Tribunal administratif d'Amiens, 1ère chambre, 6 août 2024, n° 2202289
TA Amiens
Rejet 6 août 2024

Arguments

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  • Rejeté
    Vice de procédure lié à l'absence de saisine préalable

    La cour a estimé que l'inscription au titre des monuments historiques n'était pas conditionnée par cette obligation de saisine, rendant le moyen inopérant.

  • Rejeté
    Erreur d'appréciation concernant l'intérêt historique et artistique

    La cour a jugé que le bâtiment présente un intérêt suffisant pour sa préservation, écartant ainsi le moyen soulevé.

  • Rejeté
    Illégalité de l'inscription en raison de la non-limitation à la partie centrale de la façade

    La cour a considéré que la partie centrale de la façade ne peut être détachée du reste du bâtiment, rendant ce moyen inopérant.

  • Rejeté
    Conséquences financières de l'arrêté

    La cour a jugé que cet argument n'affecte pas la légalité de l'arrêté, qui est pris en application de la législation sur la protection du patrimoine.

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 1re ch., 6 août 2024, n° 2202289
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2202289
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 30 mai 2025

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet 2022 et 4 octobre 2023, la société Saint Louis Sucre, représentée par la SCP Nicolaÿ – de Lanouvelle, demande au tribunal :

1°) à titre principal, d’annuler l’arrêté du 10 décembre 2021 du préfet de la région Hauts-de-France portant inscription au titre des monuments historiques d’une partie de l’ancienne sucrerie Saint-Louis Sucre à Eppeville, ensemble la décision du 29 avril 2022 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté  ;

2°) à titre subsidiaire, d’annuler cet arrêté en tant qu’il ne limite pas l’inscription à la seule partie centrale de la façade ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’arrêté attaqué a été pris au terme d’une procédure méconnaissant l’article R. 621-92-1 du code du patrimoine en l’absence de saisine préalable de la communauté de communes de l’Est de la Somme, compétente en matière de plan local d’urbanisme, pour proposer un projet de périmètre délimité des abords ;

— il est entaché d’une erreur d’appréciation au regard de l’article L. 621-25 du code du patrimoine ;

— la décision attaquée aura pour conséquence l’abandon du projet de village industriel énergétique porté par le repreneur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de la région Hauts-de-France conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code du patrimoine ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Fumagalli, conseiller,

— les conclusions de M. Beaujard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 décembre 2021, le préfet de la région Hauts-de-France a inscrit au titre des monuments historiques une partie de l’ancienne sucrerie Saint-Louis Sucre située sur le territoire de la commune d’Eppeville (Somme). La société Saint-Louis sucre a formé un recours gracieux contre cet arrêté par une lettre du 11 mars 2022, qui a été explicitement rejeté par une décision du 29 avril 2022. Par sa requête, la société Saint-Louis sucre demande au tribunal l’annulation de l’arrêté du 10 décembre 2021, ensemble la décision du 29 avril 2022 rejetant son recours gracieux formé contre cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 621-92-1 du code du patrimoine : « Préalablement à l’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques, le préfet de région saisit l’architecte des Bâtiments de France et informe la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, de document d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale afin qu’ils proposent, le cas échéant, un projet de périmètre délimité des abords. »

3. Par l’arrêté attaqué, le préfet de la région Hauts-de-France a inscrit une partie de l’ancienne sucrerie d’Eppeville au titre des monuments historiques. Cette inscription n’est pas conditionnée au respect de l’obligation citée au point précédent, la fixation du périmètre de protection des abords relevant d’une procédure et d’un arrêté distincts, dans les conditions prévues aux articles L.621-31 et R.621-92-1 du code du patrimoine. Par suite, le vice de procédure invoqué par la société requérante, tiré de l’absence de saisine préalable de la communauté de communes compétente en matière de plan local d’urbanisme en méconnaissance de l’article R. 621-92-1 précité du code du patrimoine, est sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué. Le moyen soulevé à ce titre est donc inopérant et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L.621-25 du code du patrimoine : « Les immeubles ou parties d’immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l’autorité administrative, au titre des monuments historiques () ».

5. L’arrêté attaqué a pour objet l’inscription au titre des monuments historiques du hall de fabrication ou « bâtiment en E » de l’ancienne sucrerie Saint-Louis Sucre d’Eppeville, inaugurée en 1922, à l’exception d’une extension à l’Est dénommée « Effusion » et des appendices ultérieurs ajoutés en façade dans la deuxième moitié du XXème siècle. Il ressort des pièces du dossier que ce site industriel historique a été choisi en 1919 par la Compagnie nouvelle des sucreries réunies afin d’y bâtir une grande sucrerie qui s’appuyait sur l’agriculture de la betterave et que le site a constitué la plus grande sucrerie d’Europe durant de nombreuses années. Les travaux, rendus nécessaires par les destructions provoquées par la Première Guerre mondiale, ont eu lieu sous la direction de l’architecte Georges Lisch (1868-1960). Le site a été conçu sur le modèle de l’ancienne gare du Havre, réalisée en 1887, et se caractérise par l’utilisation de matériaux modernes qui composent l’architecture industrielle, soit le métal allié au verre. La partie centrale de la façade du bâtiment s’organise entre deux tourelles cadrant la composition avec une grande arche d’axe et cintrée, encadrée de deux arches latérales. Le tout est surmonté d’un arc en plein cintre surbaissé où se lit sur un fond de céramique blanche l’inscription « Fabrique de sucre » en céramique bleue. D’une part, le bâtiment constitue « un témoignage exceptionnel de l’industrie sucrière de la région Hauts-de-France et plus généralement en France » comme l’indique le procès-verbal de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture réunie le 23 septembre 2021, produit en défense. Il demeure représentatif d’une histoire locale particulière, celle liée à l’industrie sucrière issue de la betterave, qui est peu représentée parmi les édifices protégés au titre des monuments historiques, ainsi qu’il ressort du procès-verbal précité. D’autre part, le bâtiment inscrit constitue un exemple unique d’Art déco édifié lors de la Première reconstruction dans la région des Hauts-de-France et le seul à caractère industriel réalisé par l’architecte Georges Lisch en Picardie. L’architecture du bâtiment inscrit présente notamment une partie curviligne réalisée dans l’esprit Art déco, en vogue à l’époque de la construction, et utilise les qualités décoratives de la brique et de la céramique vernissée ainsi que le contraste des volumes et des matériaux, en introduisant du béton dans les murs de briques pour les linteaux de fenêtre et du bois pour les volets. Il ressort également des pièces du dossier que l’administration a expressément exclu de l’inscription l’extension Est et des appendices ajoutés en façade, qui sont postérieurs et constituent des modifications qui ne présentent pas d’intérêt au sens de l’article L.621-25 du code du patrimoine. Ainsi, l’inscription est limitée à l’ensemble du bâtiment qui forme un ensemble cohérent, destiné à la fabrication du sucre, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que son authenticité ait été altérée, contrairement à ce que soutient la société requérante, dès lors, notamment, que la façade d’origine existe toujours sous les adjonctions. S’il ressort des pièces du dossier que le bâtiment nécessite des travaux de réparation, cette circonstance ne fait pas obstacle à l’inscription au titre des monuments historiques. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture du 23 septembre 2021 que le bâtiment ne présente aucun risque d’instabilité. Ainsi, eu égard à l’ensemble des éléments précités, le monument inscrit présente un intérêt d’histoire et d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation. Par suite, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du IV de l’avis de l’architecte en chef des monuments historiques, que le bâtiment inscrit constitue un ensemble cohérent et que la partie centrale de la façade n’est pas détachable du reste de l’ancien hall de fabrication du sucre qui a été inscrit par l’arrêté attaqué. Dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité en tant qu’il ne limite pas l’inscription à la seule partie centrale de la façade du bâtiment.

7. En dernier lieu, si la société requérante se prévaut des contraintes financières pesant sur le propriétaire du bâtiment du fait de l’arrêté attaqué, cette argumentation est sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué, pris en application de la législation relative à la protection du patrimoine.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Saint Louis Sucre doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de La société Saint Louis Sucre est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Saint Louis Sucre et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

Délibéré après l’audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Galle, présidente,

M. Fumagalli, conseiller,

M. A, magistrat honoraire.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 août 2024.

La présidente,

signé

C. Galle

Le rapporteur,

signé

E. Fumagalli Le greffier,

signé

J.-F. Langlois

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2202289

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