Conseil de l'Ordre national des pharmaciens, rapport du rapporteur, Affaire 223 - Médicament vétérinaire, n° 523-D

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Sur la décision

Référence :
ONPH

Texte intégral

AFFAIRE MM. A et B
Document n°523-R
Le Rapporteur
Le 4 août 2003 était enregistrée au conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine une plainte formée par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de cette même région à l’encontre de MM. A et B, co-titulaire de la pharmacie … sise (annexe I). Cette plainte fait suite à une inspection de l’officine le 26 novembre 2002 conjointement par un vétérinaire inspecteur et un pharmacien inspecteur de la santé publique. Leurs constatations furent les suivantes :
« Au cours de ce contrôle, nous avons pu constater la présence d’un stock important de médicaments vétérinaires concernant une large gamme de spécialités. Ce stock était réparti en deux lieux :
- des rayonnages derrière un comptoir dans la partie réservée au public. Sur ces rayonnages figurait la mention « félin et canin » ;
- une pièce en sous-sol contenant des médicaments destinés aux animaux de rente et du matériel pour les administrer (pistolet à vermifuge, seringues…) ; dans ce local, des documents punaisés à des rayonnages indiquent ;
- « Advocine® peut être utilisé sur ovins très efficace ». Or ce médicament ne possède qu’une autorisation de mise sur le marché (A.M. M.) pour l’espèce bovine.
- « Dectornax®: efficace sur gale mouton, 1 ml/30 kg, 1 inj et en cas de sur infestation répéter 15 jours après », Or ce médicament ne possède qu’une A.M. M. pour l’espèce bovine.
Dans cette pièce se trouve un réfrigérateur contenant des vaccins vétérinaires. Sur ce réfrigérateur est affichée la mention (« VENTE D’ANTIBIOTIQUES. Nous vous informons que la vente d’antibiotiques ne peut se faire que sur présentation d’une ordonnance établie par un docteur vétérinaire. »
Un tableau blanc effaçable comporte la mention : « HAPADEX 5 bidons achetés, 1 offert ».
Il est à noter que la plupart de ces produits entrent dans la catégorie des médicaments soumis à des conditions particulières de délivrance et notamment sur présentation d’une ordonnance établie par un docteur vétérinaire avec inscription sur un livre registre. Les intéressés nous ont déclaré qu’ils étaient dans l’impossibilité de nous présenter les ordonnances, à l’exception de celles correspondant aux délivrances de Doléthal® puisqu’ils délivrent à la demande des clients venant eux-mêmes à l’officine pour se procurer les produits. Il est à noter que des délivrances de médicaments humains sans ordonnance ont également été effectuées. Il est possible de retrouver des traces de délivrances par le biais des factures et enregistrements des ventes aux clients en compte servant à l’établissement des factures. Ces factures sont établies mensuellement, elles nous ont été présentées. Pour les ventes au comptoir à des clients sans compte, il n’existe pas de système d’enregistrement des délivrances. Aucun ordonnancier des délivrances des médicaments vétérinaires n’est présent à l’officine. »
Ordre national des pharmaciens 2
Les inspecteurs insistaient sur le caractère dangereux pour la santé publique de telle délivrance notamment dans le cas ou les médicaments étaient administrés à des animaux dont la chair ou les produits étaient destinés à l’alimentation humaine. La plainte visait les infractions aux articles R.5146-51, R. 5146-52, L.5143-5, L.5144-1, R.5146-53, L.5132-8,
R.5193, R.5198, R.5146-44, R.5146-57, L.5125-25 du code de la santé publique. Le même dossier a été transmis au procureur de la République près le tribunal de grande instance de ….
I — PREMIERE INSTANCE
MM. A et B ont adressé leurs observations en défense au rapporteur de première instance (annexe II). Répondant point par point aux griefs, ils ont déclaré :
« - que les rayonnages « félin » et « canin » étaient situés dans une zone non directement accessible au public ;
- que le rayon en sous-sol n’était pas accessible au public et constituait un lieu de stockage sans terminal informatique de vente ;
- que les annotations relevées concernant Advocine® et Dectomax® avaient été établies suite aux conseils des laboratoires concernés ;
- que l’affichette mentionnant la vente d’antibiotiques informait le personnel de la nécessité d’exiger une prescription pour la délivrance afin d’essayer de se conformer à la législation ;
- que le panneau Hapadex® était posé au sol, le long du socle du meuble, non mis en évidence. Il n’était plus d’actualité depuis de nombreuses années et avait été déplacé afin d’être photographié. Il était destiné à informer l’équipe. Il ne pouvait en aucun cas être assimilé à de la sollicitation d’une clientèle qui n’a jamais eu l’occasion de le lire.
- que lui et son associé M. B possédaient des ordonnances de Dolethal® délivrées exclusivement à un vétérinaire allemand, en main propre, de même pour les spécialités humaines destinées à son activité vétérinaire au cabinet. Il s’approvisionnait à l’officine pour des raisons économiques ;
- qu’ils possédaient un ordonnancier informatique non édité sur papier le jour de l’inspection ;
- qu’ils ont fourni tous les documents et pièces demandées sans délai ;
- qu’aucun médicament n’avait jamais été expédié par la poste ;
- qu’ils n’avaient jamais fait de publicité concernant leur activité vétérinaire. Toutes les ventes étaient réalisées à l’officine avec les conseils adaptés, notamment le délai d’attente et la posologie ;
- que, concernant la délivrance d’Androcur® cette spécialité avait été délivrée sur prescription pour des clients faite par le Dr C vétérinaire à … et que les ordonnances étaient remises aux propriétaires des chiens. Cette spécialité avait été également délivrée au vétérinaire allemand, le Dr D, pour son stock destiné à la vente, sans qu’il établisse d’ordonnance ;
- que concernant la vente de vaccins, ils ignoraient que la vente pouvait engendrer des poursuites pour complicité d’exercice illégal de la médecine vétérinaire ;
- que concernant les vaccins antirabiques, un seul éleveur était concerné et que celui-ci étant lié d’amitié avec un vétérinaire, ils supposaient que la vaccination lui avait été confiée ;
- que les autres vaccins antirabiques avaient été vendus à des particuliers pour leurs propres animaux domestiques ;
- que la vente de Ventipulmin® concernait un vieux cheval de saut d’obstacle souffrant
Ordre national des pharmaciens de difficultés respiratoires et qu’en aucun cas il n’a été effectué un usage détourné de ce médicament ;
- que le chiffre d’affaires en médicaments vétérinaires représentait environ 3,5 % de l’activité de l’officine, − que le stock avait été retourné chez les grossistes et que désormais ils avaient une activité vétérinaire quasi inexistante en animaux de rente.
En pièces jointes MM A et B ont transmis des attestations de retour du grossiste (avoir ou certificat de destruction) et des copies d’ordonnancier. M. A a été reçu au siège du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine le 6 novembre 2003 (annexe III).
Les observations en réplique du plaignant ont été enregistrées le 16 décembre 2003 (annexe
IV). Le pharmacien inspecteur conteste les dires de MM. A et B notamment :
− les photographies produites étaient bien le strict reflet de ce qui avait été constaté au moment de l’inspection. Ce tableau était accroché au mur et n’a pas été déplacé pour la « prise de la photo » ;
− l’existence d’ordonnance n’avait pas été signalée lors de l’enquête sur place, ni même avant le 28 mars 2003 date de rédaction du rapport d’inspection.
De plus sur les photocopies qui ont été transmises figurent, en qualité de prescripteurs de médicaments vétérinaires, trois médecins respectivement ophtalmologiste, angiologue et stomatologue. En conclusion, selon le plaignant, les réponses apportées sont peu crédible certaines même pouvant être considérées comme fallacieuses.
Le rapport de première instance figure en annexe V.
Le 11 mars 2004, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine décidait la traduction de MM A et B en chambre de discipline.
Lors de son audience du 1er décembre 2005, la chambre de discipline les a déclarés coupables des infractions visées dans la plainte et a prononcé à leur encontre un avertissement. Il a notamment été tenu compte que la matérialité des faits était établie et non contestée mais que
MM. A et B avaient arrêté les ventes irrégulières de produits vétérinaires et qu’un jugement du tribunal correctionnel du 20 octobre 2005 les avait déjà condamnés pour les mêmes faits à 3 amendes (1 000 €, 300 € et 300 €) (annexes VI et VI bis).
Les deux décisions distinctes mais identiques ont été rendues publiques par affichage le 23 février 2006 et notifiées au plaignant le 3 mars 2006. Les décisions ayant été signées par la présidente du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine, deux exemplaires correctifs, portant cette fois la signature du président de la chambre de discipline, furent à nouveau notifiés au plaignant le 13 avril 2006.
II – APPEL
Le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Lorraine a interjeté appel de ces décisions le 31 mars 2006. Sa requête a été enregistrée au secrétariat du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens le 5 avril 2006 (annexe VII). Le plaignant critique la motivation de la décision de première instance qui lui paraît occulter le caractère de gravité des faits retenus :

Ordre national des pharmaciens « Je note en particulier :
- que ces pharmaciens ont délivré, sans ordonnance vétérinaire, des médicaments de liste I dont des antibiotiques avec les conséquences en terme de résistances induites, observées en médecine vétérinaire et humaine. En outre, de telles pratiques masquent des pathologies majeures ;
- la délivrance sans ordonnance de RABISIN visant à mettre en danger la vie des personnes ;
- les annotations erronées sur l’ordonnancier de la part de ces pharmaciens, tendant à masquer la délivrance irrégulière des médicaments vétérinaires à savoir : mentionner des noms de docteur en médecine humaine au lieu de docteur en médecine vétérinaire ;
- concernant l’argument relatif à la concurrence avec les pratiques de docteurs vétérinaires et des groupements d’éleveurs, celui-ci … / … ne saurait donner un caractère excusable aux faits commis eu égard à la santé publique, la sécurité sanitaire et la sécurité des personnes
- l’argument citant la peine infligée par le tribunal de grande instance de …, m’interroge sur l’indépendance que doit revêtir le fonctionnement et les décisions des chambres de discipline de l’Ordre.
Toutefois, et puisqu’il est cité, je note pour ma part que cette instance a bien pris en compte la gravité des faits. »
Le mémoire en défense de MM. A et B a été enregistré le 2 mai 2006 (annexe VIII). Leur conseil, Me CASSART, s’interroge tout d’abord sur la recevabilité de l’appel du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, celui-ci lui paraissant hors délai. Sur le fond, il est souligné que contrairement à ce qu’affirme le plaignant le tribunal de grande instance de … n’a pas considéré que les faits étaient d’une certaine gravité parce qu’il n’avait été prononcé qu’une amende de 1 700 € et non pas une peine d’emprisonnement, comme les textes le permettent dans ce type d’infraction. En second lieu, Me CASSART estime que c’est à bon droit que la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine avait retenu le caractère ancien des faits poursuivis qui dataient de l’année 2002 et qui n’avaient pas été réitérés depuis lors. Enfin, il est souligné que les difficultés d’application des textes en matière de distribution de médicaments vétérinaires, dû principalement à l’attitude des vétérinaires refusant dans leur majorité de rédiger des ordonnances, sont de notoriété publique.
Référence est faite aux initiatives menées par l’Ordre des pharmaciens et par l’Ordre des vétérinaires pour aboutir à une réforme de la réglementation.
J’ai reçu MM. A et B assistés de Me CASSART au siège du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens le 16 mai 2006 (annexe IX).

Un mémoire en réplique du plaignant a été enregistré le 29 mai 2006 (annexe X). Le directeur régional des affaires sanitaires et sociales réaffirme la recevabilité de son appel a minima. Il refait tout d’abord l’historique de la procédure :
« La plainte déposée par mon prédécesseur a été adressée au conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine le 1er août 2003. La décision de traduction en chambre de discipline (11 mars 2004) a été notifiée par lettre du 5 juillet 2005 soit plus de quinze mois plus tard. La chambre de discipline s’est réunie le 1er décembre 2005. Le jugement, signé par la présidente du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens a été réceptionné le 3 mars 2006. Corrigeant l’erreur de forme, le jugement signé du président de la chambre de discipline est arrivé le 13 avril 2006. Le jugement est parvenu le 3 mars 2006. Ma correspondance formant appel a minima, datée du 31 mars 2006, a été postée
Ordre national des pharmaciens le 1er avril 2006. Le délai d’un mois pour application de l’article R.4235-15 (et non
R.4432-15 comme indiqué dans le mémoire en défense) du code de la santé publique est donc respecté. Le jugement signé du président de la chambre est arrivé le 13 avril 2006. Il va de soi que ma correspondance du 31 mars vaut pour la notification du 13 avril comme pour celle du 3 mars 2006. … »
Sur le fond, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales ne souhaite pas faire de commentaire « sur l’accusation faite à l’encontre des vétérinaires de ne pas délivrer, volontairement, à des fins mercantiles, les ordonnances rendues obligatoires par la loi ». Il insiste à nouveau sur la gravité des faits reprochés à MM. A et B :
« Il faut également rappeler l’obligation faite aux éleveurs de détenir un registre d’élevage (cf. arrêté du 5 juin 2000 relatif au registre d’élevage – J.O. du 25 juin 2000), dans lequel les ordonnances – en particulier – sont consignées ou classées et les traitements sont mentionnés. Ces registres sont à viser par tout vétérinaire qui intervient dans l’exploitation et sont contrôlés, notamment, par les inspecteurs de la santé publique vétérinaire. L’éleveur, qui se procure des médicaments sans ordonnance alors qu’elle est requise, est susceptible de ne pas soumettre son élevage à un contrôle vétérinaire. De surcroît, par exemple, la pratique d’une antibiothérapie à mauvais escient peut masquer des pathologies graves et induire des conséquences notamment en termes de santé publique. […] L’argument selon lequel des réformes législatives et réglementaires seraient proposées au Ministère ne peut pas être retenu, la loi s’appliquant aussi longtemps qu’elle n’est pas modifiée. … »
Compte tenu de ces différents éléments, il vous appartient de dire la suite devant être réservée à l’appel a minima du directeur régional des affaires sanitaires et sociales de
Lorraine.
Signé
Le 20 février 2007
Le Rapporteur
Ordre national des pharmaciens

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Textes cités dans la décision

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