Conseil de l'Ordre national des pharmaciens, rapport du rapporteur, Affaire 258 - Respect du principe d'impartialité, n° 605-D

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Sur la décision

Référence :
ONPH

Texte intégral

AFFAIRE M. A
Document n°605-R
Le Rapporteur
I – HISTORIQUE
Le 6 juillet 2004, était enregistrée au conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France une plainte formée par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de cette région à l’encontre de M. A , titulaire d’une officine sise … (ANNEXE I). Cette plainte fait suite à une inspection effectuée à l’officine de M. A, le 27 janvier 2004. A son arrivée à 9 h 20, le pharmacien inspecteur a constaté l’absence du titulaire. Une employée en pharmacie, Mme B, était au comptoir, Mlle. C, élève B.P. 1re année déballant la commande livrée par le grossiste répartiteur en présence de Mme E, pharmacien adjoint. Mlle C a alors joint par téléphone les parents de M. A domiciliés au-dessus de la pharmacie. Sa mère, Mme F est aussitôt descendue.
Son père M. G est arrivé peu après. II convient de préciser qu’à l’époque des faits, Mme F était titulaire d’une officine à proximité, située également à … (soit à environ 5 minutes) et que G était également pharmacien titulaire d’une officine mais dans un autre département, …. Mme F demanda alors à Mme E d’aller assurer l’ouverture de son officine prévue à 9 h 30 pour pouvoir rester avec le pharmacien inspecteur. Mme E est donc partie à 9 h 25. M. G a expliqué que son fils était parti à la pharmacie de … pour y faire des semelles orthopédiques. Après contact téléphonique, A est revenu à sa pharmacie à 10 h 45. Le pharmacien inspecteur a inscrit dans son rapport :

« Avant cette heure, aucun pharmacien autorisé à exercer dans cette officine n’était présent. Selon les déclarations de M. A, titulaire du diplôme d’Université d’orthopédie et possédant l’agrément pour son officine, il est allé à l’officine de son père pour des semelles destinées à un client de la pharmacie de …., laquelle n’a pas l’agrément d’orthopédie… »
Soulignant que les parents de M. A avaient délivré des médicaments toute la matinée. Il ajoutait :

« Les conditions de remplacement sont définies aux articles L 4221-1, R 5100 et
R 5101 du code de la santé publique et n’autorisent pas trois titulaires d’officine à exercer dans l’une ou l’autre des trois officines à leur convenance. En outre, M. A n’est autorisé à exercer l’orthopédie que dans sa propre officine. »
Le pharmacien inspecteur considérait qu’aucun de ces trois confrères ne respectait l’obligation d’exercer personnellement sa profession stipulée à l’article L 5125-20 du code de la santé publique.
Il était également relevé que Mme E n’était employée que 20 h 1/2 par semaine alors que le chiffre d’affaires de l’officine déclaré pour l’année 2002 nécessitait l’emploi d’un pharmacien adjoint à temps plein. Par ailleurs, le pharmacien inspecteur a relevé de nombreuses infractions :

Ordre national des pharmaciens •sur la tenue de la pharmacie : la pharmacie était mal tenue. La partie technique était encombrée de cartons et de présentoirs. Des médicaments étaient accessibles directement au public. Les matières premières étaient stockées sur des étagères sales et poussiéreuses. Le réfrigérateur contenait au milieu des médicaments des aliments. Il n’était pas équipé de thermomètre (non respect des art. R 5015-12, R 5015-55 et R 5089-9) sur les préparations il avait été constaté le stockage de matières premières anciennes transvasées, ou dont l’utilisation était interdite, l’absence de cahier de gestion des matières premières, une balance non contrôlée, un préparatoire encombré et non dévolu (manquements notamment aux art. R 5015-12,
R 5015-55 et R 5089-10 du code de la santé publique) sur la tenue des registres l’ordonnancier manuel comportait des pages arrachées. L’ordonnancier informatique n’avait pas été édité depuis le 27 mai 2002. L’ordonnancier informatique était peu lisible et difficilement consultable car imprimée quelquefois sur le recto et le verso. Des parties étaient manquantes.
Il n’y avait pas d’édition informatique spécifique de l’ordonnancier pour les stupéfiants ni d’ordonnancier manuel. Les délivrances de stupéfiants ne faisaient l’objet d’aucun enregistrement spécifique ;
sur les ordonnanciers manuels et informatiques, il manquait le nom des médecins prescripteurs lorsque les prescriptions étaient faites dans des établissements de santé et quelquefois l’adresse des malades. Les registres n’étaient pas correctement tenus (non respect de l’article R 5198 du code de la santé publique). Le registre des médicaments dérivés du sang n’était ni coté ni paraphé et n’indiquait pas toujours la date de naissance du patient ou le nom des médecins prescripteurs lorsque les prescriptions étaient faites dans des établissements de santé (non respect des art. R 5198 et R 5144-28 du code de la santé publique).
sur la comptabilité des stupéfiants, M. A ne tenait pas à jour la comptabilité des stupéfiants et n’effectuait pas d’inventaire annuel. Sur le registre, l’indication de l’année ne figurait pas toujours (infraction à l’article R 5217 du code de la santé publique).
Les explications fournies par M. A ainsi que les différentes mesures prises par celui- ci pour remédier aux dysfonctionnements relevés figurent dans les pièces jointes à la plainte mais la DRASS d’Ile-deFrance a retenu dans la procédure disciplinaire engagée l’ensemble des infractions visées dans le rapport d’inspection.

II — PREMIÈRE INSTANCE M. A a été entendu par le rapporteur le 5 juillet 2004 au siège du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France (ANNEXE II). Comme il l’avait déjà fait dans les explications qu’il avait fournies à l’inspection, M. A a reconnu que la plupart des reproches qui lui était faits étaient justifiés, mais qu’il s’était désormais engagé dans une démarche qualité. Cependant, concernant son absence constatée le 27 janvier 2004, il considérait que la présence pharmaceutique avait bien été assurée. Il regrettait de ne pas avoir choisi la pause du déjeuner pour se rendre à … mais a assuré que sa démarche n’avait pas été faite dans un but lucratif, ne seraitce qu’en raison de la distance (1 h 30 de transport) mais pour rendre service à une personne qui n’avait pas les moyens de consulter un podologue, indépendamment de tout souci de rentabilité. Il a précisé, de plus, que son pharmacien adjoint était désormais employé à plein temps.
Le rapport de première instance figure en ANNEXE III.
2
Ordre national des pharmaciens Dans sa séance du 8 novembre 2004, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France a décidé la traduction de M. A en chambre de discipline (ANNEXE IV).
Lors de son audience du 23 janvier 2006, la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France a retenu la culpabilité de M. A :
«… Attendu que l’ensemble des manquements déontologiques relevés lors de l’inspection sont constitués et reconnus ; que la chambre de discipline souligne que la présence obligatoire du pharmacien dans toute officine ouverte au public est une exigence fondamentale du code de la santé publique ; que s’en affranchir, comme en l’espèce, est contraire à l’honneur de la profession et qu’entre autres dysfonctionnements, la tenue de l’officine telle que constatée lors de l’inspection, n’était pas conforme à la dignité professionnelle ; que même si l’intéressé a remédié à ces dysfonctionnements trop nombreux, son comportement, peu respectueux des exigences de la réglementation, justifie une sanction disciplinaire d’interdiction d’exercer la pharmacie d’une durée de deux mois dont un mois assorti du sursis. » (ANNEXE V).

II — APPEL
Cette décision lui ayant été notifiée le 7 février 2006, M. A en a interjeté appel. Sa requête a été remise et enregistrée au greffe du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens le 6 mars 2006 (ANNEXE VI).
Un mémoire au soutien de cette requête a été déposé le 12 avril 2006 (ANNEXE VII). La décision de première instance est tout d’abord attaquée sur le terrain de la légalité externe en ce qu’elle aurait méconnu le principe d’impartialité, les membres de la chambre de discipline ayant prononcé la sanction étant en majorité les mêmes que ceux qui avaient précédemment décidé que les faits visés dans la plainte du directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Ile-de-France étaient suffisamment établis pour justifier le renvoi de M. A devant la chambre de discipline. Me
ROCHETEAU, conseil de M. A considère donc qu’il était établi « que le président et les membres du Conseil de l’Ordre avaient jugé la plainte dont ils avaient eux- mêmes décidé de saisir l’instance disciplinaire ». Au fond, Me ROCHETEAU estime que cette décision est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle a principalement retenu que son client s’était affranchi des dispositions qui prévoyaient la présence obligatoire d’un pharmacien dans toute officine ouverte au public. A aucun moment, lors de l’inspection, la pharmacie de M. A n’avait été ouverte au public sans pharmacien. Me ROCHETEAU ajoute de plus :
« Si Mme E a, de sa propre initiative, quitté l’officine de pharmacie dont elle était responsable afin de permettre à Mme F, pharmacienne, et M. G, également pharmacien, d’accueillir l’inspecteur de santé publique, cette faute n’est pas imputable à M. A. »
Ce serait également à tort qu’il a été reproché à son client la détention de matières premières interdites :
« Il ressort, en effet, des articles R 1335-1 et suivants du code de la santé publique que les médicaments et autres matières premières à usage thérapeutique constituent des déchets dont l’élimination ne peut être confiée qu’à des entreprises spécialisées. Lors de son inspection, le 27 janvier 2004, Mme D a observé que «plusieurs matières premières dont l’utilisation est interdite sont
Ordre national des pharmaciens 3 détenues à la pharmacie de M. A : par exemple : deux flacons d’éphédrine
Cooper de 25 g (lot 02110266/A et 02040217A) (décision de l’AFSSAPS du 8 octobre 2003) ». Dans la mesure où l’utilisation de l’éphédrine n’était interdite que depuis le 8 octobre 2003, il ne peut être reproché à l’exposant d’avoir conservé, le temps de les confier à une entreprise spécialisée dans leur retraitement. Ce faisant, M. A n’a fait que se conformer aux normes applicables en matière d’élimination des déchets. En sanctionnant une telle pratique, conforme aux dispositions du code de la santé publique, la chambre de discipline a méconnu les dispositions susvisées et exposé sa décision à une annulation certaine. »
Selon Me ROCHETEAU, la décision attaquée a retenu à tort la mauvaise tenue des locaux alors qu’il était établi que la zone technique et le préparatoire n’étaient encombrés qu’en raison de la livraison matinale du grossiste répartiteur :
« En dénonçant l’encombrement des locaux et l’absence de rangement des médicaments, tout en constatant qu’au moment de l’inspection, l’employée de la pharmacie venait de réceptionner une importante livraison de médicaments, la chambre de discipline a commis une erreur de qualification. »
De même, la chambre de discipline aurait dénaturé les faits en affirmant que les délivrances de stupéfiants ne faisaient l’objet d’aucun enregistrement spécifique alors que le rapport d’inspection faisait grief à M. A «que le registre comptable des stupéfiants n’était pas tenu avec soin et attention ». Enfin, la chambre de discipline aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en raison de la gravité de la peine prononcée, « manifestement disproportionnée au regard de la personnalité du pharmacien poursuivi ». Me ROCHETEAU demande donc l’annulation de la décision attaquée et le rejet de la plainte.
Le mémoire en réplique du plaignant a été enregistré le 17 mai 2006 (ANNEXE VIII). Sur le terrain de la légalité externe, le DRASS d’Ile-de-France rejette l’argumentation de la défense en citant notamment une décision du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du 27 janvier 2004 (…) publiée dans son Bulletin n° 383 — p. 139 - : « Les conseils régionaux et centraux, lorsqu’ils ont à se prononcer sur l’opportunité d’une traduction en chambre de discipline, statuent en matière administrative et ne constituent pas un tribunal en sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, laquelle n’est alors pas applicable ; qu’il résulte de tout ce qui précède que les membres d’un conseil régional ou central ayant décidé la comparution d’un pharmacien en chambre de discipline peuvent siéger puis délibérer à l’issue de l’audience disciplinaire sans que puisse leur être reprochée une partialité incompatible avec les dispositions de la convention… ». Sur le fond, le DRASS fait deux observations :

f «… contrairement à ce qui est indiqué dans le mémoire, il n’est pas mentionné dans le rapport d’enquête du 23 mars 2004 (p. 1) que M. A avait demandé à Mme E, pharmacienne adjointe, de le remplacer pendant la demi journée où il devait s’absenter. M. A n’a pas, non plus, invoqué avoir donné des instructions en ce sens à son adjointe, dans sa réponse du 3 juin 2004 à la conclusion provisoire de ce rapport. Ainsi une présence pharmaceutique dans l’officine a dû être assurée par les parents de M. A, pharmaciens, notamment par Mme G, titulaire dans une autre pharmacie, non autorisée à exercer dans celle de son fils, après avoir été appelés par une employée, lors de l’inspection. Par ailleurs, il peut être noté que le constat fait par l’inspectrice, de stockage de matières premières, ne se limite pas aux matières premières dont l’utilisation est interdite, citées dans
Ordre national des pharmaciens 4 le mémoire, mais porte également sur d’autres matières premières anciennes dont la qualité ne peut pas être assurée en l’absence de contrôle analytique complet. »
Le procès verbal d’audition de M. A, assisté de son conseil, Me ROCHETEAU, au siège du
Conseil national de l’Ordre des pharmaciens le 20 novembre 2006 figure en ANNEXE IX.
Enfin, le 13 février 2007, a été versé au dossier le témoignage du pharmacien adjoint de M. A attestant qu’il était bien prévu qu’elle devrait remplacer celui-ci pendant son absence et que c’était à sa propre initiative qu’elle avait quitté l’officine à la demande de Mme G la laissant en présence du pharmacien inspecteur (ANNEXE X).
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il vous appartient de dire la suite devant être réservée à l’appel interjeté par M. A.
23 août 2007
Le Rapporteur
Signé
Ordre national des pharmaciens 5

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