Conseil de l'Ordre national des pharmaciens, rapport du rapporteur, Affaire 250 - Délivrance de médicaments dans des quantités supérieures à la posologie, n° 588-D

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Sur la décision

Référence :
ONPH

Texte intégral

AFFAIRE MME C
Document n°588-R
Le Rapporteur
Le 17 mars 2004 a été enregistrée au secrétariat du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile de France une plainte formée par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales à l’encontre de Mme C, titulaire d’une officine sise … – ANNEXE I.
I – ORIGINE DE LA PLAINTE
Une enquête a été effectuée à la pharmacie par trois pharmaciens inspecteurs le 5 novembre 2003 à la suite de laquelle Mme C a été entendue les 10 novembre et 15 décembre 2003 à l’inspection régionale de la pharmacie. Cette enquête a permis de constater un certain nombre d’infractions :
l’officine était globalement tenue de façon médiocre. La présence de médicaments vétérinaires facilement accessibles au public a été constatée. L’emplacement réservé aux préparations était sale, poussiéreux et encombré ; le matériel n’était pas fonctionnel (mortier piqueté, pilon poreux, balance non contrôlée …) ; les matières premières n’étaient pas régulièrement triées, la présence de matières premières faisant l’objet d’interdiction ou périmées avait du reste été constatée. La température du réfrigérateur n’était pas contrôlée. L’enregistrement des préparations sous-traitées sur l’ordonnancier des préparations magistrales n’était pas conforme aux recommandations des bonnes pratiques de préparations officinales. Mme C n’inscrivait pas les entrées et les sorties des spécialités stupéfiantes par relevé mensuel global et ne réalisait pas d’inventaire annuel. Le registre utilisé n’était ni coté, ni paraphé. L’intéressée ne disposait pas du registre spécial destiné aux médicaments dérivés du sang, alors que 2 boîtes correspondant à cette classe thérapeutique lui avaient été vendues (infraction à l’article R 5144-28, pris en application de l’article L 5121-2014°). L’édition de l’ordonnancier informatique des spécialités relevant de la réglementation des substances vénéneuses n’était pas réalisée (infraction à l’article R 5198 du code de la santé publique). L’étude des entrées et des sorties d’une spécialité relevant de la réglementation des substances vénéneuses a montré un défaut de justification de l’acquisition et d’inscription à l’ordonnancier de 404 boîtes d’Androtardyl® (infraction aux articles R 5196 et R 5198 du code de la santé publique). Mme C a délivré ce médicament pouvant faire l’objet d’un usage détourné (produit dopant) et induire des effets secondaires graves voire mortels à des posologies 8 fois supérieures à la posologie moyenne préconisée, sans s’être assurée du bien fondé de la prescription ni de la validité de celle-ci auprès des prescripteurs concernés ; 2 patients ont ainsi reçu 80 boîtes chacun sur une période d’environ un an. De plus, aucun numéro d’inscription à l’ordonnancier n’a officialisé les sorties de ce médicament ainsi réalisées. Mme C était donc susceptible d’être en infraction avec les dispositions pénales relatives à la lutte contre le dopage chez le sportif (art L 3631-3 et s du code de la santé publique). Les inspecteurs ajoutaient que les infractions et dysfonctionnements constatés constituaient également des manquements aux obligations du code de déontologie en ce qui concerne les articles suivants : art R 5015-2, R 5015-3, R 5015 – 8, R 5015-11, R 5015-12, R 5015-48, R 5015-55 et R 5015-60. Le DRASS a porté plainte pour l’ensemble des infractions visées dans le rapport d’inspection. Il était par ailleurs précisé qu’un dossier identique avait été transmis au procureur de la République près le TGI de ….

Ordre national des pharmaciens 1 II — PREMIERE INSTANCE Mme C, assistée de son conseil, Me CANCIANI, a été reçue par le conseiller rapporteur le 29 novembre 2004 – ANNEXE II.

Le rapport figure en ANNEXE III. Les explications de Mme C pouvaient se résumer ainsi :
exploitant cette petite officine (60 m2) depuis mai 1990, Mme C a exercé seule la plupart du temps. Le chiffre d’affaires de 2002 s’est élevé à 473 748 euros, celui de 2003 à 490 509 euros. A cette époque, un pharmacien adjoint inscrit en section D venait le samedi et quelques heures par semaine (il démissionna en septembre 2004). Un rayonniste-vendeur était employé deux jours par semaine. La pharmacie était ouverte de 9 h à 12 h 30 et de 14 h 30 à 19 h 30 à l’exception du dimanche et du lundi matin. Depuis peu, pour prendre un peu de repos, Mme C a fermé le samedi après midi. L’intéressée a expliqué qu’avant, elle n’éditait pas l’ordonnancier informatique parce que l’impression aurait bloqué le seul poste informatique qu’elle possédait. Depuis lors, elle l’édite sur papier tous les mois. Le mauvais état du préparatoire était consécutif à un dégât des eaux. Elle a indiqué qu’elle a déclaré ce sinistre auprès de sa compagnie d’assurance en temps utile. La recherche des causes de ce dégât des eaux serait en cours. Le propriétaire de l’immeuble participait à ces opérations d’expertise amiable au travers de son propre assureur. L’ensemble devrait donc retrouver un aspect convenable sous peu, mais il lui fallait attendre avant d’entreprendre des réparations le résultat des expertises. Mme C a déclaré faire sous-traiter la plupart de ses préparations magistrales à la Pharmacie … à …. Concernant les ventes d’Androtardyl®, Mme C n’avait pu fournir les factures d’achats auprès de son grossiste car elle ne conservait que les relevés hebdomadaires. Elle ignorait les risques de dopage. Comme la posologie du Vidal ne faisait pas mention de dose maximale, elle avait pensé que la dose de 8 ampoules par mois, qui plus est prescrit par des médecins différents, n’était pas anormale. Si elle n’avait pas inscrit les sorties à l’ordonnancier, elle avait cependant conservé les doubles des ordonnances. N’ayant pas considéré de risque de dopage, elle n’avait jamais pris contact avec les prescripteurs. Sur ce point, il est précisé dans le rapport d’inspection :
« Des doutes pouvaient être émis quant à la régularité des ordonnances présentées à Mme C:
- mode de présentation (date, mention « duplicata » présente ou non) et qualité d’impression différents pour les 4 ordonnances du Dr V ;
- prescription émanant d’un service de pneumologie pour les 2 ordonnances du centre hospitalier de …, alors que l’Androtardyl® ne concerne pas a priori cette spécialité médicale ;
prescripteur non identifié pour les 2 ordonnances du cabinet médical …, présence de rature ou de surcharge sur certaines des ordonnances du Dr S.
Une enquête effectuée par téléphone auprès des prescripteurs concernés a mis en évidence les éléments suivants :
- le Dr S (…) a prescrit ponctuellement de 1'Androtardyl® à M. X, mais il ne confirme pas le nombre d’ordonnances émises et les quantités délivrées (soit un total de 74 ampoules pour ce qui le concerne) ;
- les Dr A et B n’ont jamais exercé au cabinet médical … (…) dont le n° de tél. indiqué sur l’ordonnance est faux ;
- le nom des 2 patients indiqué sur l’ordonnance à en-tête du centre hospitalier de …(…) ne figure pas dans la liste des patients du service,
Ordre national des pharmaciens 2 le Dr V (…) n’a jamais prescrit d’Androtardyl® à son patient, M. G ; elle avait été avertie de la falsification d’une de ses ordonnances seulement, au cours du 2è trimestre 2003 par une pharmacie. Cette dernière, non située à … selon les déclarations de Mme V, n’était donc pas celle de Mme C ;
- le Dr H (…) a confirmé la prescription faite à M. X ; il a précisé avoir, par la suite, refusé au même patient une nouvelle ordonnance d’Androtardyl®.
Le Dr V a confirmé les informations données verbalement par courrier en date du 15 décembre 2003. Aucune attestation écrite n’est disponible pour les autres médecins … ».
Le 14 février 2005, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile de France décida de traduire Mme C en chambre de discipline – ANNEXE IV.
Lors de son audience du 26 septembre 2006, la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile de France prononça à l’encontre de Mme C la peine d’interdiction d’exercer la pharmacie pour une durée d’ 1 an dont 6 mois assortis du sursis – ANNEXE V.
III — APPEL
Cette décision lui ayant été notifiée le 8 octobre 2005, Mme C en a interjeté appel par courrier enregistré le 20 octobre 2005 au greffe du Conseil national – ANNEXE VI. Mme C contestait la sévérité de la sanction, faisait état des améliorations apportées à son exercice professionnel et annonçait l’envoi par courrier séparé d’un mémoire davantage motivé. Celui-ci fut enregistré le 15 février 2006 – ANNEXE VII.
Me BURZOT, conseil de Mme C, rappelle tout d’abord que la mauvaise tenue de l’officine s’expliquait en grande partie par le fait que sa cliente avait été victime de 2 dégâts des eaux consécutifs. Depuis l’inspection, Mme C s’était pliée aux observations qui lui avaient été faites et un terme avait été mis aux désordres constatés. Le rapporteur l’avait, du reste, constaté dès septembre 2004 (à l’exception du réfrigérateur qui n’avait pas été livré à l’époque de sa venue à l’officine). Me BURZOT considérait que le principal grief ayant justifié la lourdeur de la sanction de première instance concernait les délivrances jugées dangereuses d’Androtardyl®. A cet égard, il a développé l’argumentation suivante :
« Attendu que le rapporteur s’est fondé sur les ordonnances qui étaient annexées au dossier ;
que sur 17 ordonnances présentées, 15 présentaient une délivrance de 8 ampoules pour un mois de traitement, en sorte que 2 clients ont reçu un total de 80 ampoules, le premier entre le 8 juin 2002 et le 13 mai 2003, le deuxième entre le 17 juin 2002 et le 5 juin 2003 ;
…/… attendu que même si elle regrette un certain manque de rigueur, Mme C fait observer qu’il ressort qu’en ayant exécuté les prescriptions qui lui étaient soumises, elle a délivré 8 ampoules par mois de traitement ce qui, rapproché de la posologie moyenne de une ampoule par mois en moyenne, indique qu’elle aurait multiplié au pire, par 8, la posologie indicative ; attendu que des publications qu’elle pu recueillir et qui sont versées aux débats, et pour se placer dans une situation extrême, il convient de noter que la dose thérapeutique doit être multipliée par 500 pour être mortelle ; que des effets indésirables tels que atrophie testiculaire, azoospermie avec stérilité peuvent apparaître à partir de 10 à 100 fois la dose thérapeutique étant, en outre, précisé que les effets négatifs susrappelés sont réversibles en trois mois, à l’arrêt du traitement, en sorte qu’à ces doses supérieures à celles délivrées par Mme C, il n’y avait pas de risque grave ; attendu de même
Ordre national des pharmaciens 3 que les publications versées aux débats démontrent que pour augmenter la masse musculaire, il convient de traiter à des doses 17 fois supérieures à la dose thérapeutique ; que l’emploi d’Androtardyl® à des doses supérieures à la dose thérapeutique, en prévention de la fonte musculaire chez des patients sujets à infection VIH, sont classiques et qu’il n’est pas fait état d’une dangerosité particulière ; attendu qu’il ressort de ces explications ainsi que notamment des publications « Effets secondaires des androgènes » de Mowszowicz (andrologie 1995), 5, n° 3 340 346 et des autres publications versées aux débats, que le pharmacien n’a fait courir aucun risque aux clients en délivrant les prescriptions médicales qui lui étaient soumises ; qu’au surplus, un des prescripteurs a confirmé sa posologie avec la formule « Je dis » avec confirmation de la posologie en toutes lettres, en sorte qu’un appel téléphonique aurait été, dans ce cas, superfétatoire (pièces 89 annexées à la plainte) ; attendu qu’en conséquence il apparaît que si il est infiniment regrettable que le pharmacien n’ait pas approché les deux autres médecins prescripteurs pour s’assurer du bien fondé des prescriptions, Mme C n’a pas commis de faute justifiant une sanction extrême, aucun risque sérieux n’ayant été couru par les patients … ».
Le mémoire en réplique du DRASS a été enregistré le 9 mars 2006. Ce dernier souligne que l’ensemble des dysfonctionnements dont Mme C ne conteste pas la matérialité corrobore le fait que la gestion de l’officine n’était pas celle que l’on pouvait attendre d’un professionnel de santé (la remise en conformité avancée par Mme C et non vérifiée par l’inspection à ce jour ne remettant pas en cause la matérialité des constats du 5 novembre 2003). De plus, selon le plaignant :
« … les arguments avancés a posteriori pour justifier les délivrances d’Androtardyl® prouvent que Mme C n’a pas compris la gravité des faits qui lui sont reprochés, ni pris conscience du rôle attendu d’un pharmacien d’officine en termes de santé publique et de lutte contre le dopage ; et ce d’autant plus que l’Androtardyl® pouvait faire l’objet de reventes illicites, Mme C n’est absolument pas en mesure de maîtriser les quantités susceptibles d’être administrées à une même personne ».
Le maintien de la peine infligée en première instance est donc demandé, le plaignant estimant que le sursis de 6 mois accordé est déjà très clément au regard de la gravité des infractions commises ANNEXE VIII.
Par un courrier enregistré le 30 mars 2006, Mme C se déclare indignée de l’accusation qui lui est faite de ne pas avoir compris ses responsabilités dans le cadre de son exercice professionnel qui serait désormais exempt de critique – ANNEXE IX.
J’ai reçu Mme C, assistée de Me BURZOT, au siège du Conseil national le 9 octobre 2006 —
ANNEXE X. Elle m’a confirmé exercer seule aidée uniquement 24 h par semaine par un rayonniste. Son chiffre d’affaires en 2005 a été d’environ 299 000 euros. Une fois de plus, Mme C a exprimé ses regrets pour son manque de suivi dans les dispensations d’Androtardyl®, mais a insisté sur le fait que les 404 boîtes vendues en 33 mois ne constituait pas le « trafic » pour lequel elle avait été principalement condamnée en première instance.
Enfin, le 17 novembre 2006, Mme C a versé au dossier la photocopie de la facture des travaux réalisés après les dégâts des eaux, accompagnée des photographies du préparatoire et du comptoir prises depuis – ANNEXE XI.

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