Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 31 décembre 2012, n° 2043

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Résumé de la juridiction

Refus de relèvement d’incapacités – Affirmations non probantes d’un renoncement à des pratiques censurées.

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Sur la décision

Référence :
ONCD, ch. disciplinaire nationale, 31 déc. 2012, n° 2043
Numéro(s) : 2043
Dispositif : Annulation de la décision attaquée - Rejet de la demande de relèvement d'incapacité (décision de 1ère instance =Décision relevant le praticien de l'incapacité d'exercer la profession)
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Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
JFV/CB/NR
Audience publique du 8 novembre 2012
Décision rendue publique par affichage le 31 décembre 2012
Affaire : Docteur B. D.
Chirurgien-dentiste
Dos. n°2043
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES,
Vu la requête, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes le 5 mars 2012, présentée par le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes dont le siège est 22 rue Emile Menier, BP 2016, 75761 Paris cedex 16, et tendant à l’annulation de la décision, en date du 7 février 2012, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse a relevé le Docteur B. D. de l’incapacité d’exercer la profession de chirurgien-dentiste résultant de la peine de radiation du Tableau de l’Ordre prononcée à son encontre, par les motifs que la sanction de radiation du Tableau de l’Ordre qui avait été infligée au Docteur
D. avait été confirmée par la section disciplinaire du conseil national de l’Ordre au motif que l’intéressé avait eu pour pratique habituelle d’extraire la totalité des dents dévitalisées afin, selon lui, de supprimer l’éventualité de foyers infectieux et que cette méthode avait pour effet de détériorer très gravement l’état de santé des patients et ne faisait pas partie des techniques éprouvées ; que les observations présentées par le Docteur D. pour sa défense ne sont pas convaincantes, celui-ci affirmant qu’il continue à extraire les dents dévitalisées et de telles observations tendant à démontrer que leur auteur est prêt à convaincre ses patients de se faire soigner en Suisse pour réaliser les actes qui sont interdits en France, comportement qui est répréhensible et condamnable ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mai 2012, présenté par le Docteur B. D., dont l’adresse postale est (…), et tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il est victime de la part de ses confrères au mieux d’un malentendu et au pire d’un acharnement ; que s’il devait être à nouveau autorisé à exercer il souhaiterait exercer la dentisterie de façon conventionnelle, c’est-à-dire en faisant tout pour garder les dents dévitalisées ; qu’il y a eu un malentendu sur les propos qu’il a tenus à l’audience de première instance ; qu’il n’a nullement indiqué qu’il avait l’intention de passer du temps à convaincre ses patients de faire enlever leurs dents dévitalisées en Suisse ou ailleurs ; que l’on ne peut l’accuser d’affirmer qu’il continue à extraire des dents dévitalisées puisqu’il n’exerce plus depuis huit ans environ ; que s’il souhaite exercer de la façon la plus conventionnelle qui soit, il estime que le sujet des dents dévitalisées mériterait d’être débattu dans la profession davantage qu’il ne l’est aujourd’hui et que l’on peut se demander pourquoi les chirurgiens-dentistes allemands et suisses qui proposent à leurs patients l’extraction de leurs dents dévitalisées ne sont pas interdits d’exercer par leurs ordres ou autorités respectifs ; qu’un certain nombre d’éléments pourraient faire croire qu’en France les chirurgiensdentistes ne sont pas vraiment incités à conserver les dents vivantes ; qu’il compte cesser d’enlever les dents dévitalisées mais qu’il joint des attestations assez instructives de personnes qui ont subi l’extraction de toutes leurs dents dévitalisées avec d’autres chirurgiens-dentistes et qui sont satisfaites ;
Vu le mémoire, enregistré 26 juin 2012, présenté par le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes des Alpes-Maritimes, dont l’adresse postale est 28 boulevard Raimbaldi, 06000 Nice, et par lequel celui-ci approuve l’appel interjeté par le conseil national de l’Ordre par les motifs que, au cours de ses longues procédures disciplinaires, le Docteur D. s’est toujours engagé à cesser immédiatement sa pratique particulière, tout en continuant d’affirmer ses théories à ses patients ; qu’ainsi, d’année en année et malgré la durée des sanctions qui s’allongeait, il a continué à appliquer son idéologie thérapeutique en extrayant les dents dévitalisées de ses patients ; que si sa longue interdiction l’a privé en France de sa pratique dangereuse pour la santé publique, cela ne l’a pas empêché de promouvoir ses idées thérapeutiques sur des sites internet ; que s’il s’est engagé à modifier sa pratique s’il était relevé de son incapacité, son mémoire en défense qui fait état d’attestations très récentes légitimant la pratique 1.

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DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS d’extraire les dents dévitalisées démontre fortement son addiction à sa théorie ; que le conseil départemental ne croit pas en les affirmations du Docteur D. qui, après chaque condamnation par l’Ordre, s’engageait à exercer suivant l’enseignement qu’il avait reçu à la Faculté mais recommençait chaque fois cet exercice particulier ; que c’est donc dans un souci de santé publique et non par acharnement que le conseil départemental est hostile à ce que le Docteur D. soit relevé de son incapacité ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2012, présenté par le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et par lequel celui-ci indique que, dans ses écrits, le Docteur D. ne semble pas s’être amendé concernant les pratiques qui lui étaient reprochées à l’occasion de sa radiation ; que le conseil national s’en remet à la sagesse de la juridiction qui prendra la décision qu’elle jugera adéquate ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2012, présenté par le Docteur D. et tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et, en outre, au motif qu’il joint l’avis du professeur
Michel Raynaud, scientifique et enseignant à l’université de Toulon selon lequel le sujet en cause est extrêmement grave car la dent dévitalisée pourrait bien être la première cause de cancers et de maladies graves aujourd’hui et selon lequel l’Ordre devrait autoriser tous les chirurgiens-dentistes à exercer dans l’esprit dans lequel le Docteur D. exerçait jadis et selon lequel encore l’Ordre devrait penser à indemniser le
Docteur D. pour la forme de persécution qu’il lui a fait subir ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 septembre 2012, présenté par le Docteur D. et tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2012, présenté par le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que le Docteur D. ne semble toujours pas se rendre compte de la gravité et de la mauvaise qualité des soins qu’il a prodigués au cours de son exercice antérieur et qui ont fait l’objet de plusieurs avertissements avant sa radiation ; qu’il ne manifeste aucun regret quant aux conséquences désastreuses qui ont pu découler de ces actes non conformes aux données acquises de la science sur ses patients ; que la lettre du Professeur Raynaud ne fait qu’aggraver son cas, en présentant l’institution ordinale dont la première mission est la protection de la santé publique comme étant persécutrice à l’égard du Docteur D. et en l’accusant de fermeture d’esprit ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2012, présenté par le Docteur D. et tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que le président du conseil national de l’Ordre nie le texte d’un scientifique ; qu’il estime que les actes qu’a fait jadis le
Docteur D. ne sont pas en accord avec les données acquises de la science, sans qu’aucune commission scientifique indépendante se soit jamais penchée en France sur le sujet et alors que de multiples travaux scientifiques montrent que la dent dévitalisée est très souvent une niche de bactéries toxiques ; qu’il existe une grande clinique privée en Suisse qui a vu des dizaines de milliers de patients et qui suggère à tous ses patients d’enlever toutes leurs dents dévitalisées ; qu’il est victime d’un débat d’idées qui ferait mieux de s’exprimer par une commission d’enquête que par son interdiction d’exercer ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2007-434 du 25 mars 2007 relatif au fonctionnement et à la procédure disciplinaire des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu, en audience publique, le rapport du Docteur VUILLAUME, les observations du Docteur
BOUTEILLE, vice-président du conseil national de l’Ordre, les observations du Docteur Michel SEVALLE, membre du conseil départemental de l’Ordre des Alpes-Maritimes, et les observations du Docteur B. D., chirurgien-dentiste, lequel a pu reprendre la parole en dernier ;

2.

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DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
Considérant qu’aux termes de l’article L.4124-8 du code de la santé publique : « Après qu’un intervalle de trois ans au moins s’est écoulé depuis une décision définitive de radiation du tableau, (…) le chirurgiendentiste (…) frappé de cette peine peut être relevé de l’incapacité en résultant par une décision de la chambre disciplinaire qui a statué sur l’affaire en première instance. La demande est formée par une requête adressée au président de la chambre compétente (…) » ;
Considérant que par une décision en date du 6 décembre 2003, le conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse a infligé au Docteur B. D. la sanction de la radiation du tableau de l’Ordre ; que cette décision a été confirmée par une décision de la section disciplinaire du conseil national de l’Ordre, en date du 24 juin 2004 ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier qu’antérieurement à cette décision, le Docteur D. a, sur une longue période et de manière répétée, méconnu les dispositions des articles R.4127-226, R.4127-233 et R.4127-238 du code de la santé publique qui interdisent au chirurgien-dentiste de « tromper la bonne foi des (…) patients en leur présentant comme salutaire et sans danger un procédé insuffisamment éprouvé (…) » et qui lui font obligation d’assurer à ses patients « des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science » et de « limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité et à l’efficacité des soins » ; que le Docteur D. avait, en effet, pour pratique habituelle d’extraire la totalité des dents dévitalisées afin, selon lui, de supprimer l’éventualité de foyers infectieux, technique qui, selon lui, s’imposait face à divers états pathologiques ; qu’une telle méthode avait pour conséquence de détériorer très gravement l’état de santé des patients et a fait notamment l’objet d’un avis émis le 5 mars 2004 par l’Académie nationale de chirurgie dentaire et selon lequel la technique utilisée par le
Docteur D. ne faisait pas partie des techniques éprouvées ;
Considérant que si le Docteur D. fait valoir, à l’occasion de sa demande de relèvement de l’incapacité qui le frappe, que s’il était à nouveau autorisé à exercer il « souhaiterait exercer la dentisterie de façon conventionnelle » et qu’il « s’abstiendrait dorénavant d’appliquer les théories sur la toxicité des dents dévitalisées et cela même si les patients le (lui) demandaient », il y a lieu cependant de relever que l’intéressé à joint à ces affirmations de longs plaidoyers en faveur de l’utilité de l’avulsion systématique des dents dévitalisées ; qu’il a ainsi multiplié, de mémoire en mémoire, les références à des avis selon lui autorisés, à des pratiques étrangères, à des témoignages de satisfaction de la part de patients et a dénoncé l’attitude prise en France à ce sujet par les autorités ordinales ; que ces exposés qui ont constitué l’essentiel de ses productions contentieuses font suite d’ailleurs à la promotion systématique faite par le Docteur D. de ses conceptions thérapeutiques litigieuses sur les sites internet ; qu’en présence d’une telle volonté de justifier, jusque dans la présente instance, une théorie dont la mise en œuvre a précisément occasionné la mesure de radiation du tableau de l’Ordre et alors qu’antérieurement à cette mesure le praticien avait déjà été à deux reprises, pour des faits de même nature et non susceptibles d’être amnistiés, l’objet d’interdictions temporaires d’exercer qui avaient été, à chaque fois, suivies de récidive, les affirmations du requérant selon lesquelles il souhaite « exercer dorénavant de la façon la plus conventionnelle possible » ne peuvent être regardées comme ayant un caractère probant ; que, dans ces conditions et compte tenu de la nécessité de protéger les patients des pratiques en cause, c’est à tort que les premiers juges ont accordé au Docteur D. le bénéfice de la mesure mentionnée à l’article L.4124-8 précité du code de la santé publique ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’annuler leur décision et de rejeter la demande présentée par le Docteur D. ;
DECIDE :
Article 1er :

La décision, en date du 7 février 2012, de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse est annulée.

Article 2 :

La demande présentée le 19 juillet 2011 par le Docteur B. D. au président de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région
Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse et tendant à être relevé de l’incapacité résultant de sa radiation du tableau de l’Ordre est rejetée.

3.

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DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
Article 3 :

La présente décision sera notifiée :
- au Docteur B. D., chirurgien-dentiste,
- au conseil départemental de l’Ordre des Alpes-Maritimes,
- à la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre de la région Provence-AlpesCôte d’Azur-Corse,
- au conseil national de l’Ordre,
- au ministre chargé de la santé,
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice,
- au directeur de l’ARS de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse.

Délibéré en son audience du 8 novembre 2012, où siégeaient Monsieur Jean-François de
VULPILLIÈRES, conseiller d’Etat honoraire, président, les Docteurs MIRISCH, ROUCHÈS, ROULLET
RENOLEAU, VOLPELIERE, VUILLAUME et WAGNER, chirurgiens-dentistes, membres de la chambre disciplinaire nationale.
Décision rendue publique par affichage le 31 décembre 2012.
LE CONSEILLER D’ETAT (H)
Président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
LA GREFFIERE de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
J.F. de VULPILLIERES
C. BOURGOUIN
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

4.

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