendant la période du 1er avril 2011 au 30 avril 2011 inclus.

Article 3 :

La présente décision sera notifiée :
- au Docteur E. N., chirurgien-dentiste conseil,
- à Maître Xavier FLECHEUX, avocat,
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rouen, auteur de la plainte ;
- au Docteur Z. P, auteur de la plainte,
- à Maître Pascale H. BADINA, avocat,
- au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Seine-Maritime,
- à la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre de la région Rhône-Alpes,
- au conseil national de l’Ordre,
- au ministre chargé de la santé,
- au directeur de l’ARS de la région de Haute-Normandie.

Délibéré en son audience du 21 octobre 2010, où siégeaient Monsieur de VULPILLIÈRES, conseiller d’Etat honoraire, président, les Docteurs GARNIER, JOURDES, LUGUET, MAHE, ROULLET RENOLEAU et
VOLPELIERE, chirurgiens-dentistes, membres de la chambre disciplinaire nationale.
Décision rendue publique par affichage le 9 décembre 2010.
LE CONSEILLER D’ETAT (H)
Président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
LA GREFFIERE de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
J.F. de VULPILLIERES
C. BOURGOUIN
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

4.

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Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 9 décembre 2010, n° 1841