Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 23 décembre 2020, n° 023-2019

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
ONMK, ch. disciplinaire nationale, 23 déc. 2020, n° 023-2019
Numéro(s) : 023-2019
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Sur les parties

Texte intégral

ORDRE NATIONAL DES MASSEURS-KINESITHERAPEUTES
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
N°023-2019 M. D. c/ Conseil départemental de l’ordre des kinésithérapeutes du Maine et
Loire
Rapporteur : M. Marc DIARD
Audience publique du 25 novembre 2020
Décision rendue publique par affichage le 23 décembre 2020
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Maine et Loire a saisi la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Pays de la Loire d’une plainte contre M. D., masseurkinésithérapeute, demeurant (…)
Par une décision N° 17.12-2018 en date du 14 juin 2019, cette juridiction lui a infligé la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer pour une durée d’un an assortie d’un sursis de neuf mois.
Procédure devant la chambre disciplinaire nationale :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2019 au greffe de la chambre disciplinaire nationale, M. D., représenté par Me Stéphane Contant, demande l’annulation de cette décision ou, subsidiairement, qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale en cours.
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l’ordonnance n°2020- 1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience, 1 Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 novembre 2020, tenue dans les conditions prévues à l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020, susvisée :
- M. Diard en son rapport ;

-
Les observations de Me Contant, pour M. D., et les explications de celui-ci ;

-
Les observations de M. Dupont, président, pour le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Maine et Loire M. D. ayant été invité à reprendre la parole en dernier.

Considérant ce qui suit :
1. Monsieur D. demande l’annulation de la décision du 14 juin 2019, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Pays de la Loire l’a condamné à la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la masso-kinésithérapie pendant une durée d’un an, assortie de neuf mois de sursis, pour avoir eu un comportement inadapté envers deux patientes et méconnu ainsi les dispositions des articles
R.4321-53 et R.4321-54 du code de la santé publique.
Sur la régularité de la décision attaquée 2. M. D. soutient que la chambre disciplinaire de première instance a statué au-delà de la plainte dont elle était saisie, en le déclarant coupable de faits d’attouchements sexuels sur des patientes. En effet, la plainte se bornait à indiquer qu’en pratiquant la psychanalyse lors de séances de masso-kinésithérapie et en utilisant des techniques peu reconnues ou insuffisamment éprouvées auprès de patients, il avait eu un comportement contraire aux règles déontologiques, que, par ses pratiques et comportement, il mettait mal à l’aise patients et masseurskinésithérapeutes, qu’il ne semblait plus avoir la mesure de la réalité de la profession et de son rôle et que ses agissements étaient inquiétants, contraires à la déontologie et de nature à déconsidérer la profession. Toutefois, même si la plainte ne mentionnait pas expressément des attouchements sexuels, les faits que la chambre disciplinaire de première instance qualifie de tels sont ceux relatés dans les témoignages qui joints à la plainte et qui l’ont motivée. Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait irrégulière car retenant à son encontre des griefs nouveaux qui n’auraient pas été soumis au débat contradictoire.
Sur la recevabilité de la plainte 3. Il ressort des pièces du dossier que le 26 novembre 2018, lors de la séance plénière du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Maine et Loire, son président, M. Dominique Dupont, a informé ce conseil de son arrêt maladie pour une intervention chirurgicale à partir du 26 novembre au soir et de son remplacement par le viceprésident, M. Patrick Couny, dans le cadre d’une délégation temporaire, comme prévu par l’article 76 du règlement intérieur du conseil de l’ordre. L’extrait du compte-rendu de la séance plénière reprenant ces éléments a été signé de M. Dupont et de la secrétaire générale. Cet extrait, 2 intitulé « délégation temporaire » donne ainsi à M. Couny délégation pour représenter le conseil départemental et signer tous documents au nom de ce conseil, pendant la durée de l’empêchement de M. Dupont lié à son hospitalisation. M. D. n’est donc pas fondé à soutenir que la plainte du conseil départemental à son encontre aurait été irrecevable du fait de la signature par M. Couny du compte-rendu de la séance plénière relatant les faits reprochés au requérant et décidant de déposer plainte, ainsi que de la plainte en date du 13 décembre 2018, celui-ci bénéficiant d’une délégation qui, bien que ne comportant pas de date de validité, était bien temporaire, et M. Dupont ayant été hospitalisé jusqu’au 20 décembre 2018.

pénale
Sur les conclusions tendant au sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure 4. Il appartient au juge disciplinaire de statuer sur une plainte dont il est saisi sans attendre l’issue d’une procédure pénale en cours concernant les mêmes faits. Toutefois, il peut décider de surseoir à statuer jusqu’à la décision du juge pénal lorsque cela paraît utile à la qualité de l’instruction ou à la bonne administration de la justice. En l’espèce, si une instruction pénale est en cours à la suite d’une plainte de l’une des patientes de M. D., également en cause dans la présente espèce, il ne paraît pas utile de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge pénal.
Sur les griefs 4. Aux termes de l’article R.4321-53 du code de la santé publique : « Le masseurkinésithérapeute, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. (…) ». Selon l’article R.4321-54 du même code : « Le masseur-kinésithérapeute respecte, en toutes circonstances, les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la massokinésithérapie. » 5. Il résulte de l’instruction que le comportement de M. D. au cours de différents remplacements a fait l’objet de plusieurs critiques. Ainsi, Mme D., dont il a remplacé la kinésithérapeute à (…), a signalé au conseil départemental de l’ordre des masseurskinésithérapeutes du Maine-et-Loire que, lors d’une première séance de soins de son genou, le 3 mai 2017, M. D. lui a indiqué intervenir avec une casquette de psychanalyste et lui a tenu des propos sans rapport avec l’objet de sa venue ; le 7 mai 2017, alors qu’elle revenait pour ce genou, il lui aurait massé le plexus en débordant sur la poitrine et lui aurait touché le pubis pardessus ses vêtements. L’après-midi même, il lui a demandé s’il pouvait passer la voir chez sa mère et son beau-père, chez qui elle habitait temporairement, pour lui parler de son genou, et n’a évoqué pendant une demi-heure que Platon, Socrate et Freud, sans jamais lui parler réellement de ce genou. Lors de l’entretien auquel l’a convié le conseil départemental, M. D. a reconnu que sa pratique est décalée, car lors de la première séance, il ne s’en tient pas à l’endroit douloureux, mais parcourt tout le corps pour faire une révision générale. Il a fait des études de psychanalyse pendant six ans en travaillant comme masseur-kinésithérapeute salarié en intérim pour avoir plus de temps pour étudier. Il soutient que Mme D. était très intéressée par ce qu’il lui disait et lui a posé des questions, qu’il lui a parlé de psychanalyse et qu’elle a accepté de le revoir le soir chez son beau-père pour qu’il lui explique ce qui se passait dans son corps ; deux 3 jours après, le beau-père est venu lui dire qu’elle ne voulait pas de médecine parallèle et a demandé qu’il lui redonne son ordonnance.
6. Mme M., qui a par ailleurs déposé plainte auprès de la gendarmerie, a indiqué avoir eu trois séances de soins pour une douleur à la cuisse avec M. D., qui remplaçait sa kinésithérapeute habituelle de (…). Elle a trouvé son massage différent, plus délicat et moins efficace. Lors de la troisième séance, M. D., après l’avoir prévenue qu’il allait s’approcher de ses parties génitales, lui aurait massé le pubis pendant presque dix minutes, d’une façon qu’elle n’a pas trouvé normale, presque en jouant avec son sous-vêtement. Au bout d’un moment, il lui aurait dit « Il faut que votre conjoint vous caresse au niveau du pubis plus tendrement, plus sensuellement. Il faut qu’il passe sur votre clitoris », et se serait mis à lui parler de ses rapports sexuels avec son conjoint. Elle dit s’être sentie très mal à l’aise. M. D. a pour sa part indiqué que c’est Mme M. qui s‘est mise en string pour le soin, et qu’il ne lui a nullement parlé de sexualité, ni touché le pubis, mais qu’il l’a mobilisée sur le ventre et sur le dos, qu’il a massé son moyen fessier et son intérieur de cuisse en rapport aux lois de Sherrington, effectué avec sa permission, des pressions au niveau de son ischion sur la branche ischio-pubienne et suggéré un massage à faire par son mari sur elle en cas de douleurs 7. Enfin, le 25 octobre 2018, Mme Gosselin-Gayot, masseur-kinésithérapeute et présidente du conseil départemental de l’ordre de Dordogne, que M. D. a remplacée du 2 au 13 juillet 2018, a signalé au conseil départemental qu’après ce remplacement, ses patients étaient partagés sur la technique de celui-ci, certains estimant qu’elle était « miraculeuse », d’autres qu’il s’agissait de « pelotage dérangeant », d’autres enfin qu’il n’était pas masseurkinésithérapeute. Elle ajoute que M. D. avait reconnu que son toucher et sa méthode pouvaient être mal interprétés, et que celui-ci a finalement renoncé à la remplacer de nouveau en lui disant qu’il ne souhaitait pas être « victime du délire de patientes fragiles ». Elle indique qu’après avoir expliqué comment certaines femmes fragiles ont mal vécu ses soins, voire affabulé sur ses actes, il a justifié le fait qu’il ne faisait que des remplacements courts et à distance de chez lui en disant que ses actes « passent mieux en les faisant un peu par-ci, un peu par-là ». Elle relève que certaines patientes ne sont pas revenues à son cabinet en dépit de ses relances.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, si M. D. nie avoir eu à l’égard de ses patientes des gestes et paroles déplacés, ceux-ci ressortent néanmoins, en ce qui concerne Mme M., des déclarations circonstanciées faites par celle-ci auprès de la gendarmerie. En tout état de cause, il lui appartenait de veiller à ce que son comportement soit dénué de toute ambiguïté et à donner à ses patientes des explications claires sur les raisons pour lesquelles il devait intervenir à distance de l’endroit douloureux pour le traitement duquel il était consulté. Or, s’il ressort des déclarations de Mme Gosselin-Gayot, masseur-kinésithérapeute dans un autre département que M. D. est conscient de ce que sa méthode de massage met certaines patientes mal à l’aise et peut être mal interprétée, il n’y a cependant pas renoncé. De plus, les conversations sur des sujets psychologiques avec ses patientes peuvent créer une ambiguïté sur la nature de sa relation thérapeutique avec celles-ci, ainsi qu’en témoigne le fait que Mme D. a compris qu’il entendait la traiter selon des modalités non conventionnelles et avec une « casquette de psychanalyste ».
9. Le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Maine et Loire relève également que M. D. a commis une faute disciplinaire en exerçant comme salarié en intérim pendant sept ans sans être inscrit au tableau de l’ordre, s’étant fait radier de ce tableau en 2010 pour cessation d’activité et ne s’étant fait réinscrire qu’en 2018, lors de la reprise de 4 son activité libérale. A ce titre, il fait l’objet de poursuites pénales pour exercice illégal de la masso-kinésithérapie. Toutefois, la juridiction disciplinaire ordinale n’est pas compétente pour statuer sur les fautes commises par l’intéressé alors qu’il n’était plus inscrit au tableau de l’ordre, sauf si ces fautes étaient de nature à empêcher sa réinscription, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Sur la sanction 10. Il résulte du point 8 que M. D. a commis des fautes disciplinaires, qui doivent être sanctionnées. Il sera fait une juste appréciation de la gravité de ces fautes en confirmant la sanction de l’interdiction d’exercer pendant une durée d’un an dont neuf mois avec sursis infligée en première instance. Par suite, la requête de M. D. doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er :
La requête de M. D. est rejetée.
Article 2 :
L’exécution de la sanction prononcée par la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Pays de la Loire à l’encontre de M. D. prendra effet le 1er avril 2021 à 0H et cessera de porter effet le 30 juin 2021 à minuit.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée à M. D., au conseil départemental de l’ordre des masseurskinésithérapeutes du Maine et Loire, au Conseil national de l’ordre des masseurskinésithérapeutes, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saumur au directeur général de l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire, à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Pays-de-la-Loire et au ministre des Solidarités et de la Santé.
Copie pour information en sera délivrée à Me Contant.
Ainsi fait et délibéré par Mme GUILHEMSANS, Conseillère d’Etat, Présidente et MM. BELLINA, DIARD, MAZEAUD, POIRIER, TOURJANSKY, membres assesseurs de la chambre disciplinaire nationale.

Marie-Françoise GUILHEMSANS
Conseillère d’Etat
Présidente
Pauline DEHAIL
Greffière 5 La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de la santé publique
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Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 23 décembre 2020, n° 023-2019