Tribunal administratif d'Amiens, 10 juin 2014, n° 1400987

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D’AMIENS

N° 1400987

___________

Elections municipales et communautaires

de Hermes (Oise)

M. AR A

___________

Mme Y

Rapporteur

___________

M. Thérain

Rapporteur public

___________

Audience du 27 mai 2014

Lecture du 10 juin 2014

___________

mab

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif d’Amiens

(4e chambre)

28-04-04

C

Vu la protestation, enregistrée le 28 mars 2014, présentée pour M. AR A, demeurant XXX à XXX et ses colistiers Mmes AL AM, AF AG, S AA, I J, AX AY, U V, BP BQ, AB AC, AT AU et MM. CA-CB CC, AN AO, BV BW, BJ BK, BD BE, BF BG, BN BO, G H et AJ AK par Me Vielh ; M. A et autres demandent au Tribunal :

1°) d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de XXX et d’invalider l’ensemble des résultats qui en a découlé ;

2°) de condamner M. M X et ses colistiers élus à leur verser une somme globale de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A et autres soutiennent :

— qu’en méconnaissance des dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral, les moyens de communication de la commune ont été utilisés au profit du maire sortant, qui a notamment détourné à son profit le compte Facebook institutionnel de la commune, a instrumentalisé la mise à disposition d’un local communal au profit du Secours populaire de même que le repas des anciens, a utilisé les moyens de la commune pour la reprographie d’un tract diffusé le vendredi soir et le samedi matin précédant le scrutin et a bénéficié d’un local communal pour les besoins d’une réunion destinée aux primo-votants ;

— que la propagande électorale a été irrégulière car :

— M. X et ses colistiers ont tenu sur leurs pages Facebook des propos particulièrement violents et injurieux à l’encontre de l’équipe de M. A, lesquels ont excédé les limites admissibles de la polémique électorale et ont d’ailleurs donné lieu au dépôt d’une plainte et en l’absence de toute possibilité de réponse utile et au regard de la portée du mode de diffusion employé, ces attaques violentes ont faussé la sincérité du scrutin ;

— un tract, diffusé la veille du scrutin, intitulé « Hermes notre village / Ensemble assurons son avenir », mettant en doute l’honnêteté d’un des membres de sa liste, l’honnêteté de certaines associations proches de sa propre liste et mettant en cause l’action du Comité des fêtes, a faussé la sincérité du scrutin dès lors qu’il contenait des arguments nouveaux auxquels sa liste n’a pas été en mesure de répondre ;

— que des manœuvres destinées à tromper les électeurs ont été orchestrées par la liste conduite par M. X, et notamment :

— la diffusion, avec son programme, d’un courrier de soutien prétendument signé par soixante personnes, alors qu’il est apparu que plusieurs signataires de ce document n’ont pas entendu lui apporter leur soutien ;

— la présence de la seule liste de M. X lors de la cérémonie organisée en mairie pour la remise de la carte électorale aux nouveaux électeurs ;

— l’utilisation par le maire sortant de la page Facebook de la commune sans modification de l’identité visuelle de cet outil de communication institutionnel, qui a pu être source de confusion pour les électeurs ;

— que les opérations de vote ont été irrégulières car d’une part, les opérations de dépouillement ont été interrompues avant la proclamation des résultats et les membres du bureau de vote ont quitté la salle du scrutin en emmenant les bulletins blancs et nuls ainsi que les feuilles de décompte et car d’autre part, plusieurs personnes ont été irrégulièrement radiées de la liste électorale alors que d’autres à l’inverse, y ont été maintenues à tort ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2014, présenté pour M. M X, et ses colistiers Mmes BB Z, AP AQ, AH AI, S T, BX BY BZ, AV AW, E F, BL BM, BH BI et MM. F P, G AE, Q R, K L, BT BU, CA-AZ CF, AZ BA et AN BS par Me Verdier ; M. X et autres concluent au rejet de la protestation et demandent au Tribunal de condamner M. A et ses colistiers à leur payer une somme globale de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

— que la page Facebook de M. X, intitulée « Mairie de Hermes » n’a jamais été la page institutionnelle de la commune et encore moins le média de sa communication officielle qui est le site internet intitulé « Ville de Hermes » ; que le caractère personnel et non institutionnel de cette page Facebook est manifeste et qu’elle a toujours eu vocation depuis sa création à promouvoir l’action du maire et, les élections municipales approchant, à servir d’outil de campagne électorale ;

— qu’un profil Facebook n’est pas un nom de domaine, et partant, la dénomination utilisée par M. X, « Mairie de Hermes », ne saurait être assimilée à une marque déposée ;

— que le référencement Google ne saurait conférer à la page Facebook une quelconque valeur institutionnelle ;

— que dès lors que le compte Facebook litigieux est bien le compte personnel de M. X et aucunement l’outil de communication institutionnelle de la collectivité, il ne peut tomber sous le coup de l’interdiction de la promotion publicitaire posée par l’article L. 52-1 du code électoral, ni de celle du financement prohibé par l’article L. 52-8 du même code et que la circonstance qu’un lien figurant sur le site de la collectivité renvoie au compte personnel Facebook de M. X n’est pas de nature à établir l’existence d’un avantage prohibé ;

— que la reprographie du tract diffusé le vendredi soir précédant le scrutin a été effectuée par un prestataire de service et non avec les moyens de la commune ;

— que les faits relatifs au local communal mis à la disposition du Secours populaire ou à ceux concernant le « repas des anciens » ne sont pas établis ;

— que la diffusion des propos incriminés sur la page Facebook de M. X a été extrêmement restreinte compte tenu justement des modalités de fonctionnement d’une page Facebook et au surplus, le tract que la liste conduite par M. A a fait diffuser reproduisant les messages précisément reprochés démontre que les protestataires ont pu utilement répliquer aux propos litigieux ;

— que la sincérité du scrutin n’a été nullement atteinte par le courrier de M. Z, dont le contenu n’est pas explicite et qui relève de la correspondance privée ;

— que le tract de la liste « Hermes notre village, ensemble assurons son avenir » n’est en réalité qu’une réponse, point par point et en urgence à un tract diffusé quelques heures auparavant par la liste adverse « Hermes notre commune, nos valeurs », présentant un grand nombre d’arguments nouveaux lesquels n’avaient jamais été soumis à la contradiction électorale ;

— que contrairement à ce qui est soutenu, les consorts B ont bien formellement adhéré au comité de soutien de la liste menée par M. X ;

— que rien n’empêchait M. A et ses colistiers d’être présents à la réunion de remise des cartes d’électeurs aux nouveaux électeurs de la commune ;

— que les règles relatives aux opérations de dépouillement et à la bonne tenue des listes électorales ont été scrupuleusement respectées et au surplus, les requérants ne fournissent aucun élément de nature à apprécier la réalité des prétendues fraudes qu’ils invoquent ;

Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 27 mai 2014 :

— le rapport de Mme Y, premier conseiller,

— les conclusions de M. Thérain, rapporteur public,

— et les observations de Me de Lombardon pour M. X et ses colistiers ;

1. Considérant qu’à l’issue des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Hermes, sur un total de 1203 suffrages exprimés, la liste « Hermes, notre village, ensemble assurons son avenir » conduite par M. M X, maire sortant, a recueilli 604 voix et a obtenu 18 sièges de conseillers municipaux et 4 sièges de conseillers communautaires, tandis que la liste « Hermes, notre commune, nos valeurs » conduite par M. AR A a recueilli 599 voix et obtenu 5 sièges de conseillers municipaux et 1 siège de conseiller communautaire ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des opérations électorales du 23 mars 2014 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs invoqués ;

2. Considérant qu’il est constant que M. X, maire sortant de Hermes, a développé depuis 2012 une page personnelle sur le réseau social Facebook qui se présentait sous l’intitulé « Mairie de Hermes », avec une photographie de quelques maisons et de la mairie ; qu’il existe également un site de communication institutionnelle de la commune sur internet, intitulé « ville de Hermes » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, d’une part, l’intitulé et la présentation de cette page Facebook personnelle intitulée « Mairie de Hermes », qui n’était identifiable en tant que telle que par la mention « page FB de L.X (aucuns fonds publics utilisés) » figurant en bas de page, et qui aux dires mêmes de M. X, « a toujours eu vocation, depuis sa création, à promouvoir l’action du maire et, les élections municipales approchant, à servir d’outil de campagne électorale », son référencement sur le moteur de recherches Google à une très grande proximité du site institutionnel de la commune et les liens existants entre elle et le site Internet officiel de la commune de Hermes, ainsi que le contenu à caractère institutionnel, comme il ressort d’un extrait du bulletin de service de la police municipale dans un message posté le 15 février 2014, ont pu être source de confusion pour les électeurs ; que, d’autre part, eu égard à sa position de maire sortant et aux moyens mis à sa disposition pour alimenter le contenu de sa page Facebook, M. X, candidat aux élections, a porté atteinte à l’égalité des moyens de propagande dont les candidats peuvent user ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que l’utilisation par le maire d’une telle page Facebook prêtant nécessairement à confusion avec un outil de communication institutionnel est constitutive d’une manœuvre, laquelle, compte tenu de sa fréquentation non négligeable et de l’écart de 5 voix qui a permis l’élection de la liste conduite par M. X au premier tour de scrutin, a été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Hermes ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation aux frais exposés non compris dans les dépens :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. A et autres, qui ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à verser à M. X et ses colistiers, la somme demandée par eux au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstance de l’espèce, de condamner M. X à verser à la liste conduite par M. A une somme demandée au titre des dispositions précitées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Hermes, sont annulées.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A et ses colistiers au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. X et ses colistiers au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. AR A, Mme AL AM, Mme AF AG, Mme S AA, Mme I J, Mme AX AY, Mme U V, Mme BP BQ, Mme AB AC, Mme AT AU, M. CA-CB CC, M. AN AO, M. BV BW, M. BJ BK, M. BD BE, M. BF BG, M. BN BO, M. G H, M. AJ AK, M. M X, Mme BB Z, Mme AP AQ, Mme AH AI, Mme S T, Mme BX BY BZ, Mme AV AW, Mme E F, Mme BL BM, Mme BH BI, M. F P, M. G AE, M. Q R, M. K L, M. BT BU, M. CA-AZ CF, M. AZ BA et M. AN BS.

Copie en sera adressée au préfet de l’Oise et au maire de Hermes.

Délibéré après l’audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :

M. Durand, président,

Mme C et Mme Y, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 10 juin 2014.

Le rapporteur, Le président,

signé signé

F. Y M. Durand

La greffière,

signé

M. D

La République mande et ordonne au préfet de l’Oise, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.



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Tribunal administratif d'Amiens, 10 juin 2014, n° 1400987