Conseil de l'Ordre national des pharmaciens, rapport du rapporteur, Affaire 394 - Recevabilité de l'appel a minima, n° 894-D

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Sur la décision

Référence :
ONPH

Texte intégral

Affaire Mme A
Document n°894-R
Le Rapporteur
Le 11 décembre 2008, a été enregistrée par le greffe de la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France, une plainte formée par le médecin conseil, chef de service de l’échelon local du service médical de … et dirigée à l’encontre de Mme A, titulaire à l’époque des faits de la Pharmacie A, sise …. Mme A est radiée du tableau de l’Ordre depuis le 3 avril 2012 (ANNEXE I).
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I- ORIGINE DE LA PLAINTE
Le service médical de … a procédé à un contrôle des prestations facturées par la Pharmacie A, sur une période allant du 1er octobre 2006 au 30 avril 2007. Le contrôle portait sur des volumes de remboursements de corticoïdes locaux (Diprosone® crème, Diprosone® lotion, Betneval®), d’antiseptiques (Hexomédine®, Cytéal®), de Dexeryl®, de Kétum® gel, d’Huile Goménolée®, de Sébiprox® et de Rhinofluimucil® très supérieurs à la moyenne nationale. Les faits invoqués correspondent à 98 factures, établies pour 40 assurés.
Le service médical de … s’est basé sur l’analyse des données contenues dans les feuilles de soins électroniques pour reprocher les griefs suivants à l’encontre de Mme A:
67 délivrances sur de courtes périodes de prescriptions identiques, dont 64 de prescriptions stéréotypées émanant du même cabinet médical (concernaient 17 patients), favorisant une consommation abusive dangereuse ou un trafic de médicaments. Pour exemple, Mme A a délivré à un même patient, en moins de 2 mois, 10 tubes de Dexeryl® (soit 2.5 kg de crème émolliente et hydratante), 7 boîtes de Septivon® (soit 1.75 litres de solution antiseptique) et 8 boîtes de crème corticoïde (Diprosone® crème ou lotion) ;
12 facturations comportant une fausse information quant à la date réelle de facturation (facturations post-datées);
4 renouvellements trop précoces d’une même ordonnance ;
1 délivrance d’une prescription établie par un chirurgien dentiste hors de son champ de compétence ;
31 délivrances de médicaments comportant une contre-indication absolue liée à l’âge du patient. Les médicaments en cause sont le Sébiprox®, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l’Huile Goménolée® 2%, le Respilène® sirop enfant, l’Imodium® 0.2mg/ml et le Rhinofluimucil® ;
Pour conclure, le plaignant reprochait à Mme A le non respect des articles R. 4235-9, R. 423510, R. 4235-48, R. 4235-60, R. 4235-64, R. 5132-14 et L. 4141-2 du Code de la santé publique.
II- PREMIÈRE INSTANCE
Dans un mémoire en date du 29 avril 2009 (ANNEXE II), Mme A a contesté les griefs reprochés en soutenant que l’appréciation des faits par le service médical de Paris résultait d’une approche exclusivement quantitative, occultant la spécificité de la clientèle de la pharmacie qu’
Ordre national des pharmaciens 1 elle exploitait à l’époque des faits. Elle a souligné que chacun des 98 griefs visés par le plaignant correspondait à des prescriptions régulièrement délivrées. S’agissant des prescriptions établies pour des enfants ne respectant pas les limites d’âge d’administration des médicaments concernés, Mme A a affirmé qu’il ne s’agissait que d’un seul cas et a assuré avoir contacté le médecin prescripteur pour la plupart de ces prescriptions. Par ailleurs, l’intéressée a reconnu l’anomalie concernant une ordonnance de Rhinofluimicil, délivrée par sa préparatrice, et pour laquelle elle a souligné qu’il n’y avait eu aucune conséquence. Mme A a insisté sur sa participation à divers projets de santé développés dans le quartier où elle exerçait, notamment la lutte contre la toxicomanie. Elle a conclu que toutes les ordonnances litigieuses étaient authentiques et dénuées de toute surcharge, les quantités de produits délivrés correspondant à celles indiquées par le prescripteur. Mme A a remis en cause la pertinence de la plainte ainsi que les sanctions demandées à son encontre.
Le 29 septembre 2009, un mémoire du médecin conseil chef de service a été consigné au dossier (ANNEXE III). Il a affirmé que l’environnement et le profil de la clientèle n’étaient pas de nature à exonérer le titulaire de l’officine du respect des règles du code de la santé publique et du code de la sécurité sociale. Selon lui, les arguments de Mme A ne remettaient pas en cause les griefs retenus contre cette dernière. Il a maintenu sa plainte en l’état.
Un mémoire de Mme A a été enregistré le 30 décembre 2009 au siège du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France (ANNEXE IV). L’intéressée a soutenu que le profil de la clientèle et l’environnement de l’officine ne pouvaient être ignorés, notamment lorsque les infractions reprochées ne résultent pas d’une infraction caractérisée mais d’un faisceau d’indices. Elle a précisé que la clientèle de son officine était le plus souvent originaire d’Afrique noire et d’Afrique du nord. Les pathologies couramment constatées étaient des affections cutanées entraînant dermatoses, gales et eczéma ainsi que des affections respiratoires, digestives, buccales et dentaires liées à un manque d’hygiène. Mme A a donné quelques précisions sur quatre cas permettant, selon elle, de constater l’absence de toute infraction. Elle a évoqué le cas d’un jeune patient incarcéré au Maroc, dont la mère souhaitait qu’il puisse disposer de son traitement pendant cette période. L’intéressée a déclaré qu’elle avait accepté de délivrer le traitement par humanité, « à condition de limiter les délivrances à la période de détention préventive ».
Un mémoire du plaignant a été versé au dossier le 25 février 2010 (ANNEXE V), par lequel il a maintenu ses précédentes écritures. Mme A a versé au dossier un mémoire le 30 avril 2010 (ANNEXE VI), par lequel elle a persisté dans ses écritures. Elle a ajouté que son officine avait fait l’objet d’un contrôle en 2005, sans qu’aucun dysfonctionnement n’ait été révélé.
Le 11 octobre 2010, le plaignant a joint un mémoire au dossier (ANNEXE VII). Il a précisé que les faits constatés démontraient le non-respect du code de la santé publique, générant une pratique dangereuse favorisant un mésusage ou un trafic de médicaments. Le plaignant a déclaré que Mme A n’avait pas exercé son métier avec la probité exigée. Il a indiqué maintenir l’ensemble des griefs retenus dans la plainte, à l’exception du non-respect de l’article L. 4141-2 du code de la santé publique relatif à la délivrance d’une prescription hors compétence.
Le rapport de première instance, en date du 19 mai 2011, figure en ANNEXE VIII.

Ordre national des pharmaciens 2 Un mémoire de Mme A est parvenu au greffe du conseil régional le 17 juin 2011 (ANNEXE IX).
Celle-ci a contesté les arguments développés par le plaignant et a maintenu l’ensemble de ses précédentes écritures.
Lors de son audience du 20 juin 2011, la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France a prononcé un blâme à l’encontre de Mme A (ANNEXE X).
III – APPEL
La décision de première instance a été notifiée le 13 juillet 2011 au médecin conseil, chef de service de l’échelon local du service médical de …. Il a interjeté appel a minima de cette décision le 10 août 2011 (ANNEXE XI). Le plaignant estime que la sanction prononcée est insuffisante au regard de la gravité des griefs, répétés et faisant courir un risque aux patients. Il rappelle que Mme A ne reconnaît pas avoir manqué à ses obligations en délivrant des prescriptions établies pour des enfants, qui ne respectaient pas les limites d’âge. Il assure également que l’intéressée prétend ne pas avoir transmis de fausses informations à la CPAM sur la date de facturation et de délivrance de ces médicaments, bien que la matérialité de ces faits soit établie.
Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2011 au greffe du Conseil national (ANNEXE XII), Mme A indique qu’elle n’est désormais plus titulaire d’officine et qu’elle exerce aujourd’hui en qualité de simple salariée. Elle soulève l’irrecevabilité de l’appel du plaignant, qu’elle estime fondé sur aucun élément de droit, ni aucun faits précis. Mme A soutient que le plaignant se contente d’affirmer en une seule phrase que les faits sont établis, sans pour autant justifier cette matérialité. Selon elle, il en est de même pour les prescriptions concernant les enfants, le plaignant ne citant pas le nom des patients, la date des ordonnances, ainsi que les raisons pour lesquelles les prescriptions litigieuses seraient dangereuses. En l’absence de fondements juridiques et d’indications sur des faits précis, Mme A affirme être dans l’impossibilité de « répliquer utilement à la CPAM ».
Le 21 octobre 2011, a été consigné au dossier un mémoire du plaignant (ANNEXE XIII), par lequel il souligne avoir formé appel en raison d’une mauvaise appréciation de la sanction compte tenu de la gravité des faits reprochés à Mme A et de l’absence de reconnaissance de ces faits comme contraires à l’honneur et à la probité.
Le plaignant rappelle que Mme A a effectué « 31 délivrances de médicaments avec une contre-indication absolue pour 23 patients, certains d’entre eux cumulant dans la même ordonnance 2 contre-indications absolues ».
Parmi les cas litigieux, le service médical a cité les cas suivants qu’elle considère comme les plus alarmants:
« - Voltarène Emulgel à 2 reprises chez un enfant de 4 ans alors que ce produit ne peut être utilisé qu’à partir de 15 ans ;
− huile goménolée à 3 enfants de 2 ans, alors que l’âge minimum d’utilisation est de 6 ans ;
− Respilène sirop à un bébé de 19 mois et demi au lieu de 30 mois ;
− Imodium gouttes pour 2 bébés de 10 et 11 mois au lieu de 2 ans ;
− Et Rhinofluimucil pour 2 bébés de 11 mois et demi au lieu de 30 mois.

Le plaignant relève la dangerosité de telles pratiques et conteste l’argument de Mme A selon lequel les prescriptions en cause ont été validées au préalable avec le prescripteur. Il évoque la jurisprudence du Conseil d’État qui considère que le caractère fautif de telles délivrances n’est pas remis en cause par la circonstance que le pharmacien ait, au préalable, contacté le médecin prescripteur. Par ailleurs, il ajoute que les deux uniques médecins ayant rédigé les ordonnances retenues dans la plainte ont été sanctionnés par la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 5 avril 2011, à une interdiction d’exercice de
Ordre national des pharmaciens 3 9 mois dont 3 mois avec sursis et de 6 mois dont 3 mois avec sursis. Le plaignant demande en conséquence l’aggravation de la sanction prononcée à l’encontre de Mme A. Il estime enfin que le comportement de l’intéressée est contraire à l’honneur et à la probité en raison des fausses informations transmises à la CPAM dans le but de dissimuler des délivrances de médicaments identiques réalisées les unes à la suite des autres.
Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2011 au greffe du Conseil national (ANNEXE XIV), Mme A soulève l’irrecevabilité de la demande du service médical concernant la qualification des faits reprochés comme contraires à l’honneur et à la probité. Elle soutient que le plaignant fait part de cette demande pour la première fois en appel, en affirmant que ce manquement n’a jamais été relevé dans la plainte initiale. Mme A dénonce une violation des droits de la défense. Sur le grief tiré de la transmission de fausses informations sur la date réelle de facturation, l’intéressée précise que les tarifications différées correspondent à des prescriptions pour deux ou trois mois exceptionnellement délivrées. Mme A conteste les arguments du plaignant et soulève de nouveau la violation des droits de la défense concernant la demande d’aggravation de la sanction fondée sur la condamnation des deux médecins prescripteurs des ordonnances litigieuses. Selon elle, cette demande intervient pour la première fois en cause d’appel, ce qui ne lui a pas permis d’organiser sa défense dans un délai raisonnable et dans le respect du principe du contradictoire. Mme A ajoute qu’elle n’a jamais été mise en cause dans une quelconque procédure dirigée à l’encontre de ces médecins ou encore poursuivie pour des prescriptions non médicalement adaptées à l’état de santé du patient et qu’aucun élément de ce dossier n’a été porté à sa connaissance. Elle insiste sur le fait que le plaignant sème la confusion en se basant sur des rumeurs non fondées et sur des raccourcis intellectuels, et considère que ce procédé relève de l’acharnement à son encontre et « d’une particulière mauvaise foi du médecin conseil ». Elle rappelle que le grief qui lui est reproché est celui d’avoir délivré des prescriptions ne respectant pas la posologie. Mme A évoque l’absence de passé disciplinaire en 30 ans d’exercice et déclare souhaiter prendre sa retraite.
Le 13 février 2012, a été consigné au dossier un mémoire du plaignant (ANNEXE XV), par lequel il déclare que le grief portant sur la qualification des faits contraires à l’honneur et à la probité n’est pas nouveau et « qu’il est précisé en page 17 et 21 du mémoire introductif d’instance ». Sur la prise en compte des sanctions prononcées contre les deux médecins prescripteurs, le plaignant estime qu’il ne modifie pas le grief présent initialement dans la plainte mais qu’il apporte une information importante pour la juste appréciation des faits par la section des assurances sociales.
Il affirme que les droits de la défense sont respectés, dans la mesure où les références des décisions rendues contre les médecins sont indiquées dans son mémoire en appel, permettant ainsi leur consultation. Le plaignant maintient ses précédentes écritures. Mme A a fait parvenir le 23 mars 2012 un mémoire au greffe du Conseil national (ANNEXE
XVI), tenant aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux développés précédemment. Elle ajoute avoir été particulièrement troublée par cette procédure d’appel, « qui l’a poussé à prendre sa retraite plus rapidement que prévu ». Mme A sollicite la condamnation du plaignant au versement des sommes de 5000€ au titre du préjudice moral subi et de 4500€ au titre du préjudice matériel (remboursement intégral des frais d’avocat). A titre subsidiaire, dans le cas où la demande de dommages et intérêts serait rejetée, l’intéressée requiert la condamnation du plaignant au versement d’une somme de 4500€ HT au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
J’ai reçu Mme A, assistée de son conseil, le 20 avril 2012 au siège du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (ANNEXE XVII). Elle déclare n’avoir aucun lien avec la procédure engagée à l’encontre des médecins prescripteurs et indique ne pas avoir été entendue dans ce cadre et ne pas connaître les infractions qui leur sont reprochées. Mme A rappelle que les prescriptions délivrées ne concernaient aucun produit de substitution ou sensibles. Sur la délivrance de produits pour enfants, elle soutient les avoir délivrés après une analyse de la prescription et un contact avec les prescripteurs. A chaque fois, Mme A a vu l’enfant ainsi que les parents et s’est toujours assurée de la bonne compréhension par les parents du traitement prescrit.
Ordre national des pharmaciens 4 Pour la délivrance du DIPROSONE, CYTERIL, SEPTIVON, HEXOMEDINE,
SEPTEAL et DEXERYL, elle indique qu’il s’agissait pour chaque cas d’une délivrance sur prescription et qu’au regard du nombre de tubes vendus pour ces spécialités, on ne pouvait conclure à un trafic ou à un mésusage, ou encore à une constitution de stock.
Concernant la procédure, Mme A précise que la plainte initiale lui a été notifiée après la vente de son officine et qu’elle n’a jamais été entendue par le Service médical. Au regard du nombre d’années d’exercice dans un quartier particulièrement difficile, l’intéressée estime que la sanction demandée par le plaignant semble disproportionnée.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il vous appartient de dire la suite devant être réservée à la plainte formée à l’encontre de Mme A par le médecin conseil chef de service de l’échelon local du service médical de …

Le 25 mai 2012
Le Rapporteur
Signé
Ordre national des pharmaciens 5

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